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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 16:35

La politique internationale de l'environnement et l'organisation internationale de la concurrence au regard des impératifs de l'environnement relèvent d'une approche totalement différente de celle des politiques nationales. Les deux différences les plus importantes tiennent tout d'abord en la mise en interrelation de sociétés de cultures et de niveaux de développement différents, puis dans l'absence de véritables organisations contraignantes, les fonctions régaliennes, et notamment la contrainte, restant du domaine des États, malgré les tentatives récentes de l'Organisation des Nations Unies, en particulier par le biais du développement de la notion d'ingérence humanitaire.

 

Et pour commencer, une question : est-il absurde de vouloir organiser les échanges commerciaux ?

 

La politique internationale de l'environnement, aussi bien au niveau de l'édiction de principes généraux que de l'organisation de la concurrence, consiste essentiellement dans la mise en place d'accords intergouvernementaux entre États souverains, chaque État restant le seul maître de la prise de décision et de la mise en oeuvre de mesures décidées collectivement. Il ne faut pas ici confondre "accord intergouvernemental" avec "norme communautaire" (articles directement applicables des Traités, règlements, directives, décisions)….

 

Se pose donc la question de savoir s'il est réaliste de vouloir édicter des normes communes à tous les États et raisonnable de vouloir organiser de manière plus ou moins contraignante les relations économiques, le commerce et donc la concurrence à l'échelon mondial, alors même que tous les États de la Planète n'ont pas les mêmes cultures, les mêmes niveaux de développement, les mêmes impératifs, les mêmes approches de la personne et de la dignité de l'Homme. Toute tentative d'organisation des relations commerciales et de concurrence entre les États n'est elle pas vaine par nature, absurde dans sa conception même ?

 

La première absurdité réside dans les divergences entre modes de vie, la deuxième dans les oppositions d'intérêts entre blocs de même valeur économique et commerciale, comme l'ont d'ailleurs démontré les négociation de l'Uruguay Round et du Cycle du Millénaire qui se résumèrent souvent en une lutte bilatérale entre les États-Unis et la Communauté européenne, les autres États restant fluctuants au gré des alliances et des négociations. Une troisième absurdité se retrouve dans l'opposition d'une fraction non négligeable des opinions publiques -souvent très mal informées - à ce que l'on appelle la mondialisation, comme l'a démontré l'échec partiel de la réunion d'Ottawa. La dernière tient en ce que l'on raisonne en termes de concurrence pure et parfaite, alors même que celle-ci n'est que théorique, et ce par nature.

 

À titre de démonstration, le modèle d'Arrow-Debreu qui repose sur l'existence de marchés parfaits pour tous les biens et services, présents et futurs, est irréaliste car supposant que chaque bien a un prix unique et connu de tous, et surtout que les biens et les services futurs sont déjà connus aujourd'hui, ce qui est une aberration; la simple existence en matière de marchés boursiers des "ordres sans limite de prix" pour lesquels le prix n'est par définition pas connu alors qu'il concerne une valeur par définition marchande - l'action - suffit à détruire le modèle d'Arrow-Debreu, donc à démontrer l'inutilité pratique - mais non pas théorique - de la pensée néoclassique... De même, le théorème d'Arrow relatif à l'agrégation des préférences individuelles en une préférence collective, théorème dominant dans la pensée économique européenne, n'est pas totalement juste, notamment lorsqu'il doit être appliqué dans le cadre des politiques environnementales, puisque si les principes de rationalité de transitivité, d'unanimité et d'absence d'un "dictateur" peuvent être considérés comme réels, la règle de l'indépendance des alternatives représentatives affirmant que, quel que soit un agent, l'ordre de ses préférences sur deux objets quelconques est indépendants de ses préférences sur les autres objets, est contraire aux réalités des choix des citoyens; par contre, Arrow a raison d'affirmer que l'asymétrie de l'information entre les agents économiques conduit à une incertitude des choix et à des déviances du marché quant aux règles de l'équilibre général, ce qui contredit d'ailleurs le principe des alternatives non pertinentes....  Même l'existence d'un équilibre concurrentiel est fictive ne serait-ce que du fait des inévitables interventions de l'État, comme l'est d'ailleurs par définition le "commissaire-priseur" de .);Walras censé regrouper et organiser les offres et les demandes, et même si la notion d'optimum de Pareto qui s'y trouve liée est importante, elle ne peut donner qu'une tendance car négligeant les réactions individuelles et collectives, même si elle met en évidence la notion d'efficience dans l'affectation des ressources de l'économie, donc le fait que dans un état de l'économie il n'est pas possible pour un agent de faire mieux sans détériorer la situation d'un autre agent économique; l'optimum de Pareto est donc une notion "juste", mais il ne peut en aucun cas être calculé sans une certaine marge d'erreur, les valeurs individuelles n'étant jamais identiques.... L'optimum de Pareto ne doit cependant en aucun cas être rejeté car il est peut-être l'apport le plus important de l'École néoclassique à l'économie de l'environnement, mais il ne peut cependant que traduire une tendance, certains des facteurs permettant de le calculer n'étant pas chiffrables....

 

Il semble donc absurde de vouloir réglementer les relations commerciales internationales puisque globalement les États les plus développés se sentent obligés d'accepter des concessions au profit des États les moins développés, d'où des pertes de marché, voire d'influence politique, alors qu'ils sont obligés d'accepter entre eux-mêmes des concessions mutuelles ou des normes qui se veulent exemplaires mais qui sont par dessus tout pénalisantes pour eux-mêmes. Ainsi, il est très “gentil” de vouloir instaurer des écotaxes (on rappellera en passant que la récente "écotaxe" adoptée en France n'est en rien une écotaxe puisque son produit ne revient pas à la protection et à l'amélioration de l'environnement...) en vue de réduire la consommation de certaines énergies fossiles ou de préserver la couche d'ozone, mais tient-on véritablement compte des réalités économiques ? Ne détruit-on pas au nom de grands principes à la fois une base de sa propre indépendance manufacturière et énergétique tout en réduisant son potentiel d'emploi par une hausse des coûts hors de proportion ? La question qui se pose n'est-elle pas tout simplement celle de l'équité économique des politiques de l'environnement ? Et pourtant, le concept même d'écotaxe, à la condition qu'il soit bien pensé, n'est-il pas porteur de solutions ?

 

Il est cependant tout autant déraisonnable d'affirmer que les accords OMC puissent être totalement remis en cause. Il est par contre tout à fait possible de veiller à une stricte application de ces accords et d'influer sur la Communauté européenne afin qu'elle définisse une politique commerciale extérieure claire vis-à-vis tant des PVD que des États-Unis. Ainsi, comme ce dernier État continue à imposer certaines mesures unilatérales de rétorsion, des mesures d'effet équivalent à des actes de protectionnisme, à imposer des normes discriminatoires pour les producteurs non américains car non réciproques, il est vite devenu indispensable d'avoir une attitude similaire, ... ce qui ne peut pourtant à moyen terme que nuire aux deux grands marchés et blocs économiques que sont les États-Unis - et leurs “satellites” canadien et mexicain - et l'Espace économique européen. Des exemples récents ont démontré l'inanité de telles mesures réciproques de rétorsion....

 

Une attitude plus raisonnable consisterait en l'existence d'une politique environnementale et commerciale active et volontariste de la Communauté européenne au sein de l'Organisation mondiale du commerce afin de combler les lacunes des dispositifs actuels, notamment par la mise en place effective et généralisée de dispositifs de lutte contre le dumping social et le dumping environnemental. Ainsi, des clauses particulières allant en ce sens devraient obligatoirement être insérées dans les accords internationaux, ... tout en menant une politique active de limitation des fluctuations de change afin que les États cibles ne compensent pas par cette voie des contraintes nouvelles pourtant indispensables à leur harmonieux développement. La Communauté s'emploie en ce sens depuis quelques années...

 

 Il faudra cependant être assez nuancé quant à la définition même des notions de dumping social et de dumping environnemental, ainsi qu'à celle de la détermination de leur nature même. Il ne sera ainsi véritablement possible de parler de dumping environnemental que par référence, non pas aux problèmes, aux politiques, aux objectifs et aux normes internes, mais à des questions globales de préservation de l'environnement prédéfinies par le biais d'accords internationaux suffisamment larges pour être considérés comme faisant partie intégrante du droit naturel. En ce sens, la seule véritable référence possible, en dehors du cadre des marchés régionaux organisés, sera celle des conventions et déclarations du Sommet de Rio de juin 1992. On pourra ainsi poursuivre en détournement de dispositifs politiques, économiques ou réglementaires à des fins de dumping environnemental lorsqu'un État ne respectera pas ses engagements équivalents pris dans le cadre du PNUE et/ou du PNUD, et notamment par référence à l'Action 21.

 

La lutte contre le dumping environnemental ne sera donc véritablement possible que par le biais de la prise en compte de phénomènes globaux, à quelques rares exceptions près. Une telle attitude ne serait de plus pas contraire à la nouvelle organisation du commerce mondial puisque le Préambule de l'Accord de Marrakech reconnaît que les rapports commerciaux et économiques entre les États doivent permettre une utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l'objectif de développement durable, en vue de protéger et de préserver l'environnement et de renforcer les moyens d'y parvenir.

 

Lorsque l'on parle de concurrence, d'environnement et de droit international, finalement de confrontation entre les impératifs de développement durable et de commerce international, il est donc nécessaire avant tout de distinguer au moins trois échelons différents, des classifications internes à la présente systématique étant possibles :

 

-          le cadre de la Communauté européenne, la simple référence à la notion de  construction communautaire étant aujourd'hui dépassée ;

 

-          celui des relations entre États occidentaux à base culturelle commune, ou du moins proche, ce qui peut poser une interrogation sur les relations à entretenir avec des États tels que le Japon ou encore avec certains Pays de l'Europe centrale et orientale aujourd'hui candidats à l'intégration dans le moule de l'Union européenne ;

 

-          les relations avec les autres États, et en particulier avec les États en voie de développement ou à économie planifiée.

 

Les causes de distorsions dans les échanges internationaux nées des politiques environnementales nationales sont multiples; elles peuvent être directes ou indirectes, volontaires ou involontaires, mais elles sont bien réelles. Ces distorsions naissent essentiellement de trois composantes majeures des politiques environnementales occidentales : les objectifs, les instruments et les modes de financement.

 

La première cause de distorsion de concurrence tient donc aux objectifs d'environnement des politiques nationales ou régionales qui reflètent plus une culture et une situation nationale qu'une véritable prise en compte de phénomènes globaux. Il est évident que chaque État n'a pas les mêmes préoccupations ou les mêmes besoins en la matière, et il n'y a donc aucune raison justifiant que l'on puisse croire que les objectifs nationaux ou régionaux seront identiques.

 

Il y a donc distorsion lorsqu'un État introduit des objectifs de qualité de l'environnement alors que ses partenaires commerciaux ont pour leur part choisi des profils bas. Lorsque cette dernière attitude est délibérée, il sera très difficile de mettre en oeuvre des mesures compensatoires selon les règles du commerce international, car il faudrait prouver que ces normes et ces objectifs bas ont été fixés en vertu de considérations commerciales ou en violation d'actes internationaux. Donc, contrairement à Jean-Philippe Barde qui estime qu'il s'agit là d'une vue de l'esprit, ou pour le moins d'un cas de figure théorique, on peut penser qu'il s'agit là d'une source majeure de distorsions commerciales, certes pas entre États développés, mais dans les échanges et les importations avec de très nombreux pays en voie de développement. Ainsi, dire comme ce très honorable expert de l'OCDE qu'une telle position est intenable de la part des dirigeants de ces États me semble assez léger car pensé au travers du cadre classique de nos sociétés développées et démocratiques. L'absence de normes sociales ou environnementales n'a jamais véritablement entraîné de crises majeures efficientes comme le démontrent les exemples de nombreux États sud-américains ou asiatiques. Il est de même erroné de citer à contre-exemple le cas des États de l'Europe centrale et orientale, car ce serait ignorer que ces États disposaient déjà de structures sociales organisées et d'une structure industrielle développée. Il est d'ailleurs patent de constater que le pays où la revendication écologique et environnementale a joué le rôle révolutionnaire le plus grand est la Tchécoslovaquie qui était tout à l'exception d'un pays en voie de développement; ce n'est pas pour rien que des groupes allemands comme Volkswagen, Siemens ou encore Thyssen se sont précipités pour récupérer l'outil industriel tchèque.

 

L'utilisation d'instruments juridiques est elle aussi une cause majeure de distorsion. Il est évident que l'édiction de normes d'émission ou de procédés différentes selon les pays permet de favoriser les échanges extérieurs d'un État. Ainsi, l'existence de normes peu contraignantes ou d'application laxiste - y compris dans l'Union européenne - permet à un État de favoriser de manière délibérée son industrie, des normes absentes ou sans signification ne coûtent rien à l'industrie, bien au contraire en terme d'échanges. On pourrait, dans la logique du principe pollueur-payeur, assimiler ce type de détournement de l'environnement à une forme déguisée de subvention par report sur la collectivité du coût social de l'environnement ... lorsque ce dernier est pris en compte. On tient cependant bien à part la question des normes de produits, car elles relèvent d'une logique différente.

 

La thématique présente oblige également à s'interroger sur les avantages et sur les inconvénients des instruments économiques, en particulier des taxes et des redevances,  par rapport aux instruments réglementaires ou découlant des instruments réglementaires sous l'angle des échanges internationaux, puisque de la confrontation entre ces deux types d'instruments vont découler des effets tant sur les prix - donc sur la concurrence - que sur l'environnement lui-même.

 

Le recours aux instruments économiques pour mettre en oeuvre des politiques environnementales peut présenter des avantages, mais surtout des inconvénients au point de vue des échanges et de la concurrence internationale. Ce recours a actuellement le vent en poupe, et il est même préconisé par l'OCDE, puisque selon cet organisme il présente trois grands avantages potentiels : des gains d'efficience; une grande transparence; un moindre risque de manipulation par des intérêts non gouvernementaux.

 

Pour ce qui est des gains d'efficience, l'OCDE estime ainsi que, s'ils sont bien conçus, les instruments économiques pourraient y conduire et être à l'origine d'une réduction des effets négatifs sur la compétitivité internationale des producteurs nationaux. Le principal argument en cette faveur réside en une éventuelle diminution du coût total de la protection de l'environnement par une meilleure distribution de ces coûts et par des économies d'échelle. On peut être très dubitatif sur ces effets, et ce pour au moins deux raisons :

 

-          les conséquences sur la compétitivité internationale pourraient n'être que négatives en dehors du cadre des marchés régionaux organisés, des distorsions de concurrence naissant du fait des États nouvellement émergeants sur les marchés mondiaux qui n'ont aucunes normes sociales ou environnementales. Ce n'est pas à l'heure de la remise en forme des échanges commerciaux internationaux que les entreprises européennes doivent être pénalisées par des mesures dont les effets ne seraient dans tous les cas visibles qu'à moyen terme - au mieux - ;

 

-          les instruments économiques, s'ils ne sont pas calculés en tenant compte des niveaux antérieurs de pollution et de préservation de l'environnement, peuvent être assez peu dynamiques car ne tenant alors pas compte des différences entre les coûts de lutte contre la pollution déjà supportés par les entreprises et car ils peuvent entraîner un gel certain du progrès technologique par l'enfermement de l'entreprise dans des dogmes et des seuils inadaptés à la préservation de l'environnement et des ressources naturelles. C'est par exemple souvent le cas des systèmes redistributifs du style Agence de l'eau qui se traduisent par des distributions d'aides financières non conformes aux critères d'allocation efficace sur les coûts, les taxes n'étant alors qu'un moyen de financement d'aides financières, alors qu'elles sont souvent trop basses pour être incitatrices. Les instruments économiques présentent par contre un caractère réel de dynamisation de la recherche et de l'efficience environnementale s'il prennent en compte des situations antérieures et sont basés sur les seules émissions réelles. Ces instruments ne proposent donc une certaine souplesse que dans la mesure où l'on confronte les coûts marginaux des différentes entreprises nés de leurs politiques internes et où certains instruments réglementaires indispensables sont mis en place tels des permis négociables de polluer ou des aides à la mise au point de technologies nouvelles. Ils sont donc fort peu nuancés car, soit bien conçus ils sont facteurs de progrès et de préservation de l'environnement, soit mal conçus ils sont inertes et rétrogrades.

 

D'une façon générale, les instruments économiques - tout comme d'ailleurs les instruments réglementaires  auxquels ils doivent impérativement être combinés - ont des effets doubles sur les échanges internationaux. Les effets sur les prix sont ceux observés par l'impact de ces instruments sur les coûts supportés par les producteurs, qui sont naturellement reportés sur les prix des produits, ce qui affecte leur compétitivité dans les échanges internationaux. Tout dépend en fait des niveaux de redevance, des caractéristiques de ces redevances, des exonérations éventuelles, de l'introduction de taux minorés et de la mise en place de systèmes de pondération et de subventions compensatoires. Cependant, la tendance actuelle à la réduction des déficits publics imposée par l'introduction de l'Euro ne semble pas plaider en faveur de la mise en place de mesures modulées, surtout du fait de l'absence de toute véritable redistribution internalisée des ressources des taxes et redevances.

 

D'autres effets découlent de ce qui précède :

 

-          un accès plus facile au marché des produits importés ou des producteurs étrangers qui ne sont pas soumis aux contraintes de prix  si l'on ne veille pas au rétablissement de certains droits quasi-douaniers permettant de compenser les déficits nationaux des pays exportateurs, ce qui implique des études très poussées des politiques nationales de nos partenaires extra-communautaires afin de ne pas affecter la logique de la libre-concurrence ;

 

-          un accès plus facile aux marchés en l'absence de quotas transitoires permettant de mieux résister à la période transitoire d'économies d'échelle.

 

Un instrument économique peut cependant à la fois être efficace sur le plan de l'environnement et peu contraignant dans les échanges internationaux car a priori neutre sur les coûts. Ainsi, les échanges de droits d'émission et les permis négociables constituent un instrument économique qui pourrait apporter des solutions efficaces à la double condition de calculer avec précision le potentiel d'absorption des milieux - et donc de recourir ponctuellement à une action publique contraignante - et surtout de définir les maxima acceptables de pollution. Une telle approche, a priori porteuse pour les agents économiques même si les retours d'expérience sont encore trop peu nombreux, ne pourraient cependant pas être mise en place à court terme du fait d'une opinion publique encore trop mal informée et axée sur la seule notion de NIMBY - Not in my backyard, bref ... où vous voulez, mais pas chez moi ! - ; elle mériterait pourtant une mise en application à titre expérimental dans certaines zones déjà proches de la saturation quant à la capacité maximale d'absorption du milieu. Un instrument aussi délicat à manier, mais aussi innovant, peut-être l'avenir de la protection de l'environnement et de la santé dans les sociétés à économie libérale, tout en préservant les capacités concurrentielles internationales. Ainsi, si les permis sont vendus, les effets sont à terme une minimisation du coût global de la pollution, le résultat étant à terme une meilleure situation concurrentielle du pays par une allocation plus efficace des ressources; s'ils sont attribués gratuitement, les “pollueurs en place” bénéficieraient certes d'un certain avantage d'antériorité, mais sans véritables distorsions de concurrence, tous les nouveaux venus étant sur le même plan et devant acquérir les permis au prix du marché.

 

Enfin, avec les politiques de financement, on trouve un mode majeur d'apparition de distorsions de concurrence puisque si un État subventionne de manière directe ou indirecte, comme par le biais de l'achat préalable des productions,  les moyens et les actes de protection de l'environnement alors que ses partenaires appliquent de manière rigoureuse le principe du pollueur-payeur, il y a transfert des coûts sur la société nationale et non plus sur les agents économiques impliqués. Il s'agit souvent là de politiques difficiles à contrôler et à identifier, les méthodes de dissimulation étant relativement aisées, notamment dans les États fédéraux ou régionalisés. Cependant, les États européens sont dans l'ensemble assez bien armés contre le dumping économique, la grande question étant sur celle de savoir s'il est opportun politiquement de mettre en oeuvre les dispositifs anti-dumping existant.

 

Dans le cadre de la Communauté européenne, la concurrence est voulue effective, c'est-à-dire fondée sur des principes fondamentaux communs permettant la formation d'un marché intérieur unique dans des conditions analogues à celle d'un marché intérieur national. Il s'agit là d'un idéal qui ne peut cependant être viable que pour le seul marché intérieur organisé, et qui impose une application effective du principe fondamental trop souvent oublié du droit communautaire : le principe de la préférence communautaire, qui seul peut permettre de compenser les effets négatifs sur les marchés des contraintes et des normes nées de la volonté commune d'harmonisation. Nous ne développerons cependant pas ici la question des règles de concurrence internes à la Communauté européenne.

 

Dans tous les cas, il apparaît a priori que les politiques environnementales limitées à de courts espaces géographiques, surtout dans les États les plus développés économiquement, constituent une menace certaine pour la compétitivité internationale, par la création de distorsions dans les échanges internationaux - même si certaines réponses aux atteintes à l'environnement se doivent d'être globales -. Si l'on prend l'exemple du principe du pollueur-payeur, si son application peut permettre de répondre aux distorsions d'un marché interne en tant que principe commun d'allocation des coûts d'environnement, elle est un frein aux échanges internationaux et à la compétitivité par l'ajout de contraintes non économiques sur les exportations. La diversité des cultures, des niveaux de développement, des droits, impliquent des impacts économiques variés et variables des politiques environnementales, donc provoquent des effets directs sur les flux et les structures des échanges internationaux en fonction des avantages comparatifs des différents marchés.

 

Il est en fait utopique de vouloir réglementer et organiser la concurrence internationale et de vouloir imposer sans compensations des contraintes environnementales nouvelles aux États développés exportateurs tant que tous les États du monde ne seront pas arrivés à des niveaux équivalents de développement. La mise en oeuvre de politiques environnementales certes généreuses mais ignorantes de la réalité économique est en fait une cause à la fois d'affaiblissement économique et de pertes écologiques. Il est par contre indispensable de continuer à aider ces États à se développer économiquement, comme cela est toujours fait par la France. Il faut donc relancer l'engagement pris à Rio par l'Union européenne de débloquer 3 milliards d'Écus sur cinq projets pilotes au profit des pays en voie de développement. Cette mesure sera surtout contraignante pour nos partenaires de l'Union européenne, la France semblant tenir ses engagements envers les pays en voie de développement, ce qui est loin d'être le cas de beaucoup de ses partenaires.

 

Il faut dans le même esprit intensifier la coopération et l'entraide internationales, notamment en direction de ces mêmes pays en voie de développement. En ce sens, le Sommet de Rio qui a conduit à la signature d'un véritable contrat de préservation de la planète ne doit pas rester lettre morte; l'Agenda 21 n'est pas la panacée, tout ce qu'il propose n'est pas réaliste, mais il a ouvert des pistes, permis la discussion, discussion qui devrait être prolongée par la convocation de Conventions internationales quinquennales pour faire le point.

 

Une telle politique d'aide au développement peut avoir, si elle est bien conçue, la double conséquence de développer la Démocratie dans des États trop souvent déchirés et de se placer sur des marchés potentiellement porteurs à la condition de l'existence d'une réelle vie économique dans ces mêmes États.

 

Peut-être que nos dirigeants, culpabilisés par le passé colonial de l'Europe, oublient que les schémas qu'ils envisagent, posent, décident ne peuvent en fait être viables que dans le cadre d'une concurrence pure et parfaite, que tend dans l'absolu à créer et à organiser le droit international de la concurrence, mais impossible à réaliser dans les faits, le marché parfait n'étant qu'une utopie, qu'une modélisation simpliste ignorant l'élément subjectif parfait qu'est l'Homme lui-même. Le marché parfait n'existe pas, des exemples récents nous le rappellent (fraudes à la labellisation, exportations "détournées" de vache folle, ...).

 

 La grande incohérence actuelle tient peut être au fait que l'utilisation des instruments économiques vis-à-vis des partenaires extérieurs dans les politiques de l'environnement devrait être compatible avec les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce afin d'éviter des distorsions aux échanges extérieurs et un protectionnisme déguisé. La grande difficulté vient du fait qu'il faut que l'utilisation des instruments économiques extérieurs soit conforme au principe du traitement national - ce qui est logique dans le cadre d'un marché organisé, mais uniquement avec des partenaires dont les normes internes sont harmonisées - et au principe de non discrimination - ce qui signifie qu'il n'est a priori pas possible de différencier en fonction des produits pour des motifs de dumping environnemental -. Le grand risque est donc de défavoriser non pas comme le pense l'OCDE les fournisseurs étrangers du point de vue de l'entrée sur le marché mais ses propres producteurs et exportateurs.

 

Les règles du Commerce international permettent cependant aux États de percevoir certaines taxes permettant de protéger partiellement les producteurs et les exportateurs nationaux puisque le GATT comporte des dispositions relatives aux ajustements fiscaux aux frontières extérieures permettant de soumettre à certaines taxes les produits importés et de détaxer a contrario les produits exportés. De même, l'article VI du même Accord général autorise l'établissement sous certaines conditions de droits antidumping et de droits compensateurs, alors que l'article XX pose un certain nombre d'exceptions générales. Ainsi, sous réserve que les mesures nationales - ou régionales - ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien n'interdit l'adoption ou l'application de mesures de toute nature nécessaires à la protection de la santé des personnes et des animaux, à la préservation des végétaux,  à la conservation des ressources naturelles épuisables.

 

Il revient donc aux autorités communautaires de mettre en place des dispositifs plus poussés de lutte anti-dumping, non seulement économique, mais encore social et environnemental et de mettre en jeu les exceptions générales posées à l'article XX dans leurs relations avec les États n'ayant pas le même niveau de développement, et en particulier dans leurs relations avec certains États en voie de développement.

 

De plus, l'introduction de certaines discriminations à l'importation envers ces États permettrait de les tirer vers un niveau plus élevé de développement social et de préservation de l'environnement, si elle s'accompagne de la mise en oeuvre d'un certain nombre de préférences commerciales pour ceux qui font des efforts. Cependant, une telle action n'est viable qu'à la condition qu'elle soit appliquée uniformément par tous les États disposant de marchés solvables, c'est-à-dire l'Union européenne, l'Amérique du Nord, certains autres États de l'OCDE tels le Japon, la Nouvelle-Zélande et l'Australie.....

 

Toute politique non coordonnée à l'échelon de l'OCDE est donc par essence même vouée à l'échec, et ce d'autant plus que le GATT est un instrument d'une très grande flexibilité, restant soumis aux prises de position commerciale des États, dont les principes sont accompagnés d'exceptions nombreuse, même si l'environnement est de fait et de droit un élément fondamental des accords relatifs à l'Organisation mondiale du commerce.

 

En fait, pour mettre en place une relation harmonieuse entre le commerce international, l'environnement et le développement, il s'agit surtout de mettre en place des systèmes multiples de préférences commerciales - ce que savent très bien faire les États-Unis - :

 

-          une préférence communautaire afin de garantir une juste concurrence sur les marchés intérieurs nationaux et communautaire entre entreprises européennes soumises à des contraintes souvent fortes en matière environnementale. Le principe de préférence communautaire, tout comme d'ailleurs celui de limitation des intérêts nationaux dans le cadre du marché intérieur, découle du principe de solidarité ; posé à l'article 5 du Traité instituant la Communauté européenne, il avait déjà été solennellement exposé par la Cour de Justice des Communautés européennes : CJCE, 13 mars 1968, Beus et Co v. Hauptzollamt München, aff. 5-67, Rec. 1968, page 143 et ss. ;

 

-          une préférence, voire des avantages commerciaux inspirés des dispositifs de la Convention de Lomé, en faveur des PVD dont les procédés et les produits sont respectueux de l'environnement et des ressources naturelles, avec, en parallèle obligatoire, la mise en place de systèmes de rétorsion à l'encontre des pays qui ne respectent pas les normes environnementales et sociales internationales. La lutte contre le dumping vert et le dumping social, qui sont les deux facettes d'une même attitude économique, est donc un impératif à toute amélioration globale de la qualité de l'environnement et au maintien de la compétitivité des entreprises françaises, européennes et occidentales.

 

Il ne s'agit pas de mettre en place des formes déguisées de protectionnisme vert, mais bien plus d'aider les États et les sociétés en développement à franchir de nouveaux paliers tout en préservant à la fois l'environnement planétaire et une concurrence internationale la plus effective possible. Il faut en fait combiner une stricte application des dispositions des Traités communautaires et des règles du marché intérieur et la mise en oeuvre des propositions du rapport Nungesser-Royal de l'Assemblée nationale, rapport pourtant déjà ancien (R. Nungesser & S. Royal, Rio, deux ans après : Un espoir déçu, un sursaut attendu, Assemblée Nationale, Paris, Rapport d'information n° 1362, 9 juin 1994) !

 

 

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