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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 09:07

Surnommé Chrysostome, c'est-à-dire bouche d'or, en raison de son talent oratoire, ce Père grec fut prêtre à Antioche, sa ville natale, et ce après une brève expérience monastique. L'évêque Flavien lui confie la charge de prédicateur. Sa prédication est imprégnée de méditations bibliques et Jean s'adresse au peuple par des exhortations pressantes à la vie chrétienne. Parlant sans concessions, il va par exemple y défendre avec force les habitants de cette ville contre les menaces de représailles de l’empereur, après que des statues impériales aient été brisées par la foule, e qui ne manquait pas de courage à cette époque… Sa renommée est tellement grande qu'il est intronisé à Constantinople sur le siège épiscopal qui avait été celui de Grégoire de Nazianze. En conflit avec une partie du clergé et de la cour du fait de ses discours refusant toute compromission, Jean doit affronter des crises violentes qui se terminent par son exil en Arménie. C'est là qu'il mourut en 407 des suites des très grandes épreuves qu'il avait connues, ainsi que des mauvais traitements subis.

Apôtre et moraliste (au sens chrétien et non pas actuel du terme) bien plus que théologien, Jean Chrysostome (Antioche, 344 ou 350/407) avait une affection toute particulière pour saint Paul qu’il allait longuement commenter. Il laisse une oeuvre exceptionnelle avec notamment un traité sur le Sacerdoce, de très nombreuses homélies (en fait plusieurs centaines) - sur la première et la seconde lettres aux Corinthiens, sur les Actes des Apôtres, sur l'Évangile de Jean, sur l'Évangile de Matthieu, etc…- ainsi que des Catéchèses baptismales d'une très grande importance, pour ne citer que quelques-unes parmi ses oeuvres majeures. On citera encore ses Lettres d’exil, et plus particulièrement ses lettres admirables à la veuve Olympias. Très humain, spontané, proche de son peuple, Newman l’a par exemple qualifié d’âme ensoleillée.

Jean Chrysostome aimait saint Paul… Et il voulait faire partager cet amour pour l’Apôtre des Gentils, incitant les chrétiens à lire les Épîtres pauliniennes, à écouter les paroles de cet Apôtre qui restait encore peu écouté... : Quand j’écoute avec attention la lecture des épîtres du bienheureux Paul, (…) je saute de joie, tout au plaisir d’entendre cette trompette spirituelle ; je suis plein d’enthousiasme, je brûle de tendresse pour lui je reconnais la voix de mon ami (…) Pour moi, ce que je sais, si tant est que je sache quelque chose, ce n’est pas parce que j’aurais une intelligence hors pair je le sais parce que j’ai pour Paul une immense affection du fait que je ne cesse jamais de lire ses écrits (Préface aux Épîtres de Saint Paul). Si saint Paul est aujourd’hui si important dans l’Église, Jean Chrysostome y est pour beaucoup…

D’une manière générale, Jean Chrysostome est pour que les laïcs accèdent aux Écritures, pour qu’ils se forment : est votre erreur de croire que la lecture des Écritures ne concerne que les moines, alors que cela vous est beaucoup plus nécessaire encore à vous qui êtes au milieu du monde. Il y a pire que de ne pas lire l’Écriture, c’est de croire cette lecture inutile ou pratique satanique (Homélie in Matt., 2-5) !

Il insiste aussi beaucoup sur la prière, en particulier sur la prière personnelle, voulant faire de chaque maison chrétienne un lieu de prière, une ecclesia domestica. Et d’insister sur l’importance de la prière, en particulier la nuit : Que ta maison soit une église ; lève-toi au milieu de la nuit, l’âme est plus pure, plus légère. Admire ton maître. Si tu as des enfants éveille-les, et qu’ils s’unissent à toi, dans une prière commune (Homélie sur les Actes 26, 3-41). À ce propos, citons la pensée du Père Voillaume qui faisait très justement remarquer que l’in accepte facilement une nuit blanche pour voyager, pour faire la fête, alors que passer quelques heures de la nuit en Adoration apparaît comme une montagne (cité in : Père J. Arnaud, Textes choisis des Pères de l’Église, Diocèse de Marseille, 1985, page 63).

Enfin, il ne pouvait admettre la tristesse ! Il nous dit ainsi : Si celui qui se souvient de son ami relève son courage et se réjouit à son souvenir, comment celui qui se rappellera le Dieu qui a daigné nous aimer vraiment pourra t-il être triste, ou effrayer, ou craindre le danger ? (26° homélie sur l’Épître aux Hébreux, 3). La tristesse n’est pas une vertu chrétienne ; la tristesse est une offense à Dieu !

Pour finir cette introduction, cet extrait de Sur l’Épître à Tite (1, 12-14) : Dieu ne considère jamais sa dignité, mais partout notre utilité. Car si un père ne tient pas compte de sa dignité, mais balbutie avec ses petits enfants et n’appelle pas la nourriture, le couvert et les gobelets de leurs noms grecs mais de quelque langage puéril et barbare, Dieu fait beaucoup plus : parole et faits. 

Arrivons-en à l’objet de la présenté étude… Répondant aux soldats l’interrogeant, Jean le Baptiste condamnait la vaine gloire. De même, nombreux ont été les premiers auteurs chrétiens à condamner cette vaine gloire, notamment dans sa relation au métier des armes ; on peut penser ici à Tatien dans son Discours aux Grecs, à Tertullien dans son De Corona militis, à Basile de Césarée dans sa Deuxième homélie sur l’homme, et ainsi de suite… On pouvait donc présupposer que Jean Chrysostome allait condamner la vaine gloire issue du métier des armes dans son ouvrage Sur la vaine gloire et l’éducation des enfants. Or, force est faite de constater qu’il n’en est rien ! S’il parle de la vaine gloire des jeux, de celle des plaisirs offerts aux cités, de elle des acteurs, des mimes, des danseurs, de celle des hommes se parant de beaux vêtements, de celle des femmes se parfumant, et ainsi de suite, Jean Chrysostome ne dit rien sur la vaine gloire du soldat. Pourtant, il écrit bien que la gloire et les acclamations (De inani gloria, 11) sont éphémères, mais il ne parle ici que de ceux qui dépensent dans un juste mesure pour les plaisirs offerts aux cités (De inani gloria, 11). Mieux, conseillant les pères sur l’éducation de leurs fils, il écrit : À cela, ajoute la considération qu’il acquiert à l’armée dans les affaires publiques (De inani gloria, 84).

On notera que, d’une manière générale, comme la plupart des Pères, Jean Chrysostome n’aime pas le théâtre et encore moins les acteurs, comme il l’écrit par exemple dans diverses homélies dont des extraits sont repris in : J. Laporte, Les Pères de l’Église, tome II, Paris, Cerf, 2001, pp. 221-222. Néanmoins, ceci est surtout lié au fait qu'ils se travestissent, qu'ils portent des masques, jouent des dieux, participent obligatoirement à ces cultes païens, etc...

Ceci ne va cependant pas à l’encontre de l’idéal de vie monastique que défend Jean Chrysostome, en particulier dans son Contre les adversaires de la vie monastique. Dans le deuxième des discours composant cet ouvrage, le jeune Jean cherche à défendre un jeune homme souhaitant adopter l’état monastique alors même que son père le destinait au métier des armes (Adv. oppug. vit. mon. III, 12 (PG 47, 369)). Mais, malgré son apologie de la vie monastique, qu’il juge supérieure, le Chrysostome ne remet pas en cause le métier des armes. Certes, il vaut mieux vivre totalement au service de Dieu, mais le service de la cité n’est pas rejeté par Jean Chrysostome, comme l’a démontré l’extrait précité.

En fait, Jean Chrysostome ne rejette pas le service de la cité : Les uns combattent contre ceux qui commettent l’injustice, comme les soldats dans une cité ; les autres veillent à l’ensemble, à ce qui concerne le corps et la maison, comme les gens chargés de l’administration civile ; les autres donnent des ordres, comme les magistrats… (De inani gloria, 23). Le service de Dieu et celui de la cité ne s’opposent donc pas chez Jean Chrysostome. La seule exigence est que celui-ci soit exercé d’une manière honnête, juste et au service des membres de la cité, et non pas à des fins personnelles, qu’il s’agisse de gloire ou d’argent. Il écrit ainsi à propos des soldats : S’il sert dans l’armée, qu’il apprenne à ne pas faire de profits illicites (De inani gloria, 89). En effet, lorsqu’il n’était pas en campagne, le militaire était en charge d’opérations de police, opérations à l’occasion desquelles il s’exposait à des tentatives de corruption, alors qu’en campagne, il pouvait être tenté par le pillage ou par la spoliation de certaines personnes ne disposant pas de l’usage de la force. Sa vision est donc très proche de [Lc 3, 14]. Le métier des armes est donc admis ; il est même utile à la cité : Si vous privez l’armée de son général, vous la livrez sans défense aux ennemis (Sur les statues (Hom. 6, Les Œuvres complètes de saint Jean Chrysostome, trad. J. Bareille, 19 vol., Paris, 1865-1873, vol. II, p. 65), … et un père chrétien peut très bien y destiner son fils, la phrase suivante renforçant à ce sujet ce qui a été précédemment repris : Si tu le destines à la vie du monde, amène-lui de bonne heure une fiancée et n’attends pas qu’il soit à l’armée ou qu’il ait abordé les affaires publiques. (De inani gloria, 81).

Tout comme le religieux se doit d’être célibataire pour mieux servir Dieu, le civil se doit d’être marié pour mieux servir la cité, et par là même, par une juste administration Dieu lui-même. Et le caractère non honteux du métier des armes d’être renforcé par cette comparaison avec le service de Dieu : Si, en effet, ceux qui enseignent le métier des armes en ce monde apprennent de bonne heure à leurs enfants à faire campagne et à manier les armes, à revêtir le manteau militaire, à monter à cheval (…), combien plus faut-il que ceux qui servent dans l’armée du ciel revêtent toute cette parure royale (Histoire ecclésiastique, IV, 30).

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