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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 10:04

Le corps des magistrats n’a jamais eu la volonté d’exercer la plénitude des trois pouvoirs politiques, même s’il peut sembler que son indépendance le lui permette. Il est d’ailleurs de la grandeur de la justice française d’avoir su s’opposer, en se basant uniquement sur le droit, au régime de Vichy lors du procès de Riom, forçant ce régime à l’interrompre afin de ne pas se dissoudre… C’est une preuve paradoxale de la réalité et de la nécessité de l’indépendance de la Justice… Même un juge « d’exception » peut parfois se trouver envahi par le sentiment de Justice en revêtant la toge ! N’oublions cependant de citer cet exemple le rôle qu’a joué l’extraordinaire personnalité de Léon Blum… d’ailleurs lui-même formé à la rude école du Conseil d’Etat, donc … magistrat administratif. Reste, par delà cette personnalité, que le fait reste. La Justice peut être tellement impérieuse qu’elle peut ébranler des juges d’exception, même si cela reste rarissime, admettons le !

Nous parlons des juges. Les magistrats ne constituent pas une survivance du corporatisme ? Et même, allons plus loin, les conventions collectives ou encore les accords de branche ne sont-ils pas du corporatisme ? Certes… Mais le corporatisme n’est plus possible, du moins hors de certains corps, lorsque que coexistent des grosses entreprises avec des dirigeants uniquement financiers et des petites entreprises. Le corporatisme, mais le vrai, pourrait être éventuellement une solution. Mais il ne peut être aujourd’hui, sauf à l’échelon de l’artisanat, et encore strictement encadré par un droit fondé sur l’équilibre entre les parties, car la propriété des entreprises est devenue financière et échappe donc aux décideurs qui ne prennent plus de risques personnels depuis l’émergence des théories de Hobbes et du libéralisme à tout crin.

Cette confusion se maintient pourtant dans le débat politique et le dialogue social, alors que l’artisan n’a rien à voir avec la multinationale. La multinationale peut payer plus, pas l’artisan qui n’a que son travail ou celui des ses employés ; mais il est vrai qu’il est plus facile de faire payer le petit que le gros, qui, de plus, bénéficie des aides. On est là encore dans le cadre d’une fracture sociale pour répondre un concept juste, mais mal défini, passé de mode... Peut-être que l’équité nécessiterait une distinction dans le droit entre celui s’appliquant au gros et celui s’appliquant au petit, la rigueur imposée à l’un devant s’opposer à la souplesse offerte à l’autre ! Les accords de branche sont néanmoins, ne nous y trompons pas, une forme de contrat admissible, en ce sens que les négociateurs sont des élus ou ont une représentativité, que celle-ci soit issue des élections prud’homales ou des élections syndicales. Reste qu’il est plus que dommageable que beaucoup n’en aient pas conscience et ne vote pas : moins d’un quart de votants aux Prud’hommes…

Il y a trop souvent, et des deux côtés de la barricade, refus du dialogue, alors même que le dialogue est l’ouverture à la réduction des conflits et des crises, voire même de prévention. Reste que les deux parties doivent être bien au courant des réalités de chacune des autres parties et ne pas se fonder sur des idéologies ou des utopies démagogiques…, ni s’enferrer dans un dogmatisme de principe, y compris seulement financier…Mais le droit est-il intrinsèquement lié à une délibération collective ? Ceci est vrai dans les démocraties de type occidental, mais dans bien d’autres cas on en est resté au principe « Que veut le roi, que veut la loi »… Pourtant, est-ce du droit dans ce dernier cas ? Oui au sens formel. Mais ce droit est-il la justice ? Non, ou alors ce serait dire qu’Hitler ou Pol Pot étaient justes ! Il convient donc de savoir faire la critique du totalitarisme et de l’absolutisme dès lors que l’on veut la justice. Certes, il y a eu Saint Louis, le roi juste et équitable, mais justement, ce fut un saint,… même s’il eut, comme homme, ses propres dérives ! Comme le disait Aristote dans l’« Ethique à Nicomaque », une assemblée se trompe moins souvent qu’un seul homme… Mais n’oublions pas que selon Aristote, chaque forme de gouvernement ne peut se rapporter qu’à la finalité de l’État, celle-ci étant la justice ou le bien-commun. De plus, la loi, lorsqu’elle ne se fonde que sur la seule société civile, sur la seule majorité, du moins en l’absence de délibération collective, peut tout à la fois être juste et injuste… Il y a ainsi des lois qui sont injustes en elles-mêmes car n’établissant pas une véritable égalité civile entre les personnes.

Revenons ici un instant sur le libéralisme, car ce dernier est souvent posé comme contraire ou du moins inadapté à toute forme de justice sociale. Il faut en fait éviter toute approche a priori antilibérale assez primaire - encore qu’il faudrait définir ce que l’on entend par libéralisme tant ce mot a été vidé de son sens -, approche laissant place à la théorie des complots, sans pour autant la citer ou la reconnaître…. Il faut donc éviter de pétitionner sur une fausse science en favorisant et en jouant sur les peurs. Souvent, dans les critiques de la justice « à l’occidentale », dès que l’on gratte un peu, on trouve des erreurs sur les mots, les concepts, voire même le droit…

En fait, trop de commentateurs de la justice définissent ce qu’ils veulent démontrer dans leur introduction, le reste n’étant qu’au service de ceci, négligeant tous les arguments contra, ce qui est tout sauf une démarche scientifique. Mais n’est-ce pas là l’une des caractéristiques du contemporain, avec la négligence absolue de l’histoire ou le rejet de la culture générale, pourtant seuls remparts à la pensée unique ? Comment ne pas penser par exemple au monde politique, ou, pour rester dans le droit, à certains textes en matière d’environnement ?

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