Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:42

Ce que nous qualifions aujourd’hui d’ontologie était autrefois désigné par Aristote sous le nom de philosophie première (filosofia prwth ou qeologikh). Et cet auteur, dans sa conception des sciences, distinguait la physique, la mathématique et la métaphysique, les trois constituant selon lui la science spéculative (Métaph., V, 1, 1026a19) :

⑴ la physique, qui étudie les êtres matériels mobiles ;

⑵ la mathématique, qui étudie la quantité, fondée sur la réalité permanente mais inséparable de la matière ;

⑶ la métaphysique fondée sur l’idée qu’au-delà du mouvement et de la quantité l’intelligence saisit en chaque res ce qui fait que chaque réalité a une existence indépendante de la matière et du mouvement, bref sa substance. C’est cette substance qui aura été l’objet de la philosophie première d’Aristote.

Ce terme de philosophie première n’a plus aujourd’hui qu’une valeur historique, mais il est utile de le connaître puisqu’on le retrouve par exemple chez Descartes qui traite des preuves de Dieu et de l’âme dans ses Meditationes de prima philosophia, le mot étant ici utilisé dans le sens de science ayant pour objet la connaissance de Dieu et de l’âme par « raison naturelle ».

L’objet de l’ontologie est donc a priori l’étude de l’être en tant qu’être…

Si nous suivons maintenant le Révérend Père Lahr, il est possible de trouver dans l’étude des réalités trois “régions” différentes :

⒜ une région extérieure et toute de surface s’occupant des qualités des phénomènes sensibles ;

⒝ une région mixte relevant à la fois de l’expérience et de la raison, les deux constituant l’objet des sciences proprement dites. On se trouve ici dans le domaine des causes, non comme connaissance de l’essence même de ces causes, mais seulement en ce qu’elles rendent compte de la nature constante des phénomènes ;

⒞ la région de l’être, ces diverses propriétés et causes supposant une réalité essentielle et permanente, un principe d’activité et un sujet d’inhérence des qualités. C’est la région de l’être, de ce qui est en soi essentiellement et non accidentellement ou causalement. Il y a ainsi une science de l’être par rapport au paraître, de l’inconditionnel par rapport à ce qui est conditionné et dépendant. Nous sommes ici dans le domaine de la métaphysique…

Étymologiquement, le mot métaphysique aurait été forgé par un disciple tardif, en fait du premier siècle avant notre ère, d’Aristote connu sous le nom d’Andronicos de Rhodes, cet auteur ayant appelé certains des ouvrages d’Aristote ta meta to jusika, c’est-à-dire ce qui vient après la physique. Or, comme l’on s’avisa que ces ouvrages, qui venaient après les ouvrages de physique, s’occupaient des choses qui dépassaient l’expérience, on décida de donner ce sens au mot métaphysique. Mais c’est dans le Commentaire sur le Livre de Boèce sur la Trinité, et plus encore dans son In libr. I de Metaphysica prologus que Thomas d’Aquin allait donner la première définition véritablement moderne de la métaphysique comme la science de tout ce qui manifeste le sur-naturel, reprenant donc la vision aristotélicienne de connaissance des choses divines en même temps que celle des principes des sciences et de l’action, mais en insistant sur le caractère rationnel et non révélé de cette connaissance.

Il est possible de distinguer quatre secteurs dans le domaine de la métaphysique :

⑴ la théodicée, qui est l’étude de la cause première, bref de Dieu ;

⑵ la psychologie rationnelle, qui est l’étude des opérations psychologiques de l’âme ;

⑶ la cosmologie rationnelle, qui est l’étude des causes premières ;

⑷ l’ontologie, qui est l’étude des notions les plus générales qui conviennent à tout être par le fait seul qu’il est être. Elle est donc bien la science de l’être en tant qu’être, et, même si elle est ancienne puisque remontant à Aristote, sa dénomination est plus récente puisque définie par Klauber et répandue par Wolf, et ce seulement au XVII° siècle.

L’ontologie a en fait deux objets, soit un objet matériel qui comprend tout ce qui est être réel ou possible, tout ce à quoi il appartient d’exister d’une façon quelconque, ainsi qu’un objet formel qui est l’être, et, plus encore, la formalité ultime de tous les êtres.

Néanmoins, la valeur de la métaphysique est contestée en elle-même… Les grands contestataires de la métaphysique sont au nombre de trois : Hume, Kant et Comte… À contrario de ces trois auteurs, les philosophes chrétiens soutiennent qu’outre les sens, l’homme est doué d’intelligence, celle-ci permettant de saisir les seules choses sensibles donc seul l’intelligible, et ce dans les choses qui passent comme dans ce qui demeure, dans les relations, donc les causes et les principes, dans le contingent et le nécessaire, dans le relatif et l’absolu, mais seulement à la condition de se contrôler, l’intelligence permettant d’acquérir des certitudes légitimement fondées sur les réalités sensibles mais aussi supra-sensibles. Mais la contestation de ce dernier point reste vivace, un auteur tel que H. Spencer affirmant par exemple qu’il est impossible de connaître le supra-sensible.

Pourtant, il existe réellement un immatériel par abstraction, c’est-à-dire un immatériel qui peut être connu et conçu d’une manière immatérielle, cet immatériel n’étant pas autre chose que l’être des choses supra-sensibles saisi directement dans les choses sensibles, mais en faisant abstraction des autres. Par suite, cet être est tout à fait connaissable, étant même l’objet proportionné de l’intelligence qui ne peut rien se représenter que par l’être.

Pour les adversaires de la métaphysique, s’il s’agit d’un être qui existe en soi, indépendamment de la matière, il est inconnaissable s’il existe. Il est vrai que si l’immatériel en soi n’est pas objet d’intuition, si nous pouvons en avoir connaissance, cette connaissance ne pourrait qu’être inadéquate car des effets sensibles sont toujours jugés comme disproportionnés avec une cause immatérielle. Nous ne pouvons donc pas avoir une saisie positive de la propriété de ces êtres, et notre connaissance ne peut être qu’indirecte, sauf à mettre en cohérence la philosophie et la Révélation, Révélation par laquelle l’être parfait, bref Dieu, entrouvre sa vision à l’homme. Il est aussi vrai que par l’observation de certains effets matériels il est possible de s’élever à la connaissance de leurs causes immatérielles puisqu’il peut être légitime d’attribuer proportionnellement les qualités que l’on trouve dans les actes et dans les effets.

 

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:41

Pour commencer, des pistes introductives : Ex 2—3 ; Ex 12 ; Ex 14 ; Ps 22 ; le Magnificat [Lc 1, 46b-55] ; le Cantique de Déborah…

Le libre arbitre du chrétien est réel, mais il n'est cependant pas absolu puisque le baptisé reste, dans son libre arbitre, soumis aux commandements de Dieu et de l'Église [8ème canon des canons sur le sacrement de baptême du Décret sur les sacrements du Concile de Trente (3 mars 1547)]; cette idée de libre-arbitre et le concept de commandements de l'Église constituent une différence importante entre l'homme catholique et les tenants de la Réforme, et le décret du Concile de Trente sur le sacrement de baptême qui les traduit s'inscrivait dans le cadre d'une condamnation des erreurs de Luther, de Philippe Melanchthon et de la Confession d'Ausbourg. Il s'agit là d'un fondement du catholicisme, son non respect étant frappé d'anathème.

Saint Paul a su rappeler avec des mots très forts le sens de la liberté et du libre-arbitre du chrétien, en particulier dans l'Épître aux Galates. Dans cette Épître, parlant des conséquences de l'avènement de Jésus crucifié, Saint Paul montre que Jésus, par l'accomplissement de la promesse du Salut, a libéré l'homme en le régénérant à la lumière de la Foi. Désormais, l'homme, libéré du péché originel, est libre de son propre destin, libre de créer sa propre liberté mais aussi son propre carcan en se détournant de la Foi; on pourrait presque dire que depuis la venue du Christ sauveur, l'homme est seul maître de son propre péché -sa liberté dans le Christ étant telle qu'il est même libre de se damner-, confronté en permanence aux choix imposés par le souffle de l'Esprit, car celui qui est juste par la foi vivra [Ga 3, 11]. Comme l'a écrit Saint Paul, c'est à la liberté que l'homme est appelé, à la liberté par l'amour [Ga 5, 13], ce qui importe n'étant plus forcément la Loi, mais surtout l'Esprit et la Grâce du Don de Dieu, bref la nouvelle Création conséquence de l'accomplissement de la Promesse [Ga 5, 15]. Cette liberté n'est de plus pas sans conséquences sur l'ordre du monde et sur les rapports entre les hommes car elle a pour conséquence certes la responsabilité individuelle de chacun par ses choix, mais aussi l'égalité entre tous les hommes, donc la solidarité si l'on applique le commandement nouveau Tu aimeras ton prochain comme toi-même [Mc 12, 31] ; cette égalité est clairement exposée par l'Apôtre : Oui, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n'y a plus ni Juif, ni Grec; il n'y a plus ni esclave, ni homme libre; il n'y a plus l'homme et la femme; car tous, vous n'êtes qu'un en Jésus-Christ [Ga 3, 27-28] (voir aussi [Ac 15, 1-35]).

Le libre-arbitre du chrétien est en fait l'expression de la liberté offerte par Dieu à l'homme, mais cette liberté est en fait une voie, une ouverture sur un chemin où l'homme peut trébucher, car plus il avance, plus il est libre dans son choix et dans son engagement, devant toujours se questionner sur son devenir. Le libre-arbitre du chrétien est abandon à Dieu et non pas abandon par Dieu, mais il est surtout liberté et conscience, ce qui le distingue du libre-arbitre social qui s'il soumet aussi aux commandements d'une loi, n'est pas régi pas l'Amour de Dieu, donc plus imposé que librement choisi, le libre-arbitre chrétien pouvant aller jusqu'au refus de Dieu, alors que celui de la société est conçu pour éviter tout refus de la société. Ceci est fondamental. La liberté de l'homme est en fait, depuis la faute d'Adam, finie et faillible, l'homme pouvant refuser le projet d'Amour de Dieu [CEC, n. 1739]. Elle le rend surtout responsable de ses actes, dans la mesure où ces actes sont volontaires, tout acte directement voulu (étant) imputable à son auteur [CEC, n. 1736] [Gn 3, 13; 4,10; 2 S 12, 7-15].

Pensons ici à la Vierge Marie, Mère du Christ. Marie a été, est une femme consciente de ce qu'elle risque -surtout au regard de son époque- et de ce qu'elle fait, et elle l'accepte en totale liberté. C'est par la liberté absolue de son don à Dieu que Marie est devenue la plus parfaite des créatures de Dieu. Par la liberté de son "Oui", Marie est tout à la fois l'intercession avec Dieu et la sublimation de notre humanité; elle est le modèle absolu pour l'homme car elle est elle-même humaine, créature parfaite et immaculée, mais non déesse. Par son adhésion entière à la volonté du Père, à l'oeuvre rédemptrice de son Fils, à toute motion de l'Esprit Saint, la Vierge Marie est pour l'Église le modèle de la foi et de la charité [CEC, n. 967].

Tant la liberté du chrétien que l'égalité entre les hommes, proclamées tout au long des Évangiles, mais aussi dans l'Épître aux Galates, tant les principes d'Amour, de Foi, d'Espérance et de Charité, ont des conséquences fondamentales sur l'approche chrétienne, car ils sont les fondements même de la vie du chrétien.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:40

Le Père est au cœur de la mission et de la vie du Christ. Cela se ressent tout au long de la lecture des Évangiles synoptiques, même si c'est surtout chez Jean qu'apparaîtra l'idée de Jésus révélateur du Père : Celui qui m'a vu a vu le Père [Jn 14, 9]. Il s'agit là d'une révélation qui était ignorée jusqu'à la venue du Christ : Dieu est Père ! Tout le ministère de Jésus sera axé autour de la présence et de la réalité de son Père, et c'est pourquoi la présente conférence s'articulera autour de quatre aspects : ⒜ la proclamation du règne de Dieu ; ⒝ la référence constante au Père ; ⒞ la révélation mutuelle ; ⒟ la Prière de Jésus.

La proclamation du règne de Dieu - Avant tout, Jésus est annonce du règne de Dieu, de ce règne, de cette basileia qui se manifeste déjà par la venue du Fils. Avec le Fils, Dieu prend en main l'espoir de ce monde : c'est la Bonne Nouvelle, l'euaggelizô, l'Évangile annoncée aux pauvres. Cette idée de règne de Dieu était d'ailleurs déjà très enracinée dans l'Ancien Testament, comme par exemple avec les Psaumes du Règne, dont le Psaume 97; ces Psaumes étaient déjà théophanie de la proclamation du règne, annonce non pas du jugement mais du règne de Dieu, Jésus scellant cette proclamation dans l'homme, par l'homme et le Salut, d'où  son permanent appel à la conversion.

Chez Jésus, il y a insistance sur la paternité divine, et, comme l'a écrit Jungmann, on peut distinguer deux pôles dans la prédication de Jésus : un pôle eschatologique, c'est-à-dire par rapport à la fin de toutes choses, que l'on retrouve par exemple dans le discours sur la montagne, et un pôle théologique, celui du Père céleste. On ne peut en fait pas séparer en Dieu son action et son être. C'est ainsi qu'en Jésus-Christ Dieu annonce ce qu'il est; c'est pour cela qu'il envoie Jésus qui est tout annonce du règne. Ainsi, l'eschatologie révèle la théologie et permet de manifester Dieu pour ce qu'il est : un Père avant d'être un juge. Tout cela a choqué les publicains, mais Jésus l'a très fortement exprimé dans la parabole du fils prodigue [Lc 15] : Dieu est toujours prêt à accueillir, attend, espère en l'homme. Le royaume est en fait expression de la souveraineté de Dieu [Lc 12, 32-65], Jésus mettant en relation le règne avec la sollicitude aimante du Père; on peut ici penser au  Notre Père qui est à la fois affirmation du règne eschatologique du Père et affirmation de la puissance infinie de son Amour et de sa bonté. Il y a donc bien dans le message du Christ négation d'un ordre socio-religieux figé, qui asservit l'homme sous bien des aspects, cet ordre s'opposant à l'exercice de la miséricorde du Père. Un rapprochement doit ici se faire avec les deux demandes que l'on retrouve chez Luc au travers du Notre Père : celle de la sanctification du nom et l'annonce du règne, car du règne découle la sanctification du nom. Le Notre Père est en fait demande de la révélation par Dieu de sa transcendance par la venue du règne.

Chez Jean, hormis à l'occasion de l'entretien avec Nicodème - « À moins de naître à nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu... Nul, s'il ne naît d'eau et d'esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » [Jn 3] - et du dialogue avec Pilate, le règne de Dieu est peu présent, remplacé par contre par la proclamation de la vie éternelle. Il y a donc chez Jean sublimation de la théologie synoptique, les fils du royaume devenant enfants de Dieu.

La référence constante à la volonté, à la gloire et au royaume du Père - Cette référence se retrouve surtout chez Matthieu : Mon Père qui est dans les Cieux, Votre Père qui est dans les Cieux, revenant dans tous les signes et dans tous les gestes de la proclamation du Christ. Si Jésus est à la source de la parole, c'est par delà lui-même en son et au nom de son Père.

La volonté du Père habille tout le ministère de Jésus-Christ, étant sa sanctification dans le dessein d'Amour de Dieu pour le bénéfice des hommes. C'est là que réside l'obéissance et l'intention profonde de la Loi qui doit être de pardonner (cf. le sermon sur la montagne). La volonté du Père est la détermination qui conduit au royaume des Cieux : il faut donc faire plus qu'être enthousiaste, il faut agir, témoigner et pardonner. C'est en réponse aux critiques faites au Christ quant à la Loi [Mt 15, 13] que Jésus appelle à distinguer ce qui relève de son Père de ce qui vient des hommes, masquant Dieu et sa volonté -image de la vigne-. C'est sur la base de cette volonté du Père que Jésus reconnaît sa vraie famille : «Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? Quiconque fait la volonté du Père»; Jésus appelle les hommes à la communion au dessein même du Père. Ceci permet de déterminer la figure de l'Église dans la responsabilité de ses "puissants" par rapport aux plus faibles (réf. aux Anges de la Face qui, les plus petits, ont toujours accès au Père); la famille du Christ, sa communauté, c'est on Église ouverture vers le royaume des Cieux à l'imitation même des Cieux (cf. le thème biblique de la construction du temple sur le modèle montré à Moïse). Être en Église, c'est se conformer à la puissance du Père [Mt 18]. L'Église est ainsi le lieu de la présence de Jésus-Christ, lieu de réconciliation, mais aussi lieu de formation de ses frères; elle est ouverture par et sur le Père et mise en accord de la Loi avec Dieu au milieu de nous. Jésus est le premier obéissant (cf. Gethsémani), et les hommes doivent ici l'imiter.

La gloire du Père est aussi fondamentale. Jésus-Christ inaugure le royaume de Dieu, mais il insiste sur le fait que ceci n'est jamais exclusivement réservé à lui seul. Le royaume est ouvert aux disciples qui seront jugés par lui (idée de passif divin du jugement) devant son Père [Mt 10, 30-32] quand il viendra dans sa gloire : les élus seront les bénis de son Père [Mt 25, 34]. Le Père est ainsi la référence ultime dans la gloire du fils de l'homme, étant le seul responsable du royaume. Jésus ne se dérobe pas mais refuse d'empiéter sur son Père [Mt 26, 29].

L'idée du Vous – Moi – mon Père, la référence à la table du Seigneur se retrouve chez Luc [Lc 22, 22-30], le royaume de Dieu devant être celui de Jésus-Christ. Le témoignage de Jésus a donc une dimension théocentrique  sur laquelle insiste Jean : «ma nourriture est la volonté de mon Père» [Jn 6, 38-40; 19-30] : Jésus est sur terre pour réaliser les œuvres de son Père, c'est-à-dire la vie, la lumière, la résurrection, le don de sa vie [Jn 10, 18]; Jésus n'est pas autonome, son commandement étant la vie éternelle [Jn 12, 49-50], d'où son obéissance non pas servile mais Amour [Jn 2, 17; 5, 17].

La centralité du Père et l’initiative du Père dans sa Révélation - On peut ici penser à [Mt 16, 17], [Mt 11, 25-27] et à [Lc 10, 21-22]. Souvenons-nous de la profession de Foi de Pierre, puis à la réponse du Christ qui invoque "mon Père qui est aux Cieux", sa réponse se faisant à l'initiative du Père. Pensons de même à l'invective envers ceux qui n'ont pas reçu l'appel du Père, à ceux qui constituent ainsi une génération anti-tout sauf anti-soi-même. Il y a en fait révélation mutuelle du Père et du Fils, seul l'un connaissant l'autre. De même, la soumission des démons par les envoyés du Fils est un signe de la grande vision eschatologique, signe de la révélation par Dieu aux disciples eux-mêmes, mais aussi révélation d'eux-mêmes à eux-mêmes.  Chez Luc, on peut penser à l'entrée en prière de Jésus-Christ ou encore à l'envoi des 72 autres disciples [Lc 10, 1] : Jésus est toujours présent, l'envoi n'éloignant pas de lui. Jésus-Christ, toujours présent, transforme ceux qui mènent une action en son nom dans la bienveillance du Père : ceux qu'il envoie sont des pauvres.

Dieu est à la fois force de création et volonté de Rédemption. Il y a ainsi grâce de la Rédemption depuis l'origine, cette grâce venant et du Père et du Fils. La Révélation est importante et démontre le lien mutuel indissoluble entre le Père et le Fils : ni le Père sans le Fils, ni le Fils sans le Père; si Dieu le Père est relation d'Amour, il est aussi connaissance du Fils, ce qui pose la question de la christologie autour de la différence de niveau de Jésus-Christ face aux disciples par rapport au Père. Les disciples sont cependant invités à entrer dans cette connaissance mutuelle du Père et du Fils par l'humilité même du Fils par rapport au Père.

La même perspective se retrouve chez Jean, Jésus étant transparent à l'action du Père [Jn 14, 15], Jean insistant de plus toujours sur la grâce de l'illumination qui conduit au Père par Jésus, nul n'atteignant Dieu si le Père ne l'attire : l'initiative de la Révélation du Salut revient donc au Père.

La prière de Jésus - Dieu n'est pas un juge car il connaît le cœur de l'homme. Luc le dit, Jésus, Vrai Dieu mais aussi Vrai homme, priait son Père, cette prière étant toujours courte, sauf en [Jn 17]. La prière du Christ est multiple : elle est prière de louange, mais aussi d'obéissance et parfois de détresse. Par exemple, en [Mc 14, 36], il demande au Père d'éloigner cette coupe de ses lèvres....

Jésus-Christ insiste sur le Abba, le papa des araméens, comme le montre Marc lors de la prière à Gethsémani ou encore Paul dans l'Épître aux Galates à propos de la prière de Jésus-Christ dans le corps des croyants. Ce terme est très fort car la prière du Fils est trinitaire. Il utilise aussi le Pâter grec. Jésus prie toujours en commençant par invoquer son Père, et ainsi, selon Luc, la prière de Jésus-Christ est le lieu par excellence de la Révélation [Lc 3, 21], du rappel de sa position de Fils, comme lors de la Transfiguration. Jésus doit ainsi être chez son Père [Lc 2, 49].

Dans sa prière au Père, Jésus peut aussi déplorer l'échec de sa missionl, mais tout est possible au Père. Tout Fils qu'il était, il était sous la toute puissance de son Père. Dans [Jn 12, 27], Jésus en appelle encore au Père : Père sauve moi de cette heure : il y a alors gloire du Père et victoire sur le trouble humain de la Passion. Chez Jean (notamment [Jn 17]), il y a en fait glorification mutuelle, Père toute miséricorde, Père juste, Père de transcendance...

Conclusion - Jésus vient du Père et lui revient, mais avec les hommes qu'il a sauvé [Jn 20, 17] : il y a donc simultanéité du Père et du Fils et non pas succession. Jésus-Christ est Emmanuel et il baptise au Nom du Père, du Fils et de l'Esprit Saint après Pâques. On peut ici penser à Ruth et à Noémie : il n'y a pas distance mais communion. Par la Résurrection, l'humanité est devenue la multitude des premiers nés de Jésus.

 

 

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:40

Le Concile de Trente a défini l'infaillibilité de l'Église pour ce qui est de la foi, des moeurs et de la discipline, que celle-ci soit générale ou universelle. À Trente, on a considéré que "l'Église ne saurait errer" en enseignant une doctrine ou en prenant une mesure d'ordre disciplinaire contre un fidèle catholique - et seulement eux -, même si l'on y a admis qu'une telle mesure était susceptible, selon les circonstances et les temps, d'être modifiée.

La Constitution dogmatique Pastor aeternus de Vatican I - présidé par Pie IX -sur l'Église du Christ, définissant le magistère infaillible du pontife romain, nous dit que le Pape dispose du pouvoir plénier et souverain de juridiction sur toute l'Église, non seulement en ce qui touche la foi et aux moeurs, mais encore en ce qui touche à la discipline et au gouvernement de l'Église.

Elle précise aussi que lorsque le pontife romain parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine en matière de foi ou de morale doit être tenue par toute l'Église, il jouit (...) de l'infaillibilité (...) lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi ou la morale.

Vatican I n'a donc fait que poser le champ de l'infaillibilité pontificale à l'égal - ni plus, ni moins - de l'infaillibilité de l'Église, rappelant en outre que le jugement de l'Église était irréformable pour toute question liée à la foi et à la Révélation. Pie IX confirmera ce fait dans sa réponse à Bismarck de mars 1875 (le Chancelier allemand s'opposait à l'infaillibilité pontificale) par ces mots : Comme le concile Vatican I l'a déclaré en termes clairs et nets, et comme cela résulte de la nature même des choses, l'infaillibilité se rapporte exclusivement à une qualité du magistère du souverain pontife, et ce pouvoir s'étend exactement sur le même domaine que l'infaillible enseignement de l'Église, et il est lié au contenu de la sainte Écriture et à la Tradition, aussi bien qu'aux décisions doctrinales données antérieurement par l'enseignement de l'Église.

On notera que, finalement, Pie IX n'aura pas restreint le champ de l'infaillibilité de l'Église tout en faisant admettre définitivement - car il s'agit là d'une question déjà traitée lors des conciles des premiers siècles- l'infaillibilité pontificale.

Vatican II a confirmé tout cela dans Lumen Gentium et n'a remis en cause ni l'infaillibilité de l'Église, ni celle du Pape, réaffirmant les définitions précédentes, les reprenant quasiment au mot près pour certaines !

De même, les canons relatifs à l'infaillibilité du Code de droit canonique de 1917 -en fait préparé et rédigé sous la direction de Saint Pie X - n'ont pas été remis en cause par la nouvelle version du Code de droit canonique de 1983. Ainsi, le premier paragraphe du canon 749 du Code de droit canonique dit : Le Pontife Suprême, en vertu de sa charge, jouit de l'infaillibilité dans le magistère lorsque, comme Pasteur et Docteur suprême de tous les fidèles auquel il appartient de confirmer les frères dans la foi, il proclame par un acte décisif une doctrine à tenir sur la foi ou les moeurs. La similitude avec le texte de Vatican I est ici frappante.

Or, jamais Jean-Paul II n'a remis en cause la doctrine, le dogme, la foi ou la morale des Pères, des Papes ou de l'Église. Il ne demande pardon que pour des fautes commises au nom de l'Église ou du strict champ du dogme et de la foi, donc en dehors du champ de l'infaillibilité de l'Église ou du Pape. Si Jean-Paul II avait remis en cause la Révélation, le dogme, la foi ou les moeurs, il serait dans l'erreurs, mais rien dans ses propos ne se rattache à ces catégories. Mieux, dans un souci de fraternité et d'Amour, il implore Dieu de pardonner à ceux qui ont violé le dogme, la foi, et la morale. Il ne remet en rien en cause les fondements de la Catholicité.

Par ailleurs, ce que Jean-Paul II conteste, dans son homélie du 12 mars 2000 et en d'autres textes ou déclarations, ce n'est pas le dogme, la foi ou les moeurs tels que définis par la Tradition et la Révélation, mais la seule forme que l'on a pu donner à certaines actions visant à en assurer la mise en oeuvre. Il ne remet pas en cause le fond - bien au contraire - mais certaines des formes... En ramenant à la vérité de la Foi et de la Révélation, à celle du message de l’Église, Jean-Paul II fait “jouer” à plein son infaillibilité, car rappelant les détournements et les violations faites au dogme et à la Foi !

À noter que sont considérés comme anathèmes ceux qui refusent l'infaillibilité du pape et de l'Église sur les questions de Foi et de morale, la non-infaillibilité étant reconnue pour les autres cas. Ne l'oublions pas....

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:38

Le texte Nostra ætate" de Vatican II a reconnu la valeur et la validité des religions non-chrétiennes. Et puis, plus loin encore, ne peut-on pas se souvenir que le Concile de Florence en 1442 s'est opposé à l'absolutisme formel vouant à l'Enfer les non-chrétiens, thèse défendue par les Jacobites ? Certes, le Concile de Trente a pu laisser penser qu'un tel absolutisme était dans l'Église catholique, mais n'oublie t-on pas les conditions de ce Concile qui était celui d'une contre-réforme ? Et puis, il ne faut pas limiter un tel absolutisme à la seule période post-tridentine/pré-Vatican II ou au seul catholicisme (qui est bien moins exclusif que l'Islam ou le Bouddhisme par exemple en la matière) !

L’idée que le Salut peut se retrouver hors de l’Église n’est pas nouvelle, puisque le concept d’infidélité négative était déjà énoncé avant Vatican II, précisant que l’ignorance invincible de la Foi n’était pas un péché lorsqu’elle n’était pas volontaire. Il ne s’agit en fait que de la reprise de cette parole trop ignorée de Jésus-Christ : Si je n’étais pas venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n’auraient point de péché (Jn 15, 22). Ceci est clair : il ne peut y avoir péché d’infidélité pour ceux qui ignorent invinciblement la Foi…

Maintenant, le grand théologien Karl Rahner n'a t-il pas rappelé dans son Traité fondamental de la Foi, que la volonté de salut de Jésus-Christ vise tous les hommes, mais aussi que Dieu ne sauve pas l'homme sans sa propre collaboration, rejoignant ainsi Zundel lorsque ce dernier écrivait que si l'homme ne veut pas se sauver, en effet, rien ni personne ne pourra le sauver ou encore d'une certaine manière (Rm 5, 12) ? Mais, comme l'a dit Jésus en (Jn 14, 6), c'est-à-dire l'Évangile lui-même : Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi.

Cependant, Jésus n'est pas venu pour sauver les seuls chrétiens, mais bien pour sauver tous les hommes, de tous les temps, de tous les lieux ! Et si un non-chrétien se comporte, même inconsciemment, comme l'a demandé le Christ Jésus, il est sauvé, il a accès au salut ! Mieux, un catholique qui sait et qui n'applique pas n'est-il pas d'une certaine manière inférieur" dans l'accès au salut, dans et pour le salut apporté par le Christ ? Pour le non chrétien, c'est l'orthopraxie qui compte avant tout, car, pour ceux qui ne savent pas - ou n'ont pas su - qui est le Christ ou ce qu'il a dit, c'est plus leur conduite qui les sauvera (ou les a sauvé) que leur Foi ! Il en est de même pour les fidèles du Christ hors de l'Église ! Par contre, pour le catholique, la voie est plus difficile, car il doit y avoir à la fois respect de l'orthopraxie (c'est-à-dire de l'action concrète et correcte au regard du message du christ) et de l'orthodoxie (c'est-à-dire du respect du dogme et des fondamentaux de la Foi) !

Le Christianisme est donc la voie de salut extraordinaire, la plus belle, et ce à cause de sa propre excellence, ce que disait notamment le Père de Lubac ! Et Vatican II nous a rappelé aussi que Jésus Christ était venu pour sauver tous les hommes de tous les temps ! Donc, il peut y avoir du salut hors de l'Église, c'est même plus facile d'un certain côté (à la condition de ne pas avoir connu le message du Christ mais de le vivre), c'est bien plus difficile (car si l'on connaît le message du Christ et qu'on le réfute…) ! C'est vrai, il n'est pas facile d'être catholique, ça impose des contraintes !

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:38

L’un des défis majeurs de la société actuelle est de répondre aux quatre grandes questions de la gouvernance, de l'existence d'un marché, certes unique, mais organisé, de l'intercommunication, mais surtout de l'éthique internationale. Les axes majeurs deviennent donc les communications, les transports, la fabrication, mais aussi la modélisation et la philosophie !

La gouvernance, c’est tout simplement l’art de gouverner, bref, le mot remplaçant cybernétique puisque celle-ci est devenue autre chose. Cette idée n’est pas nouvelle, puisqu’on la retrouve chez Rabelais en 1534 dans la bouche de l’envoyé de Pichrochole : Par bien gouvernée l'eut augmentée, par me piller sera détruite

La gouvernance est en fait l’érection en principes fondateurs de l’organisation politique de la responsabilité et de la lisibilité, faisant ainsi coïncider l’efficacité et une vision humaniste de la société.

La gouvernance est aussi une réponse aux erreurs des grandes théories politiques et économiques du XXème siècle, notamment à celles ayant négligé les principes de solidarité, de subsidiarité et de développement soutenable. Le but de cette réponse est de permettre de rétablir l’équilibre du monde et des relations humaines, permettant d’apporter des solutions aux grands problèmes du monde. On pourrait presque dire par boutade que la gouvernance est le monde d’emploi de la société. Mais n’oublions pas non plus que rien ne peut se faire sans l’homme, contre l’homme, et là l’éducation a un rôle fondamental à jouer… C’est d’ailleurs pour accompagner ses grands principes de gouvernance que l’Union européenne développera à partir de 2007 une politique de l’éducation encore plus prioritaire…

C’est dans cet esprit que la Commission européenne a publié le 25 juillet 2001 un Livre Blanc sur la gouvernance européenne [COM(2001) 428]. Cinq principes sont à la base d'une bonne gouvernance et des changements proposés dans le Livre blanc. Chacun de ces principes est essentiel pour l’instauration d’une gouvernance plus démocratique. Ils sont à la base de la démocratie et de l'état de droit dans les États membres, mais s'appliquent à tous les niveaux de gouvernement, qu'il soit mondial, européen, national, régional ou local. Ils sont particulièrement importants pour l'Union si elle veut être en mesure de relever les défis qui lui sont posés :

⒜ Ouverture : les institutions devraient fonctionner de façon plus transparente. Avec les États membres, elles devraient pratiquer une communication active au sujet de ce que fait l'Union et des décisions qu'elle prend. Elles devraient employer un langage accessible et compréhensible par le grand public. Cela revêt une importance particulière pour améliorer la confiance dans des institutions complexes ;

⒝ Participation : la qualité, la pertinence et l'efficacité des politiques de l'Union dépendent d'une large participation des citoyens à tous les stades, de la conception à la mise en œuvre des politiques. L'amélioration de la participation devrait accroître la confiance dans le résultat final et dans les institutions qui produisent les politiques. La participation dépend de manière déterminante de l'adoption par les administrations centrales, pour la conception et la mise en œuvre des politiques de l'Union européenne, d'une approche faisant précisément appel à la participation de tous ;

⒞ Responsabilité : il convient de clarifier le rôle de chacun dans les processus législatif et exécutif. Chaque institution de l'Union européenne doit expliquer son action au sein de l'Europe et en assumer la responsabilité. Mais il faut aussi plus de clarté et une prise de responsabilité accrue de la part des États membres et de tous ceux qui participent à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l'Union européenne, à quelque niveau que ce soit ;

⒟ Efficacité : les mesures doivent être efficaces et intervenir au bon moment; elles doivent produire les résultats requis, à partir d'objectifs clairs et d'une évaluation de leur impact futur et de l'expérience antérieure, là où elle existe. L'efficacité demande également que les politiques de l'Union européenne soient appliquées de façon proportionnée, et que les décisions soient prises au niveau le plus approprié ;

⒠ Cohérence : les politiques menées et les actions entreprises doivent être cohérentes et parfaitement compréhensibles. L'Union a d'autant plus besoin de cohérence que l'éventail de ses tâches s'est étendu; l'élargissement ira dans le sens d'une plus grande diversité; les défis à relever, tels que le changement climatique ou l'évolution démographique, transcendent les limites des politiques sectorielles sur lesquelles l'Union a été bâtie; les collectivités régionales et locales sont de plus en plus associées aux politiques de l'Union. La cohérence passe par la capacité d'imprimer une direction politique et par une prise de responsabilité affirmée de la part des institutions, afin de garantir une approche intégrée dans un système complexe.

Les actions à mener dans le cadre des principes de la gouvernance sont en fait au principal les suivantes : ⑴ mieux légiférer ; ⑵ participation de la société civile ; ⑶ analyse d’impact, obtention et usage de l’expertise scientifique ; ⑷ mise à jour et simplification de l’acquis réglementaire et législatif ; ⑸ agences de régulation ; amélioration de l’application et du contrôle de l’application du droit communautaire ; ⑹ dimension régionale et locale avec dialogue permanent entre l’autorité centrale et les associations d’autorités régionales et locales, ainsi que la définition de conventions et de contrats tripartites d’objectifs ;  ⑺ recentrage des politiques et des institutions ; ⑻ espace public cohérent.

 

 

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:37

Comprendre l’interaction entre l’homme et l’environnement. (…) L’homme est avant tout le produit de son environnement géographique. (…) Nous cherchons une formule qui permette certains aspects de la causalité géographique de l’histoire universelle. Tout le rôle de la géopolitique se résume en ces mots de Mac Kinder…

Si la géopolitique a si souvent eu - et a encore parfois - mauvaise presse, cela tient en la personnalité de certains de ses pères fondateurs, ainsi qu’en l’usage qu’en firent les théoriciens du nazisme. En effet, les trois pères initiateurs - et non pas fondateurs - de la géopolitique auront été Charles Darwin (1809-1882), Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882) et Ernst Heinrich Haeckel (1834-1920. Rappelons qu’inventeur du mot écologie, Haeckel a aussi été un théoricien de la race, mais aussi de l’espace vital, selon une approche biologique ; on sait les conséquences qu’une telle vision transposée à l’humanité a pu avoir de négatif, voire même de diabolique…) qui, chacun à sa manière, définirent une théorie de la race et de la lutte évolutive, de la sélection des espèces, et même si leurs voies ont pu conduire à l’écologie et à une meilleure compréhension des origines physiques de l’homme, il est aussi indéniable que la référence à la race et à la sélection ont des connotations pour le moins négatives.

On remarquera que la géopolitique est dès son origine marquée par les théoriciens de l’évolutionnisme, et en particulier de ses caractères apparus au XIXème siècle. En effet, le premier évolutionnisme, celui de Voltaire et de Rousseau, n’était pas racisme - bien au contraire -, alors que celui du XIXème siècle est indéniablement marqué par, au minimum, un pseudo-racisme. Pour ces évolutionnistes, l’homme évoluerait du moins bien au mieux, mais les peuples colonisateurs sont représentés comme étant les seuls à la pointe de l’évolution et du progrès. À la différence du XVIIIème, on parle ici non plus de progrès mais de sens du progrès, le mieux étant pour le sauvage, qui n’est plus considéré comme un homme égal, de se civiliser selon le modèle de l’homme blanc.

Cet évolutionnisme culturel, qui induit un racisme certain, était né de l’évolutionnisme scientifique de Darwin et de sa théorie de la sélection naturelle, Darwin précisant même que c’était cette sélection naturelle qui faisait que c’est l’homme qui a le mieux développé les sociétés, car faible physiquement.

Le lien entre l’anthropologie - qui est la science du comportement en général, et plus particulièrement des sociétés - et la géopolitique est en fait évident, la géopolitique étant d’un niveau macro-, alors que l’anthropologie est plus micro- en son essence. Toujours est il que l’évolutionnisme anthropologique a été repris très tôt par certains géopoliticiens, en particulier allemands, et notamment la classification des sociétés entre sauvagerie, barbarie et civilisation, celle-ci étant la période des grande découvertes, de l’écriture, de la poudre, de l’électricité, de la vapeur, celle de l’État, de la propriété, celle de l’État, de la propriété privée et de la famille monogamique… Mais nous reviendrons plus tard sur l’anthropologie, afin de faire comprendre les liens pouvant exister avec la géopolitique.

Les deux lois de la géopolitique

⑴ Pour se développer, un État doit conquérir une zone d'influence qui lui garantisse des matières premières ou des marchés commerciaux.

⑵ Cet État doit avoir les moyens de sauvegarder cet acquis face à la convoitise des autres puissances, d'où la nécessité d'une politique de défense cohérente.

Les sept lois de l'expansion

⑴ La croissance spatiale d'un État va de pair avec le développement de sa culture.

⑵ L'étendue des États s'accroît parallèlement au renforcement de diverses autres manifestations de leur développement comme la puissance économique et commerciale ou l'idéologie.

⑶ Les États s'étendent en incorporant ou en assimilant les entités politiques de plus petite importance.

⑷ La frontière est un organisme vivant dont l'emplacement matérialise le dynamisme, la force et les changements territoriaux de l'État.

⑸ Une logique géographique prévaut dans tout processus d'expansion spatiale puisque l'État s'efforce d'absorber les régions importantes pour conforter la viabilité de son territoire - littoral, fleuves, plaines, richesses -.

⑹ L'État se trouve naturellement porté à s'étendre par la présence à sa périphérie d'une civilisation inférieure à la sienne.

⑺ La tendance générale à l'assimilation ou à l'absorption des nations les plus faibles invite à multiplier les appropriations de territoires dans un mouvement autoalimenté.

Les sept lois de la société humaine 

⑴ Aucun élément de la société humaine ne présente de stabilité temporelle définitive. Au contraire, chaque société ou chaque État apparaît comme transitoire, voué en lui-même à une disparition plus ou moins précoce : il y a donc précarité et labilité fondamentales de situation et cette labilité entretient par son existence même le renouvellement constant de l’ensemble de la société humaine (loi de labilité et de renouvellement).

⑵ Hors catastrophe globale mettant en cause son existence collective même, la société humaine dans sa globalité se révèle capable de poursuivre sa croissance au long des temps. Voué à la disparition, chacun de ses éléments porte cependant en lui-même de quoi se survivre au-delà de cette disparition, même si ses déterminants propres ont disparu voire même on été anéantis ou oubliés, et de ce fait la société humaine s’étend progressivement (loi de l’extension).

⑶ La société humaine est progressivement envahissant aux dépens de son environnement non humain et elle s’étend progressivement dans l’espace (loi de l’expansion).

⑷ Les éléments de la société humaine se complexifient indéfiniment. Si des régressions ou des dédifférenciations surviennent, elles aboutissent à des états quiescents de surévolution régressive sans possibilité de reprise du chemin précédemment suivi (loi de la complexification).

⑸ Aucune société ne peut rester ne peut rester obstinément semblable à elle-même. Elle évolue, c’est-à-dire que les actions extrinsèques, les acquisitions intrinsèques au cours de son développement de caractères modifiant sa structure mais non sa nature et, plus encore, les mutations l’enrichissent progressivement et elle a la capacité de transmettre cette information au long des temps (loi de l’évolution).

⑹ Chacun des éléments de la société participe, bien qu’unique en lui-même, à des constructions variées (loi des statuts multiples).

⑺ Les unités structurales de la société ne sont pas simplement juxtaposées, mais entrent constamment en rapport les unes avec les autres, l’une quelconque d’entre elles étant, de toute manière, nécessaire à l’ensemble (loi de l’intercorrélation).

Les trois lieux actuels de la géopolitique

⑴ L'anthroposphère

⑵ L'économie-monde

⑶ Le cyber-espace.

Les acteurs émergents

⑴ Les ONG

⑵ La société civile

⑶ Les extrémismes

Les instruments émergents

⑴ L’environnement

⑵ La manipulation

⑶ La désinformation

⑷ La nature

⑸ Les communications

⑹ L’intelligence économique

 

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:36

Comme le disait Aristote, la philosophie commence lorsque les hommes s’étonnent de ce que les choses sont ce qu’elles sont (Aristote, Métaphysique, 983a13)… Jusqu’au XVIIIème siècle, on entendait par philosophie le savoir désintéressé, englobant toutes les sciences, et cherchant à proposer des solutions aux défis se posant à l’esprit de l’homme. Depuis, et sous l’influence de la Renaissance et du progrès technique, son objet s’est restreint pour réduire à la philosophie à la seule science de l’esprit de l’homme, et de ce que cet esprit peut connaître (P. Foulquié, Mémento de philosophie, Éd. de l’École, Paris, 1949, page 5) ; on peut ainsi lire dans l’Encyclopédie que le philosophe n’admet rien sans preuve ; il n’acquiesce point à des notions trompeuses ; il pose exactement les limites du certain, du probable et du douteux, ce qui n’est pas faux et serait même utile, s’il n’y avait exclusion de toute vraie métaphysique par enfermement de la pensée dans un matérialisme organique et une croyance en un déterminisme universel mettant en cause la liberté psychologique en faisant, à la suite de Condillac, dériver de la seule sensation les activités de l’esprit.

Or, si le postulat de Condillac n’est pas totalement faux dans sa forme première, si la philosophie est éternelle, elle est aussi fille de son temps, car créatrice de concepts. Le développement actuel de l’épistémologie marque ainsi un grand retour des sciences dans la philosophie contemporaine et modifie sensiblement notre vision du monde. La philosophie est en fait perçue aujourd’hui, comme le pensait Socrate, comme étant seulement la science du doute  - même si ce doute ne doit pas conduire au pessimisme - et de la connaissance de soi, donc de son environnement ; mais elle est aussi comme le voulait Thalès la science de la recherche des causes premières et des solutions permettant d’assurer une adéquation idéale entre l’homme et la société où il vit, cette dernière dimension ayant malheureusement trop souvent été oubliée jusqu’aux dernières décennies. Il nous faut donc éviter de tomber dans le travers pessimiste d’Aristote qui voyait le début de la sagesse dans le fait de douter de tout et de tout le monde ; une telle approche de la philosophie, donc de la vision conceptuelle du monde, fondée finalement sur une absence permanente de confiance, ne peut conduire qu’à des relations sociales de tension, si ce n’est de crise ! La philosophie est une science humaine, et le retour contemporain à la philosophie morale - souvent influencée par la phénoménologie des temps passés - est le signe de la volonté de l’homme de chercher des réponses à sa réalité et à son environnement, non pas seulement technicistes, mais aussi intellectuelles, donc dépassement de Socrate et d’Aristote.

N’oublions pas ces mots terribles de Malraux qui caractérisent si bien la philosophie européenne de Socrate jusqu’à ces derniers temps : Pour détruire Dieu, et après l’avoir détruit, l’esprit européen a anéanti tout ce qui pouvait s’opposer à l’homme… (La tentation de l’Occident, Grasset, 1926, page 215 de l’édition de 1951) », car une civilisation de l’homme seul  ne dure pas très longtemps (Psychologie de l’Art,  La monnaie de l’absolu, II) ! Quelle dure vérité, de Socrate à Spencer… Et dire qu’il aura peut-être fallu attendre le très affabulateur Malraux et le très matérialiste – du moins en apparence – Sartre pour voir resurgir la véritable métaphysique et la véritable recherche des causes premières dans la pensée philosophique ! Un comble !

En ce sens, la philosophie n’est pas séparable de la réflexion de défense. En ce sens, la géopolitique, par sa fonction descriptive, doit être un outil moderne d’aide à la pensée politique. La géopolitique doit donc se concevoir autrement, même s’il ne faut pas oublier le facteur humain qui la ramène à l’ancienne géopolitique, donc à la nation en ce sens que celle-ci sublime le territoire.

Donc, tout comme l’émergence d’une nouvelle pensée stratégique est difficile, celle d’une nouvelle pensée géopolitique l’est tout autant du fait de l’exclusion dans la pensée contemporaine de l’idée de territoire. Ainsi, la défense de la France ne se fait plus sur son sol mais sur d’autres territoires, que ceux-ci soient réels ou virtuels, cette perte du lien charnel au sol, à la patrie, n’étant pas sans conséquences et sans liens avec les difficultés actuelles de la redéfinition de la stratégie.

Enfin, le dernier intérêt de la philosophie, par delà la connaissance des idées, des concepts ou des valeurs qui font ou défont les civilisations, tient en ce qu'elle permet d'apprendre à raisonner avec calme et à exprimer les idées, certes avec éloquence, mais surtout avec mesure et sobriété. On peut ici penser à l'exemple du plus grand des stratèges athéniens, Périclès, qui, fils de la philosophie, aura été un chef dans toute l'acceptation du terme.

J’ai évoqué la géopolitique… Apportons tout de suite une précision : même si elle en est proche, la géopolitique n’est pas la géographie politique ! La géopolitique est la mise en perspective des espaces et des territoires avec les enjeux et les volontés politiques ! Elle n’est donc pas forcément la réalité, et elle n’est surtout pas descriptive, car avant tout intuitive, subjective ! Mais sa difficulté tient en son incapacité à définir ses propres principes, ce qui fait qu’il y a aujourd’hui une véritable dérive du mot géopolitique qui est mis aujourd’hui un peu à toute les sauces, du fait même des géographes qui veulent l’accaparer, alors qu’elle relève plus de la science politique selon moi.

On rappellera ici que la géographie est tout à la fois une science de l’homme et une science de l’espace, étudiant la place et le rôle de l’homme dans l’espace qui l’environne. Les facteurs géographiques sont donc de deux ordres : des facteurs naturels et des facteurs humains, les deux par rapport au milieu. La géographie doit donc étudier les rapports homme-nature, tout en posant les problèmes d’utilisation de l’espace, problèmes opposant eux-mêmes deux facteurs différents : la prise en compte des facteurs physiques par rapport aux humains et les conflits d’intérêts. Cette dernière dimension est peut-être la plus proche de la géopolitique, mais elle n’est pas la géopolitique car elle est aussi aménagement du territoire, organisation administrative de l’espace, etc…, ce que n’est pas la géopolitique.

La géopolitique sert aujourd’hui d’abord à faire la paix, et si ses deux grandes lois sont toujours partiellement d’actualité, elles ne sont plus tout. La formule selon laquelle pour se développer, une structure doit conquérir une zone d'influence lui garantissant des matières premières ou des marchés commerciaux, tout comme elle doit avoir les moyens de sauvegarder ces acquis face à la convoitise des autres structures, d'où la nécessité d'une politique de défense cohérente reste valable, mais elle n’est plus seule, car la géopolitique est aussi au service de la paix ! Faire la paix… Donc dialoguer… Mais pour dialoguer, il faut connaître l’autre tout en se connaissant soi-même ; il faut connaître, sans concessions, sans se voiler la face… Mettre sur la table toutes les réalités, même ce qui déplaît, et ce de la part de toutes les parties.

La géopolitique n’est pas une fin. Elle est un outil. Par sa fonction descriptive, elle doit être un outil moderne d’aide à la décision, mais plus encore à la pensée – y compris philosophique, la philosophie étant la science des concepts – et à l’action. La géopolitique n’est donc pas immobile, pas figée, mais au contraire dynamique. Elle doit donc se concevoir autrement, même si il ne faut pas oublier que le facteur humain ramène imperturbablement à l’ancienne géopolitique, donc à la Nation en ce sens que celle-ci sublime le territoire. Donc, tout comme l’émergence d’une nouvelle pensée stratégique est difficile, celle d’une nouvelle géopolitique l’est tout autant du fait de l’exclusion dans la pensée contemporaine de l’idée de territoire, celle-ci n’étant pas le fait du seul Islam, très loin de là ; l’économie est le champ même de la déterritorialisation : mondialisation, globalisation, flux informels, …

Le nouveau rôle de la géopolitique est de prévoir les conflits potentiels, mais pas en regardant une boule de cristal : en regardant des faits, des cartes, des hommes… Elle est en fait anthropologie, car fondée sur l’analyse de faits quasiment ethnologiques pour étudier et prévoir le comportement humain en général, son objet étant tant de connaître l’autre que de se connaître… La géopolitique connaît en ce sens les mêmes difficultés que l’anthropologie, et notamment, de par son approche par le nous, elle se heurte à l’ethnocentrisme, et le géopoliticien, comme l’anthropologue, influencera les phénomènes qu’il observe, ne serait-ce que par les jugements et choix de valeur qu’il porte sur des faits concrets. Analyse et prévision sont donc les deux mamelles de la géopolitique. Et, du fait de ce que j’ai écrit précédemment, il faut rester humble en géopolitique ; il est nécessaire d’avoir une approche globale, la plus neutre possible, une approche non plus sectorielle… La géopolitique doit conduire à faire des choix, et non plus à adopter des demi-mesures, mais des choix basés sur du concret intégrant toutes les dimensions du monde, même les plus immatérielles, toutes les réalités du monde. Il faut voir le global et le local, car le jeu géopolitique dépasse la logique des blocs, des pouvoirs, tout en analysant les conséquences de ces logiques non sur des objets mais sur l’homme lui-même.

Finalement la vision du géopoliticien doit être optimiste et nouvelle, axée sur la vision de la paix qu’il peut aider à protéger et non plus sur les seuls aspects négatifs du monde… Mais pour cela, le géopoliticien se doit de se dépouiller de toute idéologie, d’être neutre… mais le parti même de l’optimisme n’est-il pas un choix a priori ?

Comme l’a écrit le général italien Carlo Jean en 1995, notre monde traverse depuis le début des années quatre-vingt un double processus : un processus d’intégration par l’économie et un processus de désintégration politique, et ce de manière tant mondiale que concomitante (cf. C. Jean, Geopolitica, Laterza, Rome/Bari, 1995). Cette simultanéité intégration/désagrégation est une nouveauté de notre temps, car jusqu’alors soit le politique et l’économique étaient liés, soit lorsqu’il y avait divergence entre ces deux processus, cela se faisait dans un sens particulier, un élément extérieur apportant la cause de la différenciation. Or, aujourd’hui, il n’est pas possible d’identifier un élément extérieur justificatif de cette divergence. Ni l’environnement, ni la religion, ni la géographie, ni la finance ne permettent de justifier par eux- et en eux-mêmes cet état de fait.

Il y a donc véritablement crise civilisationnelle, d’une dimension bien supérieure aux crises de la Renaissance et de la Réforme, car il y a divergence d’éléments jusqu’alors naviguant de pair. On est face à une catastrophe civilisationnelle et de la pensée !

Cela pose problème, car il s’agit désormais de trouver une nouvelle philosophie, les pensées et les concepts actuels n’étant plus suffisants pour expliquer un monde qui ne se conçoit plus en quatre mais en dix ou onze dimensions. Ce n’est cependant ni la mort de l’histoire, ni la mort de la philosophie. On est dans quelque chose d’autre : un véritable changement d’ère de pensée d’où l’homme ne sortira pas intact, soit en bien, soit en mal. Cela ne signifie pas que les concepts anciens soient dépassés, très loin de là, mais qu’ils doivent être repensés ou réactualisés, notamment en ce sens que certaines conceptions philosophiques trop vite rejetées sont peut-être bien plus modernes que l’on ne le croyait. Le retour à l’ésotérisme et au religieux est une traduction de ce fait, en ce sens que l’homme se cherche, mais aussi que ces sciences peuvent lui permettre de mieux comprendre sa place dans le monde.

En fait, la seule explication des disfonctionnements actuels viendrait peut-être du fait que l’homme s’est découvert comme n’étant plus le centre le monde. En accusant l’homme de pouvoir détruire la création, les écologistes – du moins certains écologistes politiques – ne relancent-ils pas le mythe de Prométhée, tout en replaçant eux-mêmes – sans le vouloir, mais de facto­ – l’homme au centre du monde puisque l’homme deviendrait le catalyseur de l’évolution ? Bref, n’y a-t-il pas contradiction essentielle au sein même de leur pensée ? Nous découvrons avec émotion que si l’Homme n’est plus (comme on pouvait le penser jadis) le centre immobile d’un Monde déjà tout fait – en revanche, il tend désormais à représenter, pour notre expérience, de la flèche d’un même Univers en voie, simultanément, de « complexification » matérielle et d’intériorisation psychique toujours accélérée. Ces mots posthumes de Pierre Teilhard de Chardin dans La Place de l’Homme dans la nature sont ici prophétiques (P. Teilhard de Chardin, La place de l’homme dans la nature. Le groupe zoologique humain, Albin Michel, 1956) …

Toute l’ancienne philosophie est d’une certaine manière morte avec la seconde guerre mondiale, ce qui n’est pas forcément un mal, et une nouvelle doit naître, est dans les douleurs de l’enfantement, devant répondre aux interrogations d’un monde non plus anthropocentré, non plus à quatre dimension mais tout autre. Le monde d’Hésiode, de Démocrite, d’Héraclite, de Socrate, de Platon, d’Aristote, de Thomas d’Aquin est mort ! Celui de Descartes, de Pascal, de Leibniz, de Kant, de Nietzsche est mort ! Leurs idées ne sont donc plus totalement vraies car fondées sur du faux ! C’est surtout le doute permanent insinué dans les esprits qui doit disparaître, non pas qu’il faille supprimer le questionnement – bien au contraire –, mais il faut aussi croire en ce que l’on dit et surtout ne plus chercher, par un quelconque jeu dialectique, seulement à détruire l’autre en se détruisant soi-même ! Mais cela ne veut pas dire non plus qu’il faille les jeter à la poubelle, très loin de là… Notons par contre, qu’à l’imitation des grands philosophes et à contrario de ces derniers années, la philosophie - et la géopolitique - se doit désormais d’être à nouveau universelle, tant mathématique et physique que littéraire.

Nous avons parlé de place de l’homme dans le monde. Cela est décisif. Car désormais l’homme cherche non seulement à se connaître, mais aussi à comprendre sa place dans le monde qui l’entoure, sa place dans l’univers, et là encore le religieux ne peut que revenir en force, car donnant à l’homme face à Dieu dans la Création, elle lui apporte des solutions, des réponses, que celles-ci soient vraies ou fausses. L’homme dans le monde qui l’entoure… La finalité de l’homme… On nage ici en pleine philosophie, mais on est aussi proche de la géographie, de la psychologie, mais aussi proche de l’écologie, de cette science des êtres vivants dans le milieu qui les entoure. On est aussi proche de l’anthropologie, cette science qui permet à l’homme, par la connaissance de son comportement, d’en apprendre tant sur l’autre que sur lui-même…Et c’est là que la géopolitique est une science d’actualité, en ce sens qu’elle cherche à comprendre en quoi les attitudes politiques globales sont influencées par le milieu physique…

La géopolitique est donc une science actuelle, mais qui ne doit pas être prise comme ce fut trop souvent le cas comme isolée, mais en union avec l’anthropologie et l’écologie qui en sont à la fois partie et extérieur. Pourquoi ces trois sciences ? Tout simplement peut-être parce que ce sont les trois sciences majeures de l’interrelation entre les êtres vivants, permettant également d’introduire et de comprendre d’autres sciences telles que la biologie, la botanique, l’astronomie, …

Donc, plus qu’une voie de puissance, pour reprendre les mots du général Pierre Gallois, la géopolitique est une voie de connaissance, et par là même de compréhension, donc de décision… La géopolitique doit donc être dépouillée de ses oripeaux passés, de sa seule perspective militaire ou guerrière pour être aujourd’hui universelle ! Et c’est pourquoi la géopolitique sera ici conçue comme la science de l’homme dans la biosphère, prise au niveau politique et institutionnel, mais aussi des relations sociales et avec le milieu environnant.

La géopolitique est la fille du XIXème siècle. Elle est d'abord une pratique : celle de la réalité des peuples et des États. Elle est ensuite une méthode. Elle intègre des éléments venant de l'histoire, de la géographie, de la sociologie, de l'économie, de la philosophie, etc… Enfin, plus qu’une science, la géopolitique est une spéculation fondée sur des faits, mais aussi sur des choix… Elle est donc plurielle.

Voici plus de vingt ans, Yves Lacoste affirmait que la géopolitique servait avant tout à faire la guerre (cf. Y. Lacoste, La géographie ça sert à faire la guerre, Maspero, Paris, 1976) ! Si ce constat a été une réalité pendant longtemps, il n'est plus totalement exact, d'autant plus que la géopolitique est aujourd'hui tant externe qu'interne. De plus, les réponses militaires classiques ne sont plus applicables à toutes les situations, à toutes les menaces, à tous les risques. L’épisode du 11 septembre 2001 est là pour le démontrer, et rien ne tend à prouver l’efficacité de la réponse militaire en Afghanistan, même ponctuellement dans la lutte contre le terrorisme…

Le rôle nouveau de la géopolitique est plus de proposer des solutions, d'aider à faire la paix, que celle ci soit internationale ou sociale. Ceci impose d'avoir une approche globale et non plus sectorielle, temporelle et non plus limitée. Il faut faire des choix et non plus adopter des demi-mesures, mais des choix basés sur du concret, intégrant toutes les dimensions du monde et de la société, donc sur une vision nouvelle.

On notera enfin que les phénomènes et les analyses géopolitiques sont applicables et transférables non seulement aux États ou aux blocs, mais aussi à toutes les structures humaines. On peut ainsi dire que d’une certaine manière les mêmes « règles du jeu » régissent les relations humaines, que ce soit à l’échelle de la planète à celle de la cité de banlieue ; et une telle approche permettra de mieux comprendre les phénomènes contemporains de fracture sociale…

Selon Bruno Latour, la société contemporaine n’aurait jamais été moderne, et il n’est pas impossible de l’interpréter au regard des schémas classiques... ; il développe en particulier cette idée in : Politiques de la nature, La Découverte, Paris, 1999, et surtout in : Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique, La Découverte, Paris, 1997, 2ème éd. Certes, le global efface l’international et le national, tout comme la mondialisation efface le territoire ; il y a une crise sémantique et remise en cause des concepts philosophiques, géopolitiques et géostratégiques traditionnels.

De ce fait, notre société que l’on pourrait qualifier d’évolutive serait un modèle inédit regroupant aussi bien des caractères de société archaïque que de société médiévale, baroque, moderne ou post-moderne. Ainsi, l’émergence de caractères médiévaux ou baroques est un élément majeur à retenir. Avec le retour au médiéval par la dialectique du fini et de l’infini, de l’interne et de l’externe, l’évolution des modes de communication, avec le retour au baroque avec la dialectique de l’homogène et de l’hétérogène, une relation au temps à la fois prospective et historique, on peut constater un retour de l’influence des modèles néo-stoïciens latins, et en particulier de la vision du monde qu’avaient Épictète ou Cicéron, notamment dans la perception du droit et de la nature. Il n’y a donc pas de modèle de crise, mais d’une certaine façon crise des modèles…

Notre société se trouve aujourd’hui à un point de conjonction de son évolution que l’on pourrait, comme cela a déjà été dit, comparer à la phase de transition entre le bas Moyen Âge et la Renaissance, à la recherche d’un équilibre - d’où la crise de croissance plus que de confiance de la société actuelle - qui la conduira vers un équilibre des relations et des activités humaines dans un respect mutuel.

Il ne s’agit pas là d’une utopie, même si ces équilibres sont à rapprocher des modèles idéalisés par ceux que l’on appelle les Utopistes, mais le fruit d’une longue évolution lancée voici plusieurs siècles, avant la rupture de la Réforme et de la Renaissance.

Lorsque André Malraux proclamait que le XXIème siècle serait spirituel ou ne serait pas, il pensait bien au spirituel et non pas au religieux comme beaucoup l’on dit à sa place, la difficulté étant d’intégrer cette dimension spirituelle dans un monde pluriel, donc de modifier des habitudes de travail et de relations sociales à un modèle de société qu’il faut adapter et non pas briser. Il est d’une certaine manière rassurant de constater que notre civilisation actuelle ne donne pas naissance à une nouvelle approche philosophique mais ne fasse que reprendre des concepts anciens, puisque l’histoire démontre que l’émergence de chaque concept philosophique nouveau aura été concomitante avec une phase de décadence.

La vertu de nos sociétés contemporaines est donc, tout en progressant, de continuer à faire du neuf avec du vieux, assurant ainsi une continuité qui lui a peut-être manqué dans les siècles passés… Deviendrait-on sages et raisonnables, malgré les apparences ? A-t-on finalement réussi à réconcilier la foi au sens large et la raison au sens large ? Atteint-on enfin un point d’équilibre entre la nature et l’homme ? Va t-on enfin non plus détruire mais continuer ?

Et cette idée d’équilibre n’est pas nouvelle ; elle n’est même pas moderne et se retrouve chez de nombreux auteurs anciens, et en particulier dans la théorie du juste milieu défendue par Alphonse de Liguori, entre laxisme et rigorisme, et défendant la nécessaire harmonie entre les principes de vérité, de conscience et de liberté. De même, la pensée scientifique de Paracelse se fondait sur la subtilité de l’équilibre entre les substances, alors que Leibniz développa une théorie de balance de la paix fondée sur le rapport puissance/sagesse. Tout comme, la vision thomiste des vertus de la conscience et de la vérité, l’homme étant conçu comme un être destiné par nature à vivre en cité - comme le pensait d’ailleurs Aristote avant lui - fonda une loi naturelle de la morale basée sur la raison et sur l’équilibre des inclinations…

Reste que les hommes ont souvent tendance à oublier le passé, celui-ci n’étant pas là pour nous dire ce qui doit être fait mais bien plus pour nous signaler ou nous alerter sur ce qui ne doit pas ou plus être fait… Et là, on peut relire saint Thomas d’Aquin : bien commun, solidarité, subsidiarité… L’histoire de philosophie reste donc bien d’actualité…

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:35

La position de l’Église catholique quant à l’adhésion de catholiques à une association maçonnique est a priori claire : il est interdit d’y adhérer et une adhésion constitue un péché grave interdisant l’accès à la Sainte Communion. Que l’on soit d’accord ou pas, c’est comme ça ! (cf. Déclaration de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur les Associations maçonniques du 26 novembre 1983 link).

Par ailleurs, on doit admettre à partir des mêmes sources que même les plus hautes autorités locales n’ont pas le droit de déroger à cette règle, y compris pour ce qui est de la collaboration avec une association maçonnique, qu’on le déplore ou non pour certaines, en particulier pour celles relevant du rite écossais. Le Vatican est clair : Malgré la diversité qui peut exister entre obédiences maçonniques, en particulier dans leur attitude déclarée envers l'Église, le Siège apostolique discerne certains principes communs entre eux qui exigent la même évaluation par toutes les autorités ecclésiastiques. "

La seule possibilité pour collaborer avec une telle association, mais non pas y adhérer, reste une dérogation accordée par le Saint-Siège, ce qui est possible, même si Benoît XVI, auteur de la déclaration de 1983, semble assez hostile à toute forme de collaboration ! Ceci n’empêche pas par contre d’être ami avec des francs-maçons, ni de chercher à les éclairer sur les contradictions entre leur engagement et la Foi catholique, ni même de participer au coup par coup à certaines actions, mais si possible dans ce dernier cas, après accord de son Ordinaire… La catéchèse n'est pas interdite ! Il ne faut jamais renoncer à aller chercher la brebis égarée, voire même (j'outre volontairement, donc ne pas déformer, mais au contraire re-former) à convertir le loup (ce que ne sont pas, très loin de là, tous les francs-maçons), le lion pouvant un jour manger à la même table que la gazelle comme nous l’apprend [Is 11, 1-9] ! L'Église ne parle pas de la fréquentation des francs-maçons, mais de la participation active à leurs travaux et d'adhésion entière et soumise à une association maçonnique. Voilà ce qui est interdit… Les relations humaines ne sont pas en cause ; ce qui est interdit, c'est l'adhésion irréfléchie et soumise à leurs thèses ou à une Loge.

On notera que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi rappelle clairement que pour un chrétien catholique, il n'est pas possible de vivre sa relation avec Dieu, dans un double mode la divisant entre une forme supraconfessionelle humaniste et une forme intérieure chrétienne. Il ne peut pas cultiver deux types de relations avec Dieu, ni exprimer sa relation avec le Créateur à travers des formes symboliques de deux types.

Maintenant, quelques autres points de précision.

Il faut en premier se souvenir qu’il n’existe pas une Franc-Maçonnerie mais des Franc-Maçonneries : ⑴ l’une dite régulière, qui accepte toutes les religions et philosophies ;  ⑵ l’autre, dite irrégulière, fondée sur l’athéisme et l’agnosticisme ; ⑶ sans parler de multiples groupuscules qui se prétendent maçonniques, même s’ils n’ont que très peu avoir avec la Franc-Maçonnerie.

Il est bien évident que la condamnation de l’Église se rapporte totalement aux deux dernières de ces catégories, comme le font clairement comprendre les condamnations fondées sur des données spirituelles de la Franc-Maçonnerie, d’Ecclesiam (Pie VII, 1821) à Humanus genus (Léon XIII, 1884) - bizzarement plus aucun à réelle portée depuis Léon XIII, bref depuis l'adhésion à la démocratie -, les textes antérieurs pouvant être à très juste titre accusés d’être plus politiques que spirituels (je pense ici aux textes de Clément XII et de Benoît XIV)… La difficulté apparente est donc quant aux francs-maçons réguliers…
Il faut par ailleurs se souvenir que la Déclaration du 26 novembre 1983 ne remet en cause ni Nostra Aetate (en particulier son point 5, n’en déplaise à certains), ni surtout deux autres importants documents de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi bizarrement oubliés par le livre Les enseignements originaux des Papes sur la Maçonnerie de 1717 à nos jours (Téqui, 1998), bref : ⒜ la lettre du Cardinal Seper, alors Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, aux Évêques de 1974. Cette lettre ne fait pas de référence directe au Pape comme le document de 1983, mais elle évoque directement le Saint-Siège, ce qui peut être jugé comme équivalent ; ⒝ la déclaration du 17 février 1981 de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, déclaration relative aux peines canoniques auxquelles s'exposent les francs-maçons, cette dernière indiquant que ne sont condamnées que les loges hostiles à l’Église ou aux pouvoirs civils légitimes. Ceci ne signifie nullement néanmoins autorisation d’adhésion et de participation pleine et totale aux travaux des Loges pour le Catholique ! Mais ceci est aussi bien plus modéré que l'on ne veut le laisser croire ! D’ailleurs, à propos du livre que je viens de citer, je m’interroge lorsqu’ils citent un texte de Jean XXIII du 4 décembre 1960 en mettant d’origine inconnue, ce qui ne peut qu’interloquer… Un message aussi important d’un Pape, surtout condamnant la démocratie et la Franc-Maçonnerie, peut-il ne pas avoir de référence, alors qu’il contredit la plupart des autres textes vaticans, y compris de Vatican II et de Jean-Paul II ?

Reste que, même dans ce sens de tolérance apparente pour les Catholiques, des dangers restent pour le Catholique, ces dangers étant principalement au nombre de sept :

⑴ La Franc-Maçonnerie n’est pas secrète ; elle est discrète. Par contre, il est indéniable qu’elle se veut détentrice d’un secret, secret de plus évolutif car inaccessible dans sa pleine compréhension. Il y a là contradiction avec la Foi catholique. Il n’y a pas, chez les catholiques, de spéculation pseudo-religieuse sur le texte des Évangiles ou sur les paroles du Christ. Il n’y a pas de message caché perceptible aux seuls initiés, mais parole du Christ, simple, claire, limpide, parlant à tous les hommes, et ce même si la forme est parfois imagée (je fais court…). La parole du Seigneur n’est pas secret, mais Révélation et Vérité, donc accessible à tout un chacun ! L’idée même de secret contredit donc la vision catholique de la Révélation ! Je ne parle même pas des dérives pseudo-kaballistiques, ésotériques, égyptiennes, etc…, qui n’ont d’ailleurs que très peu à voir avec la véritable Franc-Maçonnerie ! Contra, on peut dire qu’il n’y a plus de secret maçonnique tel qu’on pouvait le concevoir autrefois, si ce n’est l'amour fraternel, qui est et reste mystère tant de de la Révélation que de l’humanité, comme l'apprennent les plus anciens rites maçonniques…

Néanmoins, lorsqu’un chrétien utilise le mot mystère, il ne faut surtout pas penser à un mystère au sens d’Arsène Lupin… Il ne faut pas non plus entendre ce mot en son sens ancien ou sectaire de rite, de culte secret, de savoir secret, d'ésotérisme réservé à des initiés en vue de leur octroyer le salut, la connaissance, le pouvoir ou la vie sauve ; je pense ici par exemple aux mystères d’Éleusis ou encore aux mystères d’Isis. Ce mot doit s’entendre au sens chrétien de dogme révélé, inaccessible à la seule raison car lié au dessein de Dieu. On peut ici songer aux mystères joyeux, douloureux, glorieux du Rosaire, ou encore au mystère de la Trinité, au mystère de l’Eucharistie, bref à tout ce que la seule raison ne peut pas expliquer et qui demande une adhésion personnelle à Dieu. L’Évangile est lui-même mystère car, en tant que Bonne Nouvelle, il a été espéré et annoncé jusqu’à la venue de Jésus-Christ sur notre terre, car il vient de Dieu qui est d’une nature, d’une essence, d’une substance différente de la notre qui ne sommes que Ses créatures, et ce même si l’homme a été créé à l’image de Dieu . Mais ce mystère est aujourd’hui disparu car la Bonne Nouvelle s’adresse désormais à tous les hommes. Le mystère chrétien se distingue donc du mystère antique ou de celui des sectes ou des groupes ésotériques, etc..., en ce sens qu’il est offert et qu’il s’offre à tous les hommes sans aucune exception – y compris aux non-croyants – et non pas octroyé à quelques seuls (pseudo-)initiés sélectionnés, non par Dieu, mais par d’autres hommes ou par des dieux, des extra-terrestres, etc… Le secret, terme qu'utilisent d'ailleurs des francs-maçons, n'a donc rien à voir avec le mystère des Catholiques...

⑵ Autre difficulté, la croyance en un Dieu grand architecte de l’univers ou être suprême, même si certains parlent de sa volonté révélée. Je n’entrerai pas ici dans un vaste débat ontologique ou sur Spinoza, mais je me contenterai de dire que l’idée de grand architecte de l’univers est avant tout gnostique et non pas catholique, alors que l’idée même d’être suprême peut conduire à la négation de la Création, ou pour le moins à la confusion entre l’être et la créature ! Il y a risque réel de panthéisme ou de déisme ou de théisme spinozien…

On peut dès lors assez vite aboutir, sans même en avoir conscience, à l'idée que le mal serait un principe égal au Bien ! Or, le mal n'est que la suite de la faute des hommes récapitulée dans celle d'Adam ! Ce n'est que dans le dualisme ontologique de la gnose que le mal est un principe, ou encore dans le manichéisme ou parfois chez certains évangélistes américains ! Mais il est vrai que certains Catholiques tombent, en se voulant trop rigoristes (connaissent-ils l'erreur de Novatien ?), dans ce panneau ! La liberté du Catholique est totale, d'où l'importance de la notion de péché, son effacement privant paradoxalement l'homme de sa liberté et conduisant soit à l'agnosticisme, soit au dualisme égalitaire entre le Bien et le mal ! Paradoxalement, certaines approches maçonnes de la liberté sont en fait négation de la liberté (résidu de l'influence de la prédestination protestante ?) !

⑶ De plus, les Landmarks insistent sur la tradition maçonnique, et en particulier sur le théisme. Mais si le théisme est une doctrine admettant l’idée d’un Dieu première cause du monde, il aboutit très vite au théisme rationaliste pour qui l’être divin se confond avec la suprême racine de toute chose. Certes, mais le risque de déviance vers le déisme, c’est-à-dire cette idée que la raison ne peut connaître du divin que son existence en aucun cas ses attributs, le panthéisme, et le gnosticisme est ici évident.

Il est vrai que la plupart des Francs-Maçons, qui dès lors ne peuvent pas pêcher, l’ignorance n’étant pas cause de chute, n'est pas outillée pour saisir la subtilité de cette argumentation, ce qui est aussi démonstration que les dangers sont réels pour la masse des catholiques connaissant mal leur propre Foi ! Néanmoins, il ne me semble pas qu'il soit question de s'agenouiller devant le GADLU, de chanter sa gloire ou même de craindre sa foudre, et encore moins de l'adorer. Dès lors, la Franc-Maçonnerie authentique, avec ses références adamiques, avec la proclamation de la Volonté révélée de Dieu ou du GADLU - laquelle suppose son essence personnelle-, est à l'abri du relativisme et de glisser vers la croyance dans le Dieu des philosophes ou plus exactement en la cause première. Mais le risque est là tout bonnement parce que la plupart des Maçons réguliers n'ont pas une conscience nette de ces subtilités... D'où les conseils des plus anciens sur la nécessité de pratiquer avec ferveur sa religion, y compris lorsqu’elle n’est pas ! Finalement, seul le chrétien fort en esprit et en connaissances peut tomber dans le péché réel, justement parce qu’il dispose des outils lui permettant de faire le tri, lui permettant d’éviter le théisme ou l’agnosticisme pur.

La limite extrême à ne pas franchir pour le croyant, ce sont les sermons de Maître Eckhart relatifs à la survivance du concept de déité, ou plus exactement de Créateur comme non sujet d'adoration. Mais, dès lors que l’on en a conscience, cela n'impose pas de renoncer au Mystère de la Trinité.

⑷ Ensuite, le Volume de la Loi sacrée se réduit au seul Évangile de Jean, ce qui est bien mais insuffisant. Il y a donc très grosse divergence d’avec le catholicisme, notre livre sacré contenant l’Ancien et le Nouveau Testaments, formant un tout. Toute une série de dimensions de la Foi sont donc exclues a priori ! Contra : il semblerait pourtant qu’il y ait là une erreur, le Volume de la Loi Sacrée étant en fait la Bible, sans retrait ni altération (mais quelle édition ?), mais restant ouverte au Prologue de l'Evangile de Jean…

⑸ Il y a par ailleurs ambiguïté sur le christisme. Je m’explique. Les Francs-Maçons réguliers se veulent d’origine christique. Mais que contient ce mot ? Très rarement la divinité du Christ ! Néanmoins, l’idée même de christisme peut échapper à la compréhension pour le non croyant – qui se trouve malgré lui d’une certaine façon inévitablement en contact avec le Christ évoluteur alpha et oméga teilhardien –, ou encore pour le croyant ne ressentant pas le besoin de  mélanger les genres dans sa quête de savoir et plus encore de perfectionnement de sa réflexion, quel que soit son niveau initial.

⑹ Il y a de plus incohérence entre la tendance laïque et agnostique et l’origine christique, sauf à réduire Jésus à un super-guru qui aurait réussi ! Peut-on être agnostique et chrétien ? J’en doute fort ! Et on peut de plus aboutir au grotesque du Grand Orient de France qui continue à faire prêter serment sur l’Évangile de Jean, même les athées ! Il y a contradiction interne, du moins dans une approche spirituelle et surtout chrétienne du Christ ! C’est d’ailleurs pour contourner cet apparent non-sens, dès lors que la priorité est donnée au spirituel et non pas à la recherche approfondie des sens des choses, que certains membres du Grand Orient croyants souvent plus réels que formels rejoignent le rite écossais rectifié pour être régularisés.

⑺ Par ailleurs, l’un des principes de base de la véritable Maçonnerie est la règle de masculinité. Cette règle est contraire au Christianisme, Jésus ayant eu de nombreuses femmes autour de lui, son message s’adressant de plus à tous, hommes et femmes, pas aux seuls hommes ! Il n’y a plus ni homme, ni femme, comme nous l’enseigne Saint Paul ! Certains comparent cette attitude avec le non accès des femmes au sacerdoce chez les Catholiques, mais cela n'a rien à voir ! Ceux qui l’affirment se trompent de perspective ! La Maçonnerie régulière est interdite aux femmes, qui ne peuvent accéder au secret, alors que chez les Catholiques, que je sache, il n'y a aucune différence quant à l'enseignement de la Foi et à la recherche, quant à l'accès à la Vérité entre un homme et une femme ! Il n'y a plus ni juif, ni grec, ni homme, ni femme, ni maître, ni esclave... nous dit l'Apôtre ! Ce n'est pas la même chose avec les Maçons ! On notera par ailleurs que, s’il existe des Loges féminines, celles-ci sont considérées comme irrégulières par la plupart des francs-maçons… Contra, on peut dire aussi que la masculinité maçonnique serait odieuse si la Franc-Maçonnerie prétendait offrir le salut ; or, cette règle est avant tout historique, liée aux corportations, et plus encore justifiée par les références chevaleresques de la Franc-Maçonnerie actuelle.

Les divergences fondamentales entre Catholicisme et Franc-Maçonnerie sont donc évidentes !

On notera que l’Église qualifie l’appartenance à la Maçonnerie de péché grave interdisant l'accès à l'Eucharistie, mais pas de péché mortel (a contrario par exemple du non respect du repos dominical ou du non respect de certains jeûnes dans le Grand Catéchisme de Pie X par exemple), l’Église faisant ici appel au for intérieur de chacun. Il va peut-être vous sembler que je joue ici sur les mots, mais je rappelle qu’il y a trois conditions pour constituer le péché mortel : la matière grave (donc le péché grave), la pleine connaissance et l’entier consentement. La simple adhésion sans connaître le péché ne constitue donc pas un péché mortel ; par contre, la persévérance dans la Franc-Maçonnerie peut bien constituer un péché mortel lorsqu’elle se fait sans aucun discernement doctrinal et théologique, les deux dernières conditions étant constituées ; rappelons que le Code de droit canonique fait bien la distinction entre les interdits et les excommuniés (canon 915), étant entendu que le même Code rappelle qu’il ne peut y avoir communion eucharistique dès lors que l’on a conscience d’un péché grave (canon 916). On oublie trop souvent cette notion de conscience du péché…, si bien que le péché mortel ne peut être finalement réalisé que par un être ayant une sur-conscience du dit péché !

Dans tous les cas, l’Église émet, face aux nombreux risques de déviance, d’erreur, de basculer dans l’hérésie, etc…, une sévère mise en garde contre les dérives déistes, panthéistes et gnostiques auxquelles expose l’adhésion à la Franc-Maçonnerie, le pas étant facile à franchir, même inconsciemment ! Il est donc logique que la condamnation soit totale pour les irréguliers, plus modérée, même si elle reste très forte, pour les réguliers, le rôle de l’Église étant de préserver les âmes et de mettre en garde en cas de péril grave ! Il est ainsi logique que toute interprétation ne puisse venir que du Vatican ! Il est tout aussi logique que l'interdiction d'adhésion et de participation soit totale ! Enfin, il est concevable que certains grands esprits de l’Église participent, en pleine conscience, à la Franc-Maçonnerie, mais du fait même de leurs capacités de discernement et de leur devoir de catéchèse ! Mais il faudrait aussi (déjà ?) que tous les textes soient mis à la disposition des fidèles et non pas quelques uns comme dans l’ouvrage publié par Téqui. Peut-être faudrait-il d’ailleurs que le Vatican dise enfin clairement quelles sont les associations maçonniques condamnées, toutes ou quelques-unes, tant pour clarifier les choses que pour éviter des contradictions entre textes que pour éviter de laisser une incompréhension dans les esprits lorsque des fidèles constatent que certain Prélats, parfois même très haut placés dans la hiérarchie de l’Église, sont Francs-Maçons… Mais gardons bien à l’esprit que la Déclaration du 26 novembre 1983 ne fait aucune distinction (ce qui est retour en arrière de la part du Cardinal Ratzinger), justement du fait des risques induits, entre les diverses formes de franc-maçonnerie, et toutes les formes de Franc-Maçonnerie restent a priori et officiellement strictement interdites aux Catholiques. Il ne faut pas se tromper sur la portée de mon texte ; je parle seulement de difficulté apparente, et, je crois avoir bien expliqué les motivations de l’Église, rappelant toujours l’interdiction d’adhésion à toute association maçonnique faite au Catholique !

Que de risques de chuter sur la voie franc-maçonne ! En effet, je le répète, pour un chrétien catholique, il n'est pas possible de vivre sa relation avec Dieu, dans un double mode la divisant entre une forme supraconfessionelle humaniste et une forme intérieure chrétienne. Il ne peut pas cultiver deux types de relations avec Dieu, ni exprimer sa relation avec le Créateur à travers des formes symboliques de deux types ! Or, c'est là le grand risque, le seul en fait si l'on n'est pas attentif ! Le devoir de l’Église est de mettre en garde l’ensemble des Catholiques, le for intérieur de certains pouvant néanmoins leur permettre de dépasser cet interdit, de par leurs capacités de discernement ! Mais cette exception ne peut pas concerner l’ensemble du Peuple catholique, uniquement une infime minorité, d’où la condamnation générale apparente ! Qui dit risque dit aussi moyen d’évitement ! Mais, comme le disait Simone Weil, le risque est un besoin existentiel de l'âme !

Pour finir, deux questions à finalité réflexive…

La Franc-maçonnerie, la vraie, dans son essence comme dans sa posture, ne serait-elle pas en fait l’Eglise de saint Jean face à celle de Pierre et de Paul trop souvent oublieuse des idées fondamentales d’amour, d’altruisme, d’action ?

Les incompréhensions ne portent-elles pas parfois plus sur un refus des Lumières et de la liberté qu’autre chose, du fait d’une très mauvaise compréhension de saint Augustin et de la controverse pélagienne, … alors même que rien, hormis la négation de Dieu ou de la religion chez certains de ses penseurs, ne la sépare réellement du message du Christ ?

On comprend mieux dès lors comment des hauts dignitaires de l’Eglise, des théologiens de très haute tenue peuvent à la fois être Vrais Catholiques et Vrais Francs-Maçons, dès lors qu’ils font preuve de discernement…

 

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:34

De grandes figures de la Foi, tels Saint François d'Assise ou encore Basile de Césarée, sont venus, parfaisant l'oeuvre de la Création, apporter leur pierre à l'édifice des Évangiles.... Dès l'origine des temps, Dieu a donné la terre à l'homme, pour qu'il la soumette, mais non pour qu'il la détruise... : Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; ... (Gn 1, 28).

Ce qui précède doit à mon avis se lire dans l'esprit même de la Création puisque Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa (Gn 1, 27). Par ces mots, Dieu a posé le statut de l'homme; par ces mots, Dieu a posé l'équilibre entre ce statut de l'homme et celui de la Création : l'homme est à l'image de Dieu et le rapport de l'homme à Dieu est unique, propre à l'homme, couronnement de la Création. L'homme a ainsi pour mission de poursuivre la Création, mais pas n'importe comment : avec conscience et responsabilité.... Tout acte de l'homme, toute action humaine doit donc se lire à l'aune de ces mots, à l'aune de ce statut splendide et difficile. Soumission, servitude ne doivent cependant pas s'interpréter dans le sens péjoratif d'esclavage, de domination, mais plutôt dans celui de continuation de l'oeuvre de Dieu, donc de préservation des espèces, de progrès dans les conditions de vie, mais aussi de sauvegarde de la beauté du monde, bref de la Création; continuateur et gardien de la Création, l'homme ne doit donc pas détruire, la destruction étant antinomique à la Création. Dieu a soumis les êtres animés à l'homme, pour qu'il les domine, non pas pour qu'il les détruise, l'Alliance divine liant Dieu et aux hommes et aux êtres animés qui peuples la Terre : Voici que j'ai établi mon alliance avec vous et avec vos descendants après vous, et avec tous les êtres animés qui sont avec vous : oiseaux, bestiaux, toutes bêtes sauvages avec vous, bref tout ce qui est sorti de l'arche, tous les animaux de la terre (...) Voici le signe de l'alliance que j'institue entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous pour les générations à venir..  (Gn 9, 9-10).

La préservation de la faune et des espèces est donc plus qu'un acte moral, c'est aussi un devoir spirituel du croyant car rompre les équilibres faunistiques est rupture de l'Alliance avec Dieu.

La notion d'Alliance, la réalité de l'Alliance – en particulier de l’alliance noachide - mettant en équilibre vis-à-vis de Dieu l'homme et tous les êtres vivants, c'est-à-dire notamment les animaux est fondamentale pour bien comprendre ce que doit être le lien de l'homme à la nature; l'Alliance doit être repensée dans un sens nouveau, et notamment dans celui d'une acceptation de l'évidence scientifique de l'évolution -comprise ici bien plus au sens chrétien de Teilhard de Chardin qu'à celui matériel de Darwin-, telle que l'a précisé le Pape Jean-Paul II devant l'Académie pontificale des Sciences (Jean-Paul II, « L'Église devant les recherches sur les origines de la vie et son évolution », in : La Documentation Catholique, n° 2148, 17 novembre 1996, pp. 951-954), d'ailleurs d'une certaine façon dans le même esprit que Pie XII. Jean-Paul II affirme ainsi qu'il n'y a plus d'opposition apparente entre l'idée d'évolution et la doctrine de la Foi, mais il faut surtout retenir du sens de son message que, comme l'a rappelé dans un article le philosophe Gustave Martinet : L’évolution apprend à le (l’être humain) saisir dans une continuité animale indéniable (G. Martelet, « Le Pape et l'évolutionnisme, entretien » in : Croire Aujourd’hui, Paris, n° 21, 15 janvier 1997, pp. 13-15).

L'homme est un être vivant, il est donc lui-même un être animé, un animal sur le plan matériel, mais la transcendance, c'est-à-dire ce lien particulier unissant par delà l'Alliance Dieu et l'homme, plus que la conscience - qui peut être considérée certes comme faible mais réelle chez l'animal classique -, fait que l'homme est un animal particulier. L'homme est animal par sa nature, mais il est aussi divin par son essence, et c'est justement cette divinité qui l'oblige non seulement à respecter l'Alliance avec Dieu et avec les autres êtres vivants mais plus encore à respecter la nature, car, tout comme Dieu aime ses enfants - puisque, comme le rappelle Saint Paul, nous ne sommes que des petits enfants devant Dieu (1Co 3, 1) -, l'homme doit aimer la nature. C'est là un acte difficile, l'imitation de Dieu étant difficile, voire inhumaine dans sa plénitude; c'est là un acte difficile car Dieu est Père, et comme Père domine l'homme, mais il est aussi Incarnation, par lors Fils, et en ce sens humain, tout comme il est Esprit, donc conscience responsable... L'homme est donc le maître de la nature, mais il en est aussi le dépositaire; mais il est aussi, de par son animalité, élément de cette même nature dont il dépend donc, dont il n'est qu'un élément parmi les autres, fondamental certes, mais qu'un élément. L'animalité terrestre de l'homme, et donc l'évolutionnisme, n'est d'ailleurs nullement en contradiction sous certains aspects - bien au contraire - avec le texte de la Genèse car, à y bien regarder, la hiérarchie temporelle des six jours de la Création n'est en rien contraire tant avec la théorie du Big Bang qu'avec le sens de l'évolution des espèces; en ce sens, je suis un créationniste théiste, distinguant la création matérielle de l'humanité du souffle de l'Esprit.

Saint Augustin lui-même ne soutint-il pas l’hypothèse de la double création de l’homme, homme corporel, animal, mais aussi homme spirituel, âme ? N’a t-il pas écrit, entre autres, qu’Adam eut un corps animal non seulement avant le paradis, mais encore après avoir été placé dans le paradis, bien que, selon l’homme intérieur, il fut spirituel à l’image de celui qui l’a créé (Saint Augustin, La Genèse au sens littéral, livre VI, XXVIII, 39) ? Pour ce Père de l’Église, il semblait en fait évident que puisque le premier homme fut un homme terrestre, son corps ne pouvait être qu’un corps animal  (Saint Augustin, op. cit., VI, XIX, 30), s’appuyant pour affirmer cela non seulement sur les deux récits de la Création, mais aussi sur un passage de saint Paul relatif à la Résurrection (1Co 15, 44-49). Il faut donc bien distinguer, à la suite d’Origène (cf. Origène, Homélies sur la Genèse, I, 13), l’homme intérieur, spirituel, invisible et incorporel (Gn 1, 26) de l’homme matériel, façonné à partir du limon (Gn 2, 7), Grégoire de Nysse ayant une interprétation très proche. Le point clé à retenir ne reste t-il pas que, dans sa propre nature, l’homme unit le monde spirituel et le monde matériel (Catéchisme de l’Église Catholique, point 355) ? L’oublier, ne serait-ce pas oublier l’humanité elle-même ?

En fait, le seul point de divergence entre l'évolutionnisme au sens strict et la Foi chrétienne se trouve dans la querelle entre les mécanistes et les finalistes; en effet, et là encore en accord avec le texte et la lettre de la Genèse, l'homme est la fin de l'évolution : pourquoi autrement comprendre que Dieu se reposa le septième jour, alors que toute puissance et créateur il ne devrait pas connaître la fatigue ? Dieu ne se reposa pas car il était fatigué, car Il ne se fatigue, ni se lasse (Is 40, 28), mais bien plus pour marquer l'arrêt qu'il s'est imposé dans sa Création, passant le relais à l'homme qui est de facto élevé au rang de finalité de la Création divine. Finalisme et évolutionnisme ne sont donc en rien contradictoires, tout comme l'animalité de l'homme ne contredit en rien tant la lettre de la Genèse que le dessein de Dieu qui est de tendre vers la perfection de sa Création. Ce lien de l'homme à la Terre dont il procède matériellement puisque modelé à partir de la glaise (Gn 2, 7) n'est-il d'ailleurs pas rappelé chaque Mercredi des Cendres par la formule Tu es poussière et tu retourneras en poussière, message s'adressant non pas à l'homme parcelle de Dieu, mais à l'animalité de l'homme, cette animalité imposant la mort terrestre, alors que sa divinité le conduit à la vie éternelle par l'espérance de la Résurrection.

Pour ce qui est de la forme de la création et de l'évolution, ne faudrait-il pas, avant toute interprétation, se souvenir que Dieu a créé pour l'univers les lois de la physique et de la chimie, dont découlent entre autres celles de la génétique ? Il ne pouvait donc échapper pour sa Création matérielle à ces (ses) lois. Donc, si la volonté de Dieu était bien de créer l'homme, fin de sa Création matérielle, il ne pouvait le faire directement, ni même par pré-déterminisme absolu, d'où les différentes étapes de l'évolution et de la flèche de cette même évolution. Ceci explique à la fois les six jours, les diverses étapes de l'hominisation, les divers rameaux et surgeons de l'évolution, mais aussi l'épisode d'Adam chassé du Jardin d'Éden (Gn 3, 23-24). Si Adam est chassé du Jardin d'Éden, c'est parce qu'il est devenu image de la volonté primaire de Dieu, et surtout premier épisode de l'homme conscient, successeur de Dieu pour la suite et le service de la Création (Gn 3, 22). Avec Adam, Dieu a achevé son oeuvre matérielle, la faute d'Adam marquant la transition de l'animalité matérielle à la conscience organisée et créatrice.

L'évolution est en fait peut-être un nouvel élément de démonstration de l'existence de Dieu, car elle s'inscrit dans la logique du dessein de Dieu; en effet, si Dieu avait choisi deux voies différentes, l'une pour le non humain, une autre pour l'homme, donc pour une même Création, il n'aurait pas été Dieu car il aurait alors créé des lois qu'il n'aurait pas respectées, ce qui est absurde. De plus, vue la multitude des êtres animés, qui sont liés par l'Alliance à Dieu, celui-ci aurait prévu une voie pour chaque objet de sa Création, ce qui aurait induit l'absence de toute loi de l'univers; or, Dieu, par sa position de Créateur, de Père de l'univers, étant Verbe, était donc logos, donc loi. Sans évolution, sans loi de l'univers, il ne peut y avoir Dieu. L'évolution est donc intimement liée à Dieu, car soumise à ses lois. La nature de l'homme est donc double : animale car matérielle, mais surtout divine car spirituelle, et c'est cette ambivalence qui le conduit certes à dominer la Terre, mais qui l'oblige aussi à l'aimer, à la servir, car il est lié à cette même terre dont il est issu, terre qu'il peut dominer comme achèvement de la Création divine primaire, mais qu'il ne peut ignorer car il est en à la fois fils et partie, qu'il doit aimer car divin, qu'il doit respecter car à la fois divin au sens transcendant et animal sur un plan biologique.....

Un dernier mot… Si l'on peut éventuellement tirer du darwinisme ou de sa postérité une quelconque idée d'existence d'un être supérieur ou de quelque chose d'approchant, cela n'a rien à voir avec Dieu ! Si l'on peut en tirer l'idée de l'existence d'une intelligence ordonnatrice supérieure à l'homme, cela n'a rien à voir avec Dieu ! C'est du panthéisme, c'est tout ce que vous voulez, mais ce n'est pas Notre Dieu !

Par contre, c'est une idée chère à certains des tenants du New Age. Mais il faut éviter de laisser croire que le New Age, basé sur la triple erreur d'un Dieu énergie universelle, de l'immanence intégrale et aussi parfois de la réincarnation, est l'avenir de l'homme, est chrétien, alors qu'il n'est dans les faits que remise en cause de la civilisation chrétienne, qu'artefact des idéologies de l'oligarchie - dont certaines étaient très chères à Darwin - et de la technostructure - là on est plus proche de Spencer, ou du moins de son école -, ainsi que tendance, le plus souvent inconsciente mais réelle, non pas à la préservation de l'univers dans son sens de fruit de la Création, mais à la dictature de la science omniprésente, donc en totale contradiction - malgré ses origines - avec une quelconque liberté de l'individu, tant au sens chrétien qu'au sens social du terme.

 

 

Partager cet article
Repost0