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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 10:56

Parmi les épisodes choquants de l’Ancien Testament, on peut donc retenir comme significatifs les passages où Dieu soumet l’Égypte à dix plaies, détruisant son armé, bref causant directement la mort d’hommes, ce qui semble surprenant. Et l’on doit se poser la question " Dieu aimait-il les Égyptiens ? " ; bien plus qu’une boutade à l’heure où certains n’ont de la Bible qu’une lecture littérale, matérialiste…

La question " Dieu aimait-il les Égyptiens ? ", fait référence aux dix plaies d'Égypte (Ex 7, 8 -11, 10) et à la traversée de la Mer rouge (Ex 14) … Cette question souvent posée est en fait mal posée car ne laissant aucune place à la perspective du Salut tout en laissant de côté la question de d'Alliance. Dans cette dernière perspective, il est en effet possible de distinguer une Alliance de l'Ancien Testament, celle de la vocation d'Abraham selon laquelle Dieu aime son Peuple (Gn 12, 1-3) , de celle du Nouveau Testament, selon laquelle Dieu aime tous les hommes, l'unité de l'humanité étant restaurée par l'Esprit dans le Christ Sauveur (Ac 2, 5-12 ; 7, 9-10).

L'Ancien Testament l'affirme : par delà même sa Création (Gn 1, 27), Dieu a placé l'homme au sommet de cette même Création (Gn 1, 28) . Après l'épisode du déluge où Dieu montra sa déception de l'homme, une Alliance nouvelle -donc une espérance en l'homme- fut établie entre Dieu et les hommes par l'entremise de Noé (Gn 9, 7-17) , redonnant aux hommes la conscience de l'unité de leur destin cosmique; or Noé lui-même devait briser cette conscience de l'unité en maudissant Canaan (Gn 9, 25). Ce fut une nouvelle rupture de l'Alliance, rupture qui devait être consommé avec l'épisode de la tour de Babel, épisode où l'homme cherchant à égaler Dieu se perd et se disperse (Gn 11, 5-9), perd même pour une partie Dieu lui-même. L'humanité a dès lors, de sa propre liberté, de sa propre faute, choisi de briser son unité, et ce en dehors même du dessein premier de Dieu (Gn 11, 4).

Désormais, le projet messianique de Dieu ne sera relancé qu'au travers d'Abraham (Gn 15, 17-21 ; 17, 1-14) et de la notion de Peuple élu. Par l'Alliance avec Abraham, Dieu a établi Israël comme son Peuple (Lv 26, 12) , et, dès lors, Dieu aime son Peuple qui le suit, le chargeant d'une lourde mission qu'il ne perçoit pas toujours : celle de préparer la venue du Christ. Cette vocation d'Israël se retrouva confirmée par la Promesse faite à Moïse (Ex 3, 13-15) ; ce sera dès lors, et ce jusqu'au Christ, non plus l'histoire de l'humanité unie mais celle du peuple uni. Mais, là encore, même si la promesse universelle de YHWH s'étend à toute la terre (Ex 19, 5) , elle sera d'abord reliée à l'Alliance avec Moïse (Ex 24, 1-11 ; 34, 10-13), malgré la tentation des idoles (2R 21-23), avec la lutte contre les faux dieux (Ex 34, 14) . Ce qui prime alors, ce n'est non pas l'idée d'Amour universel, mais celle d'élection, élection apparaissant déjà dans le sacrifice d'Abraham (Gn 22, 15-18) et confirmée à de nombreuses reprises (Is 48, 15 ; Os 2, 21-22). Néanmoins, l'histoire d'Israël sera celle d'un Salut inaccompli (Jr 31, 31-34), seule la venue du Christ étendant à nouveau à tous les hommes la Promesse du Salut et de la Rédemption (Ep 3, 5-6) .

Il ne faut enfin pas oublier que les Égyptiens n'aiment pas Dieu, que les Égyptiens portent eux-mêmes la responsabilité de leur déroute car ils ont rejeté le Peuple élu, aimé, de Dieu (Ex 5, 9) et YHWH lui-même (Ex 6, 11-13) . Dieu a donc puni les méchants pour sauver son Peuple élu, peuple dont la vocation est et sera dès lors de préparer le chemin du Seigneur. La question de savoir si Dieu aimait ou non les Égyptiens ne se pose donc pas puisque la punition divine est là pour démontrer non pas un non-amour mais bien au contraire un immense Amour, celui de Dieu pour ceux qui le craignent, sa colère étant réservée à ceux qui le défient (Ps 20, 9-13). En fait, dans l'Ancien Testament -du moins après la chute d'Adam-, l'Amour entre Dieu et les hommes doit être réciproque (Is 43, 1-7; 43, 10), alors qu'après le Christ cet Amour de Dieu est à nouveau universel (Ga 3, 26 ; 3, 28) , les hommes ayant dès lors l'obligation absolue et éternelle de relayer cet immense Amour (Jn 13, 34-35 ; 15, 12) , dans le prolongement du Tu aimeras ton prochain comme toi-même de [Lv 19, 18].

La réponse aurait bien naturellement été toute autre si cet épisode s'était déroulé après la venue du Christ; il aurait alors été choquant du fait de l'universalité retrouvée du message divin par le Christ en l'Esprit, alors qu'il n'est ici que témoignage de l'Amour de Dieu pour ceux qui le suivent et entre les mains desquels il a placé son dessein. Il faut donc bien distinguer Ancien Testament et Nouveau Testament, ce qui permet d'ailleurs de mieux contempler le message du Christ (Mt, 5, 17 ; 13, 7) .

" Dieu aimait-il les Égyptiens ? ", n’y voir qu’un épisode matériel, est donc hors de la perspective divine. Une telle question se poserait dans une perspective néo-testamentaire, mais concernant une période historiquement antérieure elle est donc erreur. La vraie question n'est-elle pas en fait " Que Dieu n'a t-il pas fait pour aimer ceux qui l'aiment ? ", car Dieu ne rompt jamais sa promesse… "

Gardons enfin à l’esprit que l'intention du texte vétéro-testamentaire est souvent symbolique. Elle est de signifier qu'il y existe des ennemis absolus, irréductibles avec lesquels il ne faut pas transiger. Entendu au sens strict de personnes physiques, la morale chrétienne se distance ici de la morale juive, car, dans le Christianisme, il n'y a pas d'ennemi absolu, il n'y a personne qui soit impardonnable a priori ! Mais entendu de comportements moraux - comme le suggère le Deutéronome -, la leçon garde toute sa valeur.

 

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 10:48

On peut lire en (Gn 1, 26) :

 

« Puis Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre »

 

Mais qui est donc ce « notre » ?

 

Personne n'a aidé Dieu dans son œuvre de Création. Ce nous, qui n'est pas de majesté, est difficile à comprendre, car il peut induire une idée de polythéisme qui est une fausse interprétation (cf. le Midrach Raba qui va plus loin encore en disant que Dieu est conscient du risque :

 

« que celui qui veut faire l'erreur fasse l'erreur ! »).

 

Pour reprendre Saint Augustin (La Genèse au sens littéral, XIX, 29), Dieu a utilisé nous pour insinuer la pluralité des personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

 

De plus, ce verset est immédiatement suivi de Dieu créa l'homme et non pas de ils créèrent l'homme, et cela afin de bien démontrer l'unité divine. De plus, le ils aurait été faux, car l'homme n'est pas créé qu'à la seule image du Père, du Fils ou du Saint-Esprit, mais de Dieu un et trine lui-même.

 

Enfin, comme le dit Rabbi Munk (La voix de la Thora (tome 1, chapitre I, 26), Dieu a voulu proclamer une importante leçon morale : puisque l'homme est créé à l'image de Dieu, il doit prendre dans et par ce nous conscience que tous ses actes s'intègrent dans le dessein de Dieu et qu'il devra tenir compte et de Dieu, mais aussi des plus petits d'entre nous, de toute la Création.

 

Ce nous serait donc à la fois Dieu un et trine, mais aussi leçon à l'homme lui montrant qu'il ne vit pas seul.

 

Comme le conclut Saint Augustin :

 

« Si l'Écriture dit maintenant à l'image de Dieu, après avoir dit quelques lignes plus haut à notre image, c'est pour nous faire entendre que la pluralité des personnes dont il s'agit ne nous autorise ni à dire, ni à croire, ni à penser qu'il y ait plusieurs dieux. Mais nous devons comprendre que le Père et le Fils et le Saint-Esprit -Trinité à laquelle fait allusion l'expression à notre image- ne sont qu'un seul Dieu, comme le montre l'expression à l'image de Dieu. »

 

Enfin, pour faire référene à la tradition hébraïque, voici ce qu'écrit Rachi (XI° siècle) dans ses Commentaires sur la Thora au sujet de (Gn 1, 26) :

 

« Faisons l'homme. Bien qu'ils (les anges) ne L'aient pas aidé dans sa formation (de l'homme), et les hérétiques pourraient (de ce pluriel), attaquer (le monthéisme), l'Écriture n'a pas manqué d'enseigner le chemin de la terre (un trait de bonne conduite) et la vertu de la modestie : le supérieur doit consulter et prendre l'autorisation (conseil auprès) de son inférieur. Et si (la Torah) avait écrit : "Je ferai l'homme", nous n'aurions pas appris qu'il avait parlé avec Son Tribunal, mais (seulement) avec Lui-même. Et la réponse aux hérétiques est écrite à côté (dans le verset suivant) : "Et Il (D.ieu) créa l'homme", et il n'a pas écrit : "Et ils créèrent". »

 

Maintenant, est-ce que elohim ne serait pas un mot pluriel, signifiant les anges qui font le lien entre le divin non nommé et le monde créé et nommé ?

 

C'est bien elohim qui est utilisé pour désigner Dieu en (Gn 1, 26).Il n'est pas possible d'apporter une réponse absolue au terme elohim, même si il est utilisé 2596 fois dans la Bible. Il s'agit bien d'un pluriel, qui désigne le plus souvent Dieu et sa cour céleste, même si d'autres sens existent. La question est compliquée par le fait qu'il n'existe pas de majuscule en hébreu.

 

Au sens mystique, elohim désigne le visage de Dieu rectitude, créateur, juge, alors que YHVH désigne le visage de Dieu miséricorde, bonté. On retrouve ces utilisations dans le Psaume 51.

 

Elohim est surtout utilisé dans la tradition sacerdotale , avec la racine el qui désigne la divinité en général chez les sémites, racine qui pourra être modulée - notamment en al - et donnera par exemple Allah en arabe. Eloah, Dieu, est lui même tardif, apparaissant chez Job, alors que YHVH n'est apparu qu'avec la révélation à Moïse..

 

En fait elohim ne se traduit pas par anges, mais surtout au sens de Dieu (et sa cour céleste), mais aussi pour désigner les dieux païens, les êtres surnaturels (dont les anges), voire même certains hommes à la destinée exceptionnelle.

 

Dans la Genèse, on retrouve elohim :

 

« Au commencement Dieu créa… »

« bereshit bara elohim ».

 

On remarquera que si elohim est un pluriel, bara (créa) est un singulier, ce qui montre bien qu’elohim (et donc pas le nous isolé) est un pluriel de majesté. On remarquera dans cette phrase, tout comme lorsque elohim est utilisé par ailleurs, que le verbe et l'attribut dont elohim est le sujet sont toujours au singulier, ce qui marque bien l'unicité de Dieu. Comment ne pas faire ici un parallèle avec l'Évangile de Jean retraduite en hébreu :

 

« Et la parole était Dieu »

« Adavar haya et haelohim » !

 

Pour finir, rappelons qu’Allah vient de al-ilâh, el ayant évolué en al, puis en ilah. D'où la traduction par Dieu, mais aussi par la divinité par excellence. Le al est la racine correspondant à el et ilah la dérivée de el.

 

Enfi, quand on parle de Kabbal, on doit écrire Ka'ba, c'est-à-dire la bayt Allâh (maison de Dieu) ?

 

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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 15:19

Amos a vécu sous le règne de Jéroboam II en Israël du Nord (787-747), ce qui correspond à celui d’Ozias en Juda (781-740). Il se situe donc un peu avant le milieu du VIII° siècle avant Jésus-Christ).

 

Quelques crimes de guerre dans le Livre d’Amos :

 

⒜ la destruction de terres agricoles : Ainsi parle le Seigneur : A cause des trois et à cause des quatre rébellions de Damas, je ne révoquerai pas mon arrêt : parce qu'ils ont haché le Galaad sous des herses de fer (Am 1, 3) ;

 

⒝ les déportations de masse : Ainsi parle le Seigneur : A cause des trois et à cause des quatre rébellions de Gaza, je ne révoquerai pas mon arrêt : parce qu'ils ont déporté en masse des déportés, pour les livrer à Édom (Am 1, 6) ;

 

⒞ le transfert et la remise à d’autres de déportés (Am 1,9) ;

 

⒟ la continuation de la guerre alors que la victoire est acquise (Am 1, 11) ;

 

⒠ l’éventration des femmes enceintes (Am 1, 13) ;

 

⒡ l’épuration ethnique (Am 1, 13) ;

 

⒢ la destruction de personnes avec de la chaux, y compris de leurs cadavres (Am 2, 1) ;

 

⒣ la vente de prisonniers de guerre comme esclaves (Am 2, 6 ; cf. 2R 5, 2) ;

 

⒤ le viol (Am 2, 7) ;

 

⒥ la réduction des populations à la famine (Am 2, 7 ; 4, 1) ;

 

⒦ le pillage des lieux de culte (Am 2, 8) ;

 

⒧ l’absence de recherche de la paix (Am 3, 3) ;

 

⒨ l’usage de la violence pour la violence (Am 3 , 10) ;

 

⒩ les rapines et les pillages (3, 10).

 

[Am 9, 10] est à mettre en parallèle avec [Mt 26, 52].

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6 janvier 2010 3 06 /01 /janvier /2010 10:59

Pour bien comprendre certains aspects des guerres des Hébreux, et notamment l'idée de guerres du seigneur ou encore de lieutenance de Dieu du chef de guerre, il est utile de rappeler en quelques lignes trop générales l'organisation du pouvoir chez ces derniers. Ce qui suit est directement et clairement tiré et résumé de : Gaudemet (J.), Institutions de l'Antiquité, Sirey, Paris, 1967, pp. 96-124. On se référera donc à ces pages pour plus de précisions.

 

Au départ, dans le livre de la Genèse, il ne semble pas que Dieu intervienne dans le temporel puisqu'il confie la terre à l'homme pour qu'il la domine, la soumette. Par ailleurs, le véritable chef d'Israël n'est pas un homme mais Dieu lui-même, le pouvoir, qu'il soit royal ou non, étant limité, ne serait-ce que par la loi royale du Deutéronome.

 

Par la suite, les juges ont surtout été des chefs militaires, même s'ils eurent des fonctions juridictionnelles, chefs auxquels Dieu avait délégué de manière temporaire une partie de son pouvoir, même si tout n'est pas aussi clair (Pro : 1S 11, 1-11; contra : 1S 8, 1-22). Plus que le juge, ce sont les chefs locaux qui avaient en fait un caractère religieux, Israël étant alors surtout une fédération religieuse de tribus.

 

La situation allait évoluer avec les rois. Les premiers rois ont ainsi été une sorte de compromis entre un juge et un roi. Par exemple, Samuel était un sauveur choisi par Dieu, un chef charismatique, mais restant soumis à la volonté de Dieu par l'entremise des prophètes puisque l'onction était donnée par un prophète. La situation allait commencer à changer avec David qui fut sacré non plus par un prophète mais par des hommes, avec même un zeste de monarchie élective, même si cette " élection " était faite sur la base de signes donnés par Dieu. La royauté des Hébreux sera en fait une monarchie à caractère religieux très poussé, avec un roi que l'on peut qualifier d'instrument de Dieu, de lieutenant de Dieu (c’est le sens de l'onction de [1S 16, 13], onction qui fait de David l'élu de Dieu) puisque le vrai roi reste Dieu. De plus, même s'il intervenait dans la vie religieuse, le roi n'était pas un roi-prêtre, puisque c'était le grand-prêtre qui exerçait la réalité du pouvoir religieux. De plus, le roi se trouvait soumis en théorie aux prophètes (Os 3, 4) ; c'étaient les prêtres, issus de la tribu de Lévi, qui avaient le rôle religieux majeur, même si les prophètes étaient les véritables intermédiaires - pas toujours très écoutés d'ailleurs - entre Dieu et les hommes. La société des Hébreux était en fait une société profondément religieuse où le clergé, très hiérarchisé, jouait un rôle primordial puisqu'il pouvait déposer le roi (2R 11), le grand-prêtre étant le véritable chef de la communauté face au roi (2R 10, 18) qui était le chef de l'État, si l'on peut admettre une telle notion pour cette époque. La société des hébreux n'était donc pas fondée sur une réelle séparation des pouvoirs politique et religieux, même si une différenciation réelle existait entre ces pouvoirs, à la différence des monarchies égyptiennes - et encore pas sous tous les aspects - ou sumériennes, le roi étant ici le grand-prêtre.

 

Au temps de Jésus, la situation était encore plus complexe, puisque le roi était une sorte de fantoche et que le vrai pouvoir était entre les mains de l'occupant romain. De par sa position religieuse, le grand-prêtre était le véritable fédérateur de la nation, d'où des confusions possibles, mais pas forcément réelles.

 

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6 janvier 2010 3 06 /01 /janvier /2010 10:58

Début du XIIIème siècle av. J.-C. : bataille d'Arad (Nb 14, 44-45 ; 21, 1-3 ; 33, 40 ; Dt 1, 41-44) - milieu du XIIIème siècle av. J.-C. : conquête au delà de Canaan (Nb 20, 14-21, 30 ; 33, 37-49) ; conquête de Canaan (Jos 3-8, 29) ; bataille de Gabaôn (Jos 10, 1-15) - fin du XIIIème siècle av. J.-C. : conquête des villes du bas-pays (Jos 10, 28-35) - fin du XIIIème siècle/début du XIIème siècle av. J.-C. : guerre de Débora (Jos 12, 19-23 ; Jg 4-5) ; bataille des eaux de Mérom (Jos 11, 1-15) - XIIème-XIème siècles av. J.-C. : guerre d'Éhud (Jos 3, 12-30) - XIIème siècle av. J.-C. : campagne de Gédéon et poursuite des madianites (Jg 6-8) - fin du XIIème siècle av. J.-C. : guerre de Jephté (Jg 11-12, 7) - v. 1050 av. J.-C. : bataille d'Ében-Ha-Ézèr (1S 4) - v. 1025 av. J.-C. : bataille de Mikmas (1S 13, 1-18) - etc… etc… etc… La quasi-totalité des livres historiques de l'Ancien Testament ne sont pas, du moins en apparence, des livres de paix ; ils ne semblent souvent que rapporter des récits de guerres et de batailles, de pillages et de massacres, de trahisons et de ruses... Les Hébreux ont été indubitablement, et quelles qu'en furent les raisons, un peuple belliqueux, ou pour le moins guerrier. Il faut dire que les perspectives ouvertes par l'alliance sinaïque ne sont point de paix mais de combat : Dieu donne une patrie à son peuple, mais celui-ci doit la conquérir (Ex 23, 27-33) (Léon-Dufour (X.) dir., Vocabulaire de théologie biblique, Paris, Cerf, 1981, 5ème éd., page 519, col. 1, II, 1) …

 

Pourtant, malgré ce que nous qualifierions aujourd'hui de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre, d'exactions, leurs guerriers ne furent ni des héros fabuleux, ni des conquérants dont l'emploi était de ravager les villes et les provinces et de réduire les peuples sous leur domination par orgueil, envie de se faire un nom ou de dominer. Ce furent à quelques exceptions près de sages et vaillants chefs de guerre - Josué, Caleb, Gédéon, Jephté, Samson, David, Josias, Maccabée, … - suscités par Dieu pour livrer les guerres du Seigneur (1S 18, 17) - qui ne sont pas des guerres de religion -, voire exterminer ses ennemis :

 

" David massacrait la population, ne laissant en vie ni homme ni femme, enlevant petit et gros bétail, ânes, chameaux et vêtements (…). David ne laissait ramener vivant à Gath ni homme ni femme… " (1S 27, 9 & 11).

 

Mais même les guerres du Seigneur ne sont pas des guerres de religion :

 

" Chez tous les peuples anciens, la guerre a été liée à des actes religieux (…) Toute guerre antique est donc sainte, au sens large. (…) Toutes les institutions d'Israël ont revêtu un caractère sacral (…) Ceci ne signifie pas que la guerre soit une guerre de religion. Cet aspect n'apparaîtra que très tard, sous les Maccabées. " (de Vaux (R.), Les Institutions de l'Ancien Testament, Paris, Cerf, 1960, tome II, page 72).

 

Il faut néanmoins ne pas se tromper et bien se replacer dans le contexte de l'Antiquité où le génocide était la norme. Il suffit pour s'en convaincre de relire Homère, Thucydide ou Jules César. Les concepts contemporains ne sont donc pas transposables tels quels à l'Antiquité ; faire cette transposition sans réfléchir, sans esprit critique, sans mise en perspective serait une très grave erreur. Les Hébreux ne furent ni pires, et peut-être même furent-ils parfois meilleurs que la plupart de leurs contemporains, Dieu leur ayant imposé des limites lorsqu'il le jugeât nécessaire, leur ayant envoyé des Prophètes pour les avertir, même si ces derniers ne furent pas toujours écoutés.

 

Les Hébreux ne (se) firent donc pas la guerre pour des motifs insignifiants ; ils ne la faisaient pas non plus avec de petits effectifs, sauf exception, tous les Hébreux, tous hommes de Juda ou d'Israël étant concernés. Ceci ne fut pas sans conséquences sur la forme et la conduite des guerres des Hébreux, puisque, en l'absence d'armée professionnelle ou presque, les guerriers devaient se munir de leurs provisions ou les prendre sur le pays ennemi, le butin étant autorisé ; ceci explique peut être pourquoi les guerres de cette époque étaient le plus souvent de très courte durée. Un seul exemple : David, le plus jeune des fils de Jessé, étant demeuré auprès des troupeaux de son père pendant que ses frères étaient à l'armée de Saül, Jessé envoya David porter des vivres à ses frères (1S 17, 14-18). Il semble que cette pratique se maintint sous Josué, sous les juges, sous Saül, sous David au commencement de son règne, sous les rois de Juda et d'Israël successeurs de Roboam et Jéroboam, et sous les Maccabées, jusqu'au temps de Simon Maccabée qui eut des troupes entretenues et soldées (1M 14, 32). De plus, dans les premiers temps, chacun devait aussi fournir ses armes pour la guerre, puisque ce n'est qu'à partir de David que les rois des Hébreux commencèrent à avoir des arsenaux. Les soucis de logistique et d'intendance n'étaient visiblement pas une priorité pour les Hébreux…

 

Quand les Hébreux faisaient la guerre, il en allait de la survie du peuple ; il en était de la volonté de Dieu… Et lorsqu'une guerre n'était pas livrée pour cela, il arrivait fréquemment que Dieu lui-même s'opposât à la victoire de son peuple.

 

Dans tous les cas, les motifs des guerres ont été variés. Par exemple, sous Josué, il était question de se rendre maître d'un vaste pays que Dieu aurait donné aux Hébreux, d'exterminer plusieurs peuples plus puissants que Dieu aurait dévoués à l'anathème, de venger une offense faite à Dieu ou encore la nature outragée par un peuple impie et corrompu. Sous les Juges, il s'agissait de se libérer du joug des rois puissants qui tenaient les Hébreux assujettis. Sous Saül et sous David, on vit les mêmes motifs pour entreprendre les guerres, et on y joignit celui de faire la conquête des provinces dont Dieu avait promis la jouissance à son peuple. Il ne s'agissait de rien moins que d'abattre la puissance des Philistins, des Ammonites, des Moabites, des Iduméens, des Arabes, des Syriens, et des différents princes qui possédaient une parcelle quelconque de la Terre promise.

 

Dans les derniers temps des royaumes d'Israël et de Juda, on a vu ces rois soutenir le poids, tenter de résister aux plus grandes puissances de l'Asie, aux rois d'Assyrie et de Chaldée, Salmanasar V (2R 17, 3-5 ; 18, 9-10), Sennachérib (2R 18, 7-19; 19, 9b-36 ; 2Ch 32, 17.20-22), Asarhaddon (2R 19, 37; 2Ch 33, 11; Tb 2, 1) et Nabuchodonosor (2R 24; Jr; ….), qui faisaient trembler tout l'Orient. Sous les Maccabées, il fallait avec une poignée de gens résister à la toute puissance des rois de Syrie, et soutenir contre eux la religion de leurs pères, secouer le joug d'une domination qui en voulait tant à leur religion qu'à leur liberté. Dans les derniers temps de leur nation, avec quel courage, quelle intrépidité, quelle constance n'ont-ils pas soutenu la guerre contre les Romains, qui étaient alors les maîtres du monde ?

 

On distingue en fait deux sortes de guerres chez les Hébreux. Les unes sont des obligations, commandées par le Seigneur, étant celles que Dieu ordonnait de faire, par exemple celles contre les Amalécites (par exemple : Ex 17, 8-16 ; Dt 25, 17-18 ; 1S 14, 48 ; 15, 1-7 ; 1Ch 4, 43 ; Ps 83, 8 ; …), peuple nomade du Négeb et de la montagne de Séïr dévoué à l'anathème :

 

" C'est la guerre entre le Seigneur et Amaleq d'âge en âge ! " (Ex 17, 16).

 

Les autres sont des guerres libres et volontaires, entreprises par les chefs du peuple de Dieu pour venger les injures à la nation, pour punir le crime ou l'insulte ; en effet, toutes les lois mosaïques supposent partout que les Israélites feraient dans ces cas la guerre et la soutiendraient contre leurs ennemis. On prendra comme exemple, la guerre que les Hébreux firent contre la ville de Géba et contre la tribu de Benjamin, son alliée, ainsi que celle de David contre les Ammonites, dont le roi avait insulté ses ambassadeurs. Cette forme de guerre pouvait aussi avoir lieu pour défendre ses alliés, comme celle de Josué contre les rois cananéens qui attaquèrent les Gabaonites. Enfin, toutes les raisons qui peuvent autoriser une nation ou un prince à faire la guerre à une autre nation ou à un autre prince subsistaient à l'égard des Hébreux.

 

Chez les Hébreux, la guerre menée par orgueil ou par soif du pouvoir est injuste, car elle n'a pas une juste cause. De plus, dans l'Ancien Testament les guerres justes sont toujours gagnées, alors que les guerres injustes sont toujours perdues… Deux exemples :

 

- la guerre de Ben-Hadad II, roi d'Aram, venu avec son armée devant Samarie, et envoyant déclarer la guerre à Achab, septième roi d'Israël (1R 20, 3-21). Fondée sur des demandes injustes et exorbitantes, cette guerre fut perdue, et Ben-Hadad fut obligé d'abandonner après de nombreuses pertes. La guerre menée par Ben-Hadad était injuste car il était l'envahisseur tout en agissant par orgueil ;

 

- de même, lorsque Amasias, roi de Juda, orgueilleux de quelques avantages qu'il avait remportés contre les Iduméens envoya défier Joas, roi d'Israël (2R 14, 8-13 ; 2Ch 25, 20-23). Les deux rois se virent avec leurs armées à Bet-Shémesh, à la frontière de Juda et de Dan (Jos 15, 10), mais celle de Juda fut battue. Le roi de Juda cherchait à mener une guerre par orgueil ; il fut défait car sa guerre était injuste.

 

On trouve par ailleurs dans le Deutéronome les premiers éléments d’un droit de la guerre, ce qui est extraordinaire pour l’époque, En effet, outre la soumission aux commandements de Dieu, les Hébreux sont soumis aux bribes d’une éthique de et à la guerre, puisque la première des lois de la guerre posée par l'Ancien Testament est qu'on la déclare à son ennemi, et qu'on lui demande premièrement réparation du tort qu'on prétend qu'il a fait, avant de l'attaquer :

 

" Lorsque tu t'approcheras d'une ville pour la combattre, tu lui proposeras la paix " (Dt 20, 10).

 

Mais la condition de cette paix est ambiguë, car elle est sans aucune alternative réelle : soit la soumission, soit la mort.

 

" Si elle l'accepte et t'ouvre ses portes, tout le peuple qui s'y trouve te devra la corvée et le travail. Mais si elle refuse la paix et te livre combat, tu l'assiègeras. Yahvé ton Dieu la livrera en ton pouvoir, et tu en passeras tous les mâles au fil de l'épée. Toutefois, les femmes, les enfants, le bétail, tout ce qui se trouve dans la ville, toutes ses dépouilles, tu les prendras comme butin. Tu mangeras les dépouilles de tes ennemis que Yahvé Dieu t'aura livrés. C'est ainsi que tu traiteras les villes très éloignées de toi, qui n'appartiennent pas à ces nations-ci. Quant aux villes de ces peuples que Yahvé ton Dieu te donne en héritage, tu n'en laisseras rien subsister de vivant. Oui, tu les dévoueras à l'anathème, ces Hittites, ces Amorites, ces Cananéens, ces Perizzites, ces Jébuséens, ainsi que te l'a commandé Yahvé ton Dieu, afin qu'ils ne vous apprennent pas à pratiquer toutes ces abominations qu'ils pratiquent envers leurs dieux : vous pécheriez contre Yahvé votre Dieu ! Si, en attaquant une ville, tu dois l'assiéger longtemps pour la prendre, tu ne mutileras pas ses arbres en y portant la hache ; tu t'en nourriras sans les abattre. Est-il l'homme, l'arbre des champs, pour que tu le traites en assiégé ? Cependant, les arbres que tu sais n'être pas des arbres fruitiers, tu pourras les mutiler, les abattre, et en faire des ouvrages de siège contre cette ville en guerre contre toi jusqu'à ce qu'elle succombe " (Dt 20, 11-20).

 

Néanmoins, une telle attitude n'est pas spécifique aux Hébreux. Elle est courante dans le monde antique comme le démontre entre autres Thucydide lorsqu’il évoque l'expédition d'Athènes, pourtant décrite comme un modèle de démocratie dans le monde antique, contre l'île de Mélos pendant la guerre du Péloponnèse (Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 84-116) ; après avoir refusé la soumission, les Méliens durent subir un long siège :

 

" Le siège fut mené avec vigueur ; la trahison s'en mêlant, les Méliens se rendirent à discrétion aux Athéniens. Ceux-ci massacrèrent tous les adultes et réduisirent en esclavages les femmes et les enfants. Dès lors, ils occupèrent l'île où ils envoyèrent ensuite cinq cents colons. " (V, 116).

 

Il ne faut donc pas réfléchir à propos du monde antique selon les conceptions modernes de crime contre l’humanité, de crime de guerre et de crime de génocide (cf. Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948), de telles notions n’ayant aucune signification pour une époque où ils étaient la norme. Il ne faut donc en aucun cas transposer ce texte à notre époque contemporaine et vouloir en faire une norme actuelle, et surtout ne pas chercher comme le font certains à justifier certaines actions passées ou actuelles contre les Juifs par l’existence de ce passage qui relève d’un passé révolu, et d’ailleurs non spécifique aux Hébreux ! Ceci est d’autant plus important que, tranchant avec leurs contemporains, les Hébreux posaient déjà des règles qui sont devenues des fondements du droit actuel de et à la guerre, notamment en ce qui concerne la protection de l’environnement naturel ; de même, il ne faut oublier que le Décalogue interdisait le rapt et les rapines (Ex 20, 15.17 ; Dt 5, 19.21). Ainsi, malgré des excès et des atrocités perceptibles et condamnables à nos yeux actuels, les Hébreux étaient réellement très en avance sur leurs contemporains en matière de jus in bello et de jus ad bellum.

 

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6 janvier 2010 3 06 /01 /janvier /2010 10:51

Dès l'origine des temps, Dieu a donné la terre à l'homme, pour qu'il la soumette , mais non pour qu'il la détruise.... " Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; .... " [Gn 1, 28] (on notera que de grandes figures de la Foi, tels Saint François d’Assise ou encore Basile de Césarée, ont commenté ce passage de l’Ancien Testament).

Ce qui précède doit se lire dans l'esprit même de la Création puisque " Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu Il le créa, homme et femme il les créa [Gn 1, 27 ; 5, 2]. Par ces mots, Dieu a posé le statut de l'homme ; par ces mots, Dieu a posé l'équilibre entre ce statut de l'homme et celui de la Création : l'homme est à l'image de Dieu et le rapport de l'homme à Dieu est unique, propre à l'homme, couronnement de la Création. L'homme a ainsi pour mission de poursuivre la Création, mais pas n'importe comment : avec conscience et responsabilité.... Tout acte de l'homme, toute action humaine doit donc se lire à l'aune de ces mots, à l'aune de ce statut splendide et difficile. Soumission, servitude ne doivent cependant pas s'interpréter dans le sens péjoratif d'esclavage, de domination, mais plutôt dans celui de continuation de l'oeuvre de Dieu, donc de préservation des espèces, de progrès dans les conditions de vie, mais aussi de sauvegarde de la beauté du monde, bref de la Création ; continuateur et gardien de la Création, l'homme ne doit donc pas détruire, la destruction étant antinomique à la Création. Dieu a soumis les êtres animés à l'homme, pour qu'il les domine, non pas pour qu'il les détruise, l'Alliance divine liant Dieu et aux hommes et aux êtres animés qui peuples la Terre :

"Voici que j'ai établi mon alliance avec vous et avec vos descendants après vous, et avec tous les êtres animés qui sont avec vous : oiseaux, bestiaux, toutes bêtes sauvages avec vous, bref tout ce qui est sorti de l'arche, tous les animaux de la terre [Gn 9, 9-10].... Voici le signe de l'alliance que j'institue entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous pour les générations à venir [Gn 9, 12]... ".

La préservation de la faune et des espèces est donc plus qu'un acte moral, c'est aussi un devoir spirituel du croyant car rompre les équilibres faunistiques et floristiques est rupture de l'Alliance avec Dieu.

Il est utile de préciser maintenant la notion si mal comprise de domination, puisque Dieu a donné la terre aux hommes pour qu'ils la dominent. Rappelons que le verbe dominer vient du latin dominari (il s'agit ici de l'infinitif de dominor , qui signifie "être maître", "dominer", "commander", "régner", aussi bien au propre qu'au figuré [source : Gaffiot (F.), Dictionnaire illustré latin-français, Hachette, Paris, 1934, rééd. 1967, page 555]), qui découle lui-même du mot dominus, le maître... Le sens donné ici au verbe dominer n'est pas seulement chrétien, puisque, à titre d'exemple, il faut se souvenir que Cicéron a utilisé le verbe dominari dans son Tusculanae discutationes : Deus dominans in nobis , Dieu qui règne en nous ; le sens donné est celui de la manière dont Dieu règne sur l'homme. Comme Dieu nous domine, est notre maître, l'homme est le maître de la terre qu'il domine, mais pas dans le sens d'un écrasement, d'une supériorité matérielle, mais dans un sens d'Amour, dans celui d'une supériorité ontologique.

Dominer doit s'interpréter ici dans le sens de l'exercice d'une influence prépondérante et non pas dans celui d'un esclavage ou d'un asservissement ; il y a cependant une légère différence entre le lien de l'homme à Dieu et celui de la nature à l'homme puisque l'homme chrétien, conscient et libre, choisit volontairement sa soumission à Dieu dont il est le serviteur dans l'Amour, alors que la nature n'a pas conscience de son lien à l'homme, l’animal ayant par exemple une anima, mais en aucun cas un spiritus (je recherche à ce sujet une correspondance que j’avais eu avec l’un des meilleurs spécialistes qu’a l’Église sur la question, Monseigneur René Coste), ce qui lui donne certains droits (cf. les procès d’animaux au Moyen-âge). C'est pour cela que l'homme doit respecter la nature car il est doté de conscience au contraire de la nature qui, certes fille de Dieu par la Création, n'en a pas conscience. L'homme n'est donc que le dépositaire de l'oeuvre de Dieu qu'il doit respecter en tout, tout comme Dieu nous respecte et nous guide, car, comme l'a rappelé le Pape Jean-Paul II :

"L'homme -homme et femme- est le seul être parmi les créatures du monde visible que Dieu Créateur : c'est donc une personne. Être une personne signifie tendre à la réalisation de soi...; cela ne peut s'accomplir qu'. Le modèle d'une interprétation de la personne est Dieu même comme Trinité, comme communion de Personnes. Dire que l'homme est créé à l'image et à la ressemblance de ce Dieu, c'est dire aussi que l'homme est appelé à exister autrui, à devenir don. Cela concerne tout être humain, femmes et hommes qui le mettent en oeuvre selon les particularités propres à chacune et à chacun... " (Lettre apostolique du 15 août 1988, point 7).

L'un des fondements de la notion de développement durable, qui tient en le fait que notre descendance nous confie la terre, doit s'interpréter ici comme une notion chrétienne, surtout lorsque ce qui précède est lu au regard de l'éternité de Dieu, de l'espérance de la Résurrection et de la mission de croissance et multiplication confiée par Dieu aux hommes. Il faut ici réfléchir sur la transcendance, lien de l'homme à Dieu, en la transposant à la relation de la nature à l'homme, tout en complétant l'analyse par celle de l'idée de descendance -lien du Père au Fils et celle du concept de procession. Disposer de la nature tout en la respectant est difficile, mais Dieu, ayant façonné l'homme à son image, n'a pas voulu que la vie de l'homme soit forcément facile [cf. Gn 3, 16-17], et l'homme se trouve -de par sa conscience et de par la parcelle de Dieu qui réside en lui- face à la nature dans la même situation que l'homme riche face au Royaume de Dieu, même s'il faut bien lire et comprendre les sens -et aussi les applications quotidiennes- de [Mt 19, 23-24], Dieu n'interdisant pas la richesse, ne faisant pas de discrimination entre riches et pauvres [Jc 2, 1-13], mais rappelant qu'elle peut, mal comprise, écarter, par les tentations et les facilités qu'elle induit, l'homme de sa voie qui est celle de la recherche du Salut [Jc 4, 13-17]...

Tout ceci est en fait résumé par ces mots admirables du Pape Jean XXIII :

"Il (Dieu) a créé l'univers en y déployant la munificence de sa sagesse et de sa bonté. Comme dit le Psalmiste : , que tes oeuvres sont nombreuses ! Tu les as accomplies avec sagesse [Ps 103, 24]". Et il a créé l'homme intelligent et libre à son image et ressemblance (voir : Gn 1, 26), l'établissant maître de l'univers : "Tu l'as fait de peu inférieur aux anges; de gloire et d'honneur tu l'as couronné; tu lui a donné pouvoir sur les oeuvres de tes mains, tu as mis toutes choses sous ses pieds" [Ps 8, 5-6] " (Pacem in Terris, Centurion, Paris, 1963, n. 3, pp. 35-36)...

Le chrétien a donc pour devoir suprême de sauvegarder la faune, et tout ce qui lui sert de support, c'est-à-dire la flore et la terre elle-même, car il existe une solidarité totale entre toutes les œuvres de la Création, entre toutes les créatures, ayant toutes le même Créateur, toutes étant ordonnées dans la gloire de Dieu (CEC, § 344). Toutes les créatures sont ainsi, en dépit de leurs diversités et inégalités, interdépendantes dans le dessein de Dieu, n’existant qu’en dépendance les unes les autres pour se compléter mutuellement au service les unes les autres (CEC, § 340), ce qui induit des devoirs et des droits réciproques et croisés. Cette idée de solidarité, qui est une vertu éminemment chrétienne (CEC, § 1948), est en fait celle du développement soutenable, se retrouvant tout au long du Cantique des créatures de Saint François d’Assise, texte écrit vers 1225-1226, donc voici plus de sept siècles !

Le lien entre la nécessaire préservation de la terre et les excès de l'action humaine n'est donc pas né des seules revendications vertes du début des années soixante-dix -même si leur influence a été fondamentale car ayant poussé les hommes à se réveiller, à rouvrir les yeux-, l'Église elle-même les ayant devancé avec la Constitution pastorale Gaudium et Spes du 7 décembre 1965 sur l'Église dans le monde de ce temps, Dieu lui-même les ayant devancé au soir du déluge, et le passage de la Genèse [Gn 9, 9-10] est en lui-même la définition la plus simple mais aussi la plus complète du principe de développement soutenable qui est par essence même l'un des premiers principes chrétiens, car lié à l'Alliance avec Dieu ; comme l'Amour est le devoir du chrétien, l'Alliance est la nature du croyant, nature qu'il ne peut contrarier au risque de briser le fragile équilibre du monde, mais aussi de déplaire à Dieu, car " l’opération de la nature présuppose toujours des principes créés, et c'est ainsi que les produits de la nature sont appelés des créatures " (Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, I, Q. 45, art. 8, Sol. 4) ; le chrétien doit au contraire se réjouir de la Création, la respecter, car Dieu aime toutes ses créatures [Ps 145, 9] et prend soin de chacune. Ceci est d'ailleurs rappelé en permanence au chrétien, hier, aujourd'hui et demain :

" Bénis le seigneur, mon âme, Seigneur mon Dieu, tu es si grand… À jamais soit la gloire de Dieu, que Dieu se réjouisse en ses oeuvres... " [Ps 104, 1 & 31]

" Que la terre bénisse le Seigneur : qu’elle le chante et l’exalte éternellement ! " [Dn 3, 74]

" …Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures... Loué sois-tu, mon Seigneur, pour soeur notre mère la Terre, qui nous porte et nous nourrit... " (Cantique des Créatures, 3 & 9)

"Mon Dieu, combien je dois aimer toutes les créatures, animées et inanimées, puisque toutes sont sorties de vos mains... L'oeuvre de votre volonté... de quel amour, de quel respect il faut l'entourer ! de quels yeux émus il faut la regarder ! de quelles mains respectueuses, tremblantes, il faut la toucher ! " (Frère Charles de Jésus, Oeuvres spirituelles, Le Seuil, Paris, nvlle. éd. 1992, p. 55).

Dieu a donc confié la terre aux hommes non pas pour qu'ils la détruisent mais pour qu'ils l'embellissent... Le devoir du chrétien est donc certes d'utiliser la terre et ses richesses, mais aussi de la préserver, de l'embellir, de la faire fructifier, afin de parachever l'oeuvre divine de la Création, l'homme n'ayant en rien le droit de détruire l'oeuvre de Dieu, tous ceux qui s'y sont essayé, les derniers fils des antéchrists (cf. 1Jn 2, 18-23) Hitler et Staline, ayant lamentablement échoué. Vatican II a d'ailleurs bien précisé que "c'est le propre de la personne humaine de n'accéder vraiment et pleinement à l'humanité que par la culture, c'est-à-dire en cultivant les biens et les valeurs de la nature. Toutes les fois qu'il est question de vie humaine, nature et culture sont aussi étroitement liées que possible " (Gaudium et Spes, n. 53, § 1). Culture, nature, vie humaine sont donc intimement liés. Et pourtant....

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