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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 09:43

En fait, on peut rejoindre Emmanuel Mounier... Mounier écrivant qu’il faut un minimum de justice distributive. Mais la justice distributive n’est que le soubassement de l’ordre humain, dont la générosité est la règle propre. Quand le sentiment égalitaire ne vise qu’à un ordre mathématique des distributions, il livre à l’avarice instinctive ce qu’il semble donner aux bons sentiments. Et l’opposition est ici totale avec Aristote et sa vision uniquement égalitariste, ou plus exactement égalisatrice de la justice. Car ceci est impossible sans porter atteinte à la liberté !

Mais gardons à l’esprit que l’égalité parfaite n’existe pas, est inhumaine. C’est d’ailleurs ce que nous rappelle un proverbe judiciaire Ngamay : Il n’y a pas deux personnes qui soient également belles. Il faut aussi bien se dire qu’une société juste n’est en aucun cas une société égalitaire. C’est une société qui assure la circulation des personnes entre les différentes fonctions et dignités, une société où chacun a un égal accès aux biens sociaux. Mais c’est aussi, et on l’oublie trop souvent, une société dans laquelle, comme l’affirmait déjà Aristote, chacun participe également aux maux l’accablant. Il s’agit d’une société où les doits et les devoirs, les avantages et les charges sont également partagés entre tous, avec un égal accès aux droits et aux devoirs. L’injustice consiste donc, au sein d’une société, dans le fait que certains, quels qu’ils soient, puissent s’exonérer des devoirs et des charges imposés aux autres…

Bref, il ne faut surtout qu’il y ait inégale répartition des biens et des maux sociaux ; c’est ce que l’on appelle la justice distributive. Cette justice distributive, pour être bien conçue et ne pas devenir injuste par répartition abusive ou aveugle des charges, doit elle-même se vouloir corrective, afin d’éviter tout écartement de l’égalité. Seule la justice corrective peut en fait corriger les abus en rétablissant l’égalité. On notera qu’Aristote est arrivé, par cette conception, à gommer ou plus exactement à surmonter le problème de la dualité entre le châtiment et l’indemnité…, mais il s’est aussi parfois trompé…, mais il ne faut pas faire d’anachronismes ! Pour son époque, c’était un immense progrès ! Il faut savoir dépasser Aristote ! Il s’agit pour l’homme du XXI° siècle de trouver une nouvelle philosophie, les pensées et les concepts actuels n’étant plus suffisants pour expliquer un monde qui ne se conçoit plus en quatre mais en dix ou onze dimensions.

Ce n’est cependant ni la mort de l’histoire, ni la mort de la philosophie. On est dans quelque chose d’autre : un véritable changement d’ère de pensée d’où l’homme ne sortira pas intact, soit en bien, soit en mal. Cela ne signifie pas que les concepts anciens soient dépassés, très loin de là, mais qu’ils doivent être repensés ou réactualisés, notamment en ce sens que certaines conceptions philosophiques trop vite rejetées sont peut-être bien plus modernes que l’on ne le croyait.

Le retour à l’ésotérisme et au religieux, les nouvelles approches de la nature ne serait-il pas une traduction de ce fait ? Mais uniquement en ce sens que l’homme se cherche, mais aussi que ces approches peuvent lui permettre de mieux comprendre sa place dans le monde. En fait, la seule explication des disfonctionnements actuels viendrait peut-être du fait que l’homme s’est découvert comme n’étant plus le centre le monde ? En accusant l’homme de pouvoir détruire la création, les écologistes – du moins certains écologistes politiques – ne relancent-ils pas le mythe de Prométhée, tout en replaçant eux-mêmes – sans le vouloir, mais de facto¬ – l’homme au centre du monde puisque l’homme deviendrait le catalyseur de l’évolution ? Bref, n’y a-t-il pas contradiction essentielle au sein même de leur pensée ? Bien au contraire, seul la prise en compte réelle du développement soutenable, de la solidarité entre les peuples, de la nature et de sa fragilité nous permettrons d’assurer la justice, en son sens le plus large, à l’avenir, au risque de réduire la justice institution à une simple police de l’ordre public ou, pire, de l’ordre moral ! Nous découvrons avec émotion que si l’Homme n’est plus (comme on pouvait le penser jadis) le centre immobile d’un Monde déjà tout fait – en revanche, il tend désormais à représenter, pour notre expérience, de la flèche d’un même Univers en voie, simultanément, de « complexification » matérielle et d’intériorisation psychique toujours accélérée. Ces mots posthumes de Pierre Teilhard de Chardin dans La Place de l’Homme dans la nature sont donc ici prophétiques…

Toute l’ancienne philosophie serait d’une certaine manière morte avec la seconde guerre mondiale, ce qui n’est pas forcément un mal, et une nouvelle doit naître, est dans les douleurs de l’enfantement, devant répondre aux interrogations d’un monde non plus anthropocentré, non plus à quatre dimension mais tout autre, intégrant désormais la nature, l’environnement comme la donnée première ! Le monde d’Hésiode, de Démocrite, d’Héraclite, de Socrate, de Platon, d’Aristote, de Thomas d’Aquin serait mort ! Celui de Descartes, de Pascal, de Leibniz, de Kant, de Nietzsche serait mort ! Or, ce n’est pas exactement cela. Ce qu’il y a, c’est que leurs idées ne sont donc plus totalement vraies car fondées sur du faux, ou des situations sociales autres ! C’est surtout le doute permanent insinué dans les esprits qui doit disparaître, non pas qu’il faille supprimer le questionnement – bien au contraire –, mais il faut aussi croire en ce que l’on dit et surtout ne plus chercher, par un quelconque jeu dialectique, seulement à détruire l’autre en se détruisant soi-même ! Mais cela ne veut pas dire non plus qu’il faille les jeter à la poubelle, très loin de là… Notons par contre, qu’à l’imitation des « grands » philosophes et à contrario de ces derniers années, la philosophie se doit désormais d’être à nouveau universelle, tant mathématique et physique que littéraire et juridique.

On a parlé brièvement de la place de l’homme dans le monde. Cela est décisif. Car désormais l’homme cherche non seulement à se connaître, mais aussi à comprendre sa place dans le monde qui l’entoure, sa place dans l’univers. L’homme dans le monde qui l’entoure… La finalité de l’homme… On nage ici en pleine philosophie, mais on est aussi proche de la géographie, de la psychologie, mais aussi proche de l’écologie, de cette science des êtres vivants dans le milieu qui les entoure. On est aussi proche de l’anthropologie, cette science qui permet à l’homme, par la connaissance de son comportement, d’en apprendre tant sur l’autre que sur lui-même… Et le droit se doit d’intégrer ces nouvelles dimensions !

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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 09:42

Un point important : le budget de la Justice… Pour ce qui est du budget, on veut réduire les dépenses de l’Etat. C’est là une tendance de l’Etat français contemporain dans tous les secteurs importants de la vie publique, secteurs qui tendent désormais à tomber sous la dépendance de la société civile – bourgeoise au sens hégélien - : enseignement, santé publique, etc… L’Etat a tendance a accroître sa tutelle sur la société économique, mais, en même temps, à abandonner sa tutelle juridique pour laisser cours au libre jeu de la concurrence capitaliste.

L’Etat aurait donc deux attitudes, deux orientations opposées face à la justice : il veut soustraire à la tutelle de l’Etat nombre de comportements sociaux tout en tendant à affirmer son arbitraire sous une forme quasi-monarchique et en proclamant vouloir se mêler de tout. Néanmoins, n’oublions pas que, par delà les définitions, la justice est un élément définiteur de l’Etat ! Et puis, on oublie trop souvent que la justice est un pouvoir politique ! Gardons bien à l’esprit que la fonction publique, dont font partie les magistrats, rend un service public. Il ne peut donc pas être question de rentabilité ou de productivité de la justice, et beaucoup des évaluations effectuées sur cette base sont donc erronées. Cela ne signifie pas qu’il doive y avoir mauvaise gestion, loin de là, service public et bonne gestion n’étant pas antinomiques dès lors qu’il y a contrôle et volonté de bien gérer. Mais la question du budget ne doit jamais être un frein en matière de justice ! Economiser en fermant des tribunaux de proximité est peut-être une solution à court terme, mais nous risquons de le payer très cher dans l’avenir, et pas seulement en termes d’économies, y compris en terme de rupture du principe d’égalité des citoyens devant la loi !

En effet, la justice n’a pas, comme le commerce, à s’inscrire dans un rapport de qualité/prix, seule la qualité devant prévaloir. Or, ce rapport, qui n’est pas avantages/charges, se retrouve partout, y compris dans le politique, avec le recours à des officines privées pour juger, qualifier, etc… On note les ministres, les hôpitaux, les entreprises, et, sous le couvert d’une pseudo-indépendance, on influe sur la bourse, les opinions, etc…, menaçant ainsi la démocratie au nom même du privé et de la défense du public. C’est le cœur du problème… Sans moyens pour la justice, il n’y a plus ni justice, ni démocratie possible ! Et puis, pour ce qui est des moyens humains, une idée parmi d’autres. Pourquoi ne pas intégrer pour aider les magistrats les étudiants en thèse de droit ou encore en Mastère 2, sur le modèle de l’internat en médecine ? Donc, réforme des études juridiques.

Puisque nous évoquons les « problèmes », il se pose aussi la question du langage technique de la justice… Il faudrait un certain secret, malgré un risque d’arbitraire, sans oublier les « bavures » ? Oui et non, car le risque d’arbitraire étant très limité en fait du fait de l’appel, de la Cassation, de l’existence de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais il faut aussi garder à l’esprit que la justice impose aussi un besoin de technique et de rigueur, et plus encore de psychologie, ce qui fait que le malentendu avec la justice n’est pas qu’une simple question de vocabulaire.

De plus, on a tendance à toujours demander plus à la justice ! Les hommes ne savent plus véritablement résoudre par eux-mêmes des conflits aussi simples par exemple que les petits accrochages automobiles ou encore certains conflits de voisinage. Mais ceci est aussi la conséquence de la perte de certaines solidarités sociales internes. En ce sens, le Moyen-âge, les communautés villageoises évitaient plus facilement le recours à la justice, même au risque d’avoir des coutumes, des usages locaux. La communauté elle-même savait apaiser beaucoup de problèmes que l’on porte aujourd’hui devant la justice. En ce sens la commune rêvée par des auteurs tels que Proudhon est une forme de solidarité à retrouver, mais sans pour autant que cela brise la nation.

On peut ici penser à Casamoyor qui écrivait qu’il fallait que tout citoyen, autant que possible, évite de recourir à la justice. Mais il ne faut pas non plus aller trop loin, car avec la réduction des activités reconnues comme délits (chèques, etc…), la privatisation de la résolution des accidents, demain les divorces sans intervention de la justice, on dégorge certes les tribunaux, mais parfois au détriment de la justice elle-même, renforçant ainsi le sentiment de non-justice. Il faudrait donc imaginer un droit nouveau, ou plus exactement une procédure nouvelle posant un équilibre entre une certaine justice de consensus et la justice institution…, cette dernière devant pouvoir intervenir dans certains cas uniquement en appel. C’est un peu l’idéal de l’arbitrage, mais à condition que la justice puisse contrôler, même en dehors de l’appel, de la réalité du consensus. Sinon en en revient à la loi de la jungle, à celle du plus fort, au risque de voir des clans dominer des quartiers au détriment du peuple lui-même, ce dernier restant, on l’oublie trop souvent, le seul souverain dans notre pays.

En fait, le cœur de l’actuel problème de la justice est la crise de la société, crise qui se ressent tout particulièrement dans les domaines particuliers de l’enseignement et de la justice. Mais ce n’est pas une crise, car nous en sortirons. C’est plutôt un malaise lié à des sentiments relatifs à la durée, à une impression d’inefficacité voire d’inégalité, ou encore d’injustice ou d’inhumanité… Sentiment encore que l’impression que certaines décisions seraient un peu expéditives, notamment quant à leur énoncé… Et c’est pour échapper à ce malaise, beaucoup sont tentés par l’arbitrage qui semble répondre à tous ces problèmes…, mais à la condition de bien veiller à ce que ce recours ne soit pas en fait un retour en arrière. Souvenons-nous qu’au tennis, les personnes de l’arbitre et du juge-arbitre sont distinctes ! Et la justice institution doit donc toujours rester accessible, y compris dans le contrat, y compris dans l’arbitrage, justement pour éviter des dérives dont l’histoire nous a suffisamment donné de preuves…

Mais il faut aussi comprendre la justice devient parfois orientable, ce qui renforce le malaise. C’est particulièrement patent lorsque le Parquet tend parfois, soit à classer sans suite, soit à mésuser et abuser de la garde à vue, pourtant de droit ultime solution ! Sans même évoquer la détention provisoire… Ceci pose aussi et à nouveau la question du contrat, y compris du contrat social. Il n’est pas possible de trancher a priori le choix entre la loi et le contrat. Le contrat collectif est souvent préférentiel, mais le risque du corporatisme rigide est présent. Le contrat et le consensus constituent certainement une approche démocratique, proche de la réalité de l’entreprise ou encore de l’espace dans le cas des collectivités territoriales, mais il y a un très fort risque d’émiettement. De ce fait, la loi se doit au minimum d’encadrer le contrat, afin de garantir une égalité tant juridique que réelle à toutes ses parties.

On en revient toujours à une nécessaire justice institution indépendante ! Mais il faut aussi bien garder à l’esprit qu’une justice uniquement perçue comme justice institution n’est que parodie de la loi, que parodie du droit ! Revenons à l’exemple des chèques… Nous sommes ici totalement dans la sphère privée et non plus de la justice puisqu’il y a secret total, non information obligatoire de la personne sanctionnée, décision prise par une entité privée sans droit de défense, maintien des effets même en cas de rétablissement, donc sanction sans aucune proportion…C’est là un exemple des risques posés, même si une réelle souplesse existe aujourd’hui dans la remise de l’interdiction. Mais, comment se fait-il que le contrôle du juge n’existe pas réellement dès que la sanction a été adoptée ? Manque de moyens ?

Toujours est-il qu’il faut dans tous les cas éviter d’aboutir à une justice seulement populaire. En effet, la justice populaire n’est qu’une justice de classe ; ce fut le tort de 1792. Une justice de classe n’est qu’une justice faible, et favorable le plus souvent, paradoxalement, à la classe dominante, confer l’exemple de l’URSS, ou, dans notre cas à l’argent, ce qui n’est pas nouveau si l’on relit bien Les fourberies de Scapin ou encore Les Plaideurs. C’est ce que dit d’une certaine manière Hervé Biron lorsqu’il proclame que la justice n'est jamais aussi brutale que lorsque le peuple l'exerce lui-même. Et c’est en cela qu’il faut des magistrats formés, indépendants, même s’ils peuvent parfois sembler pesants, voire se tromper, car rien ne serait pire que la confiscation par une fraction ou une faction de la justice, même au nom du peuple.

La justice populaire s’égare trop souvent dans la vengeance, la violence ou le spectacle. Mais cette justice spectacle existe aussi avec la justice institution. Ainsi, certains récents procès pénaux justifiaient-ils de bloquer des tribunaux pendant des semaines ? Pas toujours, même s’il faut aussi dans certains cas aller au bout des choses pour permettre à la fois à l’accusé de faire face à sa victime, mais aussi aux victimes de mieux comprendre. Mais il ne faut pas que cela aboutisse à la vengeance…Et surtout, il ne faut pas que le procès redevienne une nouvelle instruction ! Or c’est trop souvent le cas, même s’il est nécessaire de bien savoir, de bien connaître les faits, les circonstances, les personnalités, les procédures réellement poursuivies… Pourtant, dans les faits, dans la réalité de la Justice, l’instruction à l’audience permet d’apporter souvent plus que l’instruction en cabinet. L’instruction à la barre apporte souvent bien plus, permet bien plus de mettre en évidence, certes des faits, des preuves, mais aussi le caractère humain ou inhumain…, même si cela ne doit pas tourner au spectacle ! Et puis, c’est vrai, dans le procès pénal, il faut que les jurés, des citoyens devenus juges, sachent exactement ce qu’ils jugent.

Mais cela peut poser la question du secret de l’instruction, car, dans le procès d’Assises, nous avons des magistrats connaissant le dossier réel et d’autres n’y ayant pas accès. D’où l’indispensable besoin de temps pour bien juger ! Donc, il faut certes moins de lenteurs, un langage moins énigmatique, une expédition finale moins sommaire, … mais il faut aussi du temps, nous y revenons ! Mais les critiques ne peuvent s’arrêter là, se réduire à seulement cela. Il faut en revenir au rationnel dans l’intervention du droit et de l’Etat, à l’intérieur des mécanismes de la société. Tout le monde ou presque admet que droit est un ensemble de règles universelles et rationnelles organisant et délimitant les rapports entre les citoyens et les intérêts de l’Etat. Pourtant, l’Etat n’est pas, par lui-même, ni dans n’importe quelles conditions, l’instrument d’un droit pleinement rationnel. En fait, chacun a sa propre idée de la justice, et même plus plusieurs aspects d’une même chose dans son idée. Par contre, le droit est une « science » ancienne obéissant à un principe rationnel d’organisation.

Revenons un instant sur la justice populaire. Ne risque t-elle pas d’être aussi la loi des minorités, cette loi des minorités bafouant le suffrage universel et la démocratie vraie que l’on semble privilégier aujourd’hui… ? Cette loi bloque tout progrès car induisant une déviance oligarque, dans un sens ou dans l’autre. Seuls les gens déjà gros restent car ils ne peuvent plus progresser. Il y a blocage de la circulation de toutes les élites et du brassage social au profit de castes déjà installées, qu’elles soient politiques, économiques, syndicales ou associatives. A éviter, car il ne faut pas oublier qu’en France nos élus sont issus du suffrage universel et libre, donc de la volonté des citoyens ! Et celle-ci doit être respectée d’une manière absolue, …ce qui impose paradoxalement l’indispensable renforcement des droits de l’opposition. Un exemple ? Eh bien, puisque le Président de la République peut aujourd’hui s’adresser directement au Congrès, il faudrait lui imposer de répondre ! Une procédure simple et facile, sauf pour le Président pour lequel l’exercice pourrait être rude… Que l’opposition dispose d’un temps de question réel de trois heures, le Président de la République ayant obligation de répondre ! Pas besoin de donner le même temps à la majorité, … sauf si elle souhaite voter contre le Président, ce qui imposerait une procédure nouvelle de destitution. Ou encore, donner deux fois plus de temps à l’opposition lors des questions au gouvernement. A étudier ! Mais nous sommes plus là dans le domaine de la justice sociale que dans celui de la justice institution ou sentiment…

Maintenant, soyons à nouveau paradoxal. On parle de justice sociale. Bien… Pourtant, à bien y regarder, l’idée même de justice sociale est aberrante, car toute justice est sociale par nature, car le droit ne s’inscrit que dans le cadre d’une société. Le juge intervient toujours dans le cadre d’une société, qu’elle soit réelle ou fictive, jamais en dehors d’elle, car la justice met toujours en relations deux êtres, même si l’un est fictif comme l’Etat. Le droit existe même dans les sociétés anarchiques, même s’il n’est pas qualifié de loi mais seulement de bons rapports entre les individus… Certes, mais on voit bien la lenteur du développement du droit économique et du droit social. Même les anarchistes sont soumis au droit, puisque leur règle est de ne pas se soumettre au droit, ou plus exactement puisqu’ils posent pour règle de ne pas en avoir. On est donc, même là, dans le droit, puisque réfuter cette règle implique l’exclusion de leur sphère de pensée ! Finalement, la règle de droit, plus que le rire, ne serait-elle pas la caractéristique première de l’humanité ? Du moins de l’homme vivant en société…

Tout comme on peut poser pour postulat vrai que toute justice qui n’est pas sociale n’est pas justice, ou du moins n’est pas justice réelle. Dès lors, le véritable ministre de la justice ne devrait-il pas le Haut commissaire aux solidarités ? D’une certaine façon, oui ! Sauf que l’on peut ne pas trop aimer ce titre de Haut commissaire

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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 09:40

Parmi les priorités nouvelles, parmi les objectifs actuels, figurent une augmentation du nombre de places de prisons. C’est un bien si l’on aborde cette question dans le sens d’une amélioration du quotidien des détenus. Mais c’est aussi un mal, car l’objectif de la société devrait plutôt être de faire en sorte que de moins en moins de personnes aillent en prison ! D’autant plus que l’on constate un paradoxe. Dès lors que la question n’est pas abordée uniquement dans le sens d’une amélioration des conditions de vie, non seulement des prisonniers ou de leurs familles, mais aussi des personnels pénitentiaires, nous sommes obligés de constater que toujours plus de prisons conduit à toujours plus de prisonniers, toujours aux mêmes problèmes de surpopulation carcérale, et ce partout dans le monde. Serait-ce une mise en évidence par l’absurde d’un problème de sociétés toujours plus violentes ? Ou alors certains magistrats seraient-ils ainsi plus tentés ou incités à sévir ? Ce serait plutôt le problème de l’œuf et de la poule, dès lors que la prévention, l’éducation, y compris celle des détenus, n’est pas la priorité des priorités ! Sans éducation, sans, j’ose le mot, une certaine morale, qu’elle soit religieuse ou républicaine, les deux ne s’opposant d’ailleurs pas forcément, il ne pourra jamais y avoir de réelle solution aux questions de la délinquance.

Il y a cependant, quelle que soit la société, toujours une part disons d’irréductibles… Mais le but de la société doit être de tendre à justement à réduire à cette part,… même si cela pose un évident problème : celui de la définition de cette irréductibilité. Ou alors, nous retombons dans les dérives de certains hôpitaux psychiatriques soviétiques ! Etre autre, être différent, ce n’est pas être délinquant, même si l’on peut choquer ! Et d’ailleurs, la société actuelle est-elle véritablement plus violente qu’avant ? Beaucoup se souviennent de leur arrière-grand-père se rendant au marché accompagné de deux autres fermiers, de leur grand-père sortant avec sa canne épée, et ainsi de suite… Et comment ne pas oublier aussi qu’avant ces dernières décennies la criminalité n’était pas calculée hors des centres villes ! Comment peut-on oublier les zones de non droit qui existaient à la fin du XIX° ou au début du XX°, comme celle dite des Fortifications à Paris. Et on ne parle même pas ici du Moyen-âge ! Casque d’Or et d’autres films nous l’ont montré ! Est-on si éloigné de certains problèmes des banlieues ?
Le drame, c’est que rien n’aurait donc été fait, sauf en termes de comptabilité ? Oui et non ! Mais toujours est-il que plus l’on parle de sécurité, plus on fait en termes de sécurité, plus le sentiment d’insécurité est perçu…. D’autant plus à l’heure où l’information est immédiatement disponible. Mais n’est-ce pas aussi parce que l’approche de la sécurité n’a été jusqu’alors qu’avant tout répression, un peu prévention, mais quasiment jamais analysée, et actée, en termes de justice sociale ?

Le sentiment d’insécurité augmente paradoxalement à mesure que l’insécurité baisse. On oublie trop souvent aujourd’hui qu’au début du siècle dernier on ne pouvait aller au marché de Beaucaire sans être armé et accompagné, que les crimes dans les banlieues n’étaient pas comptabilisés, que les prêtres pédophiles étaient bien plus nombreux, que les viols n’étaient pas dénoncés, etc… Il y a peut être plus d’acuité à la perception du mal du fait même du recul du mal. Un parallèle peut être fait avec la baisse du nombre des conflits armés dans le monde, alors même, qu’à regarder les media, on ait l’impression de l’inverse. Nous avons évoqué le mal. Il y a un lien avec l’idée de justice…

Juste un mot en passant. L’idée de mal induit une réponse de la justice, et d’elle seule. Elle renforce le sentiment d’injustice. Et, sans la justice, elle conduit à la vengeance, ce que nul ne souhaite. Il faut donc sanction par la seule justice… Il y a une belle phrase de Lao Tseu : Paie le mal avec la justice, et la bonté avec la bonté. C’est tout à fait pertinent, mais toujours est-il que ce paiement ne doit pas être fait par les victimes, uniquement par la justice !

Parlons un peu de la sanction…, surtout de la sanction pénale. La première chose à dire est que la sanction, ou plus exactement que la peine ne doit pas être répression ou vengeance. Par contre elle se doit d’être à la fois sanction et éducation, ce qui peut d’ailleurs suffire à justifier la remise en liberté prématurée avant fin de peine. La sanction thérapeutique est en effet une aberration. Sanction éducative, sanction réparation, mais pas thérapeutique. Ou alors, il faudrait remplacer la sanction classique sans peine de prison mais seulement un traitement médical. Thérapeutique de la société plus que l’individu, … mais c’est alors la fin de toute liberté !

Par ailleurs, la sanction pénale semble aujourd’hui souvent réduite à la seule et illusoire réparation de la douleur, autre aspect « thérapeutique ».Mais ce n’est pas là son rôle ! Et, de plus, vouloir imposer l’idée que la douleur serait totalement réparable sous-entendrait qu’elle serait dès lors vénale, ce qui n’est pas. On retomberait dans le œil pour œil, même si celui-ci était, mais en son temps, un immense progrès, car limiteur de la vengeance privée. Oublions donc cet aspect !

Toujours est-il que l’on doit se poser une question. Quel sens donner à la sanction, car sa conception peut être plurielle : réparation, restitution, exclusion, correction, régulation, moralisation, dissuasion, neutralisation ? Ce qui est au cœur de cette question, c’est le problème de la liberté de l’individu. Dans tous les cas, l’idée d’exemplarité de la peine est aujourd’hui abandonnée, l’histoire en démontrant l’inanité. Il faudrait donc en revenir à la vertu, à un équilibre entre la raison et le sentiment. Car la société ne doit plus se concevoir en termes de rapports de force mais en termes d’équilibres ; la vie sociale n’est pas un duel, ni même une coexistence, elle est un vivre ensemble ! Il faut en finir avec le mythe de l’utilitarisme ; la peine doit être sage et juste, fondée sur la raison et une certaine utilité sociale, certes, mais pas que cela.

Il paraît bien difficile de comprendre l’utilité d’une peine dès lors qu’elle ne peut servir ni à guérir le criminel, ni à le réinsérer dans la société. C’est bien pourquoi il y a aujourd’hui débat sur la sanction et sur sa nature. La société actuelle, économique et se voulant rationnelle, qui se plaint souvent à raison d’une certaine insécurité, regimbe tout autant en se plaignant du coût d’un prisonnier… Dès lors, la peine n’a plus de réelle utilité positive, dès lors qu’on enferme la justice dans un débat coûts/bénéfices, et ce d’autant plus, qu’a priori, le rôle de la justice pénale, pour en rester à cet exemple, n’est perçu que comme maintien de la loi, et rien d’autre. Or, la justice ne se réduit pas à cela ; la justice ne se mesure pas en termes économiques, en termes de « consommation ». En fait, la principale utilité de la peine serait à la fois d’isoler pour un temps une personne de la société – sans que l’on cherche, malheureusement, à l’éduquer en prison, malgré les efforts louables des acteurs sociaux de la prison, sans même parler de ceux qui refusent tout – mais aussi de faire savoir que le crime ne paie pas.

Le problème est que l’on n’a pas d’autre moyen que d’utiliser la violence dite légitime pour répondre à la violence du crime ou du délit. De ce fait, la peine se trouverait réduite à une contre-violence, ayant donc une nature négative, tout autant que la faute. La seule signification de la peine serait dès lors au sens que la négation d’une négation est une affirmation. Ceci est paradoxal, mais finalement pas du tout irrationnel en ce sens que le crime étant négation de la loi la peine supprime cette négation pour remettre les choses en ordre.

Ce qui gêne surtout dans la peine, c’est que la société doive recourir à la solution d’une certaine violence pour répondre à la violence du criminel. L’une des solutions, afin de réduire ceci, tient en l’éducation égale pour tous, en une éducation de qualité, y compris intégrant à nouveau des aspects d’instruction civique, aujourd’hui tant oubliés, du moins en termes de morale sociale. Peut-on reprocher à un jeune à qui l’on n’a pas appris le sens du bien et du mal de ne pas l’appliquer ? Il ne faut donc pas se borner à chercher à annuler la violence par une contre-violence, il faut aller plus loin, même s’il est évident que certains individus chercheront toujours, et ce à quelques échelle que ce soit de la société, à violer les droits, à user de la violence, à faire le mal. C’est dans ce seul cas que la contre-violence est totalement légitime. Il faut donc toujours préférer l’éducation à la rééducation, l’insertion à la réinsertion, et c’est ici que la justice dépasse la justice pour embrasser toute la société ; c’est ici que la justice doit véritablement être fondée sur l’idée de justice sociale !

La justice sociale n’est pas un vain mot mais un tout ! Rousseau disait que les lois pénales ne sont que la sanction des autres ; or, elles nous concernent tous ! Rousseau se trompe, car elles sanctionnent aussi les défaillances d’un modèle de société, quel qu’il soit, notre incapacité à insérer, à intégrer ! Et, de ce fait, la rigueur de la loi ne devrait pouvoir trouver sa plénitude que dans les cas de récidive ou dans la pluralité des actes, en aucun cas dans la primo-infraction. Mais ceci impose un traitement social, médical strictement contrôlé, mais aussi éducatif si besoin. D’où l’importance de la culture… Néanmoins, il faut éviter la dérive de l’éducation formatage ou de l’information biaisée ! Mais, dès lors, cette rigueur serait aussi un constat d’échec… Devoir sanctionner est donc toujours, bien que ceci soit indispensable dans le cadre des sociétés humaines, un échec.

Disons ici quelques mots de la loi… La loi est l’ensemble des prescriptions régissant chaque nature, que cette loi soit naturelle, physique, morale, divine… Les idées de règle, de généralité, de permanence et d’inéluctabilité lui sont rattachées. Au sens juridique, il est possible de distinguer la loi matérielle de la loi formelle. La loi matérielle est la prescription qui régit la matière juridique, procédant du sens général et de ses caractères. Pour sa part, la loi formelle est le texte établi selon une procédure reconnue et régissant le fonctionnement d’un Etat.

Nous avons évoqué l’idée de loi divine… Doit-on rappeler que Maximilien de Robespierre croyait en l’immortalité de l’âme, en l’Être suprême ? N’a-t-il pas dit que sans principe d’un Être suprême, il ne peut y avoir de justice ou de droit, car il y aurait alors absence de toute limite, ouverture à toutes les contestations ? … D’ailleurs, Diderot évoque ce point dans divers articles de l’Encyclopédie ! Le droit divin existe donc bien, que ce divin soit religieux, la nature, la raison, bref tout principe transcendantal ! Il faudrait en fait toujours un principe indépassable pour qu’il y ait justice, et ce quel qu’il soit, Dieu ou la raison, la nature ou le peuple !

Ceci peut sembler difficile à avaler ! Et pourtant… C’est le principe posé par Sophocle dans Antigone. Sophocle pose dans cette tragédie l’un des plus importants et des plus angoissants problèmes se posant à la conscience humaine : l’individu a t-il le droit, au nom des principes éternels de la justice et de la piété, d’enfreindre les lois humaines ? C’est le célèbre dialogue entre Créon et Antigone : - Créon – Ainsi tu as osé passer outre ma loi ? - Antigone – Oui, car ce n’est pas Zeus qui l’avait proclamée ! … non, ce ne sont pas là les lois qu’ils ont jamais fixées aux hommes, et je ne pensais pas que tes défenses à toi fussent assez puissantes pour permettre à un mortel de passer outre à d’autres lois, aux lois non écrites, inébranlables, des dieux ! Elles en datent, celles-là, ni d’aujourd’hui ni d ‘hier, et nul ne sait le jour où elles ont paru… Je te parais sans doute agir comme une folle. Mais le fou pourrait bien être celui même qui me traite de folle.

Cette question, fondatrice de l’école du droit naturel, mais aussi de l’idée de droits de l’homme, est toujours d’actualité, se posant par exemple sous sa forme nouvelle du droit d’ingérence. Et, malgré l’opposition apparente des deux personnages d’Antigone et de Créon, Sophocle répond par la positive à cette question. Antigone va l’accomplir avec une totalement résolution. Rien ne va arrêter Antigone pour faire triompher les principes éternels supérieurs aux lois…Mais n’y a-t-il pas là fanatisme ? Non, car Antigone est tout sauf fanatique. Par contre, s’il n’y a pas de définition préalable de ces lois, il y a en effet risque de fanatisme ou encore de dictature ! D’où l’intérêt de la doctrine, mais aussi le rôle fondamental du législateur… D’où aussi l’intérêt de réfléchir aux sources du droit, à ses racines dans le monde actuel où l’international se développe !

Le droit divin serait en quelque sorte un synonyme de droit naturel, mais il n’est pas que cela ! Evoquons-en une autre facette. En tant que tel, en tant que religieux, le droit divin joue un rôle important, en ce sens qu’il n’est que pour celui qui y croit. Cette croyance en un objet de pensée comme réel crée cet objet ! Mais il n’est valable que pour une seule société ou un seul individu. Il ne peut donc pas se confondre avec le droit naturel ou encore avec le droit national ! En effet…, au sens large… repensons à ce qui a été dit tout à l’heure ! Toujours est-il qu’il est toujours parfois naturel en ce sens que toutes les religions et croyances ont un substrat minimal : ne pas tuer, ne pas voler, condamner le parjure… Néanmoins, ceci n’est qu’une régulation sociale, en aucun cas un substitut à la justice institution, car la justice garantit et s’identifie à une société prise dans sa globalité et non individuellement, sinon il n’y aurait plus de justice en elle-même mais somme de règlements de comptes, de vengeances personnelles, de lois particulières…

Revenons un moment sur l’idée de justice sociale. La justice sociale peut exister, mais uniquement comme réponse à la vie de l’homme en communauté, parce qu’elle est le simple cadre de la justice idéalisée. Elle ne peut exister que lorsqu’elle dépasse l’individuel tout en le respectant, le replaçant dans un cadre social, dans un ordre social, dans un jeu d’équilibres et de respect, dans un jeu de volontés dépassant la volonté générale, qui est distinct de l’impersonnel intérêt général, ou la somme des volontés individuelles.

Il ne peut donc y avoir de justice sans des renoncements mutuels, tout comme les finalités de la justice dans leur rapport individu/société sont contradictoires… La justice n’est donc même pas une utopie, mais seulement la recherche d’une soumission par les détenteurs du pouvoir à la force ou à l’argent. Les seuls garants d’un semblant de justice sont en fait les avocats et les juges, du moins dans leur évolution actuelle, d’où l’indispensable indépendance de la justice, de toute la justice, donc aussi des avocats qui ne devraient être soumis qu’à leur propre justice, ou alors être fondus dans la magistrature. En fait, la justice sociale ne serait que la définition théorique de la mise en praxis politique du concept de contrat social.

Il ne faut cependant pas être pessimiste, même si la justice comme absolu, comme perfection est inaccessible ! La justice universelle elle-même ne peut se définir, même dans le cadre religieux ou culturel. Elle n’est que la conjonction d’éléments communs à toute l’humanité, dont certains se retrouvent dans les commandements religieux ou les tabous culturels. L’anthropologie est donc la seule science apte à définir la justice, et là donc encore il y a importance de la culture, de la connaissance. Et la solution n’est pas forcément dans des lois, des ordres, des règlements, des directives ! Elle est surtout dans la vision de la civilisation elle-même ! Dans ce que l’on veut vivre ! Dans le vouloir-vivre collectif ! Elle est dans la prévention, dans la précaution ! Elle est dans la confiance en soi ! Elle est dans les valeurs ! Elle est dans l’apprentissage d’une éthique ! Elle est dans l’éducation ! Il faut donc reconstituer le fond même de l’homme ! Il nous faut surtout retrouver une espérance, retrouver l’espérance !

Mais l’une des difficultés historiques de la justice est que la société réclame à sa justice à la fois une égalité juridique, donc formelle, et une égalité sociale, donc réelle, sans qu’une distinction réelle soit véritablement faite entre ces deux égalités. On aboutit ainsi parfois au paradoxe que ce qui est formellement juste peut être réellement injuste, surtout lorsque l’égalité formelle de la loi s’applique dans une société réellement inégale. Et c’est donc là que doit s’inscrire l’art du juge ! Ce qu’il fait souvent – mais on ne parle que des échecs de la justice, jamais de ses réussites du quotidien -, de savoir concilier le formel au réel, même s’il ne peut et ne doit le faire que dans les limites que lui laisse le droit. D’une certaine manière, on pourrait aussi dire que, par cette double dimension, le politique – au sens étroit – peut influencer directement la justice, chercher à lui imposer sa pensée sans remettre en cause formellement son indépendance, uniquement en agissant sur des questions de forme… D’où la nécessité du contrôle constitutionnel, qui devrait être élargi aux textes réglementaires, des contre-pouvoirs, d’une opposition libre, et aussi … des media !

Nous avons parlé de la justice universelle. Montaigne a écrit que la justice en soi, naturelle et universelle, est autrement réglée, et plus noblement, que cette autre justice spéciale, nationale, contrainte au besoin de nos polices. L’idée est bonne… Mais qu’est-ce que la justice en soi ? Et comment peut-elle être réglée ? Et surtout, est-elle réellement universelle ? Dans le cadre d’une « justice en soi », cette dernière n’est déterminable que par chacun, n’étant qu’un sentiment personnel. Ou alors, on serait tout autant dans le totalitaire de la pensée en ce sens que tous les critères, nous disons bien tous, du bien et du mal seraient définis par une autorité, y compris en ce qui concerne le for intérieur. Il est vrai que Montaigne a aussi écrit : Considérez la forme de cette justice qui nous régit : c’est un vrai témoignage de l’humaine imbécillité, tant il y a de contradiction et d’erreur. En avance…, même s’il ne faut pas généraliser. Reste que la procédure devient parfois plus qu’incompréhensible, voire même ignorante des droits tant de la société que de la victime que de l’accusé !

Parlons donc un peu de la procédure…Et une première question. En fait deux… Faut-il le contradictoire plutôt que l’inquisitoire ? Mais y-a-t-il dans le contradictoire plus de garanties des droits ? La vraie question ne serait-elle pas celle de l’accusatoire ? Par exemple, le procès-verbal devient preuve unique par lui-même, sans aucune corroboration de la preuve, voire même avec destruction de la preuve, son destinataire devant pourtant pour contester faire preuve contraire, ce qui est parfois impossible ; on peut pense ici à certains contrôles de vitesse ou encore au traitement de certaines infractions de pêche…L’accusatoire, oui, mais en équilibrant les pouvoirs et en garantissant l’indépendance totale. La seule intervention de l’exécutif pourrait être une sorte de discours du trône annuel fixant des lignes prioritaires, mais rien d’autre !

Le couple charge/décharge doit en fait être garanti. Peut-être faudrait-il dès lors maintenir le juge d’instruction sous la forme d’un couple : l’un chargé de la charge, l’autre de la décharge, chacun travaillant avec les avocats de la partie civile pour le premier, de la défense pour l’autre, le procureur, dès lors, n’intervenant que pour formaliser l’action et défendre l’action publique ? Dans ce cadre, on pourrait aussi limiter le nombre d’avocats des parties civiles à l’audience à un chiffre équivalent à celui de la défense. Par ailleurs, la plaidoirie n’est qu’une partie du travail de l’avocat. On aurait ainsi aboutir peut être à quelque chose proche du couple lawyer/barrister anglais.

Autre question, les victimes doivent-elles continuer à avoir accès au dossier d’Assises ? La France est quasiment le seul pays à le faire. Est-ce un danger ? Pas vraiment. De plus, la société française ne comprendrait pas leur éviction. Pour ce qui est des jurés d’Assises, il faut les maintenir ! La présence dans les Assises de jurés populaires reste l’un des liens visibles personnifiant et rappelant le lien de la justice au peuple. Mais, pourquoi ne pas faire comme pour les accidents de la route : leur faire visiter une prison, leur faire rencontrer des travailleurs sociaux avant de juger ! En effet, chez les jurés, le sentiment l’emporte assez souvent, mais pas toujours, sur la raison.

Parlons maintenant de l’avocat… L’avocat étant l’une des garanties de la justice, ne faudrait-il pas faire en sorte que, comme il existe le conseil supérieur de la magistrature, il y ait un Conseil supérieur de l’avocature, seul juge des avocats. L’idée d’un renforcement de l’indépendance de l’avocat n’est pas mauvaise. Mais pourquoi pas le faire dépendre lu Conseil supérieur de la Magistrature, à charge pour celui-ci d’intégrer véritablement des avocats en son sein, même si nous reviendrons sur la question du CSM un peu plus tard…

Toujours en ce qui concerne les avocats, les avocats autorisés à intervenir devant la Cour de Cassation ou le Conseil d’Etat, ne devraient-ils pas être tout avocat inscrit dans un Barreau français et pourvu d’une mention de spécialisation depuis au moins cinq années dans le domaine concerné par l’affaire ? Ceci renforcerait le principe de sécurité juridique, mais ce serait aussi la révolution au Barreau ! Peut-être pourrions-nous déjà commencer par des tandems, l’avocat ayant suivi le dossier étant adjoint de l’avocat au Conseil ou à la Cour. Mais est-vraiment utile vues les procédures devant des Cours.

Maintenant, la justice est officiellement, sauf exceptions, publique. Pourquoi dès lors ne pas laisser libre accès au film ? Ce serait certes toujours mieux que certaines fictions par nature toujours biaisées dans un sens ou dans l’autre. Mais il y a aussi le risque de laisser la place à la vengeance, ou au seul spectacle. Et puis, serait-ce toujours utile ?

Se pose aussi la question des experts… En effet, l’une des dérives actuelles du droit et de la justice en général tient au fait que ce sont les experts qui font la loi et le procès. Or, souvent, notamment en matière de procès, ils ne tiennent pas compte du passé… Mais, comme l’a écrit Alfred Sauvy, l’avocat ne doit pas remplacer l’expert, ni l’expert l’avocat. A chacun son rôle… Mais on peut penser à ces procès techniques, scientifiques, médicaux où nul, faute de formation adéquate, ne comprend rien, fors l’expert. C’est un danger, car le droit peut être oublié, ou encore le juge influencé. Que faire alors ? Peut-être déjà former des chambres spécialisées sur ces questions, chambres dont les magistrats membres auraient suivi des formations spécifiques ? Ou encore recruter des magistrats chez les jeunes diplômés scientifiques, puis les former au droit… Et pour l’avocat ? Déjà, ne plus limiter l’expertise comme aujourd’hui… Mais il y a une question de budget. Néanmoins, un expert pour chaque partie, ce ne serait pas du luxe !

Par ailleurs, nous avons tous eu vent, en particulier par la presse, d’experts ou de psychiatres posant a priori la question : que dois-je prouver ? C’est très grave, car tout sauf scientifique ! Mais c’est une infime minorité que l’on finit par connaître, et que l’une des parties finira par rejeter, quand ce ne sont pas les magistrats eux-mêmes qui résolvent le problème… Mais, le vrai problème, n’est-ce pas de confier à la psychiatrie la résolution d’un certain nombre de cas ? Cela pose un problème de déontologie, et plus encore d’une somme d’hypothèses invérifiables posées comme une science, alors que la psychiatrie est tout sauf cela puisque uniquement constituée de cas individuels inquantifiables réellement l’un par rapport à l’autre. L’expert psychiatre doit en fait être une sorte de saint car il subit des pressions de toutes parts, y compris de lui-même, de son moi…

Evoquons maintenant un instant l’appel, bref une procédure parfois décriée… Il est vrai que l’idée d’appel est finalement assez récente au regard de l’histoire. L’Antiquité ne la connait quasiment pas, et ce même si c’est une vieille idée ! Hippodame de Milet bien des siècles avant notre ère avait apporté une grande nouveauté dans sa conception de la justice, ce qui l’exposera d’ailleurs aux critiques d’Aristote, postulant que les juges – élus par les trois classes du peuple – pouvaient diviser leur sentence au lieu de la rendre de manière absolue, et prévoyant un tribunal suprême d’appel composé de gérontes. Il proposait donc deux véritables révolutions dans la pratique judiciaire grecque : la variabilité des peines et l’appel ! Dans tous les cas, il rejetait la pratique de son temps de l’intimidation, de l’exemplarité et de l’élimination physique… Sa vision de la pratique pénale est finalement très contemporaine !

Pour en revenir à l’appel tel que nous le connaissons aujourd’hui, que dire de l’appel lorsqu’il y a contrariété de décision ? Pourquoi les juges d’appel seraient-ils plus compétents que les juges de première instance ? En premier lieu, on peut dire qu’en matière de justice l’âge donne plus de connaissances et plus de sagesse. Pourtant, tout le monde ne pense pas que l’âge donne plus de sagesse face à la justice ; ainsi, Henry Becque nous dit qu’en vieillissant, on s'aperçoit que la vengeance est encore la forme la plus sûre de la justice, ce qui est proprement scandaleux !

Mais il faut ici comprendre âge en termes d’expérience ! Le juge d’appel a plus d’expérience que le juge de première instance ! Néanmoins, la question se pose pour des tribunaux comme les Prud’hommes où ce sont les juges de première instance qui ont plus d’expérience de la réalité du monde du travail. Et on pose là une délicate question, celle de l’équilibre entre connaissance du droit et connaissance du monde du travail. Le juge d’appel connaît souvent mieux le droit, celui des Prud’hommes mieux le travail. Il faudrait peut-être engager une réforme donnant à des juges issus du monde du travail une place spécifique au sein des formations d’appel, plus exactement de formations prud’hommales d’appel qui restent à créer !

Sinon, autre question…. Ne faudrait-il pas élever les Cours suprêmes au rang d’appel de l’appel ? Peut-être, mais tout d’abord, cela donnerait trois degrés plus l’Europe, ce qui serait beaucoup. Mais, aujourd’hui, avec la CJCE, le TPICE, la CEDH, n’est-on pas déjà à quatre, cinq, voire six degrés ? Pourquoi pas dès lors, mais alors seulement dans les cas de contrariété grave entre les deux degrés classiques de juridiction, jamais dans les autres cas. D’ailleurs, c’est déjà un peu le cas soit dit en passant…

Revenons sur ce point… En cas de décision contradictoire entre la première instance judiciaire et l’appel, la Cour de Cassation et le Conseil d’État, dans leurs domaines respectifs, ne pourraient-ils pas être tant juge du fond que de la forme ? Même réponse que précédemment… Pourtant, une mesure pourrait être la conduite d’enquêtes systématiques par le Conseil supérieur de la Magistrature, dès lors qu’une cour de première instance et une cour d’appel s’opposent trop souvent en leurs décisions, mettant ainsi en péril la confiance des citoyens en leur justice. De la même manière, seuls des faits réellement nouveaux devraient pouvoir être introduits en appel.

Pour changer de sujet, mais toujours sur l’appel. Ce dernier, en matière pénale notamment, est souvent perçu comme étant principalement utilisé par les voyous comme une chance d’échapper à la sanction, tout comme le recours à la justice est en lui-même perçu par certains comme un recours offert au même voyou dans le même but. Or, c’est tout sauf cela ! Et il est dramatique que certains extrémistes laissent passer de telles idées ! L’appel est une garantie des libertés, y compris de celles des victimes et de leurs familles !

Pourtant, on entend aussi souvent dire, et ceci dépasse l’appel, que dans la pratique, le droit n’existe que pour être contourné ou détourné de son objet, ce qui lui dénierait d’ailleurs encore plus la qualification de science. La seule réponse est : Cessons avec ces fadaises ! C’est ne rien connaître ni au droit, ni à la justice ! Pourtant il faut en parler ! Il faut absolument en finir avec des poncifs.

Alors un peu plus de concret… La conciliation après jugement ne serait-elle pas préférable lorsque les parties sont raisonnables ? L’honnête homme n’est-il pas plus paralysé face à la justice que le voyou, même s’il faut modérer ce résumé brutal ? Nous ne le croyons pas. Concilier, oui ; on dit bien qu’il vaut mieux un mauvais accord qu’un bon procès. Mais ce ne serait dès lors, surtout au niveau de l’appel, plus que de la justice privée, en rien de la justice !
Dès lors, pourquoi pas supprimer l’appel ? Outre que ceci présenterait des risques pour les libertés, mais nous l’avons déjà dit, il serait difficile de supprimer l’appel. Ce serait contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, mais aussi dénier tout droit à l’erreur aux juges qui ne sont que des hommes – ce qui est heureux… Par contre, il serait logique de conserver la même structure en appel qu’en première instance dans le cas des Conseils de Prud’hommes, des Tribunaux de commerce ou encore en matière de baux ruraux, même s’il faudrait aussi renforcer la formation juridique des magistrats non professionnels y siégeant tout en veillant à la présence de magistrats professionnels.
D’ailleurs, dans le même esprit, supprimer le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation serait un grand danger, car soit cela figerait le droit en le réduisant à la seule jurisprudence, soit au contraire cela créerait une multiplicité de droits locaux, finalement plus trop éloignés des dérives nées des Parlements de l’ancien régime… Par contre, les fusionner pourrait être à terme envisagé, malgré les différences de cultures…
Maintenant, le véritable frein à l’appel, n’est-il pas souvent l’argent ? Oui ! Et c’est désolant !

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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 09:38

Contrairement à un certain, ou plus exactement pseudo-vent de l’histoire, nous pensons qu’il faille absolument maintenir le droit de grâce, y compris discrétionnaire. Il faudrait même l’élargir. Mais ne serait-ce pas là une remise en cause de la séparation des pouvoirs ? Non malgré les apparences ! Bien au contraire, ce serait, c’est un contre-pouvoir fort protégeant des éventuels abus de la justice. Non, car c’est la seule garantie réelle de l’équilibre des pouvoirs. On parle de l’indépendance de la justice, de séparation des pouvoirs, ce qui doit être garanti. Mais il y a aussi la question du contrôle et de l’équilibre des pouvoirs. Un pouvoir sans contrepartie n’est plus un pouvoir équilibré.

Donc, le seul contrôle admissible sur la justice serait le droit de grâce ? Oui, et tant par l’exécutif que par le législatif ! Mais n’est-ce pas risqué ? N’ouvrirait-on pas une nouvelle boîte de Pandore ? Il y a en effet un risque si l’on n’encadre pas ce droit. Mais ce contre-pouvoir, ce seul contrôle indirect admissible sur l’indépendance de la justice se doit d’être encadré de la manière la plus stricte ! Par exemple, il faudrait interdire les lois d’amnistie. Par contre, le droit de grâce parlementaire ne devrait être que cas par cas, de plus avec un respect d’une procédure de prise de décision imposant une décision identique à la fois de la majorité parlementaire et de son opposition ! Difficile à faire passer dans l’opinion, sans donner l’impression que les politiques s’auto-blanchiraient ! Mais nous payons ici le poids de dérives du passé. Et c’est pour cela qu’il faut imaginer des procédures bien encadrées, et surtout ouvertes !

Ainsi, les décisions de ce type devraient être strictement motivées, ces motivations devant être motivées. Peut-même pourrait-on associer une procédure de confirmation par un système de jurés citoyens tirés au sort sur des listes respectant une parité non seulement de sexe, mais encore de profession, de positionnement politiques, etc… Pas facile à mettre en place, car il ne faudrait surtout pas que cela conduise insidieusement à un fichage des citoyens dépassant le projet Edwige sous prétexte de garantir cette parité. Une base de volontariat alors ? Pourquoi pas ! Toujours est-il qu’il est nécessaire d’associer les citoyens, qui sont les véritables détenteurs de la souveraineté à ces décisions, même si les élus sont leurs représentants attitrés. Mais comme ces dernières années la femme de César n’a pas toujours été irréprochable, les élus en paye le prix ! Mais difficile ! Néanmoins, des garanties pourraient être posées ! Ainsi, les crimes et délits commis de manière délibérée par les élus, par les fonctionnaires ou par les personnes détentrices de l’autorité publique ou privée à l’égard des personnes soumises à cette autorité devraient être passibles d’une peine double de celle prévue par le droit commun. L’intervention des autres pouvoirs que la justice pourrait ici n’être que la diminution de moitié de la sanction. Par contre, il devrait être bien garanti dans les faits que la Cour européenne des droits de l’homme soit le recours suprême de ces peines, même au prix d’une légère modification de la Convention européenne et des protocoles qu’elle doit appliquer ! On devrait par contre revenir à un peu plus de réalisme dans le cas de gifles données par des enseignants à des élèves les insultant, même si ceci ne doit en aucun cas conduire à une justification de tous sévices corporels.

Et le droit de grâce présidentiel ? Il doit être maintenu ! Outre qu’il s’agit là de l’une des plus vieilles traditions françaises, il est aussi une garantie face à l’un des trois pouvoirs … politique qu’est la justice. Il faut maintenir un Ministère de la Justice, avec des directives, ne serait-ce que pour éviter le morcellement du droit et de la pratique du droit, donc finalement pour éviter d’en revenir aux Parlements du passé, aux multiples sous droits nés du droit, faisant que le même conflit pouvait donner des solutions totalement opposées selon le lieu. Ceci est une garantie de l’égalité de la justice, de son unité, car même ce dirigisme est moins pesant que le morcellement du droit, que l’insécurité juridique qui naîtrait inévitablement de cours dispersées, sans directives… Ce qu’il faut éviter, c’est que ces directives soient contre le droit, et c’est là où le CSM doit pouvoir pleinement jouer son rôle, une garantie étant que la nomination de son président devrait échapper à l’exécutif au profit d’un consensus entre le législatif et le judiciaire.

Mais il y a aussi le problème du Ministère de la Justice. Ne faudrait-il pas mettre en cause son existence même ? La pleine indépendance de la Justice n’en tirerait-elle pas une force nouvelle ? Ne devrait-il pas être finalement une seule administration de gestion ? La réponse doit ici être claire : en aucun cas ! Les ministres, malgré les apparences, sont responsables ! Ils émanent, malgré les apparences, des résultats des élections, et donc de la volonté du peuple souverain.

Pensons ici à un passage du livre des Proverbes : Par moi les souverains décrètent la justice ! Ce qui doit nous intéresser dans ce passage du Premier testament, ce n’est pas la source du pouvoir, mais la nature du dit pouvoir. Seul le détenteur de la souveraineté peut juger, donc, dans le cas de la République française, le peuple par l’entremise de la nation.

Par contre, le Ministre de la justice ne doit pas intervenir directement dans les procédures, jamais, au grand jamais ! Le ministre de la justice ne doit pas se substituer aux magistrats, même s’il est lui-même professionnel du droit ! Il y a par exemple actuellement une forte influence de l’exécutif sur le service de la plainte. Et les dernières réformes démontrent que nous sommes dans cette vision. Attendre après la saisine du Parquet pour pouvoir déposer plainte avec constitution de partie civile le révèle et le démontre, surtout lorsque le Parquet a l’astuce d’ouvrir une enquête préliminaire. Nous partons alors dans la nuit des temps…

Nous voyons bien que beaucoup de juges n’aiment pas, s’assoient sur les saisines par les particuliers… Il suffit, pour s’en convaincre, de constater le nombre des plaintes suivies d’un non-lieu ! Pourtant, le cas n’est pas général, et certains juges cherchent à réagir… ou voudraient le faire mais ne le peuvent, faute de moyens humains, faute de temps !

Que devrait donc faire d’autre le Ministère, mis à part gérer et mettre à la disposition de l’appareil judiciaire plus de moyens, et pas seulement de nouvelles places de prison ? Il faut se souvenir que le juge agit au nom du peuple. Il représente la société. Il faut donc garantir le lien entre la volonté collective et son action, sans pour autant remettre en cause son indépendance qui ne peut, dans une démocratie, être limitée que par l’intérêt général, et plus encore par la volonté générale, sans pour autant céder au jeu de l’instant. En fait, les instructions de l’exécutif aux magistrats devraient exister. Mais elles ne devraient exister que pour accélérer certaines procédures ou encore pour en engager certaines, mais rien d’autre ! Aucune directive directe ou indirecte ne devrait être admissible. L’intervention devrait donc être seulement positive et non plus négative. Autre idée, le Ministre devrait être individuellement responsable devant l’Assemble nationale, prononçant chaque année un discours engageant sa responsabilité propre. Ce discours préciserait les priorités souhaitées par le gouvernement, les juges devant les suivre, mais restant libres d’aller plus loin. Et ce pour ne pas rompre le lien avec la volonté du peuple.

Certes la souveraineté nationale appartient au peuple, mais ce dernier, aux termes de l’article 3 de la Constitution, l’exerce par ses représentants et par la voie référendaire. Or, les arrêts de justice ne sont pas rendus au nom de la Nation, mais au nom du peuple, ce qui induit une dissolution de la souveraineté, donnant seulement l’illusion que le peuple en reste détenteur. De plus, tout ceci nécessite des garanties constitutionnelles solides ! C’est une évidence ! Et à ce propos, parlons un peu de ces sempiternelles réformes constitutionnelles ! Or on nous change presque tous les jours de Constitution. Nous outrons, mais attardons-nous sur ce point…. Les réformes constitutionnelles deviennent presque le quotidien ou du moins le semestriel de chaque Assemblée ! Outre que cela nuit à la bonne compréhension des institutions et de leur fonctionnement par les citoyens, ceci nuit indirectement à la justice en ce sens que l’évolution des traités communautaires fait que la Constitution n’est plus au sommet de la hiérarchie des normes, étant même finalement soumise à de simples textes adoptés par des fonctionnaires européens déconnectés des réalités et plus encore des citoyens !

Ceci n’est en pas sans conséquences sur la perception des compétences et des réalités de la justice déléguée, de la justice non professionnelles, des cours internationales, des cours supranationales, d’autant plus que la justice comme principe et le droit comme tel échappent désormais de plus en plus au législatif pour être soumis aux désidératas d’exécutifs parfois très distants, notamment l’exécutif communautaire. Et ce sans même parler des cas où l’Union européenne se soumet elle-même, soumettant par là même les Etats, à des droits émanant de commissions internationales échappant à tout contrôle du législateur qui tend à ne plus être ou plus que très rarement légifacteur… On peut penser au cas de la Commission internationale pour la conservation du thon de l’Atlantique (CICTA) au sein de laquelle l’Union européenne dans son ensemble et ses vingt-sept Etats a autant de pouvoirs que, par exemple, le Japon, une majorité de circonstances pouvant, nous nous répétons, en dehors de toute volonté du législateur, s’imposer sans recours aux vingt-sept Etats de l’Union…

Le principe de souveraineté ne serait donc plus qu’une illusion, quelques experts, souvent autoproclamés, se substituant aux peuples et aux nations, pensant pour eux, décidant pour eux ! N’allons pourtant pas aussi loin. Néanmoins, même la pire des monarchies en France a connu des contre-pouvoirs, contre-pouvoirs devenus inexistants dans certains cas internationaux ou européens, d’où les tentations de certains, malgré les expériences, malgré les espérances, mais sans réelle portée décisive, de contre-sommets, des alternatifs… Pourtant, même s’ils n’ont pas toujours raison, loin de là, ces alternatifs ont au moins l’intérêt de chercher à contester ces pouvoirs échappant à toute notion de souveraineté ! Et c’est pourquoi ils sont eux aussi des contre-pouvoirs à préserver, même s’il faut bien veiller à ce qu’ils présentent bien les aspirations des peuples, et non pas celles d’idéologies tout aussi totalitaires que certaines dérives actuelles ! Mais les citoyens sont assez grand, bien plus mûrs qu’on veut le faire croire !

Un autre moyen de contrôle indirect ne remettant pas en cause l’indépendance de la justice : bien mettre en évidence la volonté du législateur qui devrait être intégrée au corpus de la loi d’une manière ou d’une autre. Par exemple, les rapports préparatoires devraient être considérés comme faisant partie intégrante de la loi, et ce afin de bien mettre en évidence les choix du législateurs, ces derniers pouvant être oubliés dans le temps… Et, pour une fois, s’inspirer de la pratique européenne en incluant systématiquement des définitions claires aux lois, ce qui les éclaireraient, y compris aux yeux des citoyens ! C’était le rôle de la doctrine, mais elle est parfois si oubliée… Il faut donc rappeler à certains magistrats qu’ils ne sont pas juges de la loi et qu’ils n’agissent pas en leur nom propre. Bien au contraire, ils jugent au nom du Peuple Français et sont là pour sanctionner les manquements à une mauvaise application de la loi, non pour juger de la loi elle-même. Il faut donc assurer une réelle séparation des pouvoirs, celle-ci devant être multidirectionnelle et non à sens unique !

N’oublions pas que dire que le juge est indépendant du pouvoir politique est ridicule en ce sens qu’il est un pouvoir politique en lui-même si l’on en croit Montesquieu ! Il doit donc être à la fois indépendant, neutre, et … contrôlé ! Il faut en fait remettre la loi au cœur du droit, alors qu’elle tend à s’effacer derrière la jurisprudence élevée au rang de dogme alors qu’elle n’est qu’une interprétation de la loi dans un cas donné, ainsi que derrière la circulaire administrative.

Revenons sur un autre contre-pouvoir. Ainsi, et quel que soit le coût, il ne devrait jamais y avoir irrecevabilité dès lors qu’un élément de preuve existe, d’où une nécessité de prolonger certains délais de plainte et un renforcement du rôle de l’avocat devenant garant de la présomption de preuve. Dans tous les cas, un appel de l’irrecevabilité devrait exister, avec de plus motivation de l’irrecevabilité. Mais ceci pourrait remettre en cause l’indépendance du juge, sauf s’il motive systématiquement… ce qui impose de lui laisser des moyens et du temps. Le juge resterait entièrement libre de sa décision dès lors qu’il motiverait !

Il faudrait être néanmoins prudent, car il pourrait y avoir trop de plaintes, avec une dérive sur-individualiste à l’américaine. D’où la nécessité d’un filtre, … et de moyens humains. Pour le reste, renvoi à des juges de paix new look - des avocats élus par leurs pairs à cette fin ? - mais contrôlés par la justice qui pourrait s’opposer souverainement à ce renvoi…

Toujours est-il que, plus qu’une idéologie, l’indépendance de la Justice est une évidence nécessaire tirée de l’histoire. A moins d’être un saint, nul ne peut ni ne doit confondre le politique, au sens commun actuel, et le judiciaire entre ses mains. On peut ici réfléchir soit à la théorie de Platon, soit à la praxis, ou du moins l’image, de Louis IX. Mais pour un Louis IX, combien d’absolutisme ?

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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 09:36

Revenons un instant sur la séparation des pouvoirs. Aristote disait que l’homme est un animal politique… Par ailleurs, Montesquieu parle de la séparation des pouvoirs. Il parle de la séparation des trois pouvoirs politiques, s’exerçant dans et sur la société. Et, selon lui, la justice est un pouvoir politique, ce dernier ne se réduisant pas, comme trop souvent interprété, aux seuls exécutif et législatif. Le juge est donc un homme politique, même s’il l’ignore parfois ! Il l’est parce qu’il exerce un droit, doit appliquer un droit et s’inscrit dans une société. Or, aujourd’hui, le juge interprète trop souvent le droit au lieu de l’appliquer – même s’il doit conserver cette possibilité dans une vision d’équité -, se refusant le plus souvent à tenir compte de l’intention du législateur, ce qui est très grave, car empiètement sur le pouvoir du dit législateur et non plus séparation des pouvoirs.

Montesquieu parlait d’ailleurs d’une séparation des pouvoirs possible seulement si chacun des deux autres pouvoirs, bénéficiant de plus d’une parcelle des deux autres, peut exercer un contrôle sur la justice. Or, le juge contrôle et sanctionne l’exécutif et le législatif, tout en étant plus que jaloux de son indépendance, étant sans contrôle réel par la souveraineté, s’auto-reproduisant. Sans aller aussi loin dans le discours, on pourrait ici dire que la séparation des pouvoirs serait un mythe, puisque la justice n’est pas contrôlée autrement que par elle-même ! Il n’y aurait donc ni liberté, ni justice réelle, mais au contraire dictature, non pas du droit, mais du juge !

Continuons ici à être un peu excessifs afin de mieux poser les problématiques ! Et ce en insistant sur le rôle du juge… Le juge ne doit pas violer la loi ; mais il se doit de la bien appliquer. Si un juge viole la loi, il se supprime lui-même, il supprime la justice, car comment pourrait il dès lors juger lui-même ceux qui la violent aussi. Par contre, il se doit de l’interpréter, de tenir compte des lois supérieures que sont les Droits de l’homme et du citoyen…

Mais, dans ce cadre, il doit toujours y avoir séparation/contrôle dans l’esprit et dans les actes, toute autre attitude étant un danger pour la démocratie, un danger lié à un pouvoir sans contrôle externe ! Par contre, ce contrôle ne doit en aucun cas être privé ! Mais gardons bien à l’esprit que la conception française met en marche un certain nombre de verrous qui évitent toute dictature des juges. Et, il est d’ailleurs intéressant de constater ici que parmi ces verrous figurent beaucoup de principes. Or, ces principes sont acceptés librement tant par la grande majorité des citoyens que par la plupart des juges. Ceci est plus que louable… Ceci démontre surtout que des principes peuvent parfois avoir plus de portée que du droit lui-même. Le sur-droit ne serait donc pas la solution la meilleure, dès lors que les hommes ont un peu de confiance entre eux, sont éveillés ! Approche optimiste certes, mais pas si irréaliste que cela ! Il faut en finir avec le pessimisme ambiant qui depuis la mauvaise digestion qu’on eut certains de Nietzsche, depuis Schopenhauer, encore plus que Rousseau paralyse nos sociétés ! Pas facile naturellement ! Mais tout à fait faisable, … même si cela doit imposer un renforcement de la culture générale et de la philosophie dans la formation.

Nous avons évoqué l’équité. Celle-ci doit être toujours présente à l’esprit du juge. Et cette équité est d’ailleurs totalement inscrite dans notre civilisation. Ainsi, pour en rester à cet exemple, Paul de Tarse, dans sa première Epître à Timothée nous dit clairement qu’il existe un désir humain d’équité… Quant à ceux qui veulent amasser des richesses, ils tombent dans la tentation, dans le piège, dans une foule de convoitises insensées et funestes qui plongent les hommes dans la ruine et dans la perdition. On aurait d’ailleurs pu reprendre cette même phrase chez beaucoup d’autres penseurs antiques plus anciens, ce qui montre bien que l’équité doit être au cœur de la vertu de justice.

Pourtant, équité n’est pas synonyme d’égalité. Mais, s’il doit y avoir égalité de tous face au droit, le juge se doit aussi, justement pour respecter ce désir d’équité, de tenir compte des réalités, des circonstances. Ou alors le droit ne serait plus qu’une mécanique, qu’une branche des mathématiques, et encore, les mathématiques peuvent ouvrir à beaucoup de voies différentes à partir d’une même donnée. De plus, l’équité ne doit pas s’opposer à la justice. Ces deux notions se doivent au contraire d’être complémentaires en ce sens que l’équité consiste à tempérer, en faisant appel à des considérations extérieures, les éventuelles rigueurs du droit.

Donc, appliqué mécaniquement, le droit peut ne plus être la justice, mais au contraire devenir injustice, d’où la nécessité de savoir tenir compte de circonstances permettant d’éventuellement heurter le sens commun du bien et du mal. Mais le juge lui-même n’est-il pas une sorte de mécanique ? Alain écrivait ainsi dans Propos d’un normand : Un juge siège comme arbitre dans un procès au civil. Il ne veut pas savoir si l’un des plaideurs est riche et l’autre pauvre. Si l’un des contractants est évidemment naïf, ignorant, ou pauvre d’esprit, le juge annule ou redresse le contrat. Egalité, justice mutuelle. Ici le pouvoir du juge n’est que pour établir l’égalité. Le même juge, le lendemain, siège comme gardien de l’ordre et punisseur. Il pèse les actes, la sagesse, l’intention, la responsabilité de chacun ; il pardonne à l’un ; il écrase et annule l’autre, selon le démérite. Inégalité, justice distributive. Justice mécanique ? Elle peut sembler l’être sous certains de ses aspects. Néanmoins, cette phrase met aussi en évidence la neutralité de la justice et de la personne du juge. Ceci impose bien évidemment une réelle et surtout humaine formation du juge, afin qu’il n’oublie jamais l’idée d’équité. Et c’est pourquoi la personnalité, l’humanité d’un juge est primordiale pour une bonne justice !

Parlons donc de l’égalité que j’ai déjà brièvement évoquée. Et ici, nous ferons quelques rappels. C’est notamment la conjonction de la pensée stoïcienne, en particulier de la pensée stoïcienne tardive latine sous l’influence d’Épictète et de Cicéron, qui allait conduire à une vision nouvelle tant du droit que de la philosophie. Ainsi, après Cicéron - et notamment ses ouvrages De la République, Des Lois et Traité des devoirs -, l’esprit sera désormais placé avant la lettre, l’équité avant les textes, la loi naturelle avant la loi écrite, donnant le jour à un processus favorisant la jurisprudence, celle-ci entraînant la modification de la loi.

On peut donc d’une certaine manière dire qu’Aristote et Cicéron sont, plus encore que Montesquieu, à l’origine de la vision actuelle de la justice, donnant à cette dernière une primauté certaine sur le législateur, de par sa fonction d’interprétation. Il ne faut cependant pas aller aussi loin qu’Aristote qui pensait que le juge restaure l’égalité. Il est à cet égard comme une ligne divisée en deux segments inégaux : au segment le plus long le juge enlève cette partie qui excède la moitié de sa ligne entière et l’ajoute au segment le plus court ; et quand le total a été divisé en deux moitiés, c’est alors que les plaignants déclarent qu’ils ont ce qui est proprement leur bien, c’est-à-dire quand ils ont reçu l’égal.

Pourtant le juge est là pour restaurer une certaine égalité, et ce par l’équité… Mais ceci ne doit pas être fait mécaniquement comme le laissait entendre Aristote. Reconnaissons cependant à Aristote le mérite d’avoir posé l’idée de mesure. Mesure, mesure, mesure…, c’est là la mesure de la Justice ! Pour Aristote, la justice se doit avant tout d’être mesure, avant tout d’être mésotês, bref juste milieu ! Et c’est d’ailleurs là le point de conjonction entre l’équité et l’égalité.

Pour en revenir à la relative primauté du juge, une autre conséquence de cette approche aura été la définition de l’existence d’une loi universelle et naturelle : la raison, celle-ci induisant le principe d’égalité. Combiné avec le principe de charité défini par Saint Paul et par Sénèque, on a donc là une passerelle nouvelle et possible entre la raison et la foi, donc une conjonction possible entre les deux grandes bases de la civilisation et de la culture occidentales. Cette influence se retrouve par exemple dans l’importance du Supporte et abstiens-toi d’Épictète sur toute la pensée catholique post-tridentine, en contradiction totale avec le Aimes et fais ce qui te plais ! de Saint Augustin. C’est un certain retour à Hésiode et à sa Théogonie qui s’achève par la fin du cycle de la violence religieuse, la violence des dieux ayant son terme avec le succès de Zeus qui devient incarnation de l’image de la justice. Mais celle-ci n’est pas synonyme de justice sociale ou de partage des richesses ! Elle est avant tout équilibre, bon ordre, mesure ! Elle est presque seulement paix sociale !

Toutes les aspirations grecques à l’idéal, au souverain bien, à la cité parfaite, à l’harmonie sont ici exprimées ! Ceci n’est pas négatif ! Tout ceci doit se retrouver dans la justice ! Mais elle ne doit pas être que cela, ou alors, c’est le règne de l’immobile, celui de la seule satisfaction des intérêts du présent, celui de la petite tranquillité égoïste, bref l’idéal de Monsieur Prud’homme ! Et puis, il faut se rappeler que chez Hésiode la justice n’est pas acquise aux hommes, justement du fait de cette justice des braves gens, du seul bon ordre, du seul ordre moral ! Or, c’est l’une des tentations actuelles, car c’est la forme la plus facile d’octroi de l’illusion de justice.

Et puis, Hésiode voit surtout dans l’évolution de l’humanité une succession de crises, de dégradations avec le cycle, le mythe des races de l’humanité. Et ce même si ces crises peuvent devenir positives ! Il ne sera pas le dernier… Toujours est-il qu’il y a chez Hésiode un pessimisme certain. Son époque, celle qu’il qualifie de « race de fer », est exposée comme un âge de misères et de violences, pour reprendre les mots de Paul Mazon qui nous sert ici de guide. C’est aussi un âge où les dieux continuent à régler en entre eux des querelles intestines, les hommes restant par fatalité de simples instruments entre leurs mains. Pour Hésiode, l’idéal est l’avènement du droit, celui de la loi. Mais rien n’est acquis ! Rien n’est stable ! La justice est une harmonie idéale vers laquelle l’homme doit tendre, mais elle n’est pas vraiment. On comprend mieux dès lors l’amour des Grecs pour le droit…

Continuons… Selon Hésiode, si la justice n’est pas atteinte, l’humanité sombrera dans l’âge des souffrances éternelles… On comprend dès lors mieux aussi certains passages de Les travaux et les jours où l’auteur défend la supériorité du travail, de la paix et de la justice sur la morale aristocratique – qui ne serait finalement que celle des dieux querelleurs –, sur le goût de la guerre, sur la démesure, sur le droit du plus fort…

Revenons sur un point précis de votre discours. Pourquoi parler aussi souvent du Christianisme ? Tout simplement parce qu’il est, avec l’humanisme antique et quelques autres apports de moindre importance même s’ils restent fondamentaux, à la source de notre civilisation ! D’ailleurs, plus largement, dans toutes les sociétés, les sources du droit ont toujours été liées à la mise en œuvre et à l’interprétation de trois couples : politique/religion, morale/sanction, nature/positif ! Et c’est d’ailleurs toujours le cas, sauf que l’apport de la construction européenne, que tend malheureusement à oublier l’actuelle Commission européenne, a ouvert ce spectre en faisant découvrir des champs nouveaux : écologie, économie, règles internationales, … Il y aurait donc de nouvelles sources du droit. Par exemple la nature elle-même est devenue aujourd’hui une source de droit ! Ce n’est pas nouveau, certes. Mais ne l’avait pas oublié depuis deux cents ans. La morale de la bourgeoisie industrielle déspiritualisée, nous devrions dire déphilosophée, acultivée – car le pompier n’est pas tout l’art – et plus encore cupide – même le principe de raison s’y trouve matérialisé - l’avait fait oublier !

Nous sommes peut être durs ici, mais toujours est-il que c’est l’esprit étroit de certains capitalistes ne croyant qu’en l’argent, jamais en l’homme, qui nous a fait oublié des fondamentaux de notre civilisation… Et d’ailleurs pas que de la notre. Nous ne pensons pas que certaines évolutions désastreuses de la Chine, notamment en matière de destruction de la nature, soient en cohérence avec les traditions chinoises, bien plus harmonieuses avec la dite nature ! Il faut en fait condamner l’hyper-, l’ultralibéralisme économique parce qu’il est matérialiste, avec une vision du monde fondée au travers des seuls concepts de rivalité, de matière et de propriété. Il rejoint ici le marxisme le plus absolu, qui n’est d’ailleurs pas le marxisme vrai, pas celui de Marx et de Engels ! Et en ce sens, il vide la justice de toute signification, puisqu’identifier le droit et le droit de propriété serait faire de l’orgueil et de l’avarice des droits naturels et des vertus !

Les vices capitaux en actes, les passions uniquement matérielles seraient ici du droit et des vertus ! L’idolâtrie de l’argent ne serait pas avilissante et pleine de périls, mais obéissance à Dieu, à la raison ou à la nature, selon son approche spirituelle, ce qui est proprement scandaleux. Il n’y aurait donc plus aucune justice vraie, celle-ci étant remplacée par la seule justice à finalité économique… Heureusement, il n’en est rien chez nous !

Souvenons-nous d’ailleurs que, selon la doctrine catholique, la propriété n’est pas un droit premier, alors que l’usage des biens par tous est lui un droit premier. Le droit serait donc plus un droit d’usage qu’un droit de propriété. Cette affirmation est partiellement possible, mais en aucun cas pour ce qui est du droit de propriété. Même dans cette hypothèse, le droit devrait consacrer ou réglementer le droit d’usage. C’est l’idée selon laquelle la propriété serait le vol. Et ici, Jésus rejoint Proudhon, ou plutôt l’inverse… On peut prendre un autre exemple, celui du droit romain. Eh bien, le droit romain, y compris celui des rois, celui de Romulus, n’a jamais réduit la vie à une simple propriété. Il ne s’est jamais fondé sur la seule idée de propriété…

Puisque nous évoquons le libéralisme, il faut tout autant éviter les approches antilibérales a priori. Cette attitude est assez primaire. Encore faudrait-il définir ce que l’on entend par libéralisme tant ce mot a été vidé de sens. C’est là une évidence. Si le libéralisme signifie la loi de la jungle, la primauté absolue de l’individu sur la société, il est négatif. S’il se conçoit comme le respect de la liberté et de l’individu dans la société, alors il est totalement justifié ! Toujours est-il que ces approches primaires laissent la place à la théorie des complots, … sans pour autant la citer ou le reconnaître… Il faut donc dans tous les cas éviter de pétitionner sur une fausse science en favorisant et en jouant sur les peurs ! Souvent, dans les critiques de la justice « à l’occidentale », dès que l’on gratte un peu, on trouve des erreurs sur les mots, sur les concepts, voire même sur le droit ! Et l’on trouve aussi des accusations gratuites…

Pour résumer, on peut trouver regrettable que trop de commentateurs de la justice définissent ce qu’ils veulent démontrer dans leurs introductions, le reste n’étant qu’au service de ces apriorismes. On néglige tous les arguments contra à la théorie prédéfinie, pré-annoncée. Ceci est tout ce que l’on veut, sauf une démarche scientifique, sauf un respect de la plus élémentaire raison ! Mais, n’est-ce pas là l’une des caractéristiques du contemporain que l’on retrouve aussi dans les sciences dites pures ? Ces déviances le sont. Elles se traduisent d’ailleurs par une négligence absolue de l’histoire, ou encore par le rejet de la culture générale. Pourtant, histoire et culture sont les seuls remparts à la pensée unique…

Comment ne pas penser ici à l’attitude d’un certain monde politique ? Ou, pour en rester au droit, à certains textes en matière d’environnement où la précaution n’est perçue que comme la peur de faire, alors qu’elle est tout sauf cela, alors qu’elle est en fait, qu’elle se doit d’être action positive… Et nous ne faisons qu’évoquer de nombreux textes adoptés par la Commission européenne ces dernières années, et pas que dans le seul domaine de l’environnement...

Reparlons maintenant d’une assimilation, ou plus exactement d’une confusion commune entre le droit et la propriété. C’est en effet là l’une des doctrines développée par les ultralibéraux. Elle met d’une certaine manière en évidence un paradoxe du droit… Si le droit est fondé sur la volonté, concernant donc a priori l’individu, il est réponse à la vie sociale dans laquelle il s’inscrit. Par contre, s’il est fondé sur la propriété, donc sur un rapport a autrui et dans le cadre d’une société, il n’est qu’aspect de la vie individuelle ! Il y a donc une difficulté… D’ailleurs, ce n’est pas nouveau ! Réduire le droit à la seule propriété est en fait et surtout une dérive classique tirée de Platon qui affirmait dans La République, par la bouche de Socrate que la justice consiste à ne détenir que les biens qui nous appartiennent en propre et à n’exercer que notre propre fonction.

L’homme enfermé dans un carcan prédéfini, sans aucune issue, sans aucun choix ou liberté… Mais, ceci pose surtout un problème logique, … sans même parler de l’immobilisation de la société en une situation figée ! Il y a dans cette réduction du droit au droit de propriété une contradiction, le droit n’ayant pas la propriété comme source unique. Et, de plus, une telle attitude méprise les idées de nature, de charité, d’équité et de justice, et ne peuvent dès lors s’inscrire que dans un sur-libéralisme d’ailleurs condamné par toutes les grandes religions. Il ne faut pas oublier que la propriété est un droit, certes humain (et encore), mais qu’un droit, en aucun cas le droit… Et pour retenir l’une des autres sources majeures de notre civilisation qu’est le Christianisme, avec l’humanisme et la raison, nous devons rappeler que droit de propriété est admis par le Christianisme. Mais, et là on va encore plus loin que dans votre remarque précédente, il n’est qu’un droit d’usufruit, en aucun cas le droit, ce qui impose de nombreux devoirs, tant vis-à-vis des hommes que vis-à-vis de la nature. Il en est de même chez les Indiens d’Amérique. Et c’est très beau… Et chez bien d’autres aussi !

On peut donc d’ores et déjà réfuter la réduction du droit à la seule notion de propriété, même s’il est évident que cette même notion est très présente dans le droit. D’ailleurs, pour en revenir au monde judéo-chrétien, mais le même raisonnement serait valable pour l’Islam, religion où le droit est omniprésent, souvenons-nous que le Décalogue est à la fois droit positif et droit naturel divin, donc vivant pour le croyant. Or, rares sont les Commandements ayant un lien direct ou indirect avec l’idée de propriété, en fait les septième, neuvième et dixième. Tous les autres, qui sont pourtant du droit, sont exclusifs de toute idée de propriété ! Il en est de même des autres religions, beaucoup des commandements étant en fait communs aux grandes croyances. Ceci est bien plus qu’un clin d’œil, car cela pourrait constituer le socle même du droit international, tant public que privé.

Il y a cependant des divergences quant aux populations concernées…, mais toujours est-il qu’il y a ici des principes communs à toutes les civilisations, des animistes aux bouddhistes, des chrétiens aux musulmans, des juifs aux athées ! D’ailleurs, la morale en elle-même est distincte de la propriété, ou alors, si elle veut lui être confondue, ce n’est que dans un sur-amour égoïste de la matière ! Ce n’est donc plus une morale s’inscrivant dans une société, mais uniquement une morale s’inscrivant, même pas dans l’individu, mais seulement dans l’égoïsme ! Pourtant la morale peut être bien plus que cela à la lecture d’Habermas, de Jonas, de Walzer ! Elle pose aujourd’hui, comme le disait la revue Sciences Humaines, la question des conditions de vie en société. L’éthique, la responsabilité, l’environnement, le développement soutenable sont désormais des éléments de la morale humaine, donc de la justice, mais ils doivent désormais se lire en termes positifs, d’action solidaire et non plus de sanction, d’interdits imposés ! Bref, la seule vraie morale est celle qui est librement acceptée ?

Pour en rester à la morale, si le droit se doit d’être moral, il n’est pas la morale. Il est force morale… Et faire du droit un synonyme absolu de morale ferait pour prendre un exemple parlant que les Lois de séparation seraient morales aux yeux d’un catholique, que l’avortement serait moral en lui-même pour le même catholique…, même si d’autres exemples, moins marqués pourraient être retenus…

Et que deviendrait dès lors l’idée d’état de nécessité ? Et que faire du droit d’enseigner des Eglises qui n’est en rien lié au concept de propriété ? Que faire du droit de veiller sur les âmes de certains religieux ? Et que deviendrait la liberté de penser ? Le droit nazi, qui était du droit, était-il la morale ? Socrate posait la loi comme étant une règle de vie. Elle est a priori voulue par la majorité dans un Etat laïc. C’est le problème dramatique que connait l’Irlande avec le refus de l’IVG. Peut-on l’accepter ? Dans tous les cas, la base de la norme se doit d’être la justice, en aucun cas la propriété. Nous y reviendrons… Mais ceci est important, car faire du droit le synonyme de droit de la propriété serait faire que le droit ne serait qu’utilitariste. C’est la dérive actuelle il est vrai…

De plus, si la morale était le droit, et vice-versa, pourquoi faudrait-il forger le concept de justice sociale ? La morale et le droit sont liés à la société dans laquelle ils sont ; ils en dépendent même. C’est par une évolution des mentalités que de nouveaux domaines d’introduction de règles apparaissent : l’écologie, les valeurs des produits, les besoins réels ou artificiels, le respect de la vie, etc… En fait, la morale a une dimension que n’a pas et que ne doit pas avoir le droit. Il est très dangereux de vouloir identifier le droit et la morale, et vice-versa, car, outre le fait que le droit impose des droits et des devoirs alors que la morale n’impose que des devoirs, ce serait surtout une prise de contrôle par une autorité collective de la pensée individuelle de chacun. Le droit ne serait la morale que dans le cadre du droit naturel, que pour la seule loi naturelle plus exactement, mais seulement en ce sens et en sa part qu’elle est tracée par quelque chose qui la transcende. Néanmoins, le droit naturel ne couvre pas tout le champ du droit, du moins dans une société humaine ! Et c’est heureux ! Ou nous serions tous des clones !

En fait, l’une des difficultés du droit est qu’il double. Il est double en ce sens qu’il est à la fois positif et naturel, et il est évident que plus que tous autres les droits régissant les relations internationales, l’environnement ou l’accès à l’alimentation devraient relever du droit naturel, même si ils tendent à être formalisés par le biais du droit positif. Le droit naturel est cependant difficile à définir, sa perception étant elle aussi variable selon les sociétés. Même si cela est difficile, on peut cependant entendre par droit naturel un ensemble de règles, en théorie immuables, qui devraient s’appliquer à tous les individus de toutes les sociétés, car tirant leurs sources non pas des sociétés mais de la nature humaine elle-même. Et là, les doctrines religieuses viennent au secours de l’homme en ce sens que l’on retrouve dans toutes les religions un certain nombre d’interdits ou de commandements communs qui seraient ainsi le fond du droit naturel. Le droit naturel serait donc une sorte de morale universelle s’imposant à tous en raison de la solidarité humaine elle-même, de la qualité d’homme elle-même.

Pour en revenir à la qualification du droit, on pourrait aussi dire que seul le droit naturel pourrait éventuellement être une science au sens strict, en ce sens qu’il serait la science des principes immuables à la base même du droit…, mais il y a d’abord le fait mais que ces principes seraient alors aussi indéterminables. Or, cette indétermination ne peut s’accorder ni avec l’indispensable principe de sécurité juridique, ni avec les idées d’équité et d’égalité ! Et puis, il y a pire, ce serait le risque de valider des Etats théocratiques ou encore d’autres dont la religion serait seule déterministe dans les ressorts de l’Etat ! Par ailleurs, les grands principes ne doivent pas se substituer au droit, sinon, du fait de l’interprétation, il n’y a plus de droit.

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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 09:34


Evoquons à nouveau la séparation des pouvoirs, et en particulier la question de l’indépendance de la justice. En effet, pour que la justice existe un peu, les seules interventions du pouvoir ne peuvent être que minimales, si ce n’est la définition d’axes de priorités sociales, la délinquance ayant des conséquences directes sur le quotidien devant être prioritaire sur les autres formes de délinquance, d’où des axes sur la criminalité de proximité et la délinquance financière des « gros ». Ces interventions sont l’amnistie, la grâce, l’appel a minima, et ce même si des notions d’opportunismes risquent d’intervenir, encore que, dans les démocraties, ces opportunismes sont limités par l’élection en ce sens que s’ils ne correspondent pas à des désirs du peuple, ils sont sanctionnés.

Mais pour que ce pouvoir de sanction soit réel, encore faut-il une indépendance des media combinée à une stricte neutralité desdits media, ce qui n’est pas… Pourtant, le pouvoir des media est de plus en plus fort, y compris dans la détermination du sentiment de justice et d’injustice. Aujourd’hui, le moindre fait est mis en exergue ! La société se sent concernée individuellement et non pas collectivement par chaque affaire, et ce par sentiment… La société doit elle-même subir le poids des media, du fait de la mise à l’écoute imposée de la société. Mais les solutions qui en sortent sont parfois absurdes, surtout lorsqu’elles sont liées à une justice sans raisonnement. Par exemple, un mineur est remis à sa famille, alors même que ce cadre familial a été défaillant… On ne solutionne donc rien !

Jacques Valdour a fait une intéressante réflexion sur ce phénomène humain qu’est la religion : Grave symptôme pour une croyance qu'elle semble ne plus convenir qu'à une certaine classe de la société... Une religion qui n'est pas une religion de caste ne peut accepter, sans se mentir à elle-même, une telle situation. La même réflexion ne pourrait elle pas se faire en substituant aux concepts de croyance et de religion, les idées de justice ou encore de politique ? Certes, mais restons en à la seule justice. En effet, dès lors que le sentiment commun serait que la justice ne serait que de classe, quelle que soit cette classe d’ailleurs, elle n’existe plus. Elle ne peut plus exister. Néanmoins, la crise de confiance envers la justice est moins grave qu’on ne veut nous le faire croire puisque si seulement 31 % des français font confiance aux media et 44 % aux élus, ce sont 63 % qui conservent leur confiance en leur justice. Nous savons que les sondages et baromètres sont souvent des illusions, en ce sens qu’ils ne jouent que sur l’émotion et l’immédiat et non pas sur le long terme. C’est la le grand problème en France dans le cadre de toute politique publique. Mais ils donnent néanmoins dès tendances, dès lors qu’on ne les prend pas au point près. Or, les chiffres donnés ici dégagent une hiérarchie assez claire des perceptions…

Les media inverseraient-ils donc dans leur représentation la tendance en faisant croire que les français croient plus en eux qu’en même les élus ? Peut-être… du moins pour certains d’entre eux, plus partisans que véritables défenseurs de l’information. Donc, pour une minorité, car nulle société ne peut perdurer sans une presse libre. Beaucoup trop d’Etats ont souffert, y compris notre pays, souffrent encore de cette absence de liberté pour qu’on laisse croire que la presse est la cause de tous les sentiments des français, de tous leurs maux, ou du moins de leur perception des maux frappant la société actuelle. Contrairement à ce qu’affirment certains, la presse ne fait pas plus l’élection que les sondages ne la font ! Et il en va de même de la justice. C’est aussi là la grandeur de nos juges, même si certains peuvent être tentés par la notoriété médiatique…

Pourtant, il y a un certain rôle d’une certaine presse qui joue à discréditer l’institution judiciaire. Mais, il ne s’agit pas de toute la presse. Les media sont garantie absolue et impérative de la démocratie, et la mort d’un journal, nous pouvons ici penser à Combat ou au Matin de Paris, est toujours une souffrance, un coup de canif à la liberté. Et puis même, si toute la presse était partisane (d’une certaine manière il est d’ailleurs souhaitable que chaque organe de presse est une opinion libre), il suffit de lire plusieurs journaux de tendances différentes afin d’entendre plusieurs sons de cloche différents, d’entendre le chant de la liberté, donc paradoxalement de la justice, du seul organe ayant le droit de réduire la liberté !

Aucune sanction donc pour la presse ? Aucune, sauf en cas de mensonge évident, d’évidente volonté de nuire. Mais la sanction devrait être limitée à de réels droits de réponse, pas la dissolution. Il en va de la démocratie ! Arrêtons en fait de tout mettre sur le dos des media ! C’est trop facile ! C’est se déresponsabiliser ! De plus, les Français ne sont pas imbéciles, très loin de là ! Nous connaissons dans la région un mineur de fond qui est un superbe historien, un simple pêcheur qui est un remarquable poète, et nous pourrions tous les deux en multiplier les exemples ! Le bon sens populaire n’est pas un vain mot ! Même Aristote l’admettait d’une certaine manière…

Le seul coup de griffe que l’on peut donner aux media, c’est qu’ils stigmatisent, c’est qu’ils pointent les dysfonctionnements de la justice, qui sont certes graves. Mais, outre le fait que l’absolu n’existe pas humainement, on oublie de parler de ce qui marche bien, ou alors on ne fait que de la justice sentiment en ce sens que celui qui perd en justice sera toujours insatisfait, ce qui tend, dès lors, à détruire l’idée même de justice publique et à favoriser la justice privée qui n’est que parodie de justice. Vendetta, œil pour œil - qui n’est pas toujours prévu ou perçu comme simple proportionnalité de la peine - ne sont pas la justice… Ici, le rôle du CSM et des cours suprêmes sont à renforcer, y compris en matière de contrôle et de sanction, mais pas sur la presse…

Pour en revenir à la justice stricto sensu, n’existerait-il en fait au moins deux justices, l’une pour l’Etat, l’autre pour le citoyen ? Bien plus grave, il émerge aujourd’hui un risque, celui de la banalisation d’une justice privée! Des sanctions pouvant être appliquées sans aucun contrôle du juge ! Et il tend à en devenir de même avec certaines infractions routières ! Or, le fonctionnaire constatant une infraction – encore faudrait-il que ce soit toujours un fonctionnaire, donc une personne à priori formée et assermentée, et non pas une machine – ne doit pas être le sanctionnant. C’est là une confusion très grave des pouvoirs ouvrant toutes les portes à tous les abus, d’autant plus lorsque ce sont des machines ou des personnes de droit privé qui constatent et jugent à la fois. Nul ne peut être à la fois juge et partie dit le vieil adage… Or, combien de cas aujourd’hui de cette confusion ? Toujours plus !Il est néanmoins heureux que le Conseil d’Etat ait commencé à réagir, tout comme le Conseil constitutionnel…

Maintenant, pour en revenir à l’idée des deux justices évoquée tout à l’heure, il peut arriver que des lois soient injustes en ce sens qu’elles n’établissent pas une stricte égalité entre les parties. Ceci peut se retrouver dans certains textes de droit administratif où le justiciable se trouve un peu impuissant face à l’administration, en droit fiscal ou encore, mais ici dans les deux sens – employé/employeur et employeur/employé – en droit social. Or, une loi qui ne garantit pas une stricte égalité a priori entre les parties est une loi injuste qui doit, à ce titre, être abolie. Une loi ne doit pas se fonder sur des particularismes sociaux mais se doit d’être égale pour tous, à défaut d’être une loi. Et c’est la grandeur du magistrat de pouvoir, vouloir et savoir, dans les limites que lui laisse la procédure, moduler la portée de telles lois. C’est peut-être ici le lieu où la conviction intime du magistrat trouve le plus sa place, même si cela impose l’existence de voies de recours pour ne pas laisser place à une justice soumise au bon vouloir, à la sensibilité d’un juge. C’est aussi le lieu le plus important de la jurisprudence, et des Cours suprêmes, qui permet dans ces cas d’éviter la multiplicité des appréciations de la loi en tant que telle.

Il y a aussi des lois justes en elles-mêmes, mais injustes dans leur application, et c’est là aussi que doivent intervenir les Cours suprêmes ! Pourtant, Les droits doivent réellement être les mêmes pour tous. C’est là l’un des impératifs de toute justice sociale. Mais leur mise en œuvre peut être différente ! C’est tout autant un impératif de justice social. Et, là encore, le magistrat doit jouer la plénitude de sa fonction, de son rôle social ! Le grand risque, ce sont plutôt les dérives nées de la désétatisation du droit au profit d’officines privées, que ce soit des ONG, des lobbies, etc… même si certaines ONG n’ont strictement rien à voir avec des lobbies et sont plus que positives ! Toujours est-il que ces officines sont aujourd’hui très nombreuses. C’est justement le thème important du non à la justice privée. On doit ici penser à la critique du système de l’arbitrage.

Mais n’y a-t-il pas aussi risque sournois de judiciarisation de la société ? La judiciarisation de la société est un risque. Et cela pose la question des libertés individuelles, du vouloir absolument, par la loi, faire le « bonheur » du peuple. On connaît les dérives d’une telle approche.

Parlons ici un peu du Conseil constitutionnel, conseil qui joue assez bien son rôle, mais dont malheureusement le rôle reste encore trop étroit. Et puis, certains s’interrogent parfois sur son indépendance, son essence tant malgré tout politique ! Peut-être, mais toujours est-il qu’il a quasiment toujours fait preuve de son indépendance. Ce qu’il faut, c’est lui permettre d’agir plus et d’agir mieux. En premier lieu, il devrait y avoir possibilité totale de saisine du Conseil constitutionnel pour avis préjudiciel par toute cour ou tribunal français, tout comme le Conseil devrait voir généraliser son pouvoir d’auto-saisine. C’est une réforme en cours de mise en place… Mais il faudrait aussi, en cas de non interprétation par le Conseil constitutionnel, que les magistrats puissent pouvoir interpréter la loi au regard des normes constitutionnelles directes. Un peu risqué certes… Toujours est-il qu’il faut donc aller un peu plus loin que la dernière réforme constitutionnelle, notamment en étendant le champ de la saisine aux décrets, règlements, arrêtés, bref aux actes de l’exécutif, ainsi qu’en limitant de matière stricte tout recours à l’éventuelle notion d’opportunité…, mais cela ne va pas accélérer le droit. Certes, mais il vaut mieux que les problèmes soient posés avant que le texte s’applique aux justiciables qu’après !

Et pour renforcer son indépendance ? Là, il faudrait donc modifier la composition du Conseil constitutionnel, alors que son président devrait être librement choisi en son sein par et parmi ses membres. Et surtout, il faudrait en arriver à un équilibre entre les nominations politiques et les nominations par d’autres pouvoirs…Et cet équilibrage devrait aussi se faire pour la Cour de Justice des Communautés européennes soit dit en passant, les membres de cette institution, finalement plus intégratrice que véritablement garante du droit, étant nommés par les gouvernements et eux seuls !

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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 16:27

Voici quelques éléments pour se faire une idée de la question. À chacun de se faire son opinion….

 

Article 226-13 du Code pénal

« La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende. »

 

Article 226-14 du Code pénal

« L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :

1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ; »

 

Extrait du Juris-Classeur Pénal (fascicule 10, Prof. D. Thouvenin) :

« Si le terme état renvoie au métier ou à la profession (…) ce terme désigne de manière générale la situation d'une personne dans la société. De ce fait, ce n'est pas seulement la profession que vise l'article 226-13 du Code pénal, mais aussi une position particulière. (…) Un ministre du culte entre dans cette catégorie et cela quelle que soit la religion pour laquelle il officie. »

 

Cour de Cassation,4 décembre 1891

« Les ministres du culte sont tenus de garder le secret sur les révélations qui ont pu leur être faites à raison de leurs fonctions… Pour les prêtres catholiques, il n'y a pas lieu de distinguer s'ils ont eu connaissance des faits par la voie de la confession ou en dehors de ce sacrement : cette circonstance (…) ne saurait changer la nature du secret dont ils sont dépositaires, si les faits leur ont été confiés dans l'exercice exclusif de leur ministère sacerdotal et à raison de ce ministère. »

 

Tribunal correctionnel de Bordeaux, 27 avril 1977

« Un pasteur commet le délit de violation du secret professionnel en ayant, en toute connaissance de cause, révélé tout ce qu'il avait appris et connu au cours d'un entretien qu'il avait eu en tant que pasteur, et qu'il aurait dû garder secret en cette qualité. »

 

Tribunal correctionnel de Basse-Terre, 14 octobre 1985

« Le prêtre catholique est tenu au secret non seulement lorsqu'il lui est confié en confession, mais encore lorsqu'une révélation lui est faite en dehors de celle-ci, à raison de son ministère. »

Question. Y a t-il entrave à la saisine de la justice au sens des articles 434-1 et 434-2 du Code pénal ? Non, puisque sont exemptées les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13 du Code pénal, y compris dans le cas de mauvais traitements infligés à un mineur de quinze ans

 

Article 40, § 2 du Code de procédure pénale

« Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

 

Or, depuis la loi du 9 décembre 1905 modifiée concernant la séparation des Églises et de l'État, l'Église catholique ne peut pas être considérée comme une autorité constituée ! L'article 40 me semble donc hors de propos !

 

Par ailleurs, selon le Juris-Classeur Procédure pénale (fascicule art. 31 à 44, Ministère public), l'obligation de dénoncer est large :

 

« Les simples citoyens, les fonctionnaires, lors de l'exercice de leurs fonctions qui ont connaissance d'un crime déjà tenté ou consommé, ont l'obligation, alors qu'il est encore possible d'en prévenir ou limiter les effets ou que l'on pouvait penser que les coupables ou l'un d'eux commettraient de nouveaux crimes qu'une dénonciation pouvait prévenir, d'avertir aussitôt les autorités administratives ou judiciaires. »

 

Ceci découle des articles 434-1 et 434-2 du Code pénal sur les entraves à la saisine de la justice. Mais il existe, dans le cas pendant, l'article 226-13,qui impose le secret et auxquels les articles 434-1 et 434-2 font directement référence (art. 434-1, al. 3 : « Sont également exceptées des dispositions du premier les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13 » ; art. 434-2, al. 2 : « Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions du premier les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13 »). Et l'article 226-14 ne dit pas que le secret doit être levé obligatoirement, mais seulement que s'il est levé, cela n'est pas sanctionné par la loi ! Il est peut-être regrettable que la loi n'impose pas la levée du secret dans le cas traité, mais c'est comme ça !

 

Par ailleurs, , je rappelle la définition que donne l'article 121-7 du Code de pénal de la complicité :

 

« Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.

Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »

 

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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 16:25

L’ordre juridique international est fondé à titre principal sur le principe de coopération, régissant des rapports entre États ou organisations internationales basées sur le principe de réciprocité et se prévalant, malgré l’émergence d’une doctrine de l’ingérence, du respect intégral de la souveraineté des États. On voit déjà émerger une difficulté née de « l’invention » des organisations non gouvernementales, dont on peut se demander si certaines représentent quelque chose d’autre qu ‘une idéologie…

 

De même, le droit international est essentiellement conventionnel, trouvant son origine dans des traités, des conventions, des accords, des protocoles, des lettres qui ne trouveront leur pleine efficacité qu’au travers de leur admission solennelle par voie de ratification par les États signataires. Ce dernier point est d’ailleurs très important en droit international , pénal et de l’environnement, puisque non seulement beaucoup d’États ne sont pas signataires de nombreux textes internationaux en la matière (alors même que ces non-signataires sont souvent des plus exigeants et expressifs, voire « donneurs de leçons » lors des rencontres précédant la signature des textes), mais encore certains des États signataires n’ont toujours pas ratifié des actes internationaux qu’ils ont pourtant signé, affaiblissant par là même la portée et l’efficacité des règles internationales qu’ils ont définies… On citera comme seuls exemples la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer, ainsi que la Convention de Rio du 5 juin 1992 sur la biodiversité biologique. Néanmoins, il faut constater que les « défaillances » d’États signataires se font de plus en plus rares, du fait de la pression des media et des opinions, ce qui tend à renforcer le droit international.

 

La principale difficulté reste cependant constituée par les différences entre États, même si la prise en compte de l’évolution des données scientifiques et technologiques, celle de l’économie, et d’autres, sont autant d’obstacles réels à toute dimension réelle de la prise en compte d’un droit international public efficace :

 

-          différences liées aux systèmes juridiques. Par exemple, l’Europe est partagée entre un modèle de droit codifié de type latin, un modèle de droit scandinave, un modèle de droit germanique, un modèle de droit non encodifié d’origine britannique, un modèle dérivé de l’ex-droit soviétique, sans compter de multiples variantes et combinaisons ;

 

-          différences dictées par le contexte géographique. On peut penser à l’influence sur le droit de l’environnement des contraintes d’espace - cas du Japon - ou de nature des sols - cas des Pays-Bas - ;

 

-          différences nées des niveaux de sensibilisation, d’éducation et d’information des populations ;

 

-          différences dépendant du contexte culturel ;

 

-          différences dépendant du contexte religieux ;

 

-          différences dépendant du contexte économique et industriel ;

 

-          différences quant à l’opportunisme industriel. Pour en rester à des exemples tirés de l’environnement, le Japon et la Suède le ressentent comme une chance technologique, d’autres États comme une contrainte ;

 

-          différences dépendant d’intérêts internes divergents ;

 

-          différences provoquées par des niveaux de développement économique parfois très éloignés.

 

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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 15:38

Il s’agit ici de savoir différencier une arme automatique d’une arme semi-automatique.

Selon les militaires, est considérée comme arme automatique toute arme à feu qui peut tirer rapidement plusieurs projectiles l'un après l'autre à chaque pression de la détente, ou toute arme assemblée ou conçue et fabriquée de façon à pouvoir le faire. De son côté, est considérée comme arme semi-automatique toute arme à feu à répétition qui nécessite une pression distincte de la détente pour chaque coup tiré et qui utilise l'énergie de la décharge pour accomplir une partie du cycle de fonctionnement, les mécanismes semi-automatiques sont parfois appelés mécanismes à rechargement automatique.

La frontière est donc parfois très floue pour le non spécialiste, car basée sur la rapidité du tir (qui dépend de plus de la "qualité" de l'utilisateur) et sur un mode d'utilisation de l'énergie de décharge. Dans l'absolu, une arme semi-automatique peut être bien plus dangereuse qu'une arme automatique, surtout en tenant compte du tireur ou du progrès technique. Cette différenciation est reprise par diverses législations, telle la législation criminelle canadienne.

Maintenant, selon la directive n. 91/477/CEE du 18 juin1991 (ann. I, pt. IV), les définitions sont différentes. Ainsi, est considérée comme arme automatique toute arme à feu qui, après chaque coup tiré, se recharge automatiquement et qui peut, par une seule pression sur la détente, lâcher une rafale de plusieurs coups. Par contre, est considérée comme arme semi-automatique toute arme à feu qui, après chaque coup tiré, se recharge automatiquement et qui ne peut, par une seule pression sur la détente, lâcher plus d'un seul coup.

La définition communautaire est donc plus claire, la différence étant basée sur le nombre de coups lâchés. La plupart des armes dénommées "pistolets automatiques" (PA) sont donc en fait des armes semi-automatiques, dont les Walther, puisqu'ils ne peuvent tirer en rafale. Néanmoins, dans de nombreux cas, la confusion est faite par le vocabulaire, y compris des professionnels. On en prendra quatre exemples :

⑴ la dénomination comme PA du pistolet semi-automatique de l'Armée française "MAC 1950". La même remarque vaut pour le "PA" de l'Armée belge ;

⑵ la dénomination comme PA du "Colt 1911 A" (pistolet utilisé par diverses autorités US), alors qu'il est semi-automatique. Les planches descriptives officielles mentionnent en effet la mention Colt Government model automatic pistol calibeer .45 ;

⑶ les publications classiques et à grande diffusion telles que Encyclopédie des armes (éd. Atlas) ou encore des sites Web d'associations de tireurs expérimentés (exemple : www.ctcmr.org, du club de tir des cadres militaires réserve Nice-Côte d'Azur, notamment à la rubrique "calibres") ;

⑷ selon le catalogue "Walther" ou encore le site très connu "gunsworld.com", les pistolets semi-automatiques Walther PPK et Walther PPK/s utilisent – notamment - des munitions de calibre ".32 ACP", c'est-à-dire du 7,65 Browning. Or, ACP signifie "Automatic colt pistol", ce qui accroît la confusion. Ce calibre .32 ACP est reconnu officiellement par la réglementation américaine.

Néanmoins, la consultation des catalogues "Walther" (www.carl-walther.de), "Beretta" (www.beretta.it) et "Browning" (www.browning.com) confirme la classification des armes type Walther PP ou équivalent parmi les armes semi-automatiques, puisque figurant sous la rubrique "pistolets semi-automatiques". On peut trouver sur le site "Walther" les caractéristiques des divers pistolets semi-automatiques fabriqués par cette entreprise (PP, PPK, PPK/s principalement pour le calibre 7,65, ainsi que la capacité des magasins, le plus souvent 7 munitions par ce calibre), ainsi que des accessoires (chargeurs surdimensionnés par exemple).

 

 

 

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