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3 avril 2010 6 03 /04 /avril /2010 10:09

Bien que reconnu comme écrivain ecclésiastique, Hippolyte de Rome, fut un anti-Pape ; néanmoins, il se réconcilia avec l’Église vers la fin de sa vie. Il ne représente donc pas l’Église, mais uniquement un courant de cette dernière. Cependant, on ne doit pas minimiser l’importance et la réalité du contenu de ce texte dans l’Église primitive en ce sens qu’Hippolyte présenta aux chrétiens de Rome des réalités qu’ils connaissaient, et ces derniers auraient donc critiqué les passages contraires à la pratique de l’époque ; de plus, sa critique des Papes Callixte, Urbain et Pontien fut plus liée à des questions de personne qu’à autre chose. Enfin, il faut noter qu’Hippolyte cherchait à défendre la tradition face aux “novateurs” ! ! !

Les critiques contre le « modernisme » - pris ici dans un sens général et non au sens du Syllabus de Pie IX - dans l’Église ne sont donc pas contemporaines ! N’oublions pas que même le Concile de Vatican I a fait l’objet de telles accusations (par exemple avec la création de l’Église “vieille catholique” d’Autriche en réaction au dogme de l’infaillibilité pontificale ), tout comme saint Pie X a fait l’objet d’accusations de modernisme, notamment à l’occasion de sa réorganisation de la Curie romaine ou encore sur la question de l’âge de la communion… Sans commentaires… On pourrait presque écrire, par boutade, qu’Hippolyte fut le “Marcel Lefebvre de son temps”, ce qui donne finalement du poids à son témoignage en tant que représentation d’une vision de la réalité de l’Église au moins pour la période antérieure à l’instant où il écrivit…

La Tradition apostolique - Ce texte, rédigé en grec aux environs de 215, est attribué à Hippolyte de Rome. À propos de la rédaction en grec, n’oublions pas que le grec était alors, dans l’empire romain, la langue universelle et culturelle, ainsi que celle de l’Église… ; l’humanisme et la langue du vaincu s’étaient imposés au vainqueur ! Sur la question de la datation, voir : - G. Dix,  The Treatise on the Apostolic Tradition of St Hippolytus of Rome, Londres, 1937, pp. XXXV-XXXVI ; - B. Botte trad., La Tradition Apostolique, Cerf, Paris, 1946, coll. « Sources chrétiennes » 11, pp. 8-10.

Malgré son titre, ce texte n’est en aucun cas le reflet de la mission des Apôtres. Ce texte est très ferme dans son refus du glaive et du métier des armes, a contrario de certaines de ses compilations, et notamment des Constitutions Apostoliques. Il ne laisse planer aucun doute : le métier des armes est interdit au chrétien ! Ou alors, celui-ci doit renoncer en toute circonstance à faire usage de ses armes pour tuer, ce qui fait que le seul soldat admissible est plus le membre d’une milice ou d’une force de sécurité intérieure qu’un militaire : À un soldat qui se trouve auprès d'un gouverneur, qu'on dise de ne pas mettre à mort.  S'il en reçoit l'ordre, qu'il ne le fasse pas.  S'il n'accepte pas, qu'on le renvoie, Que celui qui possède le pouvoir du glaive ou le magistrat d'une cité, qui porte la pourpre, cesse ou qu'on le renvoie.  Si un catéchumène ou un fidèle veut se faire soldat, qu'on le renvoie, car il a méprisé Dieu. » (Tradition Apostolique, 16 traduction). Cet interdit se fonde non pas sur le risque d’idolâtrie, comme le feront certains des auteurs chrétiens des premiers siècles, mais sur le commandement interdisant de tuer !

À noter que dans certaines versions ou compilations ultérieures, la deuxième phrase de la citation précédente est complétée par : Qu’on ne lui permette pas de prêter serment, le serment en question étant vraisemblablement le serment militaire condamné par la plupart des Pères des premiers siècles.

Les Canons d’Hippolyte - Ce texte ne nous est connu que par une traduction arabe elle même issue du copte. Sa date ne nous est pas connue, mais comme il se réclame d’Hippolyte, il sera abordé ici. Bien plus qu’un texte d’Hippolyte, il semble s’agir d’une compilation, de plus incomplète, de la Tradition apostolique.

La seule chose que l’on puisse en retenir est la contradiction posée entre l’état de chrétien et celui de soldat, et, sur ce point, ces canons rejoignent la Tradition apostolique, d’autant plus que le fondement de cette incompatibilité est identique : il est interdit au chrétien de tuer : Celui qui a pouvoir de tuer, par exemple le soldat, ne doit pas être admis dans l’Église (…) Qu’un chrétien ne se fasse pas soldat de sa propre volonté, à moins qu’il n’y soit forcé par un chef. S’il porte le glaive, qu’il prenne garde de verser le sang et de devenir ainsi coupable d’un crime. (…) Est-il avéré qu’il a versé le sang, il devra s’abstenir de la participation aux mystères, à moins qu’il ne soit purifié par une singulière conversion de mœurs avec larmes et gémissements. » (Canones Hippolyti, n. 71-75)

On notera qu’un cas d’exemption est autorisé, lorsqu’il y a conscription forcée. Mais, même dans ce cas, le soldat doit s’efforcer de ne pas tuer, sous peine de pénitence grave, même si une réconciliation est possible. Par contre, il ne semble pas que ce texte, tienne compte du cas des soldats se convertissant, exception faite de la “purification”, et ce a contrario de ce que pensent certains auteurs, tel H. Leclerq (voir : « Militarisme », in : Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, tome XII, 1ère partie, c. 1127-1128 - voir aussi les notes de cet article ).En gros, on peut donc écrire que le chrétien ne peut en aucun cas devenir soldat, sauf s’il y est forcé, alors qu’un soldat peut devenir chrétien à la condition de faire confession et pénitence s’il a été amené à tuer. Dans tous les cas, dès lors qu’il est chrétien, le soldat doit refuser de tuer !

À noter qu’une autre adaptation de la Tradition apostolique, la Constitution de l’Église égyptienne - texte bien mal nommé, car il s’agit d’un écrit romain-, est tout aussi clair : Le soldat qui accomplit son service n’a pas le droit de tuer (Constitution de l’Église égyptienne, XI, 9).

On peut donc sans grande crainte de faire erreur affirmer que l’attitude de l’Église de Rome au début du IIIème siècle est le refus absolu du “droit de tuer” au soldat.

 

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