La Didachè – ou Doctrine des douze Apôtres – est un manuel catéchétique, liturgique et disciplinaire rédigé au cours de la seconde moitié du premier siècle, l’ultime limite pouvant être fixée aux toutes premières années du IIème siècle. Il s’agit donc d’un document précieux quant à son ancienneté, document destiné tant à l’édification des premières communautés des villes grecques de l’orient syriaque, qu’aux gentils souhaitant connaître le message de Jésus-Christ[1]. Même si on ne peut en aucun cas écrire qu’il fut écrit par les Apôtres ou à leur demande, ce texte aura très tôt connu un certain succès et une certaine autorité, comme l’écrit par exemple Athanase. Et on ne peut trouver dans son contenu rien qui aille contre le dogme…
Outre son ancienneté et son succès, ce document est précieux en ce sens qu’il ne semble pas connaître les paroles du Christ à partir du texte des Évangiles que nous connaissons ; or, on notera qu’il n’y a pas de contradictions apparentes entre les textes canoniques des Évangiles et la Didachè, la proximité entre certains étant même remarquable, en particulier pour ce qui est du domaine de la présente étude. On peut citer comme exemple sa reprise d’éléments majeurs de [Mt 5, 39-41], éléments déjà commentés précédemment :
Si quelqu’un te donne une gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre et tu seras parfait ; si quelqu’un te requiert pour un mille, fais-en deux avec lui[2].
Bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour vos ennemis[3].
Ce passage, dont la proximité avec [Mt 5, 44] est indéniable, va dans le même sens. Il n’est donc pas utile ici de reprendre le commentaire déjà effectué de ces passages mathéens, puisqu’ils sont mis en exergue – sans qu’il soit d’ailleurs fait référence au texte de Matthieu, texte qu’il confirme donc directement du fait même e cette ignorance - par le rédacteur de la Didachè.
Par ailleurs, la Didaché rappelle très tôt l’interdiction de l’homicide, le Tu ne tueras pas d’[Ex 20, 15][4], même si le rappel de ce commandement semble mettre cet interdit en position secondaire par rapport à ce qui précède. Dans tous les cas, même si rien n’est dit sur le métier de soldat, le rappel de ce commandement semble interdire au chrétien l’exercice du métier des armes… Va dans le même sens l’extrait suivant :
Tu ne formeras pas de mauvais dessein contre ton prochain. Tu ne haïras personne, mais tu reprendras les uns, tu prieras pour les autres, d’autres encore, tu les aimeras plus que ton âme[5].
Et toute la Didachè n’est qu’un vaste appel à la paix :
Tu ne créeras pas de dissension, mais tu réconcilieras ceux qui combattent[6].
Non seulement le chrétien ne doit pas se battre, mais il doit de plus chercher à réconcilier ceux qui se battent, il doit rechercher avant tout la paix !
Donc, même si l’on ne trouve pas d’interdit formel du métier des armes et de la guerre dans la Didaché, tout ce qui précède va dans ce sens, d’autant plus que tout ce qui risque de conduire à l’idolâtrie ou à son simple spectacle est rejeté[7] !
Le respect de ce qui précède est l’une des composantes de la voie de la vie, alors que le meurtre est un élément de la voie de la mort[8], la voie de la vie étant celle que doit suivre le chrétien…
[1] cf. l’analyse critique de W. Rordorf et A. Tuillier dans leur traduction de la Didachè parue dans la collection Sources chrétiennes, n° 248bis en 1998, page 245.
[2] Didaché 1, 4.
[3] Didaché 1, 3.
[4] Didaché 2, 2
[5] Didaché 2, 6-7.
[6] Didaché 4, 3.
[7] Didaché 3, 4 pour ne retenir que cet exemple.
[8] Didaché 5, 1.