D'origine africaine, le rhéteur Lactance (v. 250/20 – après 320) fut l'élève d'Arnobe de Numidie. Venu tard au christianisme, ce Père de l’Église fait montre du zèle “idéologique” des néophytes, tout en cherchant cependant à échapper à la persécution, alors même qu'il vante le martyre. Plus apologiste que théologien, son argumentation étant souvent faible et manquant de profondeur, voire même entachée d'erreurs de toutes sortes, il se fait surtout remarquer par un certain dogmatisme, voire rigorisme moral, voyant en la personne du Christ, encore plus qu'un médiateur, un maître de doctrine, et plus particulièrement de morale[1]. Lactance, à l'imitation de la philosophie grecque - et en particulier des stoïciens -, est séduit par l'idée de vertu comme expression du souverain bien, et, pour lui, la justice est la racine de toutes les vertus sociales, même s’il dépassera assez vite ce stade pour substituer la charité à la justice, puisque la charité induit des devoirs spécifiques aux chrétiens[2].
Rappelons que le concept de souverain bien est un concept fondamental dans la philosophie antique, concept qui influencera les premiers auteurs chrétiens, y compris saint Augustin. Dès le IVème siècle avant J.-C., les philosophes grecs avaient posé la fin de l'homme (tèlos) comme étant la recherche du souverain bien. C'est ce qu'Eudore résumait en disant que tous cherchent le plaisir, fuient la douleur et s'arrêtent au plaisir comme une fin. Pour Aristote, c'était la nature elle-même qui était la fin[3]. Les approches platoniciennes et stoïciennes seront particulièrement influentes sur le christianisme naissant…
Séduit par les chimères du millénarisme, et croyant par là même en la proximité de la fin des temps, il développera surtout une eschatologie assez primaire, marquée par tous les apocalypses, y compris juifs, y compris apocryphes. De plus, sa vision du monde est très dualiste, aboutissant quasiment à la conclusion que Dieu serait le dernier responsable du mal, ce qui est pour le moins surprenant. De plus, dans sa vision eschatologique, il manque pour le moins de charité puisque, selon lui, les infidèles quels qu'ils soient sont de fait déjà jugés et condamnés, non concernés par la grâce divine, alors que les chrétiens seront eux seuls jugés sur leurs actes, après une sorte de jugement “gare de triage”[4], car Dieu a voulu que l'homme soit un animal sacro-saint[5] !
Il faut donc être très prudent lorsque l'on utilise les textes de Lactance, car il est souvent excessif de par sa vision même du monde, vision qui frôle parfois de très près l'hérésie. Dans tous les cas, Lactance semble avoir été l'un des seuls Pères à clairement rejeter la guerre en tant que telle, et ce pour une raison simple, unique et universelle : la guerre est exécrable[6], car elle tue ! Simple, direct et clair !
Lactance écrit aussi, confirmant ainsi son rejet du métier des armes :
Il n'est pas permis au juste de porter les armes ; sa milice à lui, c'est la justice ; il ne lui est même pas permis de porter contre quelqu'un une accusation capitale : il importe peu, en effet, que l'on tue par le fer ou par la parole, car ce qui est défendu, c'est de tuer. Il n'y a pas la moindre exception à faire au précepte divin : tuer un homme est toujours un acte criminel[7].
On reconnaît ici son argumentation lapidaire, alors que cette position de rejet absolu est très proche de celle des Pères pensant que la fin était proche, car il est persuadé de l'avènement rapide de la paix universelle par le retour rapide du Christ… Et s'il a raison lorsqu'il proclame l'exécration de la guerre, ou encore le fait que tuer reste toujours un péché, une violation des Commandements de Dieu, il est parfois excessif dans ses conclusions, voire même faible dans sa démonstration.