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7 avril 2010 3 07 /04 /avril /2010 10:11

La Didachè – ou Doctrine des douze Apôtres – est un manuel catéchétique, liturgique et disciplinaire rédigé au cours de la seconde moitié du premier siècle, l’ultime limite pouvant être fixée aux toutes premières années du IIème siècle. Il s’agit donc d’un document précieux quant à son ancienneté, document destiné tant à l’édification des premières communautés des villes grecques de l’orient syriaque, qu’aux gentils souhaitant connaître le message de Jésus-Christ[1]. Même si on ne peut en aucun cas écrire qu’il fut écrit par les Apôtres ou à leur demande, ce texte aura très tôt connu un certain succès et une certaine autorité, comme l’écrit par exemple Athanase. Et on ne peut trouver dans son contenu rien qui aille contre le dogme…

 

Outre son ancienneté et son succès, ce document est précieux en ce sens qu’il ne semble pas connaître les paroles du Christ à partir du texte des Évangiles que nous connaissons ; or, on notera qu’il n’y a pas de contradictions apparentes entre les textes canoniques des Évangiles et la Didachè, la proximité entre certains étant même remarquable, en particulier pour ce qui est du domaine de la présente étude. On peut citer comme exemple sa reprise d’éléments majeurs de [Mt 5, 39-41], éléments déjà commentés précédemment :

Si quelqu’un te donne une gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre et tu seras parfait ; si quelqu’un te requiert pour un mille, fais-en deux avec lui[2].

Bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour vos ennemis[3].

 

Ce passage, dont la proximité avec [Mt 5, 44] est indéniable, va dans le même sens. Il n’est donc pas utile ici de reprendre le commentaire déjà effectué de ces passages mathéens, puisqu’ils sont mis en exergue – sans qu’il soit d’ailleurs fait référence au texte de Matthieu, texte qu’il confirme donc directement du fait même e cette ignorance - par le rédacteur de la Didachè.

 

Par ailleurs, la Didaché rappelle très tôt l’interdiction de l’homicide, le Tu ne tueras pas d’[Ex 20, 15][4], même si le rappel de ce commandement semble mettre cet interdit en position secondaire par rapport à ce qui précède. Dans tous les cas, même si rien n’est dit sur le métier de soldat, le rappel de ce commandement semble interdire au chrétien l’exercice du métier des armes… Va dans le même sens l’extrait suivant :

Tu ne formeras pas de mauvais dessein contre ton prochain. Tu ne haïras personne, mais tu reprendras les uns, tu prieras pour les autres, d’autres encore, tu les aimeras plus que ton âme[5].

 

Et toute la Didachè n’est qu’un vaste appel à la paix :

Tu ne créeras pas de dissension, mais tu réconcilieras ceux qui combattent[6].

 

Non seulement le chrétien ne doit pas se battre, mais il doit de plus chercher à réconcilier ceux qui se battent, il doit rechercher avant tout la paix !

 

Donc, même si l’on ne trouve pas d’interdit formel du métier des armes et de la guerre dans la Didaché, tout ce qui précède va dans ce sens, d’autant plus que tout ce qui risque de conduire à l’idolâtrie ou à son simple spectacle est rejeté[7] !

 

Le respect de ce qui précède est l’une des composantes de la voie de la vie, alors que le meurtre est un élément de la voie de la mort[8], la voie de la vie étant celle que doit suivre le chrétien…

 



[1] cf. l’analyse critique de W. Rordorf et A. Tuillier dans leur traduction de la Didachè parue dans la collection Sources chrétiennes, n° 248bis en 1998, page 245.

[2] Didaché 1, 4.

[3] Didaché 1, 3.

[4] Didaché 2, 2

[5] Didaché 2, 6-7.

[6] Didaché 4, 3.

[7] Didaché 3, 4 pour ne retenir que cet exemple.

[8] Didaché 5, 1.

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6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 10:27

Origène (vers 185 – vers 254) est considéré à juste titre comme le plus grand des théologiens et des Pères de l’Église. Il ne faut cependant pas oublier qu’Origène fut parfois pour le moins excessif puisque si, jeune, il rechercha le martyre qu’avait connu son père en 201 lors de la persécution de Septime Sévère, il devait surtout s’émasculer volontairement avant l’âge de trente ans pour suivre à la lettre le Il y en a qui se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du Royaume des Cieux de [Mt 19, 12]. Il endura cependant âgé le martyre en 250/251 lors de la persécution de Dèce, mais sans être tué ; il devait néanmoins mourir en 254, la santé ruinée par les tortures subies On peut donc supposer que cet auteur avait une approche pour le moins plus que littérale et pas toujours véritablement spirituelle des Évangiles. Disons qu’il poussa parfois le “zèle” un peu loin… et ceci allait faire que de nombreuses controverses ont eu lieu autour de sa personne et de son œuvre, y compris parmi les chrétiens, et ce dès son enseignement. N’oublions pas aussi que, pour Origène, le monde spirituel est le seul qui existe vraiment ; il est un organisme dont tous les éléments sont solidaires les uns des autres[1]. De plus, la corporéité est pour lui à la fois la suite du mal, expiation du péché[2] et initiation de l’homme à la vie future. L’approche origénienne est donc un mélange de platonisme christianisé et de zèle poussé à l’extrême, et en ce sens, Origène, Clément d’Alexandrie ou encore Athanase se rejoignent. Joint à sa vision très millénariste du monde, ceci permet de mieux comprendre son intransigeance morale, d’autant plus qu’il rejette par exemple les idées de résurrection de la chair et de peines éternelles.

La base de la pensée d'Origène n’en reste pas moins très claire : il faut que l'homme s'élève pour un monde de paix ! Néanmoins, malgré ses écrits sur le chrétien et la paix, Origène ne met pas en évidence une incompatibilité fondamentale entre le métier des armes ou le recours à la force et le christianisme ; par contre, le chrétien ne peut faire usage de cette force, de cette violence légitime.

Par ailleurs, le sujet chrétien est fidèle par nature au pouvoir politique, et ce même si ce pouvoir n'est pas chrétien, et ce même si le chrétien ne peut porter les armes :

Plus que d'autres nous combattons pour l'empereur. Nous ne servons pas avec ses soldats, même s'il l'exige, mais nous combattons pour lui en levant une armée spéciale, celle de la piété, par les supplications que nous adressons à la divinité[3].

Par principe, Origène ne reconnaît aucune autre règle de conduite que la soumission à la volonté de Dieu, volonté qu'il fait préférer à toute autre[4]. C'est de cette volonté de Dieu qui est souveraineté, ainsi que de sa providence universelle, que relève toute autorité humaine, même païenne, et c'est pour cela que l'on doit obéissance à cette autorité, tant qu'elle reste dans l'ordre de Dieu.

Il est évident que l'autorité dispose des moyens de la violence, mais l'usage de cette violence peut être soit légitime, par exemple en cas de guerre juste[5], soit abusif, comme dans les tyrannies[6].  Ainsi, Origène reconnaît que la guerre peut être juste :

Peut-être même ces sortes de guerres des abeilles sont-elles un enseignement, pour que les guerres parmi les hommes, si jamais il le fallait, soient justes et ordonnées[7].

Néanmoins, il introduit un bémol à cette admissibilité en mettant en doute la nécessité de la guerre. Mais il semble néanmoins reconnaître un droit légitime de l'empereur païen à mener une guerre juste[8], même si la participation des chrétiens à cette guerre reste avant tout spirituelle :

Ils (…) luttent par des prières adressées à Dieu pour ceux qui se battent justement et pour celui qui règne justement, afin que tout ce qui est opposé et hostile à ceux qui agissent justement puisse être vaincu. De plus, nous qui par nos prières vainquons tous les démons qui suscitent les guerres, font violer les serments et troublent la paix, nous apportons à l'empereur un plus grand secours que ceux que l'on voit combattre[9].

Il insiste dans ce dernier passage nettement, et par trois fois sur le mot justement - dikaïôo - (avec justice). En fait, dans la situation réelle, il reste à chacun le devoir de soutenir l'empereur dans ses justes entreprises, et dans ses combats avec ses soldats et ses stratèges[10]. Est criminel celui qui viole les traités ou qui trouble la paix…

De même, répondant aux attaques de Celse contre les chrétiens, il admet la possibilité de recourir à la guerre pour la sauvegarde de la patrie :

Après avoir parlé des abeilles pour déprécier autant qu'il peut, non seulement chez nous, chrétiens, mais encore chez tous les hommes, les villes, les régimes, les autorités, les gouvernements, les guerres pour la défense des patries[11].

Tous les hommes n'ont cependant pas à tenir la même conduite face ou dans le cadre de l'usage de la force par l'autorité, donc notamment à la guerre. Ainsi, au nom de la providence universelle, le païen peut prendre une part active à une guerre juste, et au nom du droit naturel à toute insurrection contre le tyran usurpateur[12]. Par ailleurs, les Juifs peuvent, pour assurer la sauvegarde et le développement de leur peuple, tenant d'une mission donnée par Dieu, anéantir leurs ennemis extérieurs et intérieurs[13].

Seuls les chrétiens n'ont pas le droit de recourir à la violence, même pour se défendre des persécutions, même pour prendre part à la guerre puisqu'ils obéissent aux commandements interdisant l'homicide, ordonnant d'être des artisans de paix, et imposant d'aimer tous les hommes, y compris les ennemis :

Nous venons, suivant les conseils de Jésus, briser les épées rationnelles de nos contestations et de nos violences pour en faire des socs de charrue et forger en faucilles les lances auparavant employées à la lutte. Car nous ne tirons plus l'épée contre aucun peuple ni ne nous entraînons à faire la guerre : nous sommes devenus enfants de la paix par Jésus[14].

Là encore, comme d'autres avant lui, Origène se réfère à la prophétie de Michée en [Mi 4, 3-4] - et aussi à celle d'Isaïe (Is 2, 2-4). Les chrétiens, sans pour autant se retirer de la société, ont une approche qui est avant tout spirituelle et pacifique, et Origène tire argument de l'exemple des prêtres païens, les chrétiens formant un peuple saint de juste[15], un peuple de prêtres[16] :

Mais voici encore ce qu'on pourrait dire aux étrangers à la foi qui nous demandent de combattre en soldats pour le bien public et de tuer des hommes. Même ceux qui, d'après vous, sont prêtres de certaines statues et gardiens des temples de vos prétendus dieux ont soin de garder leur main droite sans souillure pour les sacrifices (…). Et sans doute, en temps de guerre, vous n'enrôlez pas vos prêtres[17].

Origène réclame en fait pour les chrétiens le statut des ministres des cultes païens… Ils peuvent se battre, mais en priant pour la victoire ; il n’y a donc pas condamnation de la guerre en tant que telle ! Et de continuer :

Si Celse veut nous voir aussi servir comme stratèges pour la défense, qu'il le sache, nous le faisons aussi, mais non pour attirer le regard des hommes et obtenir d'eux par cette conduite une gloire futile[18].

L'attitude des chrétiens n'est donc pas, comme les en accuse Celse, une attitude anti-sociale, anti-civique et anti-militaire, mais avant tout une attitude de paix, eschatologique en ce sens que le christianisme fonde et réalise la communauté promise par Dieu par Isaïe et Michée. Cette vision eschatologique et de paix est confirmée un peu plus loin par Origène :

Nous espérons après les peines et les luttes d'ici-bas parvenir aux sommets célestes[19].

L'Église est une patrie divine transcendant toutes les autres patries[20], la communauté eschatologique annoncée par Sophonie[21], faisant déjà partie de l'apocatastase[22] spirituelle et de la victoire du logos qu'Origène espère et annonce de manière triomphale. Par l'attitude qu'il commande aux chrétiens, Origène fait pénétrer l'eschatologie dans l'histoire, la communauté humaine étant, par les chrétiens, en cours de formation et de montée vers son état définitif, fondée sur la vie mystique d'union à Dieu par le logos, Jésus étant le logos incarné. Les chrétiens ont dans ce cadre une fonction de sacerdoce spirituel qui leur impose un rôle actif par la prière, le culte intériorisé, la pratique des commandements et celle des vertus. Donc, l'action du chrétien n'est pas évasion hors du monde ou intériorité, mais bien action dans le monde. L'Église peut donc obtenir par la prière, dans la mesure où Dieu le veut, la fin de la persécution et de la guerre, ainsi que le salut des individus et des patries. Par cette prière, elle maintient la consistance du monde, ses structures légitimes, ses activités sociales et son quotidien.

L'Église a pour ce faire une structure hiérarchique individuelle, mais proche de celle des institutions humaines, avec ses soldats, ses stratèges et ses gouvernants, ces derniers prenant soin tant de ceux qui sont à l'extérieur que de ceux qui sont à l'intérieur[23]. La promotion spirituelle de l'humanité vers sa vraie patrie est ainsi assurée. L'intercession des saints et la prière est donc féconde tant pour le salut éternel que pour celui du monde temporel, la mort des martyrs participant à ce mouvement[24].

Autre point important… Le symbolisme du puits, inspiré de la rencontre en Jésus et la samaritaine, est, comme le rappelait le Père de Lubac[25], omniprésent chez Origène. Pour lui, le puits est en premier lieu la parole de Dieu, l’écriture, puis dans un second temps l’âme de l’homme dans sa vocation à la perfection de Dieu. Ce qui est important, c’est qu’Origène démontre qu’il y a une continuité constante entre la parole divine et la vocation de l’âme, la seconde découlant de la première. Et c’est pourquoi Origène invite en permanence les chrétiens et tous les hommes à lire l’Écriture, et ce même si elle semble obscure, car il existe dans les Écritures Saintes une sorte de force qui suffit, même sans explication, à celui qui la lit[26] ; le simple fait d’entendre la lecture des paroles divines, même si elle nous paraît obscure, n’est pas pour l’âme d’une mince utilité[27].

Chaque parole de la divine Écriture est semblable à une semence dont la nature est de se multiplier et de se répandre selon son espèce, une fois jetée en terre et remontée en épi[28].

Et l’étude ne suffit pas pour lire l’Écriture ; il faut aussi et avant tout laisser notre cœur s’enflammer, supplier le Seigneur pour qu’il nous ouvre lui-même le livre[29], car nous devons nous laisser emporter par le Verbe de Dieu[30], et ce d’autant plus que l’Écriture nous donne l’image des choses futures, sans que nous devions nous en rassasier[31]...

Pour en revenir au symbolisme du puits, Origène nous propose successivement :

⒜ Jésus comme le puisatier par excellence qui nous offre la vie éternelle[32] ;

⒝ Les apôtres comme puisatiers à la suite de Jésus[33] ;

Mais, surtout, il nous demande, à chacun, d’être puisatier pour les autres :

Chacun de nous, en servant la parole de Dieu, creuse un puits et cherche l’eau vive pour en réconforter ceux qui l’écoutent. Si, à mon tour, je me mets à expliquer les paroles des anciens, si j’y cherche le sens spirituel et m’efforce de retirer le voile qui couvre la Loi, pour y découvrir le sens allégorique de l’Écriture, à mon tour je creuse des puits d’eau vive. (…) Ne nous lassons pas de creuser des puits d’eau vive[34].

Bref, chacun de nous est appelé à accueillir l’eau vive offerte par Jésus, mais aussi à devenir lui-même Apôtre de Jésus ! Car, de plus, chacune de nos âmes est elle-même un puits d’eau vive :

Considère donc qu’en chacune de nos âmes est creusé un puits d’eau vive ; il s’y rencontre un certain sens céleste, l’image de Dieu s’y abrite. (…) Nous y verrons jaillir l’eau vive dont le Seigneur affirme : " Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront en son sein. " [35].

Et nous ferons ainsi jaillir l’eau sur les places publiques : Creusons si profond que les eaux jaillissent jusque sur les places publiques, que la science des Écritures ne nous comble pas seul, mais nous permette d’enseigner et de former les autres, d’abreuver les hommes (…) (ibidem). On est loin de l’Origène seulement apologète trop souvent présenté !

Quelques autres concepts clés chez Origène :

⒜  sur la Résurrection : Contre Celse II, 65 ; II, 66 ; II, 67 ; II, 77 ; IV, 37 ;

⒝  sur la bonté du corps : Contre Celse III, 42 ; IV, 66 ;

⒞  sur le logos : Contre Celse III, 5 ;

⒟ sur l’apocatastase, bref sur la restauration universelle : Des principes, 1, 1 ; 3, 6 :3

 

Ceux que le divin baptême a fait renaître sont placés dans le paradis, c’est-à-dire dans l’Église, afin d’y accomplir des œuvres spirituelles[36].

 

Enfin, n’oublions pas qu’il y a deux amours : l’un charnel qui, suivant l’expression de Saint Paul, sème dans la chair (…) ; et il y a un amour spirituel, suivant lequel l’homme intérieur, arrivé spirituellement à l’âge d’homme, sème dans l’esprit, et est mû par le désir des choses célestes[37], et que, le juste doit célébrer une fête perpétuelle[38]. Car le vrai chrétien est toujours joyeux, toujours en fête !

 

 



[1] Contra Cels., VIII, 72.

[2] De principiis, II, 1, 2.

[3] Contra Cels., VIII, 73, 34-38.

[4] Contra Cels., VIII, 26.

[5] Contra Cels., IV, 82 ; VIII, 73.

[6] Contra Cels., I, 1.

[7] Contra Cels., IV, 82, 2-3.

[8] Origène, Contre Celse, Paris, Cerf, 1969, coll. Sources chrétiennes n° 150, tome IV, note 1 de M. Borret sous VIII, 73, pp. 346-347. Marcel Borret cite dans le même sens : Cadoux (C. J.), The Early Christian Attitude to the War, London, 1919, p. 208.

[9] Contra Cels., VIII, 73, 23-30.

[10] Borret, M., Origène. Contre Celse, Paris, Cerf, 1976, coll. Sources chrétiennes n° 227, tome V (introduction générale), pp. 116-117.

[11] Contra Cels., IV, 83, 1-5.

[12] Contra Cels., VIII, 73 ; I, 1.

[13] Contra Cels., VII, 26.

[14] Contra Cels., V, 33, 31-36.

[15] cf. Is 60, 21; 62, 12.

[16] cf. Ap 20, 6.

[17] Contra Cels., VIII, 73, 14-21.

[18] Contra Cels., VIII, 74, 1-4.

[19] Contra Cels., VI, 20, 16-17.

[20] Contra Cels., V, 33.

[21] So 3, 14-20.

[22] …c’est-à-dire l'espérance du rétablissement de toutes les créatures douées de raison dans leur état originel d'unité avec Dieu, ici donc déjà réalisée en esprit.

[23] Contra Cels., VIII, 73-75.

[24] cf. Exh. mart. 30 ; In Jo. 6, 54(36) ; Contra Cels., I, 31 ; VIII, 44.

[25] cf. L’intelligence de l’Écriture d’après Origène, Cerf.

[26] Sur Josué, Homélie 20, 2.

[27] Sur Josué, Homélie 20, 1.

[28] Sur l’Exode I, 1.

[29] Sur l’Exode, XII, 4.

[30] Sur l’Exode, VIII, 1.

[31] Sur l’Exode, VIII, 1.

[32] Homélie 13 sur la Genèse.

[33] Homélie 13 sur la Genèse.

[34] Homélie 13 sur la Genèse.

[35] Homélie 13 sur la Genèse.

[36] Fragments sur la Genèse, PG 12, 100 B.

[37] Homélie sur le Cantique, Prologue.

[38] Sur l’Exode, XXIII, 3.

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6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 10:09

D'origine africaine, le rhéteur Lactance (v. 250/20 – après 320) fut l'élève d'Arnobe de Numidie. Venu tard au christianisme, ce Père de l’Église fait montre du zèle “idéologique” des néophytes, tout en cherchant cependant à échapper à la persécution, alors même qu'il vante le martyre. Plus apologiste que théologien, son argumentation étant souvent faible et manquant de profondeur, voire même entachée d'erreurs de toutes sortes, il se fait surtout remarquer par un certain dogmatisme, voire rigorisme moral, voyant en la personne du Christ, encore plus qu'un médiateur, un maître de doctrine, et plus particulièrement de morale[1]. Lactance, à l'imitation de la philosophie grecque - et en particulier des stoïciens -, est séduit par l'idée de vertu comme expression du souverain bien, et, pour lui, la justice est la racine de toutes les vertus sociales, même s’il dépassera assez vite ce stade pour substituer la charité à la justice, puisque la charité induit des devoirs spécifiques aux chrétiens[2].

Rappelons que le concept de souverain bien est un concept fondamental dans la philosophie antique, concept qui influencera les premiers auteurs chrétiens, y compris saint Augustin. Dès le IVème siècle avant J.-C., les philosophes grecs avaient posé la fin de l'homme (tèlos) comme étant la recherche du souverain bien. C'est ce qu'Eudore résumait en disant que tous cherchent le plaisir, fuient la douleur et s'arrêtent au plaisir comme une fin. Pour Aristote, c'était la nature elle-même qui était la fin[3]. Les approches platoniciennes et stoïciennes seront particulièrement influentes sur le christianisme naissant…

Séduit par les chimères du millénarisme, et croyant par là même en la proximité de la fin des temps, il développera surtout une eschatologie assez primaire, marquée par tous les apocalypses, y compris juifs, y compris apocryphes. De plus, sa vision du monde est très dualiste, aboutissant quasiment à la conclusion que Dieu serait le dernier responsable du mal, ce qui est pour le moins surprenant. De plus, dans sa vision eschatologique, il manque pour le moins de charité puisque, selon lui, les infidèles quels qu'ils soient sont de fait déjà jugés et condamnés, non concernés par la grâce divine, alors que les chrétiens seront eux seuls jugés sur leurs actes, après une sorte de jugement “gare de triage”[4], car Dieu a voulu que l'homme soit un animal sacro-saint[5] !

Il faut donc être très prudent lorsque l'on utilise les textes de Lactance, car il est souvent excessif de par sa vision même du monde, vision qui frôle parfois de très près l'hérésie. Dans tous les cas, Lactance semble avoir été l'un des seuls Pères à clairement rejeter la guerre en tant que telle, et ce pour une raison simple, unique et universelle : la guerre est exécrable[6], car elle tue ! Simple, direct et clair !

Lactance écrit aussi, confirmant ainsi son rejet du métier des armes :

Il n'est pas permis au juste de porter les armes ; sa milice à lui, c'est la justice ; il ne lui est même pas permis de porter contre quelqu'un une accusation capitale : il importe peu, en effet, que l'on tue par le fer ou par la parole, car ce qui est défendu, c'est de tuer. Il n'y a pas la moindre exception à faire au précepte divin : tuer un homme est toujours un acte criminel[7].

On reconnaît ici son argumentation lapidaire, alors que cette position de rejet absolu est très proche de celle des Pères pensant que la fin était proche, car il est persuadé de l'avènement rapide de la paix universelle par le retour rapide du Christ… Et s'il a raison lorsqu'il proclame l'exécration de la guerre, ou encore le fait que tuer reste toujours un péché, une violation des Commandements de Dieu, il est parfois excessif dans ses conclusions, voire même faible dans sa démonstration.

 



[1] Inst. V et VI.

[2] Inst. VI, 12, 22.

[3] Aristote, Phys., II, 2.

[4] cf. Inst. VII, 21.

[5] Inst. VI, 20.

[6] Inst. VI.

[7] Inst. VI, 20, 15-17.

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6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 10:08

Justin de Naplouse est né à Sichem[1] vers 100 ; il est mort vers 165.

Philosophe, puis professeur de philosophie, il connaîtra une évolution spirituelle qui devrait frapper de nos jours tant elle décrit un parcours de son temps : né païen, il sera successivement stoïcien, puis péripatéticien, puis pythagoricien, puis platonicien, et enfin chrétien. Comme quoi, rien n’est jamais perdu…

On notera qu’il a été fortement marqué par les écrits des Pères apostoliques, et tout particulièrement par l’Épître à Barnabé qui semble avoir inspiré la quasi-totalité de son Dialogue avec le Juif Tryphon, tant certaines ressemblances sont troublantes, y compris dans les exemples choisis ; on citera notamment les thèmes de la circoncision, du serpent d’airain, de Jésus fils de Navé, celui selon lequel seuls les Chrétiens savent lire l’Ancien Testament, etc… C’est pourquoi ses textes seront aussi très fortement et en premier lieu théologiques, alors même qu’il est surtout connu comme apologiste. Cette superposition de " compétences " vient du fait que le but premier de Justin est de présenter l'ensemble des chrétiens comme les acteurs de la prophétie d'Isaïe sur un monde échappant à la violence. De toute manière, un Père de l'Église est un théologien au sens plein du terme : il est à la fois pasteur, homme de pensée, homme de prière ! À méditer aujourd'hui où l'on tend à distinguer les théologiens de métier, les contemplatifs d'état et les hommes de terrain; les Pères sont tout cela à la fois, à la fois spirituels et pasteurs ! Ce sont, comme le disait Clément d'Alexandrie à propos de son maître Pantène, des abeilles diligentes !

Comme d’habitude, je n’aborderai ici que certains aspects reliés à la vie sociale de son temps, à la paix et à la guerre…

C’est vers 148-154, Justin de Naplouse devait écrire son Apologie. Ici apologiste, Justin se retrouve dans ce texte en toute harmonie avec l'attitude des premières générations chrétiennes ; il reste un sujet soumis à Rome, et il souffre, non pas tant des persécutions, que du refus de Rome d'admettre la loyauté civique du chrétien, loyauté qui était contestée, les Romains ne distinguant pas le culte de la Cité, alors que certains chrétiens convertis refusaient le service des armes[2].

S'adressant principalement à l'empereur Antonin le Pieux - qui régna de 138 à 161 -, il cherche à lui démontrer que les chrétiens sont de loyaux sujets, et qu'il n'est pas de séditieux parmi eux :

Vous trouverez en nous les amis et les alliés les plus zélés de la paix[3].

Nous sommes les premiers à payer les tributs et les impôts à ceux que vous préposez à cet office[4].

Nous n'adorons donc que Dieu seul, mais pour le reste, nous vous obéissons volontiers, vous reconnaissant pour les rois et les chefs des peuples, et nous demandons à Dieu qu'avec la puissance souveraine, on voie en vous la sagesse et la raison[5].

Les chrétiens ne demandent rien sinon que de vivre paisiblement et de pratiquer leur religion. Si on les persécute, ils ne se révoltent pas, si on les martyrise, ils ne se dérobent pas ; ils sont un peuple pacifique ; ils reconnaissent et respectent l'autorité impériale et ses représentants.

Justin, comme tous les chrétiens qui vivent dans l'empire et expriment leur opinions, parle du service des armes avec estime. Il lui semble reconnaître la Croix du Christ dans les vexilla et les trophées des légions, dans les enseignes ou signa :

Vous avez aussi des signes qui disent la puissance de la croix, je veux dire les étendards et les trophées qui précèdent partout vos armées. Sans que vous vous en doutiez, vous montrez que la croix est ainsi le signe de votre puissance et de votre force[6],

car :

il serait étrange que les soldats que vous enrôlez et qui s'engagent par serment sacrifient à la fidélité qu'ils vous doivent, à vous qui ne pouvez leur donner qu'une récompense corruptible, leur vie, leurs parents, leur patrie, tous leurs intérêts[7].

Justin va donc bien plus loin dans sa reconnaissance des armées que Clément de Rome et Ignace d'Antioche, car il ne remet jamais en cause ni l'enrôlement, ni le serment de fidélité du soldat à l'empereur. Écrivons le franchement, Justin admire l'armée en transposant de manière parfois osée les étendards et la Croix du Christ ; il préfigure ainsi l'armée post-constantinienne. N'oublions cependant pas que la volonté première de Justin est de chercher à faire cesser les persécutions, dans une démarche apologétique, donc de défense de la religion chrétienne avant tout. Il faut donc peut-être plus y voir une concession au temps qu'une apologie de l'armée.

 

 



[1] aujourd’hui Naplouse.

[2] voir : Origène, Contre Celse, III, 68-70, 73

[3] 1 Apol. 12.

[4] 1 Apol. 17.

[5] 1 Apol. 17.

[6] 1 Apol. 55.

[7] 1 Apol. 39.

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3 avril 2010 6 03 /04 /avril /2010 10:09

Bien que reconnu comme écrivain ecclésiastique, Hippolyte de Rome, fut un anti-Pape ; néanmoins, il se réconcilia avec l’Église vers la fin de sa vie. Il ne représente donc pas l’Église, mais uniquement un courant de cette dernière. Cependant, on ne doit pas minimiser l’importance et la réalité du contenu de ce texte dans l’Église primitive en ce sens qu’Hippolyte présenta aux chrétiens de Rome des réalités qu’ils connaissaient, et ces derniers auraient donc critiqué les passages contraires à la pratique de l’époque ; de plus, sa critique des Papes Callixte, Urbain et Pontien fut plus liée à des questions de personne qu’à autre chose. Enfin, il faut noter qu’Hippolyte cherchait à défendre la tradition face aux “novateurs” ! ! !

Les critiques contre le « modernisme » - pris ici dans un sens général et non au sens du Syllabus de Pie IX - dans l’Église ne sont donc pas contemporaines ! N’oublions pas que même le Concile de Vatican I a fait l’objet de telles accusations (par exemple avec la création de l’Église “vieille catholique” d’Autriche en réaction au dogme de l’infaillibilité pontificale ), tout comme saint Pie X a fait l’objet d’accusations de modernisme, notamment à l’occasion de sa réorganisation de la Curie romaine ou encore sur la question de l’âge de la communion… Sans commentaires… On pourrait presque écrire, par boutade, qu’Hippolyte fut le “Marcel Lefebvre de son temps”, ce qui donne finalement du poids à son témoignage en tant que représentation d’une vision de la réalité de l’Église au moins pour la période antérieure à l’instant où il écrivit…

La Tradition apostolique - Ce texte, rédigé en grec aux environs de 215, est attribué à Hippolyte de Rome. À propos de la rédaction en grec, n’oublions pas que le grec était alors, dans l’empire romain, la langue universelle et culturelle, ainsi que celle de l’Église… ; l’humanisme et la langue du vaincu s’étaient imposés au vainqueur ! Sur la question de la datation, voir : - G. Dix,  The Treatise on the Apostolic Tradition of St Hippolytus of Rome, Londres, 1937, pp. XXXV-XXXVI ; - B. Botte trad., La Tradition Apostolique, Cerf, Paris, 1946, coll. « Sources chrétiennes » 11, pp. 8-10.

Malgré son titre, ce texte n’est en aucun cas le reflet de la mission des Apôtres. Ce texte est très ferme dans son refus du glaive et du métier des armes, a contrario de certaines de ses compilations, et notamment des Constitutions Apostoliques. Il ne laisse planer aucun doute : le métier des armes est interdit au chrétien ! Ou alors, celui-ci doit renoncer en toute circonstance à faire usage de ses armes pour tuer, ce qui fait que le seul soldat admissible est plus le membre d’une milice ou d’une force de sécurité intérieure qu’un militaire : À un soldat qui se trouve auprès d'un gouverneur, qu'on dise de ne pas mettre à mort.  S'il en reçoit l'ordre, qu'il ne le fasse pas.  S'il n'accepte pas, qu'on le renvoie, Que celui qui possède le pouvoir du glaive ou le magistrat d'une cité, qui porte la pourpre, cesse ou qu'on le renvoie.  Si un catéchumène ou un fidèle veut se faire soldat, qu'on le renvoie, car il a méprisé Dieu. » (Tradition Apostolique, 16 traduction). Cet interdit se fonde non pas sur le risque d’idolâtrie, comme le feront certains des auteurs chrétiens des premiers siècles, mais sur le commandement interdisant de tuer !

À noter que dans certaines versions ou compilations ultérieures, la deuxième phrase de la citation précédente est complétée par : Qu’on ne lui permette pas de prêter serment, le serment en question étant vraisemblablement le serment militaire condamné par la plupart des Pères des premiers siècles.

Les Canons d’Hippolyte - Ce texte ne nous est connu que par une traduction arabe elle même issue du copte. Sa date ne nous est pas connue, mais comme il se réclame d’Hippolyte, il sera abordé ici. Bien plus qu’un texte d’Hippolyte, il semble s’agir d’une compilation, de plus incomplète, de la Tradition apostolique.

La seule chose que l’on puisse en retenir est la contradiction posée entre l’état de chrétien et celui de soldat, et, sur ce point, ces canons rejoignent la Tradition apostolique, d’autant plus que le fondement de cette incompatibilité est identique : il est interdit au chrétien de tuer : Celui qui a pouvoir de tuer, par exemple le soldat, ne doit pas être admis dans l’Église (…) Qu’un chrétien ne se fasse pas soldat de sa propre volonté, à moins qu’il n’y soit forcé par un chef. S’il porte le glaive, qu’il prenne garde de verser le sang et de devenir ainsi coupable d’un crime. (…) Est-il avéré qu’il a versé le sang, il devra s’abstenir de la participation aux mystères, à moins qu’il ne soit purifié par une singulière conversion de mœurs avec larmes et gémissements. » (Canones Hippolyti, n. 71-75)

On notera qu’un cas d’exemption est autorisé, lorsqu’il y a conscription forcée. Mais, même dans ce cas, le soldat doit s’efforcer de ne pas tuer, sous peine de pénitence grave, même si une réconciliation est possible. Par contre, il ne semble pas que ce texte, tienne compte du cas des soldats se convertissant, exception faite de la “purification”, et ce a contrario de ce que pensent certains auteurs, tel H. Leclerq (voir : « Militarisme », in : Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, tome XII, 1ère partie, c. 1127-1128 - voir aussi les notes de cet article ).En gros, on peut donc écrire que le chrétien ne peut en aucun cas devenir soldat, sauf s’il y est forcé, alors qu’un soldat peut devenir chrétien à la condition de faire confession et pénitence s’il a été amené à tuer. Dans tous les cas, dès lors qu’il est chrétien, le soldat doit refuser de tuer !

À noter qu’une autre adaptation de la Tradition apostolique, la Constitution de l’Église égyptienne - texte bien mal nommé, car il s’agit d’un écrit romain-, est tout aussi clair : Le soldat qui accomplit son service n’a pas le droit de tuer (Constitution de l’Église égyptienne, XI, 9).

On peut donc sans grande crainte de faire erreur affirmer que l’attitude de l’Église de Rome au début du IIIème siècle est le refus absolu du “droit de tuer” au soldat.

 

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3 avril 2010 6 03 /04 /avril /2010 10:08

Frère de Pie I, évêque de Rome, Hermas devait composer vers 140 Le Pasteur, ouvrage d’apparence apocalyptique rédigé en réaction au dualisme théologique et au libertinisme morale prônés par les gnostiques, et en particulier par Valentin ; il ne s’agit donc en aucun cas de l’Hermas que salue saint Paul en [Rm 16, 14] comme l’ont cru certains. Plus qu’un livre unique, il semble que Le Pasteur soit une compilation ou la réunion de plusieurs ouvrages et non pas un ouvrage unique rédigé tel quel.

À noter pour commencer, que comme beaucoup des premiers Pères, Hermas considère que la terre n’est pas la cité du chrétien : Vous habitez sur une terre étrangère (…). Votre cité est loin de celle-ci (…) (Past. 50, 1).

Le chrétien doit donc avoir un certain détachement des choses terrestres, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il doive être triste, bien au contraire, la joie devant guider toute son action terrestre : Revêts-toi donc de la gaieté qui plaît toujours à Dieu et qu’il accueille favorablement (…) Tout homme gai fait le bien, pense le bien et méprise la tristesse. L’homme triste fait toujours le mal (Past. 42, 1-2).

Ensuite, on remarquera qu’Hermas reprend certaines images militaires pour parler du chrétien, imitant en cela saint Paul : Quant à toi, revêts-toi du désir de justice et cuirassé de la crainte du Seigneur, résiste-leur ; car la crainte de Dieu habite dans le bon désir. Le désir mauvais, s’il te voit cuirassé de la crainte de Dieu et offrant de la résistance, fuira loin de toi et tu ne le verras plus : il craindra tes armes. Et toi, vainqueur et couronné pour sa défaite (…) (Past. 46, 4-5).

Le lien avec [Ep 6, 13] est évident, tout comme celui avec [Jc 4, 7]. De plus, le couronnement du chrétien dans sa victoire contre le mal n’est pas sans faire penser au couronnement dont parle Tertullien dans son De corona militis, et cela même si ce dernier fut très critique contre la morale d’Hermas qu’il jugeait trop laxiste et trop optimiste.

Même si, dans sa partie morale, cet ouvrage ne se prononce pas sur la question de la guerre ou sur celle du métier des armes, un certain nombre de ses passages sont intéressants à relever, d’autant plus que des auteurs tels que Clément d’Alexandrie, Origène ou encore Athanase s’en inspirèrent. En fait, Le Pasteur est un bon reflet de la morale telle que vue par l’Église de Rome au IIème siècle.

Toute la morale d’Hermas est une morale d’action, mais non pas de violence. Pour Hermas, la foi ne suffit pas ; elle doit être renforcée, perfectionnée par les œuvres, et l’on est proche ici de l’esprit de l’Épître de Jacques. Les vertus et les vices sont donc à vivre pour les premières, à rejeter pour les seconds, ce qui nous impose d’en faire une liste rapide.

Et tout d’abord, il est étonnant de constater que l’homicide, sous quelle que forme que ce soit, ne figure pas parmi les interdits posés dans le texte du Pasteur : Quels sont (…) les vices dont il nous faut s’abstenir ? (…) l’adultère, la fornication, les excès de boisson, la mollesse coupable, les festins multipliés, le luxe que permet la richesse, l’ostentation, l’orgueil, la jactance, le mensonge, la médisance, l’hypocrisie, la rancune et tout méchant propos. Voilà de loin les plus mauvaises actions dans la vie des hommes (…) Et beaucoup, dit-il, dont le serviteur de Dieu doit s’abstenir : le vol, le mensonge, la spoliation, le faux témoignage, la cupidité, la passion mauvaise, la tromperie, la vaine gloire, la vantardise et tous les vices semblables (Past. 38, 3-5).

Hermas ne classe donc pas l’homicide parmi les mauvaises actions, telles que venant de la bouche du Seigneur. Par contre, on retrouve d’ores et déjà parmi cette liste de mauvaises actions tout ce que Jean le Baptiste demande aux soldats de ne pas faire en [Lc 3, 14]. Il y a donc une première cohérence nette avec les Évangiles.

Mais, il ne faut pas en rester à cette liste de vices et de mauvaises actions ; il faut la confronter à la liste des vertus : Écoute (…) les œuvres du bien qu’il te faut accomplir et non éviter. (…) La foi, la crainte du Seigneur, la charité, la concorde, la parole de justice, la vérité, la résignation (…) Assister les veuves, visiter les orphelins et les indigents, racheter de l’esclavage les serviteurs de Dieu, être hospitalier (…), ne s’opposer à personne, être calme, se faire l’inférieur de tout le monde, honorer les vieillards, pratiquer la justice, garder la fraternité, supporter la violence, être patient, n’avoir pas de rancune, consoler les âmes affligées, ne pas rejeter ceux qui sont inquiets dans leur foi (…) et autres actions semblables (Past. 38, 8-10).

Et là, on trouve toute une série d’éléments qui font qu’il y a rejet implicite de la guerre, voire même du métier des armes, du moins dans sa conception au temps d’Hermas : pratiquer la justice, supporter la violence, être patient, autant d’actes qui, avec d’autres aussi cités, s’opposent à l’usage de la force – du moins de la force matérielle -, car le mal est destructeur de la vie des hommes (Past. 27, 1), ce mal étant rejeté avec absolu par Hermas : ⒜ Si tu veux faire le mal, crains le Seigneur, et tu ne le feras pas (Past. 37, 4) ; ⒝ Abstiens-toi du mal et ne le fais pas, mais ne t’abstiens pas du bien (Past. 38, 2) ; ⒞ Celui qui détient l’Esprit venant d’en haut, est doux, calme, modeste ; il s’abstient de tout mal (Past. 43, 8) …

Enfin, il y a obligation pour le chrétien de respecter tous les commandements de Dieu, donc y compris celui de ne pas être homicide : Crains, dit-il, le Seigneur, et garde ses commandements. En gardant les commandements de Dieu, tu seras fort en toute action… (Past. 37, 1). Comment ne pas penser au livre de l’Ecclésiaste : Crains Dieu et observe ses commandements, car c'est là tout l'homme (Qo 12, 13) ?

Hermas insiste aussi sur la force du chrétien, et sur le lien qu’elle a avec la paix : Vous, vous avez rejeté votre mollesse et la force vous est revenue et vous vous êtes affermis dans la foi. Et voyant votre force, le Seigneur s’est réjoui ; c’est pourquoi il vous a montré la construction de la tour et il vous fera d’autres révélations, si du fond du cœur vous faites la paix entre vous (Past. 20, 3). Mais cette force n’est pas violence, du moins pas au sens courant ; elle n’a rien à voir avec la violence aveugle ou avec la violence des armes. Cette violence n’est dirigée que vers la seule justice, vers le seul bien. Cette force est au service de la paix, la paix étant une idée au cœur du message que nous transmet Hermas,  soit en tant que signe du chrétien comme dans le passage précédent qui rappelle [1Th 5, 13] (Ayez pour eux la plus haute estime, avec amour, en raison de leur travail. Vivez en paix entre vous), que comme marque du démon lorsqu’elle est absente ; ainsi, la médisance est mauvaise, c’est un démon agité, jamais en paix, il ne se plaît que dans les discordes (Past. 27, 3).

Enfin, comme cela a été déjà vu plus haut, Hermas insiste sur l’idée de justice : Soit patient, dit-il, et prudent, et tu triompheras de toutes les turpitudes et tu réaliseras toute justice (Past. 33, 1) ; Écoute, dit-il, quels sont les effets de la colère, comment elle est mauvaise, comment par sa puissance elle pervertit les serviteurs de Dieu, comment elle les détourne de la justice (Past. 34, 1) ; Il y a deux anges avec l’homme : l’un de justice, l’autre du mal. (…) L’ange de justice est délicat, modeste, doux, calme (Past. 36, 1 & 3).

En fait, on retrouve chez Hermas tous les éléments dont saint Augustin se servira pour élaborer sa théologie de la paix, … ainsi qu’un certain nombre de ceux fondant sa théorie des deux cités, toute la Similitude I (Past. 50) étant consacrée à cette théorie pour la première fois exposée – et ce même si saint Augustin ne cite jamais cet auteur - ! Et, si Hermas ne dit rien sur le soldat, toujours est-il que tout ce qu’il demande au chrétien s’impose au soldat chrétien, soldat qui aura des difficultés à le mettre en application. Hermas est véritablement très proche de saint Luc dans son approche…

 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 16:14

Pour Eusèbe de Césarée (mort en 339), la guerre est une calamité, évoquant les victoires guerrières, les trophées conquis sur les ennemis, la vaillance des généraux, le courage des soldats, qui se sont souillés de sang et de mille meurtres, à cause de leurs enfants, de leur patrie, de leurs autres intérêts (HE, V, praef., 3). Néanmoins, il vante le fait que l'empereur Constantin prie avant chaque bataille et qu'il porte l'emblème de la Croix (Vita Const. II, 4 ; IV, 56).

Pourtant, lorsque ce Père de l’Église parle de guerre, il parle avant tout de la guerre intérieure, de celle pour la paix de l'âme : Nous exposons dans ce livre la manière de se conduire selon Dieu : les guerres très pacifiques pour la seule paix de l'âme et le nom des hommes qui ont le courage d'y combattre pour la vérité plutôt que pour la patrie, pour la religion plutôt que pour ceux qu'ils aimaient le mieux, y seront inscrits sur des tables éternelles (HE, V, praef., 4)

Il oppose clairement, préfigurant les deux cités de saint Augustin, la manière de vivre ou politeouma profane avec ses guerres matérielles et la manière de vivre chrétienne avec ses guerres spirituelles et ses martyrs (voir la note 5 sous HE, V, praef. 4, in : Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, tome 2, coll. Sources chrétiennes n° 41, pp. 4-5).

Il oppose les soldats du royaume du Christ à ceux de l'empire, les premiers étant souvent désireux d'embrasser la vie civile ou de quitter l'état militaire pour ne pas devenir des renégats à leur religion. Il insiste sur la forme de la persécution de Dèce et de Valérien qui visait avant tout les militaires, afin d'épurer l'armée, et ainsi à la fois marquer l'esprit des civils et éviter certains risques de sédition interne : Il ne commença pas tout d'un coup la guerre contre nous, mais il dirigea ses efforts seulement contre ceux qui étaient dans les camps (il pensait en effet prendre facilement les autres aussi de cette manière, si auparavant il l'emportait dans le combat contre ceux-là). On put voir un très grand nombre de ceux qui étaient aux armées embrasser très volontiers la vie civile pour ne pas devenir des renégats de la religion du créateur de l'univers. Car lorsque le chef de l'armée, quel que fût celui qui l'était alors, entreprit la persécution contre les troupes, en répartissant et en épurant ceux qui servaient dans les camps, il leur donné le choix ou bien, s'ils obéissaient, de jouir du grade qui leur appartenait, ou bien, au contraire, d'être privés de ce grade, s'ils s'opposaient à cet ordre. Un très grand nombre de soldats du royaume du Christ préférèrent, sans hésitation ni discussion, la confession du Christ à la gloire apparente et à la situation honorable qu'ils possédaient (HE, VIII, IV, 2-3)

On remarquera que dans ce texte Eusèbe reconnaît la présence significative de chrétiens dans les armées de Rome, tout comme il semble laisser entendre que les persécutions ne portaient véritablement que sur les officiers, non pas sur les simples soldats.

Cependant, Eusèbe semble admettre la présence de chrétiens sous les armes, les glorifiant même dans certains cas, à la condition expresse qu'ils ne renient pas leur foi, voire même qu'ils s'en glorifient : Une escouade complète de soldats, Ammon, Zénon, Ptolémée, Ingénès et avec eux le vieillard Théophile, se tenaient devant le tribunal. Alors qu'on jugeait comme chrétien quelqu'un qui inclinait déjà vers l'apostasie, ceux-ci qui étaient près de lui grinçaient des dents, faisaient des signes de tête, tendaient les mains, gesticulaient de leur corps. Tout le monde se tourna de leur côté, mais avant qu'aucun d'entre eux n'eût été pris autrement, ils se hâtèrent de monter sur le degré, disant qu'ils étaient chrétiens, de sorte que le gouverneur et ses assesseurs furent remplis de crainte et que ceux qui étaient jugés furent remplis de courage pour ce dont ils devaient être convaincus et que les juges eurent peur. Et ces hommes sortirent solennellement du tribunal, se réjouissant de leur témoignage : Dieu les faisait triompher glorieusement (HE, VII, XLI, 22-23)

À noter que, a contrario de ce qu'écrit H. Leclercq (cf. son article « Militarisme », in : Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, tome XI, c. 1126 ; cet article, à lire absolument, a fourni à l’auteur du présent document de très précieuses informations lui ayant permis d’orienter et d’organiser son travail), rien ne laisse supposer dans le texte d'Eusèbe que ces soldats chrétiens furent mis à mort, et ce bien que cet épisode se fut produit au moment de la persécution de Dèce …

En fait, Eusèbe de Césarée ne veut pas se prononcer sur la question militaire en elle-même, hormis certains aspects liés à la structure de péché qu’est la guerre, en ce sens qu’il donne une énorme valeur providentielle à la connexion entre le pouvoir temporel et l’Église, l’empereur étant pour lui l’envoyé de Dieu, seul en charge, en tant qu’héraut de Dieu, des questions temporelles. On ne doit donc pas se prononcer sur une question relevant de la seule compétence divine par la lieutenance de l’empereur. L’empereur, c’est l’ordre divin sur la terre : Dieu lui-même, le grand Roi, lui a du haut des Cieux tendu sa droite, et lui a donné la victoire sur tous ses adversaires et ennemis jusqu’à ce jour (Laus Const. 8)

On ne doit donc pas remettre en cause ce que décide l’empereur qui, bien évidemment, est favorable à l’armée, celle-ci étant de plus considérée comme un instrument de Dieu puisque instrument du prince.

 

 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 16:13

Pendant longtemps, on a attribué à Clément de Rome une Seconde épître aux Corinthiens. Il apparaît aujourd’hui que ce texte, qui est daté d’environ 150, n’est pas de la main de Clément de Rome. C’est pourquoi il est aujourd’hui connu soit sous le nom d’Homélie du IIème siècle, soit sous celui d’Épître du pseudo-Clément. Ce texte, axé sur le personnage du Christ, est intéressant, non pas tant en ce qu’il cherche à combattre certains courants gnostisants, mais parce qu’il parle du combat du chrétien ; mais ce combat là n’est pas un combat militaire, mais un combat pour le salut, même si certaines images semblent pouvoir se rapporter au combat militaire. Néanmoins, le pseudo-Clément préfère se référer à celui du lutteur, à celui du marin (Homélie V-VII) …

Ainsi, tout le chapitre V est une exhortation au combat, mais au combat spirituel, le seul qui compte aux yeux des premiers auteurs chrétiens. Le but de ce combat est le Christ, et la couronne du vainqueur n’est pas vaine gloire mais celle du Christ, celle du salut éternel. Le pseudo-Clément préfigure le De corona militis de Tertullien… Ce qui compte, ce n’est pas ce monde, car ce siècle présent et le siècle à venir sont ennemis (VI, 3). Ceci préfigure les deux cités, mais sans pour autant pouvoir s’y identifier, car le pseudo-Clément insiste plus sur la brièveté de la vie terrestre (V, 5) et pose cette opposition plus comme une exhortation à la vie sainte qu’autre chose (V, 1), et ce même s’il appelle à considérer les biens de ce monde comme étrangers (V, 6). On pourrait écrire qu’il s’agit là d’une forme archaïque des deux cités…

On en retiendra également la place importante accordée au thème de la justice. Ainsi, le pseudo-Clément rappelle [Mt 7, 21] qui nous dit que c’est en pratiquant la justice que l’on sera sauvé (IV, 2). Et cette référence à la justice est immédiatement suivie d’un appel à faire le bien, même si rien n’est véritablement dit sur les conditions pratiques de la mise en œuvre de ce bien (IV, 3). Les rappels que fait le pseudo-Clément de ce que doit faire le chrétien parle ainsi par exemple d’éviter l’adultère ou la médisance (IV, 3), mais ne fait aucune référence au cinquième commandement. Néanmoins, le texte appelle les chrétiens à s’aimer les uns les autres, à confesser leur foi par leurs œuvres (IV, 3). Faire le bien et aimer son prochain, n’est-ce pas déjà souhaiter la paix et ne pas tuer ? Ce lien entre la justice, le bien et la paix est d’ailleurs clairement mis en évidence par le pseudo-Clément : Si nous nous appliquons à faire le bien, c’est la paix qui s’attachera à nous (X, 2), ceci étant conforté par ces mots : Si nous pratiquons la justice sous le regard de Dieu, nous entrerons dans le Royaume des Cieux (XI, 7).

Justice, bien et paix sont donc indissociables dans la pensée du pseudo-Clément et le salut ne peut être atteint si ces trois éléments ne sont pas réunis dans les actes du chrétien.

 

 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 16:12

Clément de Rome, le troisième des successeurs de Pierre au siège de Rome, a, chose importante, connu certains des Apôtres (cf. Irénée, Adv. Haer., III, 3), ainsi qu'un nombre significatif de leurs disciples et témoins directs. Sa parole est donc d'importance, car il y a peu de distance temporelle entre lui et le message du Christ. Il semble clairement admettre dans son Épître aux Corinthiens l'armée, tout comme il semble admirer l'ordre militaire. Il faudra retenir que ce texte est antérieur à la Didachè - après 100 -, voire même à l'Évangile de Jean dont la rédaction se serait étendue entre 90 et 110.

Il faut noter que son Epître aux Corinthiens est le plus ancien des documents connus mettant en évidence la primauté du siège de Pierre. Cette lettre fut rédigée alors que les chrétiens de Corinthe étaient divisés par de graves différents et ressentiments. Certes, il n’est pas possible de dire si cette intervention de Clément fut spontanée ou en réponse à une demande de Corinthe, mais toujours est-il qu’il intervint par lettre pour inviter les Corinthiens, sur le ton de la charité, à faire la paix entre eux. Mais, tout en intervenant avec charité, il intervient aussi  avec la même autorité que celle avec laquelle Paul était intervenu devant la même Eglise de Corinthe, le parallélisme entre ces deux interventions étant particulièrement saisissant. De plus, les Corinthiens allaient semble t-il tenir compte des exhortations de l’Evêque de Rome, puisqu’ils allaient se souvenir de cette intervention, l’Evêque Denys de Corinthe rappelant vers 170 que cette lettre était toujours lue et conservée, à un rang quasiment égal à celles de Paul.

S'adressant aux Corinthiens en 96, donc dans l'un des plus anciens textes chrétiens connus, il leur dit : Servons donc en soldats, frères, de tout notre zèle sous Ses ordres irréprochables. Considérons les soldats qui servent sous nos gouvernants, avec quelle discipline, quelle docilité, quelle soumission ils exécutent les tâches qui leur sont assignées. Tous ne sont pas commandants en chef, ni chefs de mille, ni chefs de cent, ni chefs de cinquante, ni ainsi de suite, mais chacun à son rang propre exécute ce qui lui est prescrit par le roi et les gouvernants (Ad Corinthios, 37, 1-3)

Il appelle clairement les chrétiens à servir en soldats, reprenant ici une image chère à saint Paul, sa fin n'étant cependant pas ici la guerre terrestre, mais le combat contre le mal qui doit s'effectuer dans le cadre d'une discipline communautaire s'inspirant de celle des armées. Clément parle donc par métaphore en utilisant l'image de l'armée, comme le fit saint Paul, mais comme nulle condamnation de la guerre n'apparaît dans le reste de son Épître aux Corinthiens ; on peut en présumer qu'il dépasse cette simple admiration de l'ordre militaire pour admettre et défendre la chose militaire. Par ailleurs, par sa référence au roi et aux gouvernants, il laisse présager la vision augustinienne selon lequel la guerre ne peut être décidée que par une autorité légitime.

Il faut cependant noter que Clément n'est pas tout à fait exact dans sa description des formes de commandement militaire, en ce sens qu'il évoque des “chefs de cinquante”, grade qui n'existait pas dans l'armée romaine, se référant ici à la répartition traditionnelle du peuple de Dieu au désert (Clément de Rome, Épître aux Corinthiens, Paris, Cerf, 2000, coll. Sources chrétiennes n° 167, intr., notes et trad. A. Jaubert, page 161, note 3 sous 37, 2), répartition que l'on retrouve dans l'Ancien Testament en [Ex 18, 21-25], [Dt 1, 15] et [1M 3, 55]. Sa référence n'est donc a priori que spirituelle, même si elle ne contient aucune condamnation de la guerre et de l'usage des armes.

 

 

 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 16:11

Clément d'Alexandrie (vers 150/vers 215) est assez souvent présenté comme ayant été avec Lactance et Cyprien de Carthage l'un des seuls Pères de l’Église à s'être véritablement élevé contre la guerre dans ses Stromates, y voyant une manifestation démoniaque : C'est lui qui pour les mortels du bien fait sortir le mal, et la guerre qui glace d'effroi, et les souffrances avec les larmes (Stromates V, 126, 5)

La seule réserve que l'on puisse faire ici est qu'il ne cite pas comme référence un passage quelconque de la Bible, mais … Orphée, du moins, le poème orphique grec, très vraisemblablement celui d'Hésiode ; la question était ici traitée dans le cadre d'un chapitre relatif à ce qu'il appelle les emprunts des Grecs aux Écritures saintes, ce qui est pour le moins une conjecture assez osée, tant dans son approche que dans l'interprétation qu'on lui donne. Néanmoins, il semble faire chrétienne cette assertion. On notera qu’il ne sera pas le seul à développer cette théorie “des larcins”, loin de là. On peut penser par exemple à Théophile d’Antioche…

A contrario de cette opinion assez commune, on peut citer un passage du Protreptique où il laisse entendre que le chrétien peut être soldat, ou plus exactement où il affirme que le soldat saisi par la Foi chrétienne pendant son service n'a pas à abandonner le métier des armes : La foi chrétienne t'a saisi sous les armes guerrières, écoute le capitaine dont le mot de ralliement est la justice. (Protrepticus, X, 100)

Ce passage faisant suite à des propos équivalents relatifs au paysan et au navigateur semble indiquer clairement que le soldat converti peut rester soldat, mais à la condition de suivre un chef juste. L'état militaire n'est donc pas mauvais par nature, la manière de l'exercer étant par contre elle soumise à la condition de justice.

 

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