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25 novembre 2013 1 25 /11 /novembre /2013 10:45

Selon Josiah Royce, l’individu est supérieur à la société. Il en tire trois conséquences :

- la chose n’est pas ce qu’elle est mais ce que l’on pense qu’elle est ;

- l’essence est totalement distincte de l’existence ;

- il y a primauté de l’action sur la pensée, car cela permet d’effectuer rationnellement l’intégrité de l’expérience de la pensée.

Le lien avec la doctrine étasunienne est évident, et tout particulièrement avec la vision US selon laquelle on agit d’abord, puis on voit ensuite ce que cela donne.

 

Selon Toynbee, chaque société décrit un cycle vers son aboutissement ou sa désagrégation, et ce autour de trois idées :

- ce n’est que lorsque l’écroulement de la civilisation est en cours que les hommes commencent à réfléchir aux solutions permettant d’éviter ce déclin devenu pourtant en apparence inéluctable ;

- or, ce déclin n’est pas inéluctable, l’aboutissement étant une nouvelle naissance (cf. le rapport avec l’idée de born again ou encore à la devise Novus Ordo Seclorum, inspirée de Virgile annonçant le passage à un nouveau cycle de civilisation après la fin de l’âge de fer) si la société a su maintenir en permanence une capacité créatrice lui évitant de tomber en décadence ;

- par contre, les sociétés désagrégées sombrent soit dans la barbarie, soit dans la soumission à une église universelle.

D’où les quatre conséquences qu’en tirent les doctrinaires étasuniens :

- les Etats-Unis doivent maintenir leur niveau de développement économique et de recherche, quitte à piller les autres civilisations jugées décadentes ou à se servir de leurs potentiels, même de manière indirecte ;

- les Etats-Unis ont un rôle messianique les destinant à piloter le monde abouti à sa décadence ;

- l’usage de méthodes barbares à l’égard des autres civilisations n’est pas néfaste puisque ces civilisations y sont condamnées par la fatalité, et ce d’autant plus que cela permet d’aboutir à la religion universelle ;

- le cycle de civilisation des Etats-Unis peut dès lors devenir éternel, les Etats-Unis tant le seul pivot permanent de civilisation, civilisation fondée sur l’idée de deux dieux universels : l’un au ciel, l’autre sur terre : les Etats-Unis eux-mêmes.

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25 novembre 2013 1 25 /11 /novembre /2013 10:37

Les lois de la géopolitique

 

Pour se développer, un État doit conquérir une zone d'influence qui lui garantisse des matières premières ou des marchés commerciaux ;

Cet État doit avoir les moyens de sauvegarder cet acquis face à la convoitise des autres puissances, d'où la nécessité d'une politique de défense cohérente.

 

 

Les lois de l'expansion

 

La croissance spatiale d'un État va de pair avec le développement de sa culture.

L'étendue des États s'accroît parallèlement au renforcement de diverses autres manifestations de leur développement comme la puissance économique et commerciale ou l'idéologie.

Les États s'étendent en incorporant ou en assimilant les entités politiques de plus petite importance.

La frontière est un organisme vivant dont l'emplacement matérialise le dynamisme, la force et les changements territoriaux de l'État.

Une logique géographique prévaut dans tout processus d'expansion spatiale puisque l'État s'efforce d'absorber les régions importantes pour conforter la viabilité de son territoire - littoral, fleuves, plaines, richesses -.

L'État se trouve naturellement porté à s'étendre par la présence à sa périphérie d'une civilisation qu’il juge inférieure à la sienne.

La tendance générale à l'assimilation ou à l'absorption des nations les plus faibles invite à multiplier les appropriations de territoires dans un mouvement auto-alimenté.

 

 

Les lois de la biosphère

 

La loi de labilité et de renouvellement : aucun des éléments de la biosphère ne présente une stabilité temporelle définitive. Bien au contraire, chacun de ses éléments apparaît comme transitoire, voué en lui-même à une disparition plus ou moins précoce. Il y aurait donc précarité et labilité fondamentales de situation, cette labilité entretenant par son existence même le renouvellement constant de l’ensemble biosphérique.

La loi de l’extension : la biosphère se révèle capable de poursuivre sa croissance au long des temps.  Ainsi, même si il est voué à la mort, chacun des éléments de la biosphère porterait en lui-même de quoi survivre au-delà de la mort, la vie s’étendant de ce fait progressivement dans le temps.

La loi de l’expansion : l’univers biosphérique est progressivement envahissant aux dépens de l’inorganique.

La loi de complexification : les éléments de la biosphère se complexifient indéfiniment.

La loi de l’évolution :  la biosphère ne reste pas obstinément semblable à elle-même.

La loi des statuts mutiples : chacun des éléments de la biosphère participe, bien qu’unique en lui-même, à des constructions variées .

La loi de l’intercorrélarion : les unités structurales de la biosphère ne sont pas simplement juxtaposées, mais entrent constamment en rapport les unes avec les autres, l’une quelconque d’entre elles étant, de toute manière, nécessaire à l’ensemble.

 

Les lois de la diplomatie

 

Tous les agrandissements de territoire ne sont que des jeux cruels de la déraison politique.

Un traité de paix est un acte réglant l’intégralité et l’universalité des objets en contestation. Il doit faire succéder l’état de paix à l’état de guerre, mais aussi l’amitié à la haine. Il ne doit donc rien laisser sous silence, tout en évitant la survie de la haine, les à peu près, l’écrasement du vaincu et l’ivresse de la victoire.

Lorsque l’on se sent invincible, il faut éviter d’en abuser et en profiter pour savoir tendre la main à l’ennemi.

Le chef doit être clairvoyant et ferme.

Il faut chercher à être bien avec tout le monde, sans pour autant renoncer à son identité, et non pas seulement avec quelques puissances, même s’il est nécessaire de faire des alliances avec ceux qui veulent vraiment faire de la paix une priorité.

Il faut voir en avant et non pas vers l’arrière.

Il faut développer entre les États des rapports d’industrie et de commerce permettant de poursuivre l’expansion en commun et sur le même rythme.

Les vrais intérêts du commerce imposent une indépendance des États quant à leurs zones d’influence.

Il faut proclamer des frontières éternelles et renoncer à toute idée de conquête visant à modifier ces frontières.

Il faut chercher à concilier le libéralisme et l’évolution des peuples en tenant compte de principes communs définis en commun.

Il est de la nature d’un État libre de désirer que les autres peuples soient appelés à la jouissance d’un bien qui, une fois répandu, promet à l’Europe et au monde l’extinction d’une grande partie des querelle qui les ravagent. Cette jouissance ne doit cependant en aucun cas être imposée.

Vouloir porter à force ouverte la liberté chez les autres est le meilleur moyen de se faire haïr, de la faire haïr et d’en empêcher le triomphe.

C’est un sacrifice qui peut beaucoup pour la paix et un plus grand bien pour tous que de consentir à être l’éditeur responsable des œuvres d’autrui.

Si la parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée, le calcul personnel et l’appât du gain ne sont pas toujours dans le temps les meilleures solutions.

Il ne faut jamais avoir la prétention d’être le maître des autres.

La guerre réveille le patriotisme et favorise les neutres. Bref, elle fait perdre tous ses avantages à celui qui est puissant.

Les colonies ne sont qu’un problème secondaire, mais il faut rechercher à être présent sur tous les continents.

Il faut éviter l’illusion qui est celle d’être puissant dans les moyens journaliers d’exécution alors que l’on est subalterne d’un point de vue politique ou définiteur de la politique.

Certains ennemis économiques seraient en fait les meilleurs alliés en cas d’agression militaire, chacun ayant à y perdre. La connaissance d’une telle réalité permettrait de limiter les conflits et de retenir les vélléités de chacun.

Il faut rassurer sur le plan militaire en évitant certaines interventions non à propos, puis s’appuyer mutuellement avec d’autres États puissants pour éviter que les autres n’interviennent, puis enfin s’associer afin de garantir une inviolabilité et une paix accompagnée de neutralité chez ceux chez qui l’on n’est pas intervenu.

 

Les lois de la puissance

 

Sur le plan économique, il faut être assez riche pour pouvoir peser sur le cours des affaires du monde. C’est là que les Bourses, notamment par leur déterritorialisation et leur facteur multiplicateur artificiel de richesses sont à contrôler.

Sur le plan monétaire, il faut avoir une monnaie capable de servir d’instrument de réserve et de transaction internationale.

Sur le plan technologique, il faut maîtriser les progrès en matière de communications et d’énergie.

Sur le plan militaire, il faut certes de disposer de l’arme nucléaire, mais aussi être apte à projeter à longue distance une force expéditionnaire d’au moins une dizaine de divisions.

Sur le plan géographique, il faut avoir intérêt à agir hors de ses frontières pour protéger ses sources d’énergie, ses réserves d’eau potable, ses routes maritimes essentielles, ou enfin un allié vital ;

Sur le plan culturel, il faut être animé par une culture, qu’elle soit religieuse ou nationale, suffisamment universelle pour penser que son intérêt tend à se confondre avec celui des autres et pour séduire les autres avec ses œuvres d’art ;

Sur le plan diplomatique, il faut être assez fort et cohérent pour concevoir et mettre en œuvre une politique étrangère dominante à défaut d’être impériale. L’important n’est pas tant l’efficacité que la croyance qu’ont les autres en votre puissance diplomatique (et autre)… 

 

Les lois de la guerre juste

 

La guerre préventive pour protéger le faible du méchant peut être un devoir.

La guerre pour imposer la foi est interdite.

Il ne faut pas être l'agresseur.

La guerre ne peut être civile.

La décision de l'engager revient à la seule autorité publique.

Le droit doit être moralement certain.

La guerre doit être menée dans une intention droite.

Une éthique de et à la guerre doit exister.

Il faut rechercher avant tout la paix.

Il ne faut pas mener une guerre aventureuse.

 

Les lois de l’analogie

 

Dans des domaines apparentés, il faut plus s’intéresser aux relations existant entre leurs éléments constitutifs qu’aux éléments eux-mêmes.

Si deux relations corresponent, il faut que leurs arguments correspondent aussi.

Il faut accorder sa préférence aux systèmes de relations d’ordre supérieur et non pas aux propriétés isolées.

L’existence d’autres propriétés partagées n’ajoute rien à la pertinence d’une analogie.

Il est rarement pertinent de rapprocher plusieurs sources d’analogie pour une même cible.

L’absence de relation de cause à effet n’empêche pas que deux phénomènes soient analogues.

L’existence d’une relation de cause à effet n’implique pas qu’ils soient analogues.

 

 

 

 

 

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 11:03

En 1938, l'étude du Mahâbhârata, l'épopée sanskrite, allait permettre à Dumézil de poser pour la première  fois sa théorie des trois besoins  que tout  groupement humain  doit satisfaire  pour survivre : administration du sacré, défense, nourriture. Ces besoins auraient déjà donné naissance à une idéologie consciente, modelant la théologie, la mythologie et l'organisation sociale des Indo-Européens avant leur dislocation.

La conception centrale de l’idéologie qui se dégage de l’œuvre de Dumézil est donc celle des trois fonctions, l’ordre ou les crises du monde, l’action heureuse ou malheureuse des dieux et des hommes, ne faisant que traduire le jeu harmonieux ou contrarié de trois grandes fonctions hiérarchisées : la souveraineté magique et juridique, la force physique, la fécondité/fertilité. Ces trois fonctions répondraient à trois besoins élémentaires que les sociétés archaïques satisfirent de manière inconsciente avant que les indo-européens n’en tirent une philosophie globale du monde et de la société qui laisse des traces aujourd’hui malgré la dispersion du bloc indo-européen.

On notera que l’organisation des sociétés et des pouvoirs africains n’est pas trinitaire mais quaternaire (cf., y compris pour  les trois éléments suivants, Dika-Awa nya Bonambela, « La sacralité du pouvoir et le droit africain de la succession », in : Sacralité, pouvoir et droit en Afrique, Éd. du CNRS, 1979, et notamment de la page 39 à la page 45) : ⑴ il y a ainsi quatre fondements du pouvoir : l’homme, l’ancêtre, la divinité et enfin Dieu en tant que tel ; ⑵ chaque point cardinal est associé à une saison ou à un moment de la journée, les règles organisant l’espace de la cité reflétant celles de l’organisation sociale, mais aussi et surtout la cosmologie. En effet, la cité est organisée sur un plan quaternaire, y compris en Égypte pharaonique ; ⑶ tout comme il y a quatre formes d’énergie substance de tout pouvoir politique : la capitalisation des biens, la capitalisation des parentés, la capitalisation de prestige et la capitalisation des connaissances.

Donc, alors que la conception de la société en Europe et en Asie occidentale et centrale est avant tout géo-cosmique, elle est avant tout cosmo-biologique en Afrique. En Afrique noire, le pouvoir et le droit partent de l’ethnie pour aboutir au cosmos en passant par l’organisation sociale, alors qu’en Europe et dans le monde indo-européen, le pouvoir et le droit partent du cosmos, de la terre et de l’individu pour aboutir, là encore par l’organisation sociale, à la société.

Un point commun subsiste cependant : la nécessité d’une organisation sociale, ce qui explique pourquoi il y a conjonction entre les modes de royauté et les modes de sacralisation entre ces deux cultures…Un autre point de conjonction est que, chez les noirs africains le trait d’union entre la divinité et l’humanité est symbolisé par trois pierres, trois autels, comme si la vision trinitaire restait la pierre de base de toute l’humanité dès que l’on veut institutionaliser une autorité ou potentialiser une institution… On peut penser ici au Masoso, c’est-à-dire aux trois pierres reliant les divinités aux humains que l’on retrouve dans le foyer de chaque Père-maître et seigneur du lignage Djolof au Sénégal. À noter aussi une très fréquente division binaire entre le dos et le ventre…, ainsi qu’une vision unitaire dans l’approche solidaire de la famille, du groupe, de la tribu ou de l’ethnie…

On a en fait confrontation de quatre visions de la société : ⑴ une vision unitaire, défendue sur un plan théologique par l’Islam et le judaïsme, induisant une vision binaire : Dâr-oul-Islâl/espace non musulman, ce dernier étant lui-même divisé en Dâr-oul-Harb et en Dar-oul-‘Ahd, ou encore conséquences eschatologiques de la notion de peuple élu chez les Juifs ; … mais aussi par le romantisme  qui est règne exclusif du moi comme le démontrent Friedrich, Goethe, Chateaubriand, Michelet, … ; ⑵ une vision binaire, défendue par les matérialistes, par certaines hérésies marquées par des rites iraniens tardifs ou encore par une mauvaise compréhension de Paul de Tarse ou d’Augustin d’Hippone méprisant la troisième fonction – arianisme, manichéisme, bogomilisme, catharisme, etc… [on rappellera ici que, pour les disciples d'Arius, Jésus-Christ n'est pas vrai Dieu, mais seulement la plus haute des créatures ; de ce fait, le Fils n'est ni semblable, ni consubstantiel au Père; il en est totalement différent. Cette hérésie fut condamnée par les Conciles de Nicée en 325 et de Rome en 382. Selon les manichéens, il existe deux principes absolus : l'un bon, l'autre mauvais, en opposition permanente, cette opposition étant irréductible ; fortement influencée par le bouddhisme, cette hérésie avait donc une vision dualiste de la Divinité. Par ailleurs, à l'heure du jugement dernier, il y aurait triomphe final du mal, le monde et les hommes étant prédestinés au mal. Cette hérésie a été condamnée par les Pères de l'Église, et en particulier par saint Augustin. Selon les cathares, il existe deux puissances égales : le Bien - d'où procèdent la lumière et l'esprit - et le mal - d'où proviennent le monde, la matière et les ténèbres -. Ces deux puissances s'affrontant en permanence, il faut donc, pour échapper au mal, se libérer du monde et en particulier du corps. Seule en principe l'élite des parfaits peut être sauvée. Cette hérésie entraîna l'excommunication de Raymond VI en 1208.] – et … par les ultra-libéraux, avec dans ce dernier cas parfois une réelle tendance à la vision unitaire, au retour à l’ego, ou encore le « US = us » de certains étatsuniens, même si les Etats-Unis ont une tendance très nette à diviser le monde entre « gentils » - dont ils sont – et « méchants » ; ⑶ une vision trinitaire, défendue par les chrétiens et par les indo-européens, exception faite de la civilisation indienne tardive qui a fini par définir quatre castes. Notons que le Christianisme regroupe potentiellement et en action les quatre dimensions avec la proclamation de l’unité et de l’unicité de Dieu, les couples Dieu/homme et Bien/mal, la Trinité divine  et l’adjonction de Marie à la Trinité, … tout comme les deux récits de la Création, l’une à l’image de Dieu, l’autre tirée de la terre permettent d’unir le cosmos et ladite terre ; ⑷ une vision quaternaire, défendue par beaucoup des noirs africains…

C’est peut-être cela le véritable choc des civilisations ! Mais, une grosse surprise : par l’analyse socio-cosmologique, on s’aperçoit dès lors que les sociétés chrétiennes européennes, qui se fondent en fait sur une multiplicité de sources : indo-européennes (notamment, et par delà le fond commun, celtiques et scandinaves), grecques, romaines, chrétiennes, barbares, ou leurs filles que sont les sociétés sud-américaines – malgré certains fondements spécifiques – sont bien plus proches des sociétés noires africaines que d’autres sociétés a priori considérées comme plus proches par les sociologues ou par les exégètes, la vision géo-cosmique rejoignant ainsi la vision cosmo-biologique ! Est-ce pour cette raison que l’approche du développement soutenable est bien plus partagée entre européens et africains noirs qu’avec les autres sociétés ?

On aurait donc une division cosmologique du monde toute nouvelle :

ⓐ Europe + Afrique noire + Amérique latine ;

ⓑ Monde(s) musulman(s) + juif ;

ⓒ Asie orientale + monde étasunien (États-Unis, Canada, Australie, …) ;

ce qui correspond finalement assez bien aux nouveaux schémas géopolitiques actuels qui se traduisent aujourd’hui par un glissement certain de l’Amérique latine du bloc États-Unis vers le bloc Union européenne – l’Argentine quittant par exemple le bloc étasunien depuis la récente crise monétaire et le Brésil faisant de même depuis l’élection de Lula – ! Et l’on peut donc concevoir soit un monde trilatéral États-Unis/Union européenne/Asie du sud-est, séparés par les océans Atlantique, Pacifique et sibérien – mais par trop d’un type pré-1990 –, soit un monde pour l’instant quadrilatéral ; en effet, avec la modification des moyens de télécommunications, et notamment le développement d'Internet, la continentalité reprend le dessus sur la maritimité au sens strict, les océans tendant à être effacés, avec un jeu à trois acteurs majeurs et un acteur émergent :

⑴ les États-Unis, avec toujours leur hinterland nord et sud-américain – mais de moins en moins pour ce dernier –, mais aussi des points d'ancrage aux franges de l'ex-bloc soviétique – Ouzbékistan – ou en Europe – Royaume-Uni – ;

⑵ le Japon, qui ne s'appuie plus sur toute l'Asie, mais sur deux cercles successifs : les Dragons et la Chine ;

⑶ l'Allemagne fédérale et la France, avec deux cercles successifs : l'Union européenne dont ils sont les moteurs, puis la plupart des PECO et des États européens ou proche-orientaux de l'ex-CEI, ainsi que la Turquie, le monde africain noir s’y rattachant, en particulier par les accords de Lomé et de Bamako, ce qui explique pourquoi les Etats-Unis cherchent à faire du Moyen-Orient et de l’Afrique des zones de conflits, d’instabilité et d’affrontements constants ;

⑷ et, émergente, l'Inde, comme pilote du reste de l'Asie, ce qui explique peut-être les tensions avec le Pakistan et la volonté de positionnement des Etats-Unis dans cette région, via son allié traditionnel pakistanais,… ou encore de l’intervention en Afghanistan … et de celle en Irak !

D'une certaine manière, la représentation du monde n'est plus depuis la chute du bloc soviétique une hélice à trois pales, mais à une sorte de tête de pokémon à lunettes !

Mais l’idéal ne serait-il pas d’en arriver à trois blocs nouveaux – qui eux-mêmes se déclineraient dès lors en sous-ensembles – : l’Europe – au sens large – et  les Etats-Unis – au sens large là encore –, séparés par un nouvel océan – par référence à la notion géopolitique majeure de maritimité qui reprendrait dès lors toute sa vigueur –, celui des mondes musulmans, l’erreur étant dès lors peut-être de vouloir intégrer la Turquie dans le cadre de l’Union européenne, alors qu’elle aurait un rôle tout désigné de pilote et de moteur de cet océan, bien plus important que celui de membre parmi d’autres de l’Union, pouvant permettre l’avènement et le triomphe d’un Islam pacifique ? C’est d’ailleurs ce modèle qui caractérise déjà l’OMC ! Est-ce pour cela que souverainistes et États-Unis, ici unis dans une même démarche, veulent détruire cette dernière ?

 

 

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 10:58

La question qui se pose ici est celle de savoir si l'Union européenne est une forme de fédéralisme, qu'il s'agisse d'une fédération au sens strict, d'une confédération ou d'une forme nouvelle de pouvoir politique intégrateur. Ceci nous impose de réfléchir sur le concept même de droit fédéral et sur son histoire.

Une première constante historique concerne le but des confédérations et des fédérations antérieures : toutes ont été crées pour répondre à des besoins de défense commune contre un danger commun. Ceci est très claire dans le cas des ligues de Sparte et d'Athènes, la fédération achéenne réussissant quant à elle -mais trop tard- à unir les Cités grecques pour lutter contre l'envahisseur romain. C'est également l'unique raison pour laquelle les trois premiers cantons suisses ont conclu leur pacte éternel. De même, la défense commune tint ensemble le Saint Empire germanique, tout comme elle poussa les provinces des Pays-Bas vers une union étroite. Cette idée de défense commune est  surtout mentionnée parmi les buts de toutes les confédérations ou fédérations de l'Europe. Mais alors, si le danger est passé, il faut quelques raisons de plus pour rester ensemble, surtout si les institutions créées ne sont pas encore bien développées. La nécessité d'une défense commune est donc l'un des fondements premiers d'une union d'États à caractère fédératif, même si elle n'en est pas à terme le seul pilier.

C'est ici qu'intervient la notion de culture, celle-ci étant une seconde constante historique. L'idée d'unité culturelle est présente dans la Grèce antique depuis le quatrième siècle avant notre ère, mais elle ne devait pas être suffisante pour permettre la réalisation d'une fédération unie. Dans les autres cas, ce sentiment d'unité culturelle devait naître après la création de l'union. il n'y a guère que l'Allemagne où, au XIXème siècle, l'idée d'unité fut présente avant la création de l'empire fédéral et où elle devait en constituer le moteur, même s'il ne faut pas exagérer l'influence du mythe de l'unité culturelle développé par Fichte, les intérêts politiques de la Prusse ayant aussi joué un rôle très important. Si l'on considère l'idée de l'unité allemande comme un centre d'attraction ou comme une idéologie nationaliste, alors les causes  ethniques ne sont pas présentes en tant que telles. Aussi, l'idée de l'unité grecque est réputée plus large que simplement ethnique : on se base sur la géographie comme trait d'union,  sur l'histoire au sens large de la civilisation hellénique. On retrouve les mêmes idées ailleurs, mais le plus souvent après une création due à un péril commun. Un exemple permet de mieux faire comprendre ce qui vient d'être dit; ainsi, jusqu'à l'aube du XXème siècle, les Frisons devaient réclamer leur autonomie, n'étant pas entrés dans la République des Provinces Unies parce qu'ils appartenaient à la culture néerlandaise, mais parce qu'ils voulaient se défendre, au XVIème siècle, contre les espagnols. Donc, si la culture n'est pas un élément décisif, elle reste cependant un élément fondamental de toute tentative d'union intégrationniste.

L'analyse des causes de la création de confédérations dans le passé doit en fait être très prudente. on comprend que la compétence d'organiser la défense soit la seule, ou en tout cas, la plus importante des tâches de ces unions, car les États antérieurs n'avaient pas beaucoup de compétences; par conséquent, la compétence sur la défense conférée au pouvoir central de la confédération ou de la fédération constitue une affaire plus sérieuse qu'il n'y paraît à première vue.

Il y a néanmoins des exceptions. La sympolite d'Olinthe mit plus l'accent sur ses compétences en matière de commerce que sur la défense commune; elle créa même une préfiguration de l'union douanière actuelle de l'Europe communautaire. le cas de la Ligue Hanséatique est proche de cette typologie. Si l'on ignore les motifs de la sympolite d'Olinthe, on connaît par contre bien ceux des Zollvereinen  allemandes qui ont été crées dans le but précis de fonder l'union politique sur l'unité économique, ce qui est proche de l'évolution actuelle de l'Union européenne. A contrario, la République des Provinces Unies est rapidement devenue une puissance commerciale, mais ce n'était pas là son but originel; d'ailleurs, c'est la Hollande qui faisait le commerce et les autres Provinces ne faisaient qu'y participer et en profiter.

Il n'est pas étonnant qu'au XIXème siècle l'économie soit devenue un moyen pour développer un État fédéral en Allemagne. À cette époque, l'économie devient un facteur de puissance, plus qu'elle ne l'avait jamais été et cela malgré le fait que l'idéologie libérale ne permettait à l'État que de jouer un rôle négatif. Ainsi, la sécession de la Sonderbund  en Suisse fut causée par les cantons ruraux qui s'opposaient aux réformes imposées par les cantons industrialisés. L'économie, et quelques décennies plus tard, la politique sociale qui en est un avatar, devient une tâche primordiale de chaque État, qu'il soit unitaire ou fédéral, mais dans ce dernier cas, les tâches peuvent être partagées entre le pouvoir central et les États composants. La composante économique est donc importante, mais elle est loin d'être déterminante, du moins dans l'histoire, la réalité étant aujourd'hui différente, le concept de défense économique tendant à se substituer à celui de défense militaire; ne parle t-on pas aujourd'hui plus de guerre économique entre grands blocs équivalents que de guerre classique ? les concepts énoncés par von Clausewitz ne sont-ils pas aujourd'hui enseignés dans les écoles de commerce ? L'actuelle intégration par l'économie n'est en fait qu'une forme actualisée de l'intégration et de l'union par la défense.

Défense et économie, culture et politique sont autant d'éléments que l'on retrouve au cœur de l'actuelle Union européenne. Reste donc à réfléchir sur les concepts de fédération et de confédération.

Dans son Précis de droit des gens, Scelle énonçait pour faire comprendre la distinction entre une confédération et une fédération : «ce qui varie, c'est le domaine lui-même de la fédération, c'est-à-dire la somme d'intérêts communs dont la gestion est confiée aux organes communs». Ce n'est qu'une distinction parmi d'autres, mais elle est importante puisque, pour juger du degré d'union, on doit se baser -entre autres- sur les compétences les plus importantes dans chaque État qui ont été attribuées au pouvoir fédéral. mais ce serait faire tort au fédéralisme que d'y voir un simple aménagement de compétences.

En outre, il ne faut pas oublier que ces structures ne sont jamais statiques. La très ancienne amphictyonie de Delphes n'avait que des compétences religieuses, mais étant donné que la religion et la société étaient intimement liées, le conseil traitait en réalité aussi d'autres questions. D'ailleurs, on sait que les Grecs soumettaient tous leurs problèmes à l'oracle de Delphes; on sait aussi que les réponses de la Pythie n'étaient pas sans influence.

Si les compétences de la confédération et de la fédération sont reprises dans une liste, comme c'est le cas dans la Loi fondamentale allemande de 1949, alors la tendance à la centralisation est freinée considérablement. Si elles ne le sont pas et si, en outre, il n'y a pas de cour constitutionnelle, peu d'obstacles s'opposent à ce que l'organe central élargisse son rôle à d'autres matières. L'exemple le plus frappant dans l'histoire européenne est celui de la Confédération  helvétique qui fut créée avec des buts militaires, et dont le conseil, au début, n'avait pas d'autres attributions; mais, dès 1370, on devait discuter à la Diète des privilèges de certaines classes, la Pfaffen Brief   -Ordonnance sur le clergé- étant proclamée cette année-là. Que la Confédération n'ait pas éclaté pendant la Réforme protestante s'explique également incontestablement par le fait que tous les problèmes faisaient l'objet de discussions ouvertes et libres à cette même Diète. On notera que les Traités instituant les Communautés européennes énoncent de strictes compétences d'attribution au profit des Communautés, alors que la Cour de Justice des Communautés européennes, de par son rôle d'interprète des Traités et de juge des excès de pouvoir des institutions communautaires, joue la fonction d'une quasi-cour constitutionnelle. Si l'Union européenne connaît une certaine évolution intégrationniste, elle est cependant limitée quant à la tendance à la centralisation.

Certains auteurs considèrent néanmoins que la tendance centralisatrice est inhérente à l'État fédéral, voire à la confédération. Il est vrai que l'histoire donne de multiples exemples. Ainsi, la deuxième fédération béotienne est plus unitaire; la République des Provinces Unies a évolué  en ce sens, et, après l'intermède de la République batave de 1791 à 1912, les Pays-Bas ne retournent pas à la formule fédérale, mais constituent un État décentralisé, ce qui, au regard des raisons ayant provoqué l'union des Provinces peut faire dire que la fin extrême de l'autonomie locale est la centralisation politique. Un autre exemple en est la centralisation de la République de Weimar.

Néanmoins, on ne peut pas en déduire que la centralisation est une tendance typique à chaque fédération. Aux Pays-Bas, la centralisation est due à la Monarchie; pour Weimar, elle a des raisons politiques; dans la Confédération helvétique, elle est causée par le contexte politique interne et externe. En ce sens, on peut dire que les contraintes internationales et économiques pourraient conduire l'Union européenne à une évolution en fédération.

Pourtant, le fédéralisme n'implique pas forcément une tendance à l'unité toujours plus grande. Il implique surtout la recherche d'un équilibre et ce n'est que si les États ne savent pas prendre leurs responsabilités et assurer cet équilibre que le pouvoir fédératif aménage les compétences en centralisant, entraînant un transfert de la réalité du pouvoir vers le centre. Ainsi, lorsque les cantons suisses n'eurent plus les moyens financiers suffisants pour exercer telle ou telle compétence, et que ceux-ci passèrent au pouvoir fédéral, cela ne voulait pas dire que l'État fédéral avait une tendance centralisatrice implicite mais plutôt qu'un mauvais équilibre, un certain laisser-aller se reposant sur le pouvoir fédéral et une mauvaise gestion financière a causé un déplacement des pouvoirs. En ce sens, et contrairement à une lecture simpliste, les critères de cohésion économique et sociale imposés par le Traité de l'Union européenne sont plus une chance d'indépendance et de souveraineté pour les États qu'une tendance fédéraliste.

En outre, l'accroissement des compétences d'un pouvoir fédéral ne va pas forcément à l'encontre de celui des compétences des États composants, l'exemple allemand des politiques culturelles ou éducatives étant là pour le démontrer. Le fédéralisme est donc plus une technique qu'une tendance centralisatrice, même si la centralisation peut naître d'une évolution intégrationniste et fédérative en cas de démission des États, la centralisation excessive étant surtout le fruit d'un mauvais équilibre des pouvoirs né de défaillances étatiques.

Bref, toutes les expériences fédérales en Europe démontrent une origine liée à des carences politiques, ainsi qu'à la réticence des États à travailler ensemble sous la pression d'intérêts particuliers. Mais ces intérêts particuliers ont aussi été à l'origine de la chute de beaucoup de fédérations et de confédérations; C'est là une double leçon de l'histoire européenne qu'il faut méditer, l'équilibre entre intérêt commun, intérêt national et intérêts particuliers étant très délicat à réalisé, et dans tous les cas de la seule responsabilité des États qui ont trop tendance à se reposer sur des institutions communes pour éviter de prendre clairement leurs responsabilités. ceci est flagrant dans l'Union européenne, puisque beaucoup trouvent plus facile d'accuser Bruxelles de tous les maux que d'agir dans leurs États respectifs, ce qui ne fait qu'accroître l'influence bruxelloise, ô paradoxe !

L'Union européenne apparaît en fait comme un stade intermédiaire entre confédération et fédération, comme une forme nouvelle de fédéralisme. En effet, les trois Communautés européennes qui la composent appartiennent sans aucun doute possible à la catégorie des organisations internationales jouissant d'une autonomie propre, le cas de l'Union européenne elle-même étant plus particulier, cette Union n'ayant pas la personnalité juridique. Divers éléments viennent confirmer cette appartenance des Communautés européennes aux organisations de type autonome : ⑴ la révision des Traités exige une intervention des institutions communautaires ; ⑵ les institutions communautaires jouissent de compétences propres, exclusives de toute intervention des États membres ; ⑶ ces mêmes institutions disposent d'un pouvoir normatif qui n'implique pas nécessairement l'intervention des États pour sortir ses effets, et, dans ce cas, il s'établit une relation directe entre les Communautés et leurs ressortissants ; ⑷ les organes de décision statuent dans de nombreux cas à la majorité qualifiée et non à l'unanimité.

Se pose donc la question de savoir si ces caractéristiques ne manifestent pas une tendance intégrationniste telle qu'il faille considérer les Communautés européennes comme des organisations internationales de type fédéral. Si effectivement les caractères qui ont été indiqués sont bien ceux d'un système fédéral, force est cependant de constater que certains éléments de ce système font défaut dans les Communautés européennes : ⑴ l'abandon de souveraineté est malgré tout trop limité pour être constitutif d'un État, en particulier en ce qui concerne les grandes fonctions régaliennes que sont la justice, la Police ou encore la défense ; ⑵ les Communautés européennes ne disposent pas du pouvoir d'étendre le domaine de leurs compétences. Elles sont à cet égard entièrement dépendantes des États ; ⑶ c'est le plus souvent au travers des États que les Communautés européennes réalisent les objectifs des Traités.

Cette analyse de la nature des Communautés européennes est applicable aux trois Communautés, c'est-à-dire à la Communauté européenne du charbon et de l'acier, à la Communauté européenne et à la Communauté européenne de l'énergie atomique. Certains ont, à cet égard, considéré la supranationalité, c'est-à-dire l'autonomie des institutions communautaires par rapport aux États membres, comme plus marquée dans la CECA que dans les deux autres Communautés, mais cette affirmation procède cependant d'une analyse exclusivement institutionnelle, même s'il est exact que l'équilibre entre les institutions n'est pas identique entre les différents Traités de base : dans le Traité CECA, les principaux devoirs sont dévolus à la Haute Autorité -aujourd'hui la Commission européenne- alors que dans les deux Traités de Rome -même modifiés par l'Acte unique européen et par le Traité de l'Union européenne- c'est le Conseil, donc la représentation collégiale des États, qui est le détenteur privilégié des pouvoirs communautaires, la base étant donc la co-souveraineté et non l'abandon de souveraineté. Donc, s'il y a entre le Traité CECA d'une part et les deux autres Traités de base d'autre part une différence, elle porte sur la répartition des pouvoirs et l'équilibre institutionnel et non sur le degré d'autonomie par rapport aux États.

Le caractère fédéraliste de l'Union européenne est par contre plus poussé, notamment lorsqu'il y aura achèvement de la troisième phase de l'Union économique et monétaire, et il est indéniable que le transfert à l'Union de l'autorité monétaire et de certains éléments de fonctions régaliennes de l'État tels qu'une défense commune, une fiscalité commune, la politiques des affaires générales, de la justice, de la police, ... peut traduire une dérive fédéraliste. Néanmoins, ce caractère reste limité d'une part du fait que ce n'est pas l'Union mais la Communauté européenne qui bénéficie de la compétence économique et monétaire, d'autre part par le fait que les États conservent la maîtrise des grandes décisions par le biais du Conseil -donc des représentants des gouvernements des États membres-, et enfin du fait que l'Union européenne n'a pas la personnalité juridique. En fait, l'Union européenne fonctionne dans une logique de confédération adaptée et non de fédération, l'essentiel du pouvoir de décision restant acquis aux États par l'entremise du Conseil, la Commission ne pouvant agir de son propre chef que sur une délégation des États, soit directe du fait  des Traités, soit indirecte du fait d'une volonté du Conseil.

Il faudra cependant que les États restent vigilants et évitent de se laisser déborder par la Commission européenne afin de maintenir la souveraineté qui est l'une des trois composantes mêmes d'un État, un État dépourvu de souveraineté n'existant plus comme l'a démontré l'exemple de la Pologne au XIXème siècle.

 

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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 15:51

Corps européen humanitaire (Bioforce)  - environ 55.000 hommes.

 

Ce corps, pré-positionné et pouvant se concevoir pour parie à unités tournantes (modèle Eurofor), qui serait unique en son genre, pourrait être la première expression concrète de la défense européenne, axé sur les situations de catastrophe et d’urgence humanitaire, tant sur le territoire européen que sur le territoire extra-européen. Son avantage serait, outre son fort degré de professionnalisation et ses moyens, à la fois de traduire concrètement dans les esprits l’existence de l’Union européenne, mais aussi des économies par réduction des dispersions et des coûts (voire même la réouverture de certaines industrie ou chantiers navals tel que Gdansk, ce symbole), et ce par les actions préventives induites, les conséquences sur l’emploi, la fabrication des matériels…


Il devrait faire l’objet d’un pré-positionnement spécifique (Méditerranée, Atlantique nord, Atlantique sud, Manche, Baltique, Océan Indien, Pacifique, Caraïbes).


Sa caractéristique dominante serait sa projetabilité rapide (une heure pour les premiers éléments, 72 heures au plus pour le reste, délai arrivée théâtre dans ce dernier cas).

 

Sa mission serait de répondre aux besoins et aux missions de l’Union européenne (essentiellement Petersberg + Echo) et de l’ONU en matière d’urgence humanitaire, d’évacuation de ressortissants et de lutte contre les catastrophes.

 

Il ne serait pas obligatoire que tous ses membres soient des militaires de carrière. Certaines unités pourraient faire l’objet d’un volontariat courte durée dont la dure serait intégrée dans le calcul des retraites et des carrières, alors que des cadres de réserve formés ou à la retraite pourraient fort bien en faire partie. De même, des accords pourraient être passés avec des ONG sérieuses pour les intégrer dans certains des dispositifs.

Sa vocation ne serait pas de se substituer aux ONG ou aux Etats, mais de répondre aux urgences impératives, de planifier et de coordonner les actions, de préparer les actions. Un accord-cadre avec la Croix Rouge devrait ainsi être signé, afin de mettre celle-ci au cœur de son rôle de coordination des secours.

 

Ce corps se caractériserait donc par sa rapidité, mais aussi par la brièveté de ses interventions (le temps de rétablir les moyens de base, les communications, la sécurité générale, etc…) afin de permettre une bonne intervention des autres acteurs de l’humanitaire, ainsi que le rétablissement de l’Etat, en offrant en amont des moyens lourds et immédiatement disponibles d’intervention.

 

Mais veut-on que l'Europe soit concrète autrement que pour la concurrence, le commerce, etc... ?

 

Sa composition non détaillée.


Un Etat-major général

Composante Terre

Un Etat-major de crise

Un Régiment de commandement et de soutien humanitaire

Un Régiment de camp

Un Régiment de catastrophe nucléaire

Un Régiment de catastrophe chimique

Un Régiment de défense biologique

Un Régiment de catastrophe aéroporté

Quatre Régiments du génie de catastrophe (dont un à dominante soutien eau, et un autre à dominante soutien électricité)

Un Régiment du génie de montagne (spécialisation avalanches et glissements de terrain

Un Régiment du génie de catastrophe aéroporté

Deux Régiments médicaux

Deux Régiments médicaux aéroportés (dont un spécialisé dans le montage d’hôpitaux de campagne et le triage)

Un Régiment de transmissions de crise

Trois Régiments de défense écologique (dont un spécialisé polmar et un autre feux de forêt/inondations)

Deux Régiments de transport humanitaire (dont un aéroporté)

Un Régiment du commissariat humanitaire (à dominante ravitaillement)

Un Régiment du matériel humanitaire

Un Régiment humanitaire d’hélicoptères de transport et de manœuvre


Composante Mer

Un Etat-major de crise

Quatre groupes de surveillance et d’intervention

Cinq groupes d’action anti-pollutions

Deux groupes de reconnaissance aéronavale

Deux groupes logistiques

Un groupe logistique de réserve projetable


Composante Air

Un Etat-major de crise

Quatre escadres de transport lourd

Trois escadres de transport léger

Quatre escadres de protection forestière

Une escadre de reconnaissance

Une escadre de reconnaissance satellitaire

Un escadron de ravitaillement en vol

Deux escadres d’hélicoptères

Deux groupes de soutien et du génie de l’air

Deux groupes de contrôle aérien de catastrophe


Composante Police et Justice

Deux groupes de sécurité

Dix escadrons de gendarmerie de crise

Un groupe d’enquête

Un groupe d’enquête médico-légale


Coût

Environ 6 MM€ la première année, puis 3 MM€ les trois suivantes, puis entre 1 et 1,5 MM€ par an.

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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 14:38

Quelques réalités que l’on a tôt fait d’oublier :

 

-          plus qu'un territoire, la France est une idée et une culture ;

-          les deux plus grandes frontières de la France ne sont pas européennes mais avec l'Australie -Terre Adélie - et avec le Brésil - Guyane -, ce que l'on oublie, alors que ce sont des atouts; de plus, cela permet de mieux comprendre les enjeux des querelles australo-françaises ;

-          la France n'est pas un hexagone seulement  géographique du fait de son territoire métropolitain, mais bien plus un hexagone-idée en relation avec six espaces.

-          Europe(s) : UE, OSCE, Conseil de l’Europe, etc… ;

-          Intégration économique, G20, OCDE, G8, etc… ;

-          Ordre géopolitique spécifique : ici, la francophonie que l’on méconnait ;

-          Espaces régionaux transcontinentaux : Méditerranée, Afrique dans le cas de la France ;

-          Conseil de Sécurité + puissance nucléaire ;

-          Mondial : Amérique, Pacifique, Atlantique

 

La France est mondiale (1) car américaine, pacifique et atlantique, et la perte des cailloux de l'Empire serait le déséquilibre de sa puissance, et la plus grosse des « conneries » à faire serait par exemple de lâcher la Nouvelle Calédonie, car celle-ci serait reprise soit dans la sphère australienne, soit dans la sphère étasunienne (les Etats-Unis soutenant d’ailleurs plus ou moins ouvertement certains mouvements indépendantistes canaques) en offrant à celle-ci un pion inespéré de puissance. On peut constater l’intérêt de ces cailloux tant par la présence possible dans des enceintes non-européennes qu’à l’occasion d’interventions hors de l’Europe. Des « cailloux porte-avions » permettant l’entrisme et l’influence internationale, mais aussi faisant d’un État de 550.000 km2 une puissance maritime de 10 millions de km2. À méditer…

 

La France est européenne (2) par sa métropole, avec l'OSCE, l'Union européenne, etc…

 

La France est internationale (3) par ses économies, par le G8, par l'OCDE…

 

La France est langue et culture (4) par la francophonie, ce qui induit un ordre géopolitique différent de l'ordre géopolitique anglo-saxon (en fait le seul contre balancier existant !

 

La France est Méditerranée et Afrique (5), le rôle clé de ces zones ayant été démontré par l'histoire des deux guerres mondiales.

 

La France est enfin décideuse (6) de par son siège au Conseil de sécurité des Nations unies. Le perdre serait priver la France d'un élément majeur de sa puissance, au profit d'un espace non encore stabilisé, et surtout  déchiré entre trois courants pilotes : francophone, anglophone et saxon…, donc sans aucune garantie de transfert de puissance…

 

À titre de comparaison, l'Allemagne n'a que trois un tiers de ces dimensions : européenne (1), économique (2) et géographique par les PECO (4), la fonction internationale (5) n'existant que partiellement de par l'appartenance à l'ONU. Et le Royaume-Uni n'en a que quatre et demi, avec une partialité de dimension  mondiale que ne compense pas le Commonwealth, et l'absence de tout hinterland tant méditerranéen, qu'africain que centre-européen; et encore, sa fonction (5) est limitée en ce sens que cet État n'a pas un contrôle total et réellement indépendant de sa puissance nucléaire du fait de la « double-clé. »

 

En fait, et on tend à l'ignorer en se soumettant aux diktats non pas forcément de l'Europe, car ces diktats – lorsqu’ils sont importants – sont décidés à l'unanimité ne l'oublions pas, mais à ceux de l'Allemagne, par simple frilosité politique, par manque de courage, la France perd volontairement et sans contraintes extérieures sa position de seule contre-puissance  globale potentielle !

 

N'oublions pas que la France reste l'un des pays les plus riches du monde ! N'oublions pas que chacune de ses régions est à elle seule plus riche que plus de la moitié des États du monde ! Elle a les moyens de ses ambitions, mais seulement si elle le veut et ne se crée pas ses propres handicaps !!!

 

Il est ainsi à déplorer que l’on veuille toujours avant d’agir savoir si « ça marche » en théorie ; avec une telle approche, ce n’est qu’après cette étape théorique que l’on voit si l’on passe à la pratique. En digne héritière de la philosophie grecque, la France ne croit et ne veut faire que ce qu’elle sait expliquer et démontrer, excluant certes tout empirisme pratique, mais se privant par là même de toute réactivité face à l’irrationnel ou à l’immédiat, alors que cette réactivité est impérative lorsque l’on se veut puissance. Il faut certes ne pas réagir n’importe comment, mais ceci ne doit pas correspondre en une absence de toute action. Or, en se privant de tout droit à l’erreur, on se prive de beaucoup de moyens d’action tout en donnant une image d’immobilisme. Peut-être vaudrait-il donc mieux substituer à la modélisation théorique des démarches de vérification-validation-action bien plus réactives car permettant de corriger in itinere une démarche plutôt que de ne rien faire, et ce tout en préparant ex ante des simulations à valider selon la démarche du « quoi ? » (le produit, le moyen, le fait, …), du « qui ? » (l’organisation, les acteurs, …) et du « comment ? » (le processus, les modes d’action, etc…). On aurait ainsi une organisation englobante définissant a priori des actions, des processus et des projets englobants, réactifs, combinant l’intuitif et le pratique, donc permettant l’action…


Quelques autres handicaps ? la perte de certains moyens industriels stratégiques, la mauvaise répartition des charges, la non-maîtrise du chômage, la tradition des divisions internes, la perte de maîtrise sur la monnaie..., et surtout le fait que la France n'ait pas confiance en elle-même !

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13 janvier 2010 3 13 /01 /janvier /2010 08:27

Si l’on parle maintenant par données chiffrées, il est possible d’établir le tableau suivant – avec une Union européenne à 15 et la Chine associée à Hong-Kong - :

 

Chiffres 2000

USA

UE

Chine

Inde

Japon

Nigéria

Brésil

Russie

Population (en millions d’habitants)

285,9

302,3

1029,2

1025,1

127,3

116,9

172,6

144,7

RNB total (en milliards de $)

9601,5

8457,2

1155,8

454,8

4519,1

32,7

610,1

241,0

Dépenses militaires (en milliions de $)

294695

152835

41167

14472

44417

2340

16545

58810

Effectifs militaires (en milliers d’hommes)

1365,8

1598,7

2810,0

1303,0

236,7

76,5

287,6

1520,0

 

Rapporté en termes pondérés, cela donne en partant d‘une base 100 pour l’État le « mieux placé » :

 

 

USA

UE

Chine

Inde

Japon

Nigéria

Brésil

Russie

Population (en millions d’habitants)

27,8

29,4

100

99,6

12,4

11,4

16,8

14,1

RNB total (en milliards de $)

100

88,1

12,0

 4,7

47,1

0,3

6,4

2,5

Dépenses militaires (en millions de $)

100

51,9

14,0

4,9

15,1

0,8

5,9

20,0

Rapport dépenses militaires/RNB

3,07 %

1,81 %

3,56 %

3,18 %

0,98 %

7,16 %

2,88 %

24,40 %

Rapport pondéré  dépenses militaires/RNB

1

0,59

1,17

1,04

0,32

2,67

0,92

8

Effectifs militaires (en milliers d’hommes)

48,6

56,9

100

46,4

8,4

2,7

10,2

54,1

Rapport effectifs militaires/population

0,477 %

0,529 %

0,273 %

0,127 %

0,186 %

0,065 %

0,1667 %

1,050 %

 

On remarque immédiatement que rares sont ceux qui peuvent prétendre atteindre un jour au rang de super-puissance, seuls les Etats-Unis ayant atteint ce degré. Leur seul concurrent direct reste l’Union européenne, et elle le sera d’autant plus à 25, alors que l’intégration de la Turquie pourrait lui être handicapante du fait du partage de cet État avec le bloc musulman, alors qu’il pourrait faire le point d’appui d’un superbe pôle d’équilibre avec l’Irak, la Roumanie, la Bulgarie et quelques autres puissances moyen-orientales au fur et à mesure de leur démocratisation…. Néanmoins, les handicaps de l’Union européenne sont avant tout politiques, notamment en ce qui concerne la maîtrise de sa défense et d’une politique étrangère commune.

Si l’on affine, on s’aperçoit que ce sont en fait les Etats-Unis associés à l’Union européenne qui sont une super-puissance et non pas les Etats-Unis seuls. En effet, l’Europe leur offre un marché solvable, ainsi que des raisons de leur intervention extérieure – bien que les attentats du 11 septembre 2001 aient quelque peu modifié la donne - et … un territoire ; c’est là tout le sens de la nouvelle politique Atlantique  - OTAN pour simplifier -. La seule « faiblesse » des Etats-Unis tient en sa balance des paiements qui est négative de 444,69 milliards de dollars, … mais cela ne représente que 4,63 % de leur revenu national brut, et comme ils contrôlent de plus beaucoup des échanges mondiaux de par l’utilisation du dollar…

Néanmoins, l’Union européenne a la potentialité, si elle le veut et daigne régler ses divergences internes, de devenir la contre-super-puissance aux Etats-Unis. Mais la question est de savoir si cela est souhaitable, et si il ne vaut pas mieux un équilibre total entre les Etats-Unis et l’Union européenne fondée sur un partenariat d’égal à égal, notamment du fait du risque de voir émerger l’Islam comme super-puissance ! Il faudra donc être très attentif à toute tentation du monde islamique de se constituer en entité politique et surtout monétaire. Néanmoins, il lui reste bien du chemin à parcourir en matière d’intérêts communs, d’unité politique et de cohésion militaire… Et de multiples guerres qui fleurissent dans le monde, y compris dans l’ex-Yougoslavie, sont peut-être voulues ou maintenues afin justement d’éviter cette mise en cohésion de l’Islam.

Enfin, si le Japon a lui aussi les moyens d’être une super-puissance, il a face à lui la Chine - et la plupart des autres États d’Asie - qui fera tout pour l’empêcher d’accéder aux moyens militaires, sans compter le traumatisme d’Hiroshima et de Nagazaki, ainsi que le souvenir de la politique expansionniste japonaise de la première moitié du XXème siècle. Néanmoins, il serait stupide que le Japon est une grande puissance industrielle non pas depuis sa défaite de 1945 mais depuis la seconde moitié du XIXème siècle, soit quasiment depuis le même moment que l’Europe… À l’avoir oublié, la Russie, restée elle en dehors de ce courant au début du XXème siècle en a fait la cruelle expérience en 1905 à Port-Arthur et à Tshoushima. Par ailleurs, il se pourrait bien un de ces jours que l’agressivité économique du Japon finisse par énerver l’Occident, et que l’Union européenne s’unissant avec les Etats-Unis leur claquent la porte au nez ; le boomerang japonais reviendrait alors en pleine figure du Japon et ce serait l’écroulement de tout son système économique, malgré l’informatisation et la modélisation, voire du fait même car il a perdu de la flexibilité en cas d’imprévu.

La Chine est quant à elle - surtout depuis le retour de Hong-Kong et son admission à l’OMC alors même qu’elle reste communiste dans son pouvoir et non respectueuse de certains principes humains et environnementaux élémentaires, ce qui est aberrant - une super-puissance potentielle, mais il lui reste à surmonter l’obstacle de sa cohésion interne, celui de sa monnaie, celui de sa démographie, et celui du … Japon… Néanmoins, la Chine semble toujours rester attachée à son vieil adage: « Il est préférable de tout ignorer des problèmes d’autrui pour n’accroître aucun des siens. » Cinquante années de communisme, de plus « à la chinoise », n’ont pas détruit plus de 4.000 ans de culture et de civilisation… Il ne faut cependant pas croire que la non-réactivité de la Chine à certaines interventions occidentales soit un signe de faiblesse ; en effet, dans un premier temps, le chinois a tendance à accepter et à se soumettre, laissant le temps agir pour éliminer l’« ennui », mais ensuite il se révolte toujours, d’abord en silence, puis de manière très violente… Il faut garder tout ceci à l’esprit… Quand à une éventuelle alliance avec le Japon, ou encore le mythe d’une main-mise japonaise sur la Chine, elle ne semble pas réaliste à l’aune de l’histoire car les chinois sont trop subtils et trop perspicaces pour se laisser rouler par le Japon. Ils s’y allient volontairement pour bénéficier de sa technologie, mais ils le jetteront quand ils le voudront. Prenons garde de ne pas devenir à notre tour des roll-mops en y investissant à tort et à travers ou encore en leur donnant trop sans réelles contreparties, en leur donnant des Jeux Olympiques sans retour sur les droits de l’homme par exemple… Néanmoins, il ne faut pas s’obséder sur la croissance de la Chine ; certes le taux de croissance annuel de la Chine est plus de cinq fois supérieur au notre, mais il faut aussi savoir que ce pays, avec une population plus de vingt fois supérieure à celle de la France, avec plus de 20 millions de prisonniers politiques servant d’ouvriers-esclaves, n’en est encore qu’à la seule puissance industrielle de la France, ce qui signifie, en valeur corrigée, que son taux de croissance est en fait près de quatre fois inférieur au notre ! Ne l’oublions pas !

Pour sa part, le Brésil souffre de trop graves problèmes endogènes pour devenir à court ou moyen terme une réelle puissance. En effet, qu’est le Brésil ? 170 millions d’habitants, la 11ème puissance économique mondiale, des richesses naturelles et minérales incroyables … et 54 millions de pauvres ! Mais il est vrai qu’ils ont du football pour se consoler et des footeux pour les diriger, y compris pour résoudre la crise…  Quand à Lulla, faut-il y croire ? La politique de Lulla est la production plus que la propreté pour reprendre l’un de ses slogans. Les capitalistes brésiliens et autres exploiteurs du pays sont-ils réellement contre ? Il est vrai que Manaus et le Brésil seraient tout autre chose de par ses atouts si quelques compagnies britanniques n’avaient pas volé des caoutchoucs pour les replanter à Bornéo. Comment ne pas penser ici à la Convention de Rio sur la biodiversité ?

Reste la Russie qui a tout pour redevenir une super-puissance, mais elle a tant de problèmes internes qu’il lui faudra bien cinquante ans pour pouvoir à nouveau entrevoir de redevenir la super-puissance qu’elle était. Là encore, le jeu de l’OTAN, et en particulier le Partenariat pour la Paix, est d’importance, car il pourrait finir par intégrer la Russie au jeu américano-européen, et donc la fondre dans une super-super-puissance… Elle est de plus handicapée par une politique militaire incompatible avec ses ressources : près du quart du revenu national consacré à la défense ! Il faut y prendre garde, car un tel déséquilibre est potentiellement très dangereux… Mais dans tous les cas, on peut se poser la question des savoir si, hormis des impératifs de sécurité à court terme pour les États donneurs, si la Russie a réellement besoin d’une aide financière internationale, une part non négligeable de ses dépenses militaires pouvant être consacrées à autre chose, même si se pose toujours la question épineuse du démantèlement du complexe militaro-industriel de l’ex-URSS qui continue peu ou prou à structurer l’industrie russe, qui reste le deuxième producteur et marchand d’armes du monde, la vente d’armes lui rapportant chaque année environ 17 milliards de dollars US.

 

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13 janvier 2010 3 13 /01 /janvier /2010 08:26

La puissance s'est morcelée depuis la fin de la guerre froide, avec une multiplicité de petites puissances et des mains noires. Par exemple, l'Inde, le Pakistan et la Chine ont aujourd'hui à leur tête des extrémistes, extrémistes dont le contrôle est désormais délicat depuis l'effondrement de l'Union soviétique. Une solution serait l'économie, mais laquelle ?

Pour Aristote, la puissance « dynamis » désigne tantôt le  pouvoir politique, l’autorité de la loi ou la force militaire, tantôt la fonction ou la capacité d’une chose ou de faire quelque chose. Dans ce second sens, la puissance aristotélicienne est fondamentale, car elle est pour cet auteur la clé de tout mouvement ; elle est puissance active « poiètiké », c’est-à-dire le « principe du mouvement ou de changement dans un autre ou dans la même chose en tant qu’autre. » (Métaphysique, D, 12, 1019a15 ; Q, 1, 1046a10) ; c’est ce dernier sens qui se rapproche le plus ici de la puissance telle que réfléchie au présent chapitre, et ces définitions sont d’une totale actualité. La puissance est donc soit interne, soit externe, pouvant résider dans l’organisation ou l’État lui-même, ou encore être partagée et s’auto-alimenter entre le dit État ou organisation et un autre organe homologue.

Si nous analysons les nouveaux critères de puissance, tels qu’ils seront pour le XXIème siècle , ceux-ci semblent être au nombre de sept, tenant compte des évolutions nouvelles (technologies, communication, biogénétique, etc…). Ce sont, pour reprendre la typologie posée par Jacques Attali (Dictionnaire du XXI° siècle, Fayard, Paris, 1998, coll. Livre de Poche n° 14778, pp. 164-167) :

⑴ sur le plan économique d’être assez riche pour pouvoir peser sur le cours des affaires du monde. C’est là que les Bourses, notamment par leur déterritorialisation et leur facteur multiplicateur artificiel de richesses. Ainsi, la croissance de la Bourse de New-York augmenterait chaque virtuellement la richesse des Etats-Unis quinze fois plus que leur production réelle ;

⑵ sur le plan monétaire d’avoir une monnaie capable de servir d’instrument de réserve et de transaction internationale ;

⑶ sur le plan technologique de maîtriser les progrès en matière de communications et d’énergie ;

⑷ sur le plan militaire, certes de disposer de l’arme nucléaire, mais aussi d’être apte à projeter à longue distance une force expéditionnaire d’au moins une dizaine de divisions ;

⑸ sur le plan géographique d’avoir intérêt à agir hors de ses frontières pour protéger ses sources d’énergie, ses réserves d’eau potable, ses routes maritimes essentielles, ou enfin un allié vital ;

⑹ sur le plan culturel d’être animé par une culture, qu’elle soit religieuse ou nationale, suffisamment universelle pour penser que son intérêt tend à se confondre avec celui des autres et pour séduire les autres avec ses œuvres d’art ;

⑺ sur le plan diplomatique d’être assez fort et cohérent pour concevoir et mettre en œuvre une politique étrangère dominante à défaut d’être impériale, une poli tique étrangère impériale traduisant alors la mono-super-puissance, ce que sont d’une certaine manière, en l’absence d’une actuelle réelle cohésion de l’Union européenne malgré ses efforts récents, les Etats-Unis. L’important n’est pas tant l’efficacité que la croyance qu’ont les autres en votre puissance diplomatique (et autre)… 

Quels sont les atouts des principaux États et blocs de la  planète - le cas de l’Islam n’étant pas toujours développé, en ce sens qu’il n’a pas suffisamment de cohésion interne, même à terme, pour être considéré comme une réelle entité, malgré la Ligue arabe, malgré la Conférence islamique…- ? Le tableau qui suit en donne une première idée :

 

 

USA

UE

Islam

Chine

Inde

Japon

Nigéria

Brésil

Russie

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13 janvier 2010 3 13 /01 /janvier /2010 08:15

L’étude de la pensée stratégique, politique et militaire étasunienne – par delà l’épisode Bush jr et à la lecture des débuts d’Obama qui ne sont, malgré les apparences, que des épiphénomènes tant la logique de cette pensée dépasse les présidences – est passionnante en ce sens qu’elle oblige à passer en revue toute une partie de l’histoire de la philosophie. Mais quel foutoir intellectuel, malgré une logique de base fondée sur la raison, telle que conçue – dans la foule de Descartes – par la philosophie des Lumières, ainsi que sur l’idéalisation – en rien la réalité – de l’Antique, en particulier de la Rome républicaine et impériale !

 

On peut ainsi distinguer, par delà les deux origines apparentes, l’une religieuse puritaine, l’autre séculariste :

-          Une « pensée » de base :

·         L’Ecole morale, avec notamment l’Ecole de Leyde, Paine, Channing, Lincoln, Emerson, Whitman, et surtout Josiah Royce.

Prenons l’exemple de ce dernier, sachant que je n’aborderai pas ici son approche par l’algèbre booléenne, pourtant si influente. Pour cet auteur, l’individu est supérieur à la société. Il en tire trois conséquences :

- la chose n’est pas ce qu’elle est mais ce que l’on pense qu’elle est ;

- l’essence est totalement distincte de l’existence ;

- il y a primauté de l’action sur la pensée, car cela permet d’effectuer rationnellement l’intégrité de l’expérience de la pensée.

Le lien avec la doctrine étasunienne est évident, et tout particulièrement avec la vision US selon laquelle on agit d’abord, puis on voit ensuite ce que cela donne ;

·         L’école, que je qualifierai des crises et de l’autarcie – ce qui fait qu’il n’y a pas de lien réel avec la pensée de Jacques Rueff –, avec les quatre Maîtres penseurs de Glucksmann : Fichte, Hegel, Marx et Nietzsche ;

·         Voltaire et certains philosophes des Lumières.

 

-          Des « colles » :

·         Trotsky, et toute l’école du libéralisme américain d’inspiration… trotskyste, à la suite de Burnham en particulier. On oublie en effet trop souvent que la plupart des théoriciens modernes du « libéralisme politique » (je parle bien ici de l’approche du pouvoir en aucun cas du libéralisme économique qui n’a rien à voir et qui a d’autres sources) des Etats-Unis sont ou ont été trotskystes ;

·         Heidegger, surtout son sein et son da-sein, mais interprété au travers de Rosenzweig et des Cohen, en particulier ceux des rencontres de Davos. On notera ici que des rencontres a priori philosophiques ont aujourd’hui donné leur nom à des rencontres a priori mercantiles ;

·         L’Ecole du Federalist, en et particulier Jefferson. On notera ici que Jefferson avait réécrit la Bible à sa manière, la limitant aux Evangiles à une simple vie et morale de Jésus de Nazareth, arrêtant de plus les Evangiles à la mise tombeau et sans citer aucun des miracles du Christ, gommant ainsi toute la dimension divine et messianique de Jésus, vision correspondant finalement au christisme de certaines loges maçonniques – mais non pas de toutes du fait du rejet de l’Évangile selon saint Jean –, et ce au profit des Etats-Unis, cette vision messianique de substitution prédominant dans la pense politique étasunienne, notamment chez les Baptistes et les born again ;

·         Raymond Lulle et sa succession, le tout limité à la seule approche de l’Art du premier ;

·         Une nuée d’auteurs aussi variés que Toynbee, Algernon Sydney – bien ce dernier par exemple qu’un John Locke, malgré l’influence très réelle de celui-ci, en particulier de sa Lettre sur la tolérance – ou encore Otto Rank.

Prenons l’exemple de Toynbee ; selon ce dernier, chaque société décrit un cycle vers son aboutissement ou sa désagrégation, et ce autour de trois idées :

- ce n’est que lorsque l’écroulement de la civilisation est en cours que les hommes commencent à réfléchir aux solutions permettant d’éviter ce déclin devenu pourtant en apparence inéluctable ;

- or, ce déclin n’est pas inéluctable, l’aboutissement étant une nouvelle naissance (cf. le rapport avec l’idée de born again ou encore à la devise Novus Ordo Seclorum, inspirée de Virgile annonçant le passage à un nouveau cycle de civilisation après la fin de l’âge de fer) si la société a su maintenir en permanence une capacité créatrice lui évitant de tomber en décadence ;

- par contre, les sociétés désagrégées sombrent soit dans la barbarie, soit dans la soumission à une église universelle.

D’où les quatre conséquences qu’en tirent les doctrinaires étasuniens :

- les Etats-Unis doivent maintenir leur niveau de développement économique et de recherche, quitte à piller les autres civilisations jugées décadentes ou à se servir de leurs potentiels, même de manière indirecte ;

- les Etats-Unis ont un rôle messianique les destinant à piloter le monde abouti à sa décadence ;

- l’usage de méthodes barbares à l’égard des autres civilisations n’est pas néfaste puisque ces civilisations y sont condamnées par la fatalité, et ce d’autant plus que cela permet d’aboutir à la religion universelle ;

- le cycle de civilisation des Etats-Unis peut dès lors devenir éternel, les Etats-Unis tant le seul pivot permanent de civilisation, civilisation fondée sur l’idée de deux dieux universels : l’un au ciel, l’autre sur terre : les Etats-Unis eux-mêmes.

 

-          Des « mythes ciments », dont :

·         La Bible, et tout particulièrement certains épîtres pauliniens et l’Apocalypse, le tout pour le moins mal digéré, si ce n’est dévoyé, au profit de la conceptualisation d’un Grand architecte de l’univers conçu comme un dieu de nature ayant abandonné aux hommes son pouvoir. Ainsi, La pyramide qui figure sur les billets US est reprise du Pseudo-Jamblique et des pythagoriciens, comme symbole de la perfection ; et son mur de brique est celui, maintenu haut et impénétrable, n'admettant aucune brèche [cf. Cour Suprême, Emerson v. Board of Education of Ewing Township, 330US1(1947)] entre l'Église, quelle qu'elle soit, et l'État ! Même les devises In God we trust ! ou encore la référence au Créateur dans la Déclaration d'indépendance n'a rien de chrétien, n'en déplaise à certains, s'agissant d'une pure construction intellectuelle fondée sur un grand architecte de l'univers, sur un Dieu de nature (cf. Walter Berns, Making Patriots, University of Chicago Presse, 2001, page 32), le lien avec la pensée de Locke, relayé par Jefferson étant évident ! D'ailleurs Jefferson lui-même précisa que ce Dieu de nature abandonnait tous ses pouvoirs aux hommes (cf. Thomas Jefferson, Notes on the State of Virginia, Philippe-Denis Pierre, Paris, 1785) ! L'oeil est donc celui de cet architecte de nature, celui de ce pseudo-Dieu arrosant les hommes de la seule raison ;

·         A ce titre, dire que les États-Unis ont eu un fondement uniquement chrétien est faux. D'ailleurs, le Sénat avait approuvé à l'unanimité le Traité de Tripoli du 10 juin 1797, à l'article 11 duquel on peut lire : "Puisque le gouvernement des États-Unis n'est en aucune façon fondée sur la religion chrétienne..." De plus, l'idée d'une nation sous l'égide de Dieu (cf. le serment au drapeau) ne date que de 1954, ce Dieu étant un Dieu matériel bricolé pour les besoins de la guerre froide afin de faire croire que les États-Unis avaient une mission divine face à l'empire du mal (déjà !)…

·         La mythification de l’idéal des civilisations indiennes de la plaine ;

·         Sophocle et Shakespeare.

 

-          Une « pensée de l’action » :

·         L’école déterministe, et notamment celle des géopoliticiens en relevant, tels Kjellen, Ratzel ou encore Haushofer ;

·         L’école anthropologique de Vienne, à la suite de Frobenius et de Schmidt ;

·         Parmi les antiques, surtout Virgile (cf. les devises du Grand Sceau des Etats-Unis) et Polybe, ce dernier pour sa vision de l’empire comme meilleur régime ! A titre d’exemple de cette influence de l’antique, souvenons-nous donc que la devise Novus Ordo Seclorum est bien plus ancienne que l'émission des billets sur lesquels elle figure ! Il s'agit de l'une des trois devises latines figurant sur le Grand Sceau des États-Unis depuis ... 1782 ! C'est une reprise de la quatrième Églogue de Virgile, évoquant la naissance d'un nouveau cycle historique succédant à l'âge du fer... Par cette devise, ainsi que quelques autres figurant sur le même sceau ou d'autres documents, les États-Unis ont voulu marqué leur attachement à la tradition politique romaine antique et à la philosophie des Lumières ! Seclorum fait donc bien référence à un sécularisme de la société américaine, en rien à Dieu !

 

-          Des « alibis » :

·         A nouveau la Bible, finalement alibi suprême permettant de tout justifier, mais pas son intégralité, bien plus celle de Jefferson, donc dans une lecture tronquée, panthéiste ou pour le moins théiste. En fait, l'une des difficultés, lorsque l'on ignore ou feint d'ignorer a priori les fondements philosophiques de la nation étasunienne, est que de nombreux symboles sont à double usage : chrétien ou anti-chrétien !

·         Walzer et sa théorie des guerres ;

·         Rawls et Nowak ;

·         Du Pont de Nemours, et, à la suite des physiocrates, l’école américaine du libéralisme économique, école optimiste…

 

On le voit, beaucoup d’écoles et de penseurs, parfois contradictoires, d’où la nécessité de colles et de ciments, mais chacune de ces colles et chacun de ces ciments imposant à son tour un réajustement, ce qui fait que la doctrine étasunienne n’est, malgré des axes forts, jamais finie et en permanente adaptabilité. Mais il n’y a aucune cohésion interne réelle, d’autant plus que le sens de l’histoire dont parlent en permanence les Etats-Unis n’est que la justification a posteriori par le vainqueur du fait qu’il avait raison ! Ce sont ces contradictions, malgré la souplesse de l’adaptabilité, qui font, avec l’absence de stabilité politique réelle liée à la courte durée du mandat présidentiel, mais aussi les excès induits par le non-renouvellement à l’issue des deux mandats, que le système étasunien est devenu incompréhensible par emballement et manque de direction politique réelle, et ne sait même plus où il va, laissant le pas à la réponse à l’immédiat au détriment de la prospective réelle et non pas conjecturale !

 

L’utilisation de tant de colles et de ciments montre bien qu’il y a des contradictions, ou pour le moins des tensions graves internes à cette pensée, donc des faiblesses exploitables – dont profitent la Chine ou les financiers du Golfe arabique – qu’il nous faut aider à solutionner, car les Etats-Unis sont nos alliés par delà et malgré nos divergences, cette proximité relevant du subconscient et de l’inconscient, ce qui la rend solide malgré les apparences… du moins en cas d’agression physique contre l’une des deux parties ne venant pas de l’une des dites parties elles-mêmes !

 

Certes, les Etats-Unis, pour en revenir à eux, sont bien moins stupides, aveugles et sans réflexion profonde que certains veulent bien nous le faire croire. Il y a au contraire une extrême profondeur de pensée (une trop grande ?) et une réflexion très poussée dans leur(s) approche(s), bien plus que dans une quelconque C4IR qui n’est qu’une conséquence matérielle d’une pensée politique et spirituelle très très poussée ! On est loin de Mahan, de Spykman, etc…, à des milliards d’années-lumière de pensée ! Tout y est, y compris l’adaptabilité, la réactivité, et aussi … une vision de l’avenir… Mais :

 

·         Trop de contradictions internes fragilisent le système et ne peuvent que le conduire à un emballement, perçu pourtant comme réaction, quasi-paranoïaque ;

·         Quant bien même les auteurs de ces doctrines étaient cohérents dans leur pensée, la doctrine étasunienne est si complexe que la plupart des stratèges étasuniens ne l’ont pas encore digérée, alors même que les Etats-Unis sont en perpétuelle survitesse, ce qui les rend finalement plus vieux que l’Europe, d’autant plus que leurs idées sont en fait vieilles ! Ils ont oublié de regarder le paysage comme l’aurait dit Alain – « Quand on voit les choses en courant, elles se ressemblent beaucoup. La vraie richesse des spectacles est dans le détail ! », in : Propos sur le bonheur, 1928) !

·         Ce modèle est totalement – autre incohérence interne – non matérialiste, mais en aucun cas chrétien puisque panthéiste teinté de manichéisme ! Il est pourtant d’une certaine manière bien adapté à notre monde actuel, tant formel qu’informel, y compris dans ses nouvelles franges et frontières, pourtant immatérielles… Mais ce non matérialisme n’est qu’un alibi au travers d’un dieu de nature et de raison, et non pas de Dieu, ne nous y trompons pas ! Tout se trouve donc justifiable par un messianisme de pacotille !

 

La fragilité du système étasunien tient peut-être en ce que l’on veut absolument imposer un sens, une idée de cycle à l’histoire, alors même que l’histoire n’a peut-être justement pas de cycle réel, mais seulement le sens que lui donne in itinere les hommes… L’idée de sens de l’histoire est d’ailleurs soit la justification, a priori et a posteriori par le vainqueur de sa victoire, soit l’explication a posteriori par le vaincu de sa défaite, rien d’autre ! Et l’on oublie peut-être que les quatre visions actuelles de la société – unitaire, binaire, trine et quaternaire, telles que découlant de la pensée de Georges Dumézil bien comprise et non pas rêvée – peuvent aider à réfléchir au sens réel de la géopolitique mondiale… Pour en revenir au sens étasunien de l’histoire, il faut noter que les ancrages philosophiques sont plus utilisés pour justifier les moyens mis en œuvre que pour décider ; on peut ici penser aux usages détournés de la Bible ou encore aux théories de Toynbee. C’est même là l’un des moteurs qui permet aux dirigeants étasuniens de justifier à leurs propres yeux – plus encore qu’à ceux des populations – leurs propres actions ; il ne faut pas oublier en effet que le sentiment religieux ou plus exactement para-messianique est l’une des dominantes de la pensée étasunienne, ce qui a pu faire dire à certains que les Etats-Unis, dans cette conceptualisation, sont sous certains aspects les terres de l’Antechrist, même si cette dernière conception est pour le moins plus qu’excessive dans sa globalité….

 

J’ai néanmoins parfois l’impression, lorsque j’en reste à la seule approche de la théorie, d’être en présence de personnes ayant beaucoup lu, … mais peu compris par moment, de personnes glanant de ci de là une idée, bonne prise isolément, mais sans percevoir les conséquences de juxtapositions hasardeuses !

 

Par delà ce qui précède, je commencerai par un boutade : sans l’atterrante décision de Napoléon premier de brader la Louisiane – qui allait de la Mer caraïbe au Canada – aux jeunes Etats-Unis, alors même que ces derniers ne voulaient … qu’acheter … des porcs à la France lorsqu’ils rencontrèrent Talleyrand, cet Etat serait-il aussi anglophone et anglo-saxon tout court ? Ne serait-il pas bien plus francophone et francophile ? Et dire que la décision de Napoléon – qui aura bien plus changé la face du monde que le nez de Cléopâtre – aura été guidée par une courte vue géopolitique et plus encore par la seule peur des 27.000 décès au sein du corps expéditionnaire à Saint-Domingue et non pour faits de guerre (souvenir du traumatisme des ravages de la peste à l’occasion de l’expédition d’Egypte ?)… Malgré tout, l’empreinte de la France reste vivace par ce biais dans l’esprit des Etats-Unis qui se sont trouvés boostés de manière inespérée par cet apport de territoire… De même, un constat :les Etats-Unis se sentent toujours redevables à la France, au travers du mythe de La Fayette, de leur indépendance, et le rituel de West Point  est là pour en témoigner avec le fameux « remember » de la remise des galons, tout comme d’ailleurs la présence du portrait de La Fayette au côté de celui du seul Washington dans la salle des sessions du Sénat…Bref, les relations franco-américaines sont dès l’origine marquées par un sceau spécial qui explique ce double sentiment mutuel de mépris et d’admiration, … comme si le destin de ces deux Etats était scellé pour l’«éternité»…

 

En apparence, les Etats-Unis semblent avoir un jeu assez égoïste, et il serait ainsi possible de caricaturer leur politique étrangère en écrivant : « US = us ! » Pour les Etats-Unis, seule compterait l’american way of life, le « we are ! »… Et, de ce fait, ils chercheraient à organiser le monde selon leurs seules vues, et dès qu’un obstacle se dresserait devant eux, ils susciteraient des contre-feux, type organisations antimondialisation ou anti-OMC, dès lors que la mondialisation irait à l’encontre de leurs intérêts u que l’OMC souhaiterait réguler les marchés mondiaux, le même raisonnement valant pour les négociations et protocoles relatifs au changement climatique, alors que la réalité n’est pas aussi simple dès lors que l’on daigne se pencher un peu sur la réalité des positions étasuniennes.

 

Dans cette logique étroite, le plus grave resterait que la politique des Etats-Unis ne serait en aucun cas définie à partir de valeurs, mais seulement en fonction de choix de multinationales ou encore de ceux d’élus jugés en Europe a priori comme étant le plus souvent comme étant des « culs terreux » ! Ainsi, l’Okhlahoma ou le Nebraska, dont on ne pourrait pas dire à lire certains qu’ils ne soient pas plus ou moins « arriérés » - du moins à l’aune du reste des Etats-Unis, du moins tels que fantasmés notamment en France -, pèsent plus sur le monde que des Etats nationaux jugés souvent comme étant plus civilisés ! Pourtant, on ignore souvent – outre le fait que ces Etats fédérés ont souvent des Universités de haut niveau – que le pétrole américain, que l’on accuse volontiers de tous les maux, est plus aux mains de milliers de petits propriétaires que de grands cartels, cet Etat étant l’un des très rares au monde – peut-être même le seul – à donner la propriété du sous-sol au propriétaire du sol… Donc, lorsqu’un Président des Etats-Unis obéit aux désirs des lobbies pétroliers, ce n’est pas à quatre ou six multinationales étasuniennes qu’il obéit, mais bien plus à des milliers de petits propriétaires, qui, l’un dans l’autre, induisent des millions d’emplois ! Le lobby du pétrole, ce n’est pas, malgré l’imaginaire qu’on en a, celui de quelques gros : c’est la voix de milliers de petits, d’autant plus qu’aux Etats-Unis les petits actionnaires ont bien plus de droits que les petits porteurs européens, et tout particulièrement français, les dirigeants ayant dans ce pays de réels comptes à rendre ! Les Etats-Unis ne sont pas que les trusts – même si le pouvoir de ceux-ci est indéniable –, et le triomphe du libéralisme économique y est aussi celui de millions de « petits »…

 

Même les choix des multinationales doivent chercher à se concilier l’opinion américaine et mondiale autour de valeurs , de mythes fondateurs de la Nation américaine, alors que ceux des élus dits « culs terreux » – je dirais plutôt ayant de la terre sous leurs semelles – ne sont eux que le fait et le fruit de ces valeurs et de ces mythes, ce qui donne finalement une certaine prévisibilité et une lisibilité certaine à la politique étasunienne, ces mythes et ces valeurs, même uniquement théoriques – grandeur, liberté fierté, confiance en soi, démocratie, tradition, … – étant les repères incontournables de l’américain quel qu’il soit… La politique des Etats-Unis n’est donc pas que celle du « gros bâton », que celle du « World is ours ! » ou du manichéisme des relations internationales. Elle n’est donc pas que celle des intérêts financiers ou énergétiques ; elle est bien plus que cela !

 

Pour ce qui est de la puissance américaine, outre le fait qu’ils auraient tort de se priver dès lors qu’ils trouvent des couillons prêts à jouer leur jeu à tout moment – y compris sur les places financières –, il faut bien garder à l’esprit que les Etats-Unis sont autant puissants de par des facteurs endogènes que du fait de la faiblesse de leurs partenaires et/ou adversaires ; et ils seraient bien bêtes de se gêner en n’en profitant pas, et ce d’autant plus qu’il existe dans ce pays une réelle politique d’accueil des élites et des cultures de l’autre (ici, les concepts de melting pot ou de salad bowl n’interviennent pas), contrairement à une Europe qui tend de plus en plus à être frileuse en ce domaine, même si la France semble vouloir changer sur ce point ces derniers mois… Et ceci fait que les Etats-Unis ne sont pas aussi indifférents qu’il y semble à l’avenir et aux problèmes de la planète, notamment en matière d’éducation, même s’il est évident qu’ils cherchent, mais c’est normal pour un Etat se voulant puissance, à intégrer dans les systèmes éducatifs des autres Etats leurs propres valeurs. Les Etats-Unis semblent en fait plus s’accommoder des situations actuelles de crise que les dominer, les organiser ou chercher à les contrôler car, tirant leur pouvoir de leur puissance économique et de leur avance technologique, ils ne cherchent pas véritablement à s’encombrer de problèmes qu’ils jugent à la fois onéreux et ingérables. Cette attitude psychologique, mais aussi très pragmatique, permet peut-être de comprendre l’apparente réticence des Etats-Unis face à des questions telles que le changement climatique, non par désintérêt ou par nombrilisme économique, mais par peur à la fois de ne pas pouvoir en contrôler le processus de règlement et, plus encore, de ne pas pouvoir arriver à la solution du problème ; on voit les coups portés à la crédibilité des Etats-Unis non pas par l’intervention en Irak mais par les difficultés qu’ils ont à sortir de la crise, ne maîtrisant pas le concept de gestion des sorties de crise, et ce au contraire de la France qui pourrait ici aider son allié le plus naturel… Enfin, comment oublier que les Etats-Unis ont réussi à mettre dans la tête des scientifiques et des chercheurs que seuls les articles rédigés en anglais seraient de qualité ? Faut-il voir dans l’action des instituts de Hong-Kong à faire croire que seules les Universités asiatiques sont valables une action du même type ? à nos dirigeants d’arrêter de foncer tête baisse dans le panneau ! Mais les Etats-Unis sont aussi peut-être les seuls à respecter socialement et à ne pas refuser de payer largement les savants ; c’est peut-être là que réside la vraie « supériorité » de leur science, en donnant aux vrais chercheurs de vrais moyens, tout en les associant aux bénéfices…, une dimension à la fois psychologique et financière de puissance…

 

Il ne faut pas oublier non plus que si les Etats-Unis sont puissants, c’est aussi parce qu’ils se donnent les moyens de cette puissance ; ainsi, proportionnellement, ne consacrent-ils pas deux fois plus que la France en budgets à la recherche, à la défense ou aux moyens d’intervention extérieure, ces financements publics créant paradoxalement de l’emploi dans ce pays ? De même, malgré ce que l’on dit, l’éducation n’est-elle pas une vraie priorité de leur politique (cf. les progrès dans le domaine de l’enseignement pré-universitaire depuis quarante ans), et ce même si une part significative de cette éducation est privée, mais avec de telles possibilités de bourses pour ceux « qui en valent ou s’en donnent la peine », favorisant à la fois la culture de masse et la circulation des élites, … ainsi que les succès dans ces guerres modernes que sont les sports professionnels et/ou olympiques. Les Universités américaines n’ont pas particulièrement mauvaise presse que je sache.., et pas qu’en économie ou en business !

 

Paradoxalement, ce serait plus une peur d’échouer qu’une peur d’agir qui limiterait l’action internationale des États-Unis, une peur de l’échec pouvant remettre en cause leur image de leader mondial, et, plus encore, l’image qu’ils se font eux-mêmes d’eux-mêmes ! Ce seraient peut-être donc plus des phénomènes de peur – ou plus exactement de crainte : crainte d’échouer, crainte de perdre de l’argent, crainte de se déconsidérer à leurs propres yeux, etc… – qu’autre chose qui conduiraient les Etats-Unis à certaines non-actions ou oppositions a priori incompréhensibles… Et, par réflexe de « peur », ils chercheraient à effacer le problème, à l’ignorer, bref refuseraient de le voir ! Les Etats-Unis, forts en apparence et à l’externe, ne seraient-ils pas en fait fragiles à l’intérieur, en eux-mêmes, dès lors qu’ils se trouvent confrontés à leur propre image, d’où aussi ce besoin de toujours rechercher des appuis, des alliés pour se conforter dans leur propre reflet psychologique. Sans une reconnaissance extérieure, quelle qu’elle soit, les Etats-Unis ne peuvent pas agir, se sentant paralysés par et en leurs propres mythes, sachant qu’ils ne peuvent, malgré leurs formidables moyens financiers et techniques, les surmonter, ou du moins le croyant…, d’où aussi le besoin perpétuel d’un autre ennemi !

 

Les Etats-Unis faibles ? Et pourquoi non, d’autant plus que l’une des plus grandes forces qui soit est la conscience de sa faiblesse ? Car, quand ils se sentent confortés par un soutien, par une image « belle » renvoyée par un extérieur, ils peuvent faire beaucoup, y compris ce qu’ils auraient pu faire tous seuls ! Et si l’image vraie des Etats-Unis était celle renvoyée par le s héros de L’homme qui tua Liberty Valance ? ou encore par le Henry Fonda de Mon nom est personne ? L’important n’est pas ce que l’on est, mais l’image que l’on donne aux autres, tout en se respectant soi-même… Fragiles, mais dangereux, car une telle attitude peut les conduire à des réflexes de peur, donc souvent à des réactions incontrôlées… Il faut donc toujours les rassurer, comme des enfants intelligents qu’ils sont, en leur montrant leur propre grandeur à l’aune de leurs propres valeurs, valeurs qui furent les nôtres voici encore pas si longtemps… Et l’on peut être certain dans cet esprit que l’immense majorité des étasuniens a été au moins aussi choquée que nos propres opinions publiques par les inadmissibles exactions et tortures commises par une poignée de militaires dévoyés en Irak, car c’est l’image même qu’ils ont d’eux-mêmes qui a été salie… Et, à ce propos, n’oublions pas que les démocraties ne cachent pas, ne taisent pas ces violations des droits les plus élémentaires, a contrario de biens des Etats qui se voilent dans une fausse pudeur outragée !

 

Bref, pour obtenir beaucoup des Etats-Unis, faut-l s’y heurter – ce dont nul n’a les moyens, même d’un pouvoir d’équilibre du fait de la masse critique atteinte, faute d’une Europe politique unie et réelle – ou ne vaut-il mieux pas les rassurer – tout en leur disant franchement ce que l’on pense d’eux –, et leur présenter un miroir où ils pourront se regarder les yeux droits dans les yeux, avec fierté… ? Grandeur et faiblesse d’un imperium, mais dans tous les cas un grand atout pour celui qui saura leur montrer sa et leur puissance, avec confiance, avec certitude, et, dès lors, les Etats-Unis peuvent être le plus fidèle et le plus utile des alliés, un moteur décisif de l’action du monde vers le mieux… Pas de flatteries – surtout pas ! –, mais une assistance à leur faire prendre confiance en eux… Un Etat complexé comme aucun autre, à la fois par un complexe d’Oedipe vis-à-vis de l’Europe et par l’image dure à porter qu’ils se sont forgés d’eux-mêmes. Les Etats-Unis sont en fait un immense héros shakespearien, avec ses faiblesses, mais aussi ses grandeurs…

 

Gardons nous donc bien de sombrer tant dans l’américanisme béat, que dans l’anti-américanisme primaire, car les Etats-Unis sont forts, mais aussi car ils peuvent être les plus fidèles des amis, prêts aux plus grands des sacrifices, comme ce fut le cas en 1917 puis en 1944, car rien finalement ne les aurait gênés à ne pas intervenir en Europe – ce que préconisait par exemple un Lindbergh –, si ce ne sont justement les valeurs et les mythes qui sont le ciment même de l’unité e de la puissance étasunienne… Et le sacrifice des Boys aurait encore lieu aujourd’hui, malgré les divergences politiques, divergences qui tendent d’ailleurs aujourd’hui à s’effacer, même si le discours reste ferme !

 

Il faut donc dépasser les clichés e se pencher sur le berceau de cet « enfant » puissant qui est en fait le nôtre, comme une mère, fragile, frêle, ridée peut-être, se penche, même vieillie, sur son enfant pour l’embrasser et le rassurer même s’il est devenu adulte, sur cet enfant qui a confiance instinctivement en elle et est prêt à tout pour elle contre son amour qu’elle lui donnera malgré toutes les vicissitudes de la vie… Les Etats-Unis ont un éternel besoin d’amour et de reconnaissance – ce qui peut les conduire irrationnellement à des crimes passionnels – dans leur perpétuelle adolescence renouvelée et maintenue par leur ouverture culturelle et aux autres, car, au-delà des apparences premières, les Etats-Unis sont le peuple par excellence de l’ouverture aux autres cultures qui lui servent à forger leur propre culture dans une soif permanente d’apprendre et de grandir. Regardons bien… Y a-t-il une culture étasunienne, par delà les clichés Coca-Cola ou Mac Do ? Cette culture n’est-elle pas plutôt, comme sous-entendu dans la première partie de mon propos, une sublimation, certes parfois malhabile mais réelle, de toutes les cultures du monde, le WASP étant aujourd’hui dépassé ?

 

Reste que comme tous les adolescents, il arrive aux États-Unis de faire des bêtises, avec candeur, sans le vouloir, ou alors pour s’opposer au père qui est ici le monde dont ils sont issus comme terre d’immigration, bref à la « Vieille Europe »… A nous de ne pas nous dérober à notre tâche maternelle, à ne pas renoncer comme le font ces parents de certaines banlieues, d’autant plus que, même si ils le cachent par une fierté gamine, les Etats-Unis sont à notre écoute, sont en attente de nous ! Ils sont toujours en quête d’une reconnaissance, et c’est ce qui les fait agir, là où nous hésitons à le faire, engoncés dans les oripeaux d’une philosophie grecque aujourd’hui dépassée ; toujours jeunes et renouvelés, les Etats-Unis osent agir par empirisme pratique, ne cherchant pas toujours à justifier a priori par des modèles théoriques – même si le cadre théorique reste fort – si ça marche avant de faire, se fiant en cela à leurs propres sensations nées d’une culture en perpétuelle ébullition et de valeurs statufiées ! Œdipe et Shakespeare, voilà peut-être les seules clés des Etats-Unis !

 

Pour finir, il reste une évidence trop souvent passée sous silence : les Etats-Unis ont en permanence besoin du monde pour assumer leur puissance. En effet, pour compenser leur déficit commercial chronique, leur dette publique phénoménale et leur déficit énergétique, ils ont en permanence besoin du monde… Et c’est aussi pour assurer leur propre indépendance qu’ils cherchent à s’assurer le contrôle direct ou indirect de ce même monde.

 

Enfin, pourquoi taire que l’Union européenne, lorsqu’elle le veut bien, peut s’imposer aux Etats-Unis eux-mêmes ! Sans même parler de la réussite trop souvent oubliée par nos média des démarches françaises dans le cadre de la résolution de la crise yougoslave – bien plus salue par les dirigeants étasuniens que par notre propre presse – ou dans la négociation relative à l’Iran où l’on veillât bien à ce que nul ne perde la face, il suffit de regarder la condamnation par la Commission européenne de l’accord britannico-américain en matière de transport civil aérien, décision s’imposant au marché interne étasunien ! A méditer…

 

Pour finir, un rappel sur la vision qu’avait Georg Bush jr de la pensée politique des Etats-Unis. L’architecture classique de l’action militaire contemporaine s’articule autour de trois grands axes : la stratégie, l’opératique/logistique et la tactique. L’ensemble de la pensée politique et extérieure de Bush s’articulait autour de ces trois axes majeurs, ou plus exactement entre ces axes que l’on pourrait concevoir comme superposés. Et Barak ne semble pas en remettre en cause les grandes lignes, si ce n’est en sa distanciation à Dieu. àVoir le tableau de synthèse sur la philosophie géopolitique des Etats-Unis selon Georg Bush jr (© Serge Bonnefoi (Marseille, 2008) sur : http://www.cite-catholique.org/viewtopic.php?f=9&t=11068&p=111167#p111167

 

 

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11 janvier 2010 1 11 /01 /janvier /2010 15:48

Aujourd'hui - et comme cela a déjà été vu dans le cas de la globalisation économique - les schémas classiques sont comme inversés. Hier, la primauté revenait au couple défense/institutions, d'où découlaient la société, puis l'argent. Aujourd'hui, c'est l'inverse, ce qui fait que le pouvoir régalien est dépassé.

On peut penser au temple de Janus à Rome, mais à un temple où il n'y a plus de murs et plus de toit : ⑴ plus de murs : celui du communisme s'est brisé avec en 1970 l'érosion de la muraille de Chine et en 1989 la chute du mur de Berlin, alors que l'on prévoit pour 2008 le franchissement du mur de la complexité (informatique, économies d’échelle, etc…), entraînant une mutation du capitalisme avec à la fois mondialisation et maîtrise du complexe ; ⑵ plus de toit, avec aujourd'hui des échanges ouverts et un surdéveloppement de l'économie, de l'écologie et de l'information.

Une autre inversion de schéma : hier, 1 commandait et 150 faisaient, alors qu’aujourd'hui 150 commandent et 1 seul fait ! On est passé d'un système pyramidal militaire fondé sur les notions de courage et de caractère à un système fondé sur la coresponsabilité et les échanges. Un exemple : hier, l'élu avait un réel pouvoir directeur incontesté, alors qu'aujourd'hui il n'est que le responsable auquel tous ont recours, dont tous exigent, sans même savoir s'il a le pouvoir, les compétences et les moyens ! On doit donc pour y faire face en revenir à l'idée nouvelle de gouvernance, qui était déjà chère à Rabelais qui écrivait en 1534 dans la bouche de l'envoyé de Pichrochole : Par bien gouvernée l'eut augmentée, par me piller sera détruite ! Or, la « bonne gouvernance » est la seule solution et il faut bien voir les réalités en face. Mais « on » ne veut plus prendre de risques alors que le risque est partie inhérente de la nature humaine.

Évoquer le risque est doublement nécessaire, car le risque est aussi élément matériel et élément de l'âme, puisque, s'il peut traduire une situation strictement perceptible, il est aussi, comme l'affirmait Simone Weil  l'un des quatorze  besoins essentiels de l'âme, au même titre que l'ordre, la liberté, la responsabilité et la sécurité (S. Weil, L'enracinement, Gallimard, Paris, 1995, coll. Folio Essais [1ère éd. : 1949]), autant de principes clés de la prise en compte de l'environnement. D'ailleurs Simone Weil donne une définition générale du risque qui peut être considérée comme l'une des plus précises, car recouvrant l'ensemble des natures du risque (accident/erreur ; matériel/âme) : Le risque est un danger qui provoque une réaction réfléchie ; c’est-à-dire qu’il ne dépasse pas les ressources de l’âme au point de l’écraser sous la peur (L'enracinement, op. cit. p. 49).

Ainsi, avoir conscience de l'existence ou de l'imminence d'un risque ne signifie pas renoncement, abattement, abandon devant la peur, mais bien au contraire engagement, responsabilité et courage, c'est-à-dire abandon de la fatalité et recherche de réponses à des situations plus ou moins menaçantes pour l'avenir.

Prenons le cas des risques environnementaux. Avoir conscience des risques qui pèsent sur l'environnement ne signifie pas - et ne doit pas signifier - repli sur soi et irréversibilité de situations matérielles et/ou éthiques, mais bien au contraire mise en œuvre d'actions individuelles et/ou collectives, conscientes et/ou inconscientes, visant à préserver l'environnement. La perception même du risque par les individus est aujourd'hui faussée par les imprécisions; ainsi, à titre d'exemple, l'opinion publique a été le plus souvent sensibilisée aux problèmes spécifiques des atteintes à l'environnement suite à l'épidémie de Minamata en 1959, aux marées de noires du Torrey-Canyon en 1967, de l'Amoco-Cadiz en 1978 et de l'Exxon Valdez en 1985, par les catastrophe de Mexico-City et de Bhopal en 1984, aux accidents de Seveso en 1976, de Love-Canal en 1980 et de Bâle en 1986 -tous liés au risque chimique-, conduisant les populations à accuser systématiquement l'industrie chimique, alors même que le risque chimique - pourtant bien réel, l’explosion de l’usine AZF à Toulouse étant là pour nous le rappeler - n'est qu'en position moyenne quand aux risques réels qu'il est susceptible de présenter pour l'anthroposphère, ce qui démontre les dimensions du problème comme le démontre le tableau suivant (sur la base de données récoltées dans divers ouvrages, dont : Fr. Ramade, Les catastrophes écologiques, Mc Graw-Hill, Paris, 1987) :

 

 

Classement

 Type de catastrophe

Indicateur d'impact

 

        1

Hiver nucléaire

            590

 

        2

Changement climatique

            296

 

        3

Surpopulation

            216

 

        4

Pollution biologique

            210

 

        5

Déforestation

            157,5

 

        6

Sécheresse

            107,5

 

        7

Pollution nucléaire

            103

 

        8

Érosion des sols

              97

 

        9

Froid exceptionnel

              70,5

 

      10

Accident chimique

              67

 

      11

Inondation

              51

 

      12

Raz-de-marée

              33,5

 

      13

Volcanisme

              27,5

 

      14

Cyclone

              27

 

      15

Tremblement de terre

              22,5

 

On ne saurait donc s'étonner que le législateur français ait pris en compte prioritairement cette perception des atteintes potentielles à l'environnement dans sa mission d'organisateur du système légal français. On remarquera cependant que les très nombreux textes qui ont été promulgués depuis les années soixante-dix en matière d'environnement, notamment les grandes lois fondatrices du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature, du 15 juillet du 15 juillet 1975 sur l'élimination des déchets, du 19 juillet 1976 sur les installations classées pour la protection de l'environnement, ainsi que les textes organisation la lutte contre les pollutions - comme la loi n. 92-3 du 3 janvier 1992 - ou encore la loi du 12 juillet 1977 sur le contrôle des substances chimiques sont essentiellement tournées vers la prévention des dommages et la police de l'environnement -surtout dans ses relations avec la chimie-, les dispositions particulières à la responsabilité civile étant quasiment inexistantes, alors que celles relatives à la responsabilité pénale sont d'apparition tardive. Pourtant, à y regarder de plus près, on s'aperçoit facilement que l'impact de ces lois sur la situation des entreprises dont l'activité crée des risques pour l'environnement et qui, de ce fait, sont exposées - toutes ces entreprises et non les seules relevant du secteur de la chimie - à voir leur responsabilité engagée par les victimes éventuelles, n'est nullement négligeable, bien que le plus souvent indirect (Viney, « Les principaux aspects de la responsabilité civile des entreprises pour atteinte à l’environnement », in : La Semaine Juridique [J.C.P. Éd. G], 1996, n°3, I, Doctrine, 3900, page 39).

C'est sur la seule notion de risque qu'a insisté le Sommet de Rio, un accord ayant été réalisé sur la base des deux principes, intuitivement raisonnables, de précaution et d'efficacité économique, qui sont confondus même si l'on en perçoit de façon évidente le caractère potentiellement contradictoire (- Ch. Stoffaës dir., L'économie face à l'écologie, La Découverte/La Documentation française, Paris, 1993; - Nature-Sciences-Sociétés, n° 2(3), 1994, pp. 202-211). La coexistence délicate de ces deux principes leur interdit ainsi de fournir des garde-fous minimaux contre des décisions ou des non-décisions non maîtrisées, ce qui rend le principe inefficace, sélectif et politique, donc aboutit à une application trop sélective et surtout trop soumise aux négociations, aux tractations, aux « ayatollahs » de l'écologie.... On en arrive, par opposition à un mode de décision séquentiel se réservant des marges de manœuvre à chaque étape pour les suivantes et réévaluant les options d'étape en étape, à une technique d'actualisation gelant et enfermant le futur; on en arrive à une opposition très nette avec le principe, pourtant fondamental, de l'analyse cycle de vie, par négation des principes fondamentaux et premiers de la vie qui sont l'évolution et l'adaptation permanente.... Cela ne signifie cependant pas qu'il faille faire n'importe quoi ou qu'il faille faire trop vite, dépassant ainsi les facultés d'adaptation de l'homme et de la nature, donc conduisant tant l'homme que la nature à leur perte... Cela signifie qu'il faut oser, mais avec conscience, oser en gardant à l'esprit le « mode d'emploi » de la Terre et de l'homme, ce « mode d'emploi » nous ayant d'ailleurs été donné par Dieu lui-même avec le Décalogue.... Ne soyons pas des grenouilles à l'œil sélectif ne retenant que les aspects négatifs ou risqués du progrès; soyons simplement des hommes conscients de leurs responsabilités et de leur mission terrestre, même si cela est difficile, même si cela impose en permanence de s'opposer aux contradictions de la nature humaine, qui est tout sauf rationnelle, et de surmonter les difficultés scientifiques, technologiques, idéologiques se présentant, tout en distinguant les pollutions réelles des pollutions imaginaires, voire quasi mythologiques...

Il faut donc, pour bien appliquer le principe de précaution, qui est fondamental en matière d'environnement, rechercher les garde-fous nécessaires, en revenant sur la nature logique du problème décisionnel posé, tout en recherchant, à partir d'un modèle à visée purement heuristique - la précaution échappant à la certitude scientifique, tant est-il que cette dernière existe -, à démontrer que seule une approche séquentielle de la décision peut lui donner un contenu opératoire tout en se prémunissant contre des décisions économiquement ou politiquement arbitraires. Il faut donc avant toute application - hormis certains cas d'urgence - chercher à savoir sur quels éléments théoriques et pratiques il est possible de le faire reposer pour en déduire des modes opératoires d'application, tels des niveaux incitatifs de taxes, des provisions pour risque environnemental, l'édiction de textes... Si dans une simple logique économique la solution réside dans un accroissement du prix du bien à un taux supérieur au taux d'actualisation, cette simple méthode est en fait insuffisante car pouvant être détournée au profit de certains sous des pressions mercantiles ou plus prosaïquement politiques.

Dans tous les cas, aujourd’hui, l’homme ne veut plus prendre de risques dans sa vie - y compris la plus intime -, et il attend tout de l’autre à qui il reproche toujours de ne rien faire, que cet autre soit l’élu « toujours corrompu », le fonctionnaire « toujours fainéant », l’enseignant « toujours en vacances », le policier « toujours méchant », … On veut une petite vie « pépère », bien repliée sur son seul ego, sans risques surtout, bien aseptisé ; la meilleure démonstration n’en est-elle pas cette religiosité du « libre-service » qui semble émerger : on prend ce qui plaît, on jette le reste, et surtout pas d’efforts, et vive la religion « Kleenex »… Or, le risque est un besoin existentiel de l’âme comme le disait Simone Weil…

 

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