L’identité est souvent perçue comme présentation des mêmes qualités, ou encore caractère d’un être assimilable à un individu type, ou encore égalité mathématique. Or, ici, avec l’identité nationale, avec l’identité en politique, identité est morale : identité de droit, particularisme de la nation ou du mouvement, mais sans jamais rien préjuger à l’égard de l’individualité ou de la personnalité de l’être dont il s’agit. En fait, il sera utile de repenser à l’identité personnelle dont parle Hume en appliquant cette dernière à l’être collectif qu’est la nation (cf. notamment le Livre I de son Traité de la nature humaine).
Est-ce un gros mot que de parler non seulement d’identité nationale, mais aussi d’identité tout court ? Non ! … Alors, juste un petit effort de mémoire… Déjà, écoutons beaucoup d’élus de gauche parlant de la nécessité de respecter, de relancer l’identité de la gauche, voire l’identité nationale tout court… Mais revenons à quelques exemples que nous devrons garder à l’esprit…
Le Parti socialiste a créé à l’usage de ses militants une collection intitulée L’esprit du socialisme. Et que lit-on à son propos sous la plume de Gérard Delfau, à l’époque délégué général du PS à la formation ?
« Au lendemain du congrès de Pau, nous lancions le thème de l’identité du P.S. comme base de la formation de ses militants. Pendant deux ans cette formule, si vite devenue familière, dut appliquée surtout aux trois axes fondamentaux que sont l’Union de la gauche, le Front de classe, l’autogestion. (…) Il faut à présent faire un pas de plus et enraciner notre identité dans le patrimoine du mouvement socialiste depuis un siècle. » (Gérard Delfau, in : Léon Blum, Discours de Tours, Parti Socialiste formation, 1977, page 2 de couverture)
Ainsi, à son propre propos, à propos de sa propre pensée, le Parti socialiste n’hésite pas à évoquer les notions d’identité, de patrimoine, … Il en fait même une base, une formule familière ! Et ce qu’il admet à son propos, ce qu’il admet pour la Nation socialiste, autre terme historique, il le dénie à la France elle-même ! Ceci est quant même surprenant ! Ce paradoxe a d’ailleurs été soulevé par Jean-Pierre Chevènement, mais aussi par des penseurs socialistes tels que Roger Sue et Alain Caillé… Il est vrai aussi que beaucoup ont surtout, outre les traditionnelles querelles partisanes que la France ne sait surmonter, voulu défendre une conception autre de la France et de la nation ! Peur des socialistes que ce débat ouvre les yeux des électeurs du Front National, les débarrasse de leurs peurs et les ouvrent à la fraternité, vidant ainsi ce parti de ses électeurs, le privant ainsi de son rôle d’épouvantail inventé par François Mitterrand ? Peur des socialistes de voir enfin la France réunifiée autour des valeurs de la République, qui ne sont pas celles du socialisme, la simple relecture de Léon Blum, voire même du programme de Suresnes le démontrant ? Souvenons-nous de Mitterrand parlant en 1972 de ceux qui prennent conscience de l’identité profonde de leur condition (cité in : L’OURS, Janvier-juin 2011, page 182) ? Mitterrand peut parler de l’identité de classe pour lutter contre ce qu’il appelle la droite, mais pas l’UMP ? Sans même parler du Président François Hollande parlant d’intérêt national, d’élan patriotique devant les caméra de TF 1 le 9 septembre dernier, sans que personne ne s’indigne à gauche ? Deux poids, deux mesures ?
Rappel : « (…) Je n’y reviendrai pas. Il n’y a pas un seul socialiste qui consente à se laisser enfermer dans la légalité. (…) Je dis qu’il n’y a pas le moindre rapport entre l’action illégale sur laquelle nous sommes, je le répète, tous d’accord, et l’action clandestine, sur laquelle nous sommes loin d’être d’accord. La preuve que les deux notions ne coïncident pas, c’est qu’à l’heure présente le Parti français reconnaît la légitimité de l’action illégale et qu’il ne connaît pas encore d’organisation clandestine. (…) Un système socialiste se juge avant tout à sa conception révolutionnaire parce que la conception révolutionnaire est l’essence de toute doctrine socialiste. (…) La doctrine du Parti est une doctrine révolutionnaire. Si quelqu’un y manque, si quelqu’un y a manqué, c’est aux militants, aux Fédérations, aux Congrès, à appliquer les sanctions que le règlement prévoit. (…) Je ne connais qu’un socialisme, le socialisme révolutionnaire, puisque le socialisme est un mouvement d’idée et d’action qui mène une transformation totale de régime de la propriété, et que la révolution c’est, par définition, cette transformation même. (…) Révolution, cela signifie, pour le socialisme traditionnel français : transformation d’un régime économique fondé sur la propriété privée en un régime fondé sur la propriété collective ou commune, voilà ce que cela veut dire. C’est cette transformation qui est par elle-même la révolution, et c’est elle seule, indépendamment de tous les moyens quelconques qui seront appliqués pour arriver à ce résultat. Révolution, cela veut dire quelque chose de plus. Cela veut dire que ce passage d’un ordre de propriété à un régime économique essentiellement différent ne sera pas le résultat d’une série de réformes additionnées, de modifications insensibles de la société capitaliste. » (Léon Blum, Discours de Tours, 29 décembre 1920). On a dans ce discours de Tours beaucoup d’éléments qui sont contraires aux valeurs de la République, ne serait-ce que l’illégalisme et la remise en cause de la propriété ! Pourtant les socialistes continuent, par exemple dans la motion Harlem Désir au congrès de Toulouse 2012, de se référer aux valeurs de la République telles que les concevaient leurs pères…
François Hollande lui-même, et tout le Parti Socialiste avec lui, avait d’ailleurs reconnu la nécessité de l’identité républicaine française, y associant d’ailleurs la … nation, en proclamant :
« C'est la France - depuis la Révolution - qui a défini avec le plus de force une conception de la nation qui en fait avant tout une " communauté de citoyens ". L'identité républicaine française s'est fondée sur une aspiration universaliste qui lui a fait repousser toute définition de la nation par la race, la religion, la géographie, la langue même. La formule de Renan, " un vouloir vivre ensemble ", a été et demeure celle de tous les républicains. Les droits sociaux, qui complètent et accomplissent la citoyenneté politique, ont été acquis dans ce cadre national. L'État nation n'a pas effacé les diverses appartenances locales, professionnelles, communautaires parfois, mais il a su les dépasser, les faire coexister par le respect de la laïcité. Les autres nations européennes ne s'appuient pas sur la même logique : la tradition anglaise fonde son État avant tout sur la défense des libertés individuelles, la tradition allemande sur l'existence d'un peuple fondé sur la culture et la langue ; elles n'ont pas construit souvent la même relation étroite que la France avec leurs États, mais elles ont rempli des fonctions semblables. » (Vouloir une Europe de gauche, texte présenté par François Hollande, la direction nationale du PS, et adopté par le Conseil national du PS le 1er mars 1999)
Quel démocrate a dit autre chose ?
Un autre exemple de la large utilisation par le Parti Socialiste de la notion d’identité ?
« Les effets de la révolution technologique, de la mondialisation économique et financière ainsi que la disparition des blocs antagoniques, sont très importants dans le cadre où se réalise la démocratie et la souveraineté : l'état nation. (…) Dans les processus de décentralisation vers le haut et vers le bas, l'Etat Nation est le véritable garant de la cohésion de ces ensembles. (…) [Décentralisation] vers le bas, dans des processus de répartition territoriale interne du pouvoir, à la recherche d'une plus grande souplesse, d'une plus grande proximité de l'électorat et, parfois d'une plus grande adéquation aux identités diverses. Le critère de subsidiarité commence ainsi à servir de guide à la répartition du pouvoir, mais on sous estime encore les critères d'identité et de cohésion des ensembles qui en résultent, et le fait que les risques de désintégration sociale et territoriale peuvent augmenter. (…) La Solidarité, en tant que valeur qui définit notre identité. (…) Rien de plus naturel dans un courant historique pluriel et démocratique, respectueux des identités de chaque pays, et des priorités immédiates de chaque moment historique dans les sociétés nationales. (…) Sur ces bases, nous développerons des programmes nationaux, adaptés à nos identités propres, … (…) La révolution technologique, dans sa neutralité intrinsèque, offre des possibilités inédites au bénéfice du genre humain, en même temps qu'elle engendre des menaces pour son intimité, sa dignité et son intégrité, et pour son identité culturelle, valeurs que nous avons l'obligation de sauvegarder. (…) Diverse et ouverte dans les instruments pour arriver à ces objectifs, d'accord avec les priorités immédiates et les identités des sociétés auxquelles nous nous adressons. (…) avec des intérêts et des identités de civilisations communs, compte tenu de la diversité culturelle. (…) C'est la responsabilité de la politique d'avancer vers un nouvel ordre international qui garantisse la paix et la sécurité, en respectant la diversité des identités, en apprenant à partager des valeurs différentes mais dans le respect des droits humains universels. (…) Les droits de l'Homme et l'expansion de la démocratie, dans toutes les parties de la planète et toutes les identités culturelles, sont les aspirations fondamentales de la gauche que nous représentons. » (Parti Socialiste, Déclaration de Paris, Pour une société plus humaine, pour un monde plus juste, document disponible sur le site Internet du Parti Socialiste)
Là, nous avons droit à l’identité à toutes les sauces, dans toutes ses dimensions : nationale, culturelle, socialiste, régionale, valeur, etc., et même insistance sur le concept d’Etat-nation ! Et que penser de ce journaliste de gauche demandant le 18 septembre 2012 sur France-Info que l’on rende son identité à la gauche ?
Prenons un autre exemple, toujours à Gauche, celui d’Olivier Besancenot, si prompt à dénoncer le débat sur l’identité nationale pour la France… Or, que nous apprend t-il ? Eh bien il écrit que la question de l’identité nationale se pose lorsqu’un peuple prend conscience de son existence en tant que nation, en tant que groupe d’hommes et de femmes qui veulent vivre ensemble, et bâtir une destinée commune (Olivier Besancenot, Révolution ! 100 mots pour changer le monde, Flammarion, 2003, page 108). Il parle non seulement d’identité nationale, mais il offre aussi une définition de la nation que nous pouvons très bien reprendre à notre compte ! Alors ? Ce qu’il admet pour les autres, ce qu’il admet contre les Etats occidentaux, pourquoi le dénie t-il à la France ? Ce qu’il admet pour cimenter sa révolution anticapitaliste, il le dénie à toute démocratie souhaitant défendre sa cohésion interne ! C’est là encore sidérant…
Notons maintenant à propos du Parti Communiste Français que Maurice Thorez évoquait très souvent les concepts d’intérêt national, de défense de la nation ou encore d’unité de la nation dans ses discours. Par exemple, dans son discours au Plessis-Robinson du 23 juin 1957 sur l’école publique, il parlait de combat pour l’intérêt national. Mieux, il disait un peu avant dans ce discours contre la Communauté économique européenne que l’établissement d’une Petite Europe, d’une Europe vaticane (…), ne pourrait pas rester sans répercussions sur les particularités traditionnelles de la vie nationale auxquelles notre peuple est légitimement attaché (…). Est-on loin de l’identité nationale en parlant de particularités traditionnelles de la vie nationale ? Sans autre commentaire… Il est vrai qu’il disait déjà avant guerre à propos du PCF :
« Nous sommes le Parti du peuple, la chair de la chair du peuple de France, de son avant-garde prolétarienne aux si glorieuses traditions. » (intervention au Comité Central du Parti Communiste du 23 juillet 1937),
le PCF renchérissant sur ce discours en écrivant :
« Nul Parti ne peut prétendre, autant que le Parti Communiste, au titre de Parti Français. Nous ne faisons point cette affirmation pour flatter le sentiment national très profondément enraciné dans les couches populaires. Nous faisons cette affirmation parce qu’elle est juste. (…) Montrer combien notre Parti est « la chair de la chair du peuple de France ». (…) Ce qui précède montre que les communistes expriment une incontestable vérité quand ils se considèrent comme les héritiers des traditions les plus héroïques du peuple français. (…) L’objectif final des communistes français : « Une France forte, libre et heureuse. » » (Ecole élémentaire du Parti Communiste Français, Sixième leçon. Le Parti Communiste et les Traditions du Peuple Français, Section nationale d’éducation du Parti Communiste Français, Paris, décembre 1937, pages 1 et 27)
Sans commentaire quant à l’identité nationale induite par le recours massif aux traditions françaises… Signalons aussi à cette occasion le fait que Karl Marx et la philosophie marxiste font souvent appel à la notion d’identité, tant en logique qu’en dialectique (voir par exemple : Sève (Lucien), Une introduction à la philosophie marxiste suivie d’un vocabulaire philosophique, Terrains/ Editions Sociales, Paris, 1980, 2ème éd., notamment pp. 1.7, 1.12, 3.12, 3. 13, 4.12, 4.14, 6.11, 6.17, 6.21 à 6.25, 6.27, 631 (note 82)…)… Mais passons…
Dernier exemple à ce niveau, même si nous sortons du champ de la Gauche… La Charte culturelle de l’Afrique, adoptée par l’Organisation de l’Unité Africaine en juillet 1976 fait clairement allusion, et à plusieurs reprises, à la notion d’identité nationale, en particulier dans son titre II intitulé Diversité culturelle et identité nationale. Notons que son article 5 énonce que l’affirmation d’une identité nationale ne doit pas se faire au prix de l’appauvrissement et de la sujétion des diverses cultures existant au sein d’un même Etat, ce que nul ne peut contester ! L’identité nationale française se doit et ne peut qu’intégrer les cultures régionales en son sein ; Bourdieu lui-même l’admet (« D’ailleurs, sur les problèmes de l’identité régionale, et sur tous les conflits qu’il peut y avoir entre elle et l’identité nationale, il y aurait beaucoup de choses à dire. » (« Questions à Michel Foucault sur la géographie », in : Hérodote, n° 1, janvier-mars 1976, pp. 71-85, cité in : Michel Foucault, Dits et écrits II, 1976-1988, Gallimard, Paris, 2001, coll. Quarto, page 37)) ! Tout comme elle se doit d’intégrer les autres cultures existant sur son sol ! C’était le sens d’un Ministère de l’intégration nationale, justement pour éviter tout appauvrissement et de l’un et de l’autre ; il fallait fondre et non pas fondre, mais nous touchons là aux limites de la langue française qui devient dès lors source de confusion ! Malheureusement aussi, cette idée originelle a été très vite oubliée, alors que fondre au sens premier n’est pas confondre et qu’intégrer n’est pas désintégrer ! Toujours est-il que cet article 5 pourrait très bien figurer dans notre propre corpus constitutionnel, renforçant par là même son équilibre… Signalons aussi ici l’article 4 de la même Charte qui dit que les Etats africains reconnaissent que la diversité culturelle est l’expression d’une même identité, un facteur d’unité et une arme efficace pour la libération véritable, la responsabilité effective et la souveraineté du peuple. Peut-être aurait-on du lancer le débat à partir d’une réflexion sur ces deux articles, sur ces articles 4 et 5 ?
Alors, l’OUA peut parler d’identité nationale, tout comme l’ONU (voir par exemples divers documents de la Conférence de Durban des 31 août/7 septembre 2001, bref de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Ou encore les divers textes du CSNU évoquant l’identité nationale et sa nécessaire défense, soit au sujet du Burundi, soit au sujet de l’Afghanistan pour en rester à ces deux exemples), tout comme l’UNESCO (voir par exemple le Rapport mondial sur la culture Diversité culturelle, pluralisme et conflits de 2000, ou encore le Rapport mondial Investir dans la diversité culturelle et le dialogue interculturel du 20 octobre 2009), dans chaque cas de manière assez positive même si des barrières sont posées, et pas la France ? Même la Cour européenne des Droits de l’Homme évoque, défend et reconnaît l’identité nationale ! (cf. par exemple : - 2 oct. 2001, Stankov et Organisation macédonienne unie Ilinden v. Bulgarie, req. jtes n° 29225/95 et 29221/95 ; 14 sept. 2010, Dink v. Turquie, req. jtes. N° 2668/07, 6102/08, 30079/08, 7072/09 et 7124/09).
Bref, tout le monde peut parler d’identité, nationale ou non, en Europe, tout le monde peut parler de nation, tout le monde peut en parler à Gauche, mais pas l’UMP ? Pourquoi ? Par manque de définition et de clarté de pensée « à droite » ? Par absence constante de toute vraie réflexion philosophique à l’UMP ? Mais avant tout, une autre question : pourquoi aucun des dirigeants de l’UMP n’a-t-il fait référence à ces propos ? Je reviendrai sur ces points en conclusion... Pourquoi aussi avoir laisser passer dans l’opinion sans véritablement se défendre les idées gauchistes déformant la notion d’identité nationale, comme par exemple celles de Gérard Noiriel (cf. :A quoi sert l’identité nationale ?, Agone, Marseille, 2007), alors même que ce dernier ne semble même pas maîtriser l’histoire du droit de la nationalité en la faisant partir de la Loi de 1889, ignorant superbement par exemple les lois révolutionnaires ou encore le Code Napoléon ? Rappelons ici que le rattachement à une nationalité relève du domaine réservé de chaque Etat, comme le rappelle d’ailleurs la Convention de La Haye qui expose en son article 1er le seul principe admis sans conteste par le droit international en matière de nationalité, celui selon lequel il appartient à chaque Etat de déterminer par sa nationalité qui sont ses nationaux. En la matière, les Etats sont souverains, sont seuls maîtres, et rien dans les autres textes ne leur impose autre chose, de la Convention de Strasbourg du 6 mai 1963 à celle du New York du 20 février 1967 en passant par quelques autres ! Comme les Etats sont maîtres de la définition de leur identité nationale, ils sont maîtres de la nationalité de leurs nationaux !
Sinon, il fallait aussi et surtout rappeler à tous une autre raison, fondamentale, du pourquoi de cette question du Président sur l'identité nationale... Elle réside au paragraphe 2 de l'article 4 du Traité sur l'Union européenne qui dit que l'Union respecte l'égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale... Le mot identité nationale figure au Traité, et pas seulement de puis le Traité de Lisbonne, et il impose à l'UE de respecter son contenu ! Ce mot peut être invoqué en justice, tant nationale qu'européenne, tant par l'UE contre la France que par la France contre l'UE, tout comme les citoyens pourraient l’invoquer contre la France dans le cadre de certaines procédures. Il faut donc le définir, malgré tout le définir, afin de donner des armes à la France contre certains excès de la Commission européenne qui en prend parfois un peu trop contre les Etats membres, et tout particulièrement la France. Si nous ne le faisons pas, la Commission européenne s’en chargera à notre place, … et à son avantage ! On peut regretter que le Conseil constitutionnel n’ait évoqué qu’une seule fois cette disposition, et encore sans chercher à définir la notion d’identité nationale, la posant simplement comme inhérente aux structures fondamentales politiques et constitutionnelles des Etats… (cf. Conseil Constitutionnel, décision n° 2004-505 du 24 novembre 2004, JO du 24 novembre 2004)…
Le mot n'était donc pas sorti du néant. Et la réponse n’est donc pas politique au sens politicard…
Pour revenir sur cette question, pourquoi l’UMP a-t-elle échoué dans le cadre du débat sur l’identité nationale ? Comme je l’ai déjà dit par manque de définition et de clarté de pensée « à droite », par absence constante de toute vraie réflexion philosophique à l’UMP, par manque de culture politique de base puisqu’aucun des dirigeants de l’UMP n’a fait référence à l’usage que fait la Gauche des mots nation et identité !
Mais aussi à cause d’un sujet mal posé ! La banalité apparente du sujet à traiter, l’identité nationale, a produit un effet pervers, lié sans doute à la sensibilité de la question même, mais aussi la non préparation réelle du débat, celui de privilégier l’un ou l’autre des éléments. Certains, surtout à gauche, ont privilégié la notion d’identité, mais ils avaient beau jeu de le faire et auraient eu tort de s’en priver, d’autant plus face à l’inculture du « camp d’en face » ; d’autres, surtout à droite, dont certains obnubilés par le Front National, n’ont privilégié que celle de nation, mettant en fait l’identité en sujétion par rapport à la nation, la réduisant à des valeurs normées et à l’opposée de la diversité. Mais, finalement, quasiment tout le monde a négligé la compréhension de l’expression « identité nationale » elle-même et en elle-même. Mais c’était à l’UMP de faire cet effort, pas à la Gauche !
Quasiment personne n’a analysé avec rigueur la locution « identité nationale », esquivant ainsi totalement la difficulté représentée par l’union des deux termes d’identité et de nation. En clair, chacun, enfermé dans son idéologie réelle ou rêvée, a cherché à ramener l’inconnu au connu, omettant ainsi de s’étonner et de se questionner sur l’association de ces deux concepts.
En fait, même lorsqu’elle fut condamnée, la notion d’identité sera le plus souvent restée indéterminée. En revanche, le concept de nation aura donné lieu à des développements en apparence davantage précis, même si trop de propositions de définition en ont été faites, sans que l’on cherche seulement à les approfondir vraiment, ce qui fait que l’idée de nation elle-même s’est retrouvée pervertie par son plaquage sans aucune logique dans le cours d’une problématique précise. Sans parler des confusions permanentes entre ses définitions allemande, française et italienne, entre ses aspects politiques, sociologiques, géographiques, culturels, etc…
Et, ainsi, on a fini par escamoter la notion même d’identité nationale par la confrontation entre contestataires et partisans de l’idée d’identité, entre des contestataires et des partisans de l’idée de nation, sans même rechercher pourquoi ces deux mots se sont trouvés associés, hors les pétitions de principe politicardes, donc par nature réductrices, même si elles se réclamaient fondées sur des réalités et des perçus sociaux.
Politisation a priori du débat, alors même qu’il dépassait la politique pour atteindre au politique, précipitation de la réflexion, manque d’attention au sujet lui-même, manque d’approfondissement critique, absence crasse de toute connaissance des concepts élémentaires d’identité et de nation ont conduit à l’enlisement puis à l’échec du débat !
Qui s’est par exemple posé la simple question de savoir ce qu’était réellement l’identité et de savoir si elle n’induisait pas concernant l’humain l’idée même de différence ? Qui s’est posé la simple interrogation du « qui décide qu’il y a identité », ce qui fait que chacun est resté entre les œillères de son idéologie ou de sa subjectivité, et ce même si les deux concepts, et partant la locution même fixant sujet, sont subjectifs et pluriels !
Il fallait pourtant bien sentir l’un des enjeux majeurs de la question posée par le sujet, à savoir que telle ou telle manière d’affirmer ou de nier l’identité, de juger de la signification et de la valeur de la nation, de plus trop souvent conçue comme synonyme d’Etat ou de somme des citoyens, dévoile inévitablement une certaine interprétation du sens et une certaine conception de la destination de l’homme vivant en société.
En fait, évoquer en quelques débats entre non spécialistes, sans aucune préparation la question de l’identité nationale était quasiment impossible. Il y a en effet deux termes dans cette question, l’identité et la nation, puis l’association de ces deux termes. Et cette question ne devait être ni celle de l’intégration, ni celle de l’immigration, ni celle de la citoyenneté ! Elle était dessine-moi une nation pour paraphraser le Petit Prince… Ce débat n’était pas celui de l’Islam, des minarets, des banlieues, des étrangers, ni même de la définition du « Français », mais de la France elle-même, de la refondation de la République sur les principes de 1789 ! Souvenons-nous de ces paroles de Jean-Pierre Raffarin :
« La question de l’identité, ça ne peut pas être une réflexion de comptoir. Si on veut éviter le populisme, il aurait fallu sans doute qu’on pose intellectuellement la question à un certain nombre de responsables pour avoir une réflexion préalable. »
Or, ce fut un débat de comptoir ; pire, ce ne fut même pas un débat de comptoir !
Ce n’était pas non plus, du moins je l’espère, une psychanalyse collective de la France, ou alors il aurait alors fallu aller jusqu’au bout de cette psychanalyse ! … Une psychanalyse inachevée conduit toujours à des catastrophes ! En effet, ce débat aurait pu être une psychanalyse de la France, car pourquoi le Français se sent-il le plus pessimiste au monde alors même que le bonheur – tant individuel que collectif – n’est pas loin, que le bonheur est possible, malgré les difficultés ? mais alors il aurait fallu qu’il soit posé, au moins dans sa conception, comme un débat visant à nous débarrasser des influences de certains aspects négatifs (car tous ne le sont pas) de Marx, de Nietzsche et de Freud (paradoxalement), aspects négatifs qui ont détruit toutes les valeurs – mais pas forcément celles de la République, loin de là – et fait perdre tous les repères qui faisaient que l’homme était libre et responsable et non pas seulement un individu confronté à d’autres individus dans une simple pensée libérale et individualisatrice ; que l’homme est libre et responsable et non pas cherchant toujours à se réinventer lui-même contre l’autre. Alors, le but de ce débat aurait été de mettre en place une démocratie vraie, plurielle, tenant compte de l’autre et de chacun, bref d’une démocratie de transaction sociale et non plus somme d’intérêts individuels…
En fait, qui peut dire quel était l’objectif de ce débat ? Ses initiateurs eux-mêmes le savaient-ils, le surent-ils ?
Un effort d’explication a priori aurait été indispensable, alors que la surface du débat pouvait être réduite à un groupe de travail… L’ancien débat aurait d’ailleurs dû être préparé par la lecture du Rapport Gaubert d’avril 2009, source de ce travail, mais aussi de sa confrontation avec le Rapport Veil de décembre 2008, et ce a minima, car présupposant que la nation était définie et définissable, et connue par tous comme définie !
Il aurait fallu a priori, après la phase définitrice de l’identité et de la nation, s’efforcer de faire surgir et d’expliciter les paradoxes de l’expression identité nationale, ne serait-ce que par une matrice confrontant les diverses définitions des éléments de la locution sujet… Mais l’impréparation au débat, la non-préparation des militants et des citoyens a conduit à l’échec du débat, de par ses lacunes et ses faiblesses.
A écraser les élites, les intellectuels et la philosophie, fusse t-elle politique, pouvait-il en être autrement de la part de l’UMP ? Dois-je évoquer le mépris élevé au rang de dogme qu’ont les responsables de l’UMP, ainsi que certains militants, des intellectuels, des textes un peu élaborés… La petite phrase, voilà la règle à l’UMP, tout le reste étant qualifié de bla… bla… L'UMP n'a plus rien à voir avec ce qu'était le RPR, avec l'esprit du Gaullisme... L’UMP a-t-elle des Mauriac, des Malraux ??? On a vu où cela à conduit…, et pas seulement l’UMP…
Il fallait en fait mener une démarche intellectuelle en cinq étapes : - approcher ; - déconstruire ; - structurer ; - décloisonner ; définir !!! Sans cela, toute tentative de réflexion sur l’idée de nation et le concept d’identité nationale était inévitablement vouée à l’échec !
Or, ce débat, comme toute une partie de la politique, m’a fait penser à ces quatre recettes de Marc Lambron ("Comment je suis devenu moderne", in : Revue des Deux Mondes, nov.-déc. 1999, pp. 176-179) :
- J'ai renoncé aux principes républicains de mérite, d'effort et d'égalité pour pratiquer la discrimination positive et l'éloge lyrique des cancres ;
- Je revendique le devoir de mémoire et m'épargnant toutefois la fatigue qui naît de l'étude précise du passé ;
- J'ai appris à contracter ma pensée en quelques slogans économiques et frappants. Il me semble que toute expression authentique aboutit aux monosyllabes ;
- J'ai appris à déguiser ma mauvaise foi en expression politique articulée. J'aime dénoncer.
Restait surtout une question indépassable : qui doit être le définiteur de la nation, de la morale et des valeurs qui en découlent ??? Quant on voit que l’UMP détricote et retricote à nouveau sa Charte des Valeurs… Finalement, le PS, avec ses motions, ses courants, ses résolutions, ses contributions à l’occasion de ses congrès, n’est pas aussi idiot, aussi éclaté qu’on le pense ! Cela lui permet d’imposer à ses dirigeants de na pas penser qu’en fonction de leur people rank !