Il faut retenir qu’après ceux de saint Pierre et saint Paul, les deux fondateurs de l’Église visible, de l’Église terrestre, et celui de sainte Marie, le nom de saint André est celui le plus porté par les églises. Selon la revue Rome (n° 214, nov.-déc. 1934, pp. 545-551), on comptait dans la ville de Rome et dans sa banlieue immédiate pas moins de vingt-sept églises dédiées à saint André, dont vingt-trois intra-muros. Ainsi, sans compter les églises dédiées à la Vierge Marie, et mis à part saint Laurent et saint Nicolas, chacun titulaire d’un peu plus de trente églises ou chapelles, saint André aura été le saint auquel le plus d’édifices religieux auront été dédiés dans la Ville éternelle, et le premier des Apôtres, devant même saint Pierre et saint Paul. Et ce nombre est sans compter divers autels ou lieux, tel le pilier de saint André dans la basilique Saint-Pierre…, et sans tenir compte du fait que les lieux dédiés à saint Nicolas ou à saint Laurent étaient souvent bien plus modestes que ceux dédiés à l’Apôtre Protoclet.
Il marque bien la position seconde de saint André parmi les Apôtres témoins et disciples directs de Jésus-Christ –on se souviendra ici que saint Paul n’a jamais été un témoin direct du Christ), position rappelée dans les Évangiles de Matthieu (Mt 10, 2) et de Luc (Lc 6, 14), alors que Marc ne le place qu’en quatrième position (Mc 3, 18), tout comme les Actes des Apôtres (Ac 1, 13). D’ailleurs, même si l’évangile de Matthieu se distingue de celui de Jean quand à la forme de l’appel ou encore quand à son contenu, le premier étant plus événementiel, le second plus spirituel, c’est bien le couple Pierre/André que Jésus appelle en premier ; c’est alors que Simon et André étaient en train de pêcher sur la mer de Galilée que Jésus allait leur dire : Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes (Mt 4, 18-20). Et lorsque Jésus instaure lui-même Pierre comme berger de ses brebis (Jn 21, 15-19), saint André devient d’une certaine manière le premier des Apôtres, de par le ministère extraordinaire de Pierre…
J’insiste, comme saint Augustin (in : Sixième série, troisième supplément, 20° sermon, pour la fête de saint André), sur le tandem inséparable Pierre/André. Saint Augustin insiste sur le fait que les Apôtres vont toujours deux par deux. Ainsi, André va toujours avec son frère Pierre. Mais les liens qui les unissent sont avant tout spirituels. Saint Augustin met en avant saint Pierre, Pierre étant le connaissant, celui qui a reconnu in fine le premier tous les titres du Christ (Mt 16, 15). Saint André a certes le premier reconnu le Messie, le Christ, l’Agneau de Dieu, mais saint Pierre est le premier à reconnaître en Jésus le Fils de Dieu… Il y a bien un tandem Pierre/André, et ce jusqu’à l’envoi en mission des Apôtres ; bref pendant toute la vie terrestre de Jésus. Ils sont inséparables… Est-ce pour cela que le nom d’André ne sera pas plus repris par les Papes que celui de Pierre, car ils sont uniques ?
En complément, on retiendra que selon la Tradition, c’est saint André qui aurait introduit dans le Symbole des Apôtres, la phrase fondamentale : Et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur.
Par delà ce qui précède, qu’est-ce qui fait que saint André ait une telle portée aujourd’hui, notamment dans le symbolisme chrétien, alors même qu’il n’est pas en apparence un personnage clé du Nouveau Testament. Il n’est en effet cité que douze fois dans ce dernier, loin derrière saint Pierre (cité 152 fois sous ce nom, sans compter ses apparitions sont le nom de Simon) ou encore saint Jean (35 citations) ; il apparaît même, en nombre d’occurrences, assez loin après Judas l’Iscariote (21 citations), Jacques fils d’Alphée (20 citations), Jacques fils de Zébédée (19 citations) ou encore Philippe (15 citations) … À première vue, saint André n’est donc pas un personnage majeur du Nouveau Testament. Et pourtant, si l’on y porte quelque attention, il est possible de se rendre compte qu’il est un témoin, et même un acteur majeur de la mission terrestre de Jésus-Christ, tout en sachant toujours s’effacer devant lui : ⒜ il est présent auprès de Jean le Baptiste, donc témoin des prémisses du passage des anciennes à la Nouvelle Alliance (Jn 1, 35-40) ; ⒝ il est le premier à reconnaître le Christ et à le suivre (Jn 1, 40-41) ; ⒞ c’est lui qui amène la toute première fois à Jésus son frère Simon, le futur Pierre du très fondateur Pais mes agneaux ! de [Jn 21, 15-19], à Jésus (Jn 1, 41) ; ⒟ il est témoin des Béatitudes ; ⒠ c’est lui qui interpelle Jésus lors de la multiplication des pains en repérant les cinq pains et des deux poissons du jeune garçon (Jn 6, 8) ; ⒡ il est l’un des Apôtres présents lors de l’annonce de la Gloire et de la Croix (Jn 12, 22-28), étant même avec Philippe l’Apôtre qui provoque cette annonce par Jésus ; ⒢ il est, avec Pierre, Jacques et Jean, l’un des Apôtres présents lors de l’annonce de la ruine du Temple, sur laquelle ils interrogent Jésus (Mc 13, 3), bref juste avant l’annonce du discours sur la venue du Fils de l’homme ; ⒣ c’est lui qui, avec saint Philippe, introduit auprès de Jésus les païens prosélytes de langue grecque (Jn 12, 21-22), donc, d’une certaine façon, toute l’ancienne philosophie qui se rattachera dès lors à la théologie chrétienne, cette introduction étant liée à l’annonce de la Gloire de la Croix.
Il est aussi présent, au même titre que les autres disciples, lors de la plupart des actes de la vie terrestre de Jésus. Il est enfin et toujours là à la Pentecôte (Ac 2, 1ss). Par contre, il n’est pas présent à Gethsémani (Mt 26, 36-46) ; absent certes, mais, dès lors, il ne sera pas de ceux dont Jésus dit l’esprit est ardent, mais la chair est faible (Mt 26, 40), ni de ceux qui auront eu peur de Dieu (Mt 17, 6-7), … ou alors faut-il y voir avant tout une mission terrestre de témoignage des paroles de Jésus ? De même, il n’est pas choisi au moment de la transfiguration (Mc 9, 2-8), les trois mêmes Apôtres étant appelés en ces deux occasions : Pierre, Jean et Jacques fils de Zébédée, alors même qu’il est souvent lié à ces trois Apôtres dans les annonces faites par Jésus…
André est donc un témoin majeur, mais aussi une passerelle, passerelle entre les anciennes et la Nouvelle Alliance, passerelle entre Jésus et saint Pierre, passerelle entre Jésus et les hommes.
Revenons sur la présence de saint André auprès de Jean le Baptiste, car elle montre bien la position de saint André comme passerelle entre les deux Alliances. Souvenons-nous que, comme saint Jean, saint André semble avoir d’abord été un disciple de Jean le Baptiste (cf. Jn 1, 35-42) : Jean se tenait là avec deux de ses disciples ; et regardant Jésus qui passait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. », et les deux disciples l’entendirent parler, et ils suivirent Jésus. Mais, se retournant et voyant qu’ils le suivaient, Jésus leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils dirent : « Maître, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez et vous verres. » Ils vinrent donc et virent où il demeurait, et ils demeurèrent chez lui ce jour-là ; c’était environ la dixième heure. André, le frère de Simon-Pierre était l’un des deux qui avaient entendu Jean et suivi Jésus. Il trouve d’abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie. » Il l’amena à Jésus.
On notera donc que, même avant son appel comme Apôtre, André aura été le premier à reconnaître Jésus comme le Messie… On notera qu’il était aux côtés de Jean le Baptiste, le dernier des Martyrs de l’Ancienne Alliance… On notera que c’est lui qui révèle Jésus à saint Pierre, base de l’Église… On notera qu’il cherche la vérité, et que la première de ces vérités réside dans la recherche de la maison du Christ, de la construction où il vit… On notera aussi la dixième heure, mais nous reviendrons sur le chiffre 10 un peu plus tard… La première question de Jésus concerne sa demeure, tout comme sa dernière concernera la ruine du Temple… Une autre symbolique importante… Du Temple de Jérusalem au Temple de Jésus, à Jésus lui-même, nouvelle symbolique du Temple que chacun est pour son âme et pour son esprit, pour l’Esprit Saint lui-même : Mais Lui parlait du temple de son corps (Jn 2, 21)…
Arrêtons-nous maintenant, avant d’aller plus loin, quelques instants sur le nom André lui même. Ce prénom d’origine grecque était assez rare, mais néanmoins pas inconnu chez les Juifs. Ainsi, on trouve ans le Talmud de Jérusalem un rabbin nommé André (Migd. Perek., 4), alors que Dion Cassius évoque un Juif cyrénéen du même nom (LVIII, 32). Ce nom vient du grec andreios, qui signifie viril, beau, courageux, avec la particularité de ne pas se rapporter qu’au seul homme masculin (cf. Aristote, Politique, I, 13, 3) ; il découle en fait de la racine andr-, qui à trait à l’homme, au courage, et aussi à la beauté, mais principalement la beauté spirituelle, même si cette dernière est inséparable chez les grecs de la beauté physique (cf. les critiques apportées à Platon du fait de sa laideur ). Je citerai aussi deux verbes : ⒜ andreioô, qui signifie rendre homme, faire homme ; ⒝ androô, qui a le même sens, mais plus dans un sens d’élévation, dans celui d’élever jusqu’à l’âge d’homme, jusqu’à l’homme accompli (cf. Platon, Le Banquet, 92a). André est donc tout à la fois l’homme courageux (c’est là le sens retenu par le Breviarum Apostolorum), mais aussi l’homme accompli, ce qui me semble important…
On évoque souvent, à propos de saint André, le chiffre 10. Si l’assertion souvent répandue de sa qualification de dixième Apôtre ne trouve aucun fondement chez les Évangélistes ou dans les Actes des apôtres, il faut se souvenir que, dans son sermon pour la fête de saint André, saint Augustin insiste sur le fait que l’on était près de la dixième heure (Jn 1, 40), lorsque certains des disciples de Jean le Baptiste se mirent à suivre Jésus à l’appel et en réponse à son Venez et vous verrez. N’oublions pas que cet appel est antérieur à cette dixième heure, et qu’ils ne suivirent Jésus vers cette heure que lorsqu’ils eurent vu ! Ceci signifie pour saint Augustin la fin de l’Ancien testament et le commencement du Nouveau. Personnellement, je pense qu’il s’agit plus du passage de l’ancienne Loi à la nouvelle, même si la première n’est pas annihilée, très loin de là (cf. Mt 5, 17-19), du passage des anciennes Alliances (Adam, Noé, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, alliances sacerdotales, alliance royale) à la Nouvelle Alliance du Christ feu divin, lumière absolue (Jn 8, 12). Je pense que la traduction que l’on fait traditionnellement de saint Augustin ne tient pas assez compte de l’idée de rendre témoignage incluse dans les notions de testatio et de testamentum ; peut-être s’est-on trop fié au latin de Cicéron pour ne pas tenir compte du latin du temps de saint Augustin, qui n’est plus le même ! Mais la même erreur quant au temps de l’écrit en latin se retrouve aussi lorsque l’on traduit par exemple Tertullien…
On remarquera en passant que saint André bouge, marche, suit Jésus, ce qui montre bien qu’il reconnaît la Nouvelle Alliance, car la marche, l’envoi, le mouvement sont le point commun de toutes les Alliances, bien plus que le feu : Noé dans son arche, Abraham vers Canaan, Moïse vers la terre promise, … Quand Dieu s’adresse directement à l’homme, ce n’est pas toujours facile à lui de répondre, car il doit se bouger !
Le chiffre 10 se retrouve aussi dans la croix de saint André, croix décussée, croix en X ; le martyre de saint André sur une croix en X n’est cependant attesté que depuis le XII° siècle, et encore dans un texte du XVI°…. Or, X = 10 en chiffre romain… L’X, c’est aussi l’inconnue en algèbre, et l’on peut penser au cheminement de saint André, bref de l’homme s’accomplissant, vers la connaissance de la Gloire du Christ. Cette X, c’est aussi le khi du kérygme… Cette X, c’est enfin la rune liée à la divinité nordique de l’hospitalité, de l’amitié, de la solidarité, du don et de la fidélité ; or, saint André se donne à Dieu, à la fois en suivant Jésus et par sa mort, et, jusqu’à sa mort il Lui reste fidèle, même lorsque Égée, qui l’a condamné, ordonne de le détacher de cette croix : Ne permettez pas, mon Seigneur, que votre serviteur qui est attaché à cette croix pour la confession de votre Nom, en soit délié ; ne souffrez pas que je reçoive cette humiliation (…) ; mais recevez-moi, s’il vous plait, entre vos mains, tout plein de connaissance de vos grandeurs que ce supplice m’a données. Sur sa croix, saint André fait état des connaissances que son aboutissement dans le Christ lui a donné…
En passant, signalons que certains auteurs anciens, évoquent une croix en Y pour le martyre de saint André – notamment chez le pseudo-Hippolyte, qui de plus précise que cette croix en Y était en fait un olivier et ses branches ; autre symbolique que celle de l’olivier... Or, le Y, l’upsilon grec, c’est aussi la rune de vie ! Le symbole que la mort sur la croix n’est pas la mort, mais l’accès à la vie nouvelle ! Mais c’est là encore un symbole ancien, symbole dépassé par la croix de vie sur laquelle est mort Notre Seigneur Jésus-Christ !
Saint André est un homme qui suit son chemin vers la connaissance. Il est l’Apôtre de la recherche de la connaissance et non pas celui de la pénitence comme une tradition médiévale a voulu le transformer… Il fut d’abord disciple de saint Jean Baptiste (Jn 1, 40), donc de l’ancienne Loi portée à son paroxysme, avant de suivre Jésus. Lorsque Jean le Baptiste commença sa mission dans le désert, André ne se contenta pas de l’écouter, puisqu’il devint l’un de ses disciples. Se pénétrant de ses instructions, il cherchait à les mettre en pratique, et il était présent lorsque Jean le Baptiste, voyant passer Jésus qu’il avait baptisé la veille s’écria Voici l’Agneau de Dieu (Jn, 1, 36), et André, plein d’ardeur et de fougue, fidèle à l’accomplissement de la Loi, sut comprendre ces paroles qu’ils furent deux à entendre. Lorsqu’il rencontre le Christ, André détache en fait son cœur de toutes les affections terrestres et y allume le feu de l’amour divin. Il abandonne en esprit notre monde, meurt d’une certaine manière à lui-même, pour se mettre au divin service. Il fut le premier des disciples…
Jean le Baptiste était en effet le symbole de l’ancienne loi et les deux disciples figuraient d’avance l’amour de Dieu et celui du prochain. C’est pourquoi ils quittent Jean le Baptiste pour suivre Jésus, parce que la figure de la loi ayant disparu, le Nouveau testament lui succède, et que, dès lors, commence le règne de l’Évangile de Jésus-Christ. Et, parmi ces deux disciples, on trouve saint André, pas saint Pierre. C’est à ce titre que saint André est appelé le Protoclet, c’est-à-dire le premier appelé des Apôtres, par la tradition grecque.
Notons en passant que tout est en fait double chez André que ce soit sa mission, sa vocation, le fait de suivre Jean le Baptiste, puis Jésus, son tandem avec saint Pierre…
Parmi les ouvrages attribués à saint André, on relèvera : ⑴ les Actes d’André, les seuls qui semblent receler des éléments de vérité, même s’ils ont était malheureusement retouchés au cours des siècles. Toujours est-il que ce texte était connu, lu et utilisé à peu près partout dès le III° siècle. Mais ils eurent à souffrir de leur détournement par les milieux dualistes, notamment les manichéens, par les gnostiques, ou encore par les priscillianistes, cette utilisation entraînant leur condamnation et leur disparition dès le VI° siècle en Occident et le IX° siècle en Orient. Donc, plus que leur fond, c’est la forme de leur utilisation qui conduisit à la condamnation de ce texte. Sa lecture reste donc importante, sous la réserve de connaissances préalables, surtout qu’on y retrouve un certain nombre de points communs avec le platonisme, le néo-pythagorisme et le stoïcisme, ce qui tend à démontrer une certaine authenticité, vus les liens de l’Apôtre avec le monde grec ; ⑵ les Actes d’André et de Mathias, ouvrage apocryphe du VI° siècle ; ⑶ l’Évangile d’André, texte perdu condamné au III° ou au IV° siècle, écrit par deux philosophes, dont Leonidas, également connu sous le nom de pseudo-évangile de Leukios ; ⑷ l’Évangile d’André, texte à visée clairement anti-chrétienne, écrit au XX° siècle par un certain Hubert Lengrand, et fondé sur l’identité Jean le Baptiste/Jésus-Christ ! Je le cite ici car il circule de temps à autre, présenté comme un écrit de l’âge apostolique, et notamment dans un certain café théologique de Marseille. Seul parmi ces écrits, les Actes d’André ont une réelle valeur quasi-canonique. Sans s’inscrire dans le corpus néo-testamentaire, ils sont partiellement admis.
On notera que, selon les archives du duché de Bourgogne, la croix de saint André, rapportée d’Achaïe, fut placée dans le monastère de Weaune, près de Marseille, dont on la retira pour la transporter à l’abbaye de saint Victor, avant 1250, cette croix y ayant été vue jusqu’à la Révolution où elle semble avoir disparu. Toutes les reliques de cette croix que l’on connaît à travers le monde ne sont en fait que des fragments de cette croix.
Une autre tradition rapporte que cette croix se serait échouée sur les rivages de Séon (Sion selon certains documents du XIV° siècle) lors d’une tempête… On notera que le quartier marseillais de Saint-André n’est pas éloigné du tout de ce dernier lieu… On remarquera aussi que la chapelle de Saint-André, à Fos-sur-Mer, fut au Moyen-âge pendant plusieurs décennies détachée du diocèse d’Aix-en-Provence pour être confiée au diocèse de Marseille. Ces reliques ont été remises à l’église orthodoxe de Patras à la fin du XX° siècle. Elles se trouvaient dans la chapelle Saint-André des cryptes de l’Abbaye de Saint-Victor…
On notera en passant que ses restes corporels (selon certains, son corps aurait d’abord été, entre autres, transporté de Patras à Alexandrie avant de partir pour Rome, dont son crâne, reposent aujourd’hui, et ce depuis Pie II en 1462, dans la basilique Saint-Pierre, donc au Vatican… Pierre et André à nouveau réunis au cœur même de la Chrétienté, tout comme ils le sont par un autel faisant face à la Confession de saint Pierre, donc au cœur de la basilique vaticane… Les principales reliques de saint André ont cependant été restituées par le Vatican à l’église de Patras en 1966, alors que le 26 février 2006 le cardinal Etchegaray remettait des reliques de saint André à des responsables orthodoxes pour l’église Sainte-Barbara d’Athènes. Il n’en reste pas moins vrai qu’il semble bien que le crâne de saint André reste présent dans le pilier de saint André de la loggia de la basilique saint Pierre, loggia dont les quatre piliers soutiennent le dôme, juste au dessus de la tombe de saint Pierre…
Il faut aussi noter que, selon certains auteurs, la première loge régulière de la franc-maçonnerie aurait été fondée à Marseille en 1751 par G. Walney, sous le nom de Loge de Saint Jean d’Écosse, cette loge devenant la loge mère de toutes les loges écossaises de France. Or, saint André étant le saint patron de l’Écosse, le lien symbolique avec Marseille est ici encore très fort.
En France, saint André est le saint patron de nombreuses églises, venant en troisième position des Apôtres auxquels l’une d’elles est dédicacée, juste après saint Pierre et saint Paul… Toujours en France, il est aussi le patron de nombreuses villes, dont celles d’Agde, d’Avranches, d’Orange et de Bordeaux ; il est aussi le saint patron de la Bourgogne, le duc Philippe III le Bon mettant même sous sa protection l’ordre de la Toison d’Or.
En Europe, saint André est de même le saint patron de l’Écosse, de la Hongrie, de la Russie, du Brunswick, du Brabant, du Schleswig et du Holstein ; il est aussi celui d’Amalfi, de Baeza, de Brescia, de Lunebourg - dans le Hanovre), de Mantoue, de Ravenne, de Minden - en Westphalie, de Pesaro, de Rochester - dans le comté de Kent, de Santander, de Verceil - en Italie, de Wells - dans le comté de Somerset, etc…
Sa présence abondante en Hongrie et en Russie peut surprendre ; elle est néanmoins logique. En effet, selon la tradition, saint André aurait reçu comme terre de mission, lors du « partage du monde » entre les Apôtres, la Scythie, vaste contrée située entre le bas du Danube et le bassin inférieur du Don. Dans ce territoire, saint André allait procéder à de nombreuses conversions et fondations d’églises… De ce territoire, il allait évangéliser l’Achaïe, la Thrace, l’Épire, et la Grèce… Souvenons-nous que c’est lui qui avait présenté à Jésus les premiers convertis grecs… C’est lui qui convertit Byzance et intronisa son premier patriarche, et c’est pourquoi tant la Grèce que l’église byzantine le reconnaissent comme leur évangélisateur… Il aurait aussi converti la Cappadoce, la Galatie, la Bithynie, mais encore le pays des Sogdiens (il s’agit d’un ancien peuple établi sur la rive droite de l’Indus, pas loin du confluent de l’Hydaspe) et celui des Secces…
A propos des Secces, il s’agit vraisemblablement de ces tribus nomades de race iranienne ayant peuplé le Turkestan, ainsi qu’une partie de l’Ouzbékistan dès ~750/700, tribus plus connues sous le noms de Sakes ou de Saces. La plupart de ces tribus allaient se fixer dans les régions de Ferghana, des Tien Shan et de la Kasgharie, alors que d’autres allaient être refoulées par des tribus nomades venues du nord-est, ce qui allait les pousser vers l’ouest où ils prirent le nom de Scythes. On peut être étonné que les différents mémoriaux parlent des Secces et non pas des Scythes, car ce dernier nom était déjà dominant à l’époque de saint André, en fait depuis Hérodote. On se souviendra aussi que si la Scythie peut correspondre à peu près à ce que nous qualifions aujourd’hui d’Ukraine ainsi que de région du Pont archaïque, elle recouvrait aussi dont chez Hérodote, toute la région des steppes d’Asie centrale (actuel Kazakhstan), y compris au-delà de l’Altaï jusqu’au désert de Gobi en Asie centrale… Maintenant, on pourrait aussi penser au pays des Ser(r)es, c’est-à-dire à la … Chine ! Cette hypothèse est audacieuse, mais pas forcément invraisemblable. En effet, il faut se souvenir de l’envoi par l’empereur Wou-Ti, de la dynastie Han, en ~140, d’émissaires aux Scythes afin de conclure une alliance contre les Huns ; on lira à ce sujet avec intérêt les premières pages de l’Histoire de la Chine écrite par René Grousset. Ce texte est particulièrement intéressant car le territoire des Scythes était fort éloigné de la Chine puisque correspondant à une zone allant de la Turquie au Turkestan, ce qui démontre que impliquait une bonne connaissance des mondes lointains, donc des voyages, des transferts, … Et n’oublions pas ce qu’écrivaient les auteurs chinois du II° siècle de notre ère, rapportés par Jeannine Auboyer à propos des relations internationales : Les habitants du Ta T'sin (l’empire romain pour les chinois) ont toujours désiré envoyer des ambassadeurs en Chine, mais les Arsacides (les Parthes, situés en Iran-Mésopotamie) qui voulaient monopoliser le profit du commerce avec la Chine les en ont toujours empêchés, ceci dix siècles avant que Marco Polo n’aille en Chine et que Koubalay Khan lui remette une lettre diplomatique pour le Pape ! Par ailleurs, il est aujourd’hui connu que, peu avant l’an 100, le marchand macédonien Titianos a envoyé des agents commerciaux en Chine, par l’Asie centrale, le voyage durant environ sept mois, le parcours ayant cependant été tenu secret ; et ce lien commercial par voie terrestre ne fut pas unique. Il faut aussi se souvenir que le général chinois Pan Etchao avait envoyé vers 75 une ambassade chez les Parthes, avec lesquels la Chine était en relation, et ce afin de prendre des contacts avec l’empire romain. Il n’y a donc pas d’incohérence temporelle ou géographique, et les deux hypothèses, Scythes et Chinois, restent valables, … y compris combinées ! Néanmoins, un doublon avec la Scythie, ou plus exactement sa qualification au sens le plus large, antérieure à celle décrite par Hérodote (L’Enquête IV) semble l’hypothèse la plus vraisemblable.
Saint André est aussi le saint patron des pêcheurs en eau douce, des poissonniers et des cordiers. On remarquera qu’il s’agit là de métiers très directement ou plus indirectement en lien avec les poissons, le poisson ayant été le premier des symboles de la Chrétienté primitive. On peut aussi penser au passage de l’ère des Poissons à celle du Verseau, sans oublier que le poisson vit très bien dans l’eau, ce qui fait que les Chrétiens n’ont véritablement rien à craindre de l’ère du Verseau…, bien au contraire !
Enfin, saint André est, selon la tradition populaire, invoqué, y compris par des neuvaines, par ceux dont les causes ont injustement échoué, par les femmes qui cherchent un mari et par celles qui n’arrivent pas à être mères.
On notera en passant que le golf est d’une certaine manière placé sous l’autorité de saint André, puisque « La Mecque » de ce sport est le golf de Saint Andrews, en Écosse. C’est là que se trouve le siège du Royal and Ancient Golf Club qui allait, en 1754, édicter les règles du jeu, tout comme c’est là que continue à être définies ces dites règles, que sont autorisés ou non les nouveaux accessoires, clubs, putters, balles, etc... Il faut savoir que ces règles ont été édictées par un haut comité prenant la succession de l’honorable compagnie des golfeurs d’Édimbourg, association de francs-maçons ayant établi les premières règles du jeu, celles-ci étant dès l’origine pensées pour obéir aux lois posées par le Grand Architecte de l’Univers. D’ailleurs, ne dit-on pas construire un coup ? Avec ses obstacles, son parcours idéal, ses dix-huit trous, la nécessité de marcher, de réfléchir, etc…, le golf est le sport franc-maçon par excellence, tant sa progression imite la démarche franc-maçonne…
Il me semble impossible d’achever une quelconque analyse de saint André sans évoquer la figure d’André de Césarée. En effet, cet archevêque de Césarée, qui aurait vécu au V° siècle a été l’auteur d’un très important commentaire de l’Apocalypse attribué à saint Jean (cf. Migne, Patr. gr., t. CVI, col. 216-457) ; il s’agit en effet de la plus ancienne des explications de ce texte à nous être parvenue dans son intégrité. Dans ce texte, qui aura inspiré la plupart des principaux commentateurs postérieurs, il distingue un sens littéral, un sens historique, un sens tropologique et un sens anagogique. De même, il s’attache à démontrer l’accomplissement des prophéties de saint Jean, mais tout en insistant sur le fait que tout ne pas être expliqué, seules certaines de ces prophéties s’étant jusqu’alors réalisées, l’advenance des autres étant située dans un temps non précisé…
On peut aussi citer parmi les André des premiers temps de l’Église André de Crète et André de Samosate…
En conclusion, on peut retrouver a minima chez saint André : ⒜ la symbolique du passage à la Nouvelle Alliance ; ⒝ la symbolique de l’homme accompli ; ⒞ la symbolique du témoignage ; ⒟ la symbolique de l’humilité ; ⒠ la symbolique de la mission, du fait de l’évangélisation de nombreuses contrées par saint André ; ⒡ la symbolique de la double mission de l’homme ; ⒢ la symbolique de la vie terrestre ; ⒣ la symbolique de l’envoi vers les autres.
On aurait encore pu insister sur la raison de l’intervention de saint André lors de la multiplication des pains et des poissons, et sur bien d’autres choses encore…
Dans tous les cas, il semble utile de lire et de méditer la Vie de Saint André écrite par Grégoire de Tours (in : Écrits apocryphes chrétiens I, Gallimard, Paris, 1997, coll. Pléiade, pp. 934-972).