Robert Miras chantait il y a quelques années que « l’Enfant Jésus est né en Provence »… Ce n’est bien sûr pas exact historiquement parlant, mais ce n’est pas pour autant faux… C’est en effet en Provence et en Campanie que sont nés les petits santons, ces petits santons dont la « ronde » chantée par Tino Rossi enchante encore nos cœurs d’enfants… En Campanie ? certes, mais ce n’étaient encore que des Nativités, bref un abri, l’Enfant Jésus, la Vierge Marie et Saint Joseph, plus quelques bergers de temps à autre… Mais pas nos petits santons… Pas ceux de notre tradition bi centenaire ! Pas de tambourinaïre, pas d’amoulaïre, pas de bouliste, pas d’arlésienne, pas de… pas de… pas de…
Car nos petits santons sont de Provence… Mieux, ils sont de Marseille… C’est à Marseille, comme le montrent nos musées, que sont nés les premières crèches familiales, en verre filé, en carton, en liège, en cire, …, ces premières crèches où commencent à apparaître des « non bergers »… Et puis, un jour de 1798, un marseillais Jean-Louis Agnel se fit figuriste, bref notre santonnier d’aujourd’hui… Souhaitant fêter le rétablissement du culte jusqu’alors interdit par des laicistes haïssant l’Église, il voulut offrir de ces pauvres figurines aux gens pour leur redonner espoir, pour leur redonner le gout de la fête, préfigurant d’une certaine manière cette phrase de Calvin Coolidge nous apprenant que « Noël n’est pas un jour ni une saison, c’est un état d’esprit ! » Eh oui, il dépassait les doctes théologiens qui débattaient sur la date ou le temps de Noël ; il faisait entrer Noël dans nos maisons, dans nos cœurs dès le mois de décembre, jusqu’après les Rois mages… Noël n’était plus un jour sublime, mais un temps de joie, d’espérance, devant toucher tout le monde … et ce fut fait au travers de ces humbres figurines d’argile, de nos « petits santons »… Tout le monde l’imita, certains faisant leurs santons en famille, d’autres créant les premiers moules en platre, le travail de l’argile, la peinture à l’eau…
Et ce fut le 1er décembre 1803, l’ouverture de la première foire aux santons sur le cours Saint-Louis… 214 ans déjà ! Une tradition, un « bail » comme on dit… Plus de foires aux santons finalement que d’années de République, on l’oublie… Et de courir du cours Saint-Louis au cours aujourd’hui Belsunce en 1808, puis au boulevard du Muy en 1853, puis aux allées de Meilhan en 1883 après une courte escale vers la « place des Fainéants » en 1882… Et aujourd’hui, le monde entier envie notre foire aux santons de la Place De Gaulle…, les milliers de touristes quid ébarquent font la queue chez Escoffier, Carbonnel, Jouglas et autres Camoin…
Ces petits santons, c’est le peuple de Marseille, tout le peuple, du Maire à l’humble sans abri… C’est le petit peuple de Provence, et même d’ailleurs avec le bohémien… C’est la partisane, la crieuse de poissons, l’aveugle, le pécheur napolitain, le gardian, la Margaridou, le ravi, Boufaréou, la vieille Roustidou aux bras de son vieux mari… Et à Toulon, même les bagnards… Nos petits santons, nos « petits saints », car cela vient de « santoùn », sont désormais là, présents, toujours présents, dans notre tradition vivante… Même le Maire communiste d’Aubagne s’était un jour offusqué à l’idée que l’on puisse lui « lever » un jour « sa » crèche, … où il fut même « santonisé » certaines années…
Car Noël dépasse la Foi, car Noël c’est la joie, car Noël c’est la paix ! Car Noël, même théologiquement dépasse les religions puisque, si Jésus est Dieu pour les Chrétiens, il est aussi prophête pour les Musulmans, bref Sidna Aïssa, mais il est aussi personnage historique pour la plupart des Juifs, mais il est aussi « sage » pour certains Bouddhistes… Noël est un temps de miracle, un temps où tous les hommes de volonté se rencontrent, se rassemblent… Et c’est cela nos « petits santons »… Ils sont plus que les crèches parlantes ou que les pastorales… Ils sont des témoins de l’amour, de l’espoir, de la vie quotidienne… Alors, foutons leur la paix…
Et ce d’autant plus que le laïcisme n’est pas la laïcité à laquelle nous sommes tous attachés, d'autant plus que le principe de "neutralité du service public" n'est pas un principe constitutionnel, et ne s'applique pas, en droit administratif, dès lors qu'il y a, en cette matière, respect du principe d'égalité dont il découle... Par contre il y a en droit administratif, existence du principe de "neutralité des agents du service public", qui ne s'applique pas en l'espèce, si ce n'est que l'on ne pourrait imposer à un agent ne croyant pas en conscience à la crèche, de la monter et de la démonter ! Il a "droit de retrait" dans ce cas, sans aucune sanction possible, ce qui est somme toute normal... Il est enfin de jurisprudence constante que neutralité n'est pas laïcité ! Les principes à évoquer sont donc le respect des traditions locales, reconnu par exemple en matière de tauromachie ou de certains défilés par le Conseil constitutionnel lui-même, et celui d'égalité…
Or, Noël est tradition , tradition locale, et aussi égalité au travers des figures de nos « petits santons », et aussi joie, de cette joie simple, de cette joie populaire que l’on oublie trop… Oui, Noël est un message d’amour, message finalement universel et dépassant toutes les religions, et Jésus est bien né en Provence au travers de nos « petits santons », alors : « Pas touche ! »