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21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 11:11
La notion d’être - Tous les êtres, existants ou possibles, ont ceci de commun d’être quelque chose à quoi il appartient d’exister d’une façon quelconque : id cui competit esses, id cujus actus est esse. Ce sont là les seules définitions que l’on puisse en fait donner de la notion d’être, puisqu’il s’agit de la notion la plus simple de toutes, et qui ne comprend ni genre, ni différence spécifique. C’est aussi ce qui fait toute la difficulté de la définition de l’être.

La notion d’être peut aussi être cernée à partir de ses propriétés. L’être a ainsi : ⒜ une propriété transcendantale puisqu’il s’attribue en propre, comme prédicat essentiel, à tous les êtres, à quelque prédicament qu’ils appartiennent. Cette propriété dépasse tous les genres suprêmes, tous les prédicaments, et, ainsi, elle s’applique à tous parce que tous ne sont que de l’être ; ⒝ une propriété confusément multiple. En effet, par le fait qu’elle s’applique à tous les prédicaments, qu’elle se réalise dans tous les êtres, la notion d’être n’exprime d’une manière précise aucune des façons d’exister, non plus qu’elle n’en exclut aucune. Dans les faits, elle les contient toutes ; ⒞ une propriété non générique. En effet, du fait qu’elle est transcendantale, la notion d’être n’est pas un genre ; ⒟ une propriété analogue parce que l’être ne se réalise pas dans tous les êtres d’une manière précise.

 

 

par soi-même (a se)

Dieu

 

 

Être :

actuellement

par une autre

en soi

substance

 

ce à quoi il appartient

 

créature

en un sujet

accidents relation(s)

qualité

quantité

d’exister

possiblement

être possible

 

 

 

 

de notre esprit seul

être de raison

 

 

 

 

Un terme appliqué à plusieurs sujets peut revêtir trois formes. Il peut ainsi être univoque quant il est et qu’il est appliqué à chacun d’eux dans un sens tout à fait semblable, équivoque quand il est appliqué à chacun d’eux dans un sens absolument différent, ou encore analogue quand il est appliqué à chacun d’eux dans un sens différent, mais cependant semblable à un certain point de vue. Mais il peut alors y avoir analogie d’attribution ou analogie de proportionnalité.

Dans le cas d’une analogie d’attribution, est analogue le terme attribué à plusieurs sujets à cause de leurs rapports divers à et avec un autre, appelé premier analogue, à qui ce terme convient intrinsèquement. Cette analogie se réalise entre Dieu et les êtres créés d’une part, et la substance et les accidents d’autre part. En effet, on ne peut attribuer l’être aux créatures, qui sont des êtres participés, qui ne sont qu’en situation de dépendance de l’être du créateur, tout comme on ne peut l’attribuer aux accidents qu’en dépendance de la substance en qui seule il leur appartient d’exister.

Dans le cas d’une analogie de proportionnalité, est analogue le terme attribué à plusieurs sujets parce qu’en chacun d’eux se réalisé, d’une façon différente certes, un rapport semblable, de telle sorte qu’il se forme entre eux une proposition, que cette proposition soit métaphorique lorsqu’elle exprime un symbole ou propre lorsqu’elle exprime une réalité. En effet, se trouve réalisé chez les différents êtres un rapport semblable à l’existence, et ce de façons diverses. Ainsi, Dieu a son existence par soi comme la substance est à l’existence en soi, alors que les accidents n’ont leur existence que dans un sujet.

L’être n’est donc ⒜ ni une notion univoque puisqu’elle contient actuellement toutes les différences réelles qui distinguent les êtres les uns des autres, ⒝ ni un terme équivoque, car tout être a ceci de commun avec les autres êtres son rapport à l’existence.

De ce fait l’homme n’est pas une émanation, mais une création de l’être divin, alors que l’agnosticisme est écarté car prétendant que nous ne pouvons rien savoir de Dieu, son être étant totalement différent du nôtre.

L’idée de néant - À l’idée d’être se trouve opposée l’idée de néant, qui en est la négation entis, ce qui fait par exemple dire à Bergson que le néant est une pseudo-idée. En effet, nous avons déjà le mot et une certaine image partielle d’être ; nous avons l’idée d’absence partielle d’être ; nous pouvons concevoir l’absence de tout être… Mais ce n’est encore qu’un néant relatif puisque cette idée de néant n’est pas connue par elle-même, mais seulement par opposition à l’être, ce qui fait que le néant ne peut être qu’une idée relative, car postérieure à l’être, et de plus non pas contraire. Il est donc possible d’affirmer, contre Hegel ou encore Sartre, que l’être et le non-être ne s’identifient nullement dans le devenir, le devenir étant le passage du non-être à l’être qui lui préexiste et non pas la fusion des deux !

Dans tous les cas, le néant ne peut exister que par rapport à l’être ou à sa connaissance, alors que l’être existe en dehors même du néant ou de son absence…

Les propriétés de l’être - Ces propriétés ne sont pas à confondre avec les lois générales de l’être, ni avec les principes premiers de la pensée, qui seront traités supra. Ces propriétés sont des notions qui découlent immédiatement de la notion d’être, qui n’expriment que l’être considéré à un point de vue particulier, et qui ne se distinguent pas réellement de l’être lui-même. Étant inséparables de la notion d’être, elles sont transcendantales comme elles, et tout être doit être considéré ⒜ en lui-même, car il est un ; ⒝ par rapport à l’intelligence, car il est une vérité, donc par rapport au vrai ; ⒞ par rapport à la volonté, donc par la recherche du bon, que ce bon soit réel ou non.

ⓐ L’unité

L’unité de l’être consiste dans la négation ou plutôt dans la réalité de toute division actuelle ; est un tout ce qui est indivis ! De ce point de vue, tout être est un et tout un est être ! En effet s’il est simple, l’être est indivisible, s’il est composé, l’être est toujours un en tant que formant ce composé, car il n’est plus cet être composé s’il se retrouve divisé en plusieurs parties, ou même déconstruit en ses parties fondamentales.

L’unité de l’être se fonde sur son identité, c’est-à-dire sur la permanence de l’être en ce qu’il est. Il faut bien retenir que l’identité n’est pas la ressemblance que celle-ci soit essentielle par le genre ou l’espèce ou encore accidentelle par la qualité ou la quantité. Un être peut ainsi semblable à un autre, mais il est toujours identique à lui-même, d’où son unicité. Au sens strict, l’identité peut être métaphysique, physique ou morale : ⒜ au sens métaphysique, elle est absolue, l’identité d’un être ne change en aucune manière, y compris dans sa substance ou dans ses actes ; cette identité est immutabilité, et ne concerne en fait que Dieu, que le divin ; ⒝ au sens physique, elle est quand l’être demeure le même dans son essence,, mais change dans ses opérations. On peut parler ici d’identité substantielle ; ⒞ au sens morale, l’identité n’est plus que dans un sens assez relatif. C’est par exemple la permanence dans l’être d’un corps social ou de l’être dans un corps social dont les individus peuvent changer, mais dont la forme demeure.

Par ailleurs, tout comme elle se distingue de la ressemblance, l’identité s’oppose à la distinction qui peut être : ⑴ réelle majeure, c’est-à-dire existant indépendamment de l’esprit. C’est ce qui existe, par exemple entre deux choses actuellement séparées (on parle alors de distinction réelle majeure adéquate) ou bien par exemple en le corps et l’âme qui sont deux substances incomplètes séparées mais formant un seul être, même si elles sont séparables (on parle alors de distinction réelle majeure inadéquate) ; ⑵ réelle mineure entre les éléments d’une seule et même chose qui sont séparables d’elle, mais non réciproquement. Ainsi, le mouvement a une direction et une force qui sont deux réalités distinctes… Ainsi notre pensée qui est le produit, une émanation de notre esprit, mais qui ne peut exister sans lui.

À noter que ces diverses distinctions posent les questions de l’essence et de l’existence…

Si l’on se place maintenant sur un plan logique, l’unité se constitue par l’intelligence d’un objet réellement un. Mais ceci peut se faire de deux manières : ⑴ sans fondement dans ou sur la réalité. Il y a dans ce cas uniquement œuvre de l’intelligence qui compose le même avec le même. C’est par exemple le lien existant entre le défini et la définition. Ici, l’unité est purement logique ; ⑵ avec fondement dans ou sur la réalité lorsque deux concepts répondent tout à la fois à une réalité unique mais équivalente à plusieurs, et la présentent à l’esprit sous des aspects formels différents. L’unité peut ici être majeure entre deux concepts qui peuvent être pensés l’un sans l’autre, bien que réalisés dans un même objet (questions de l’animalité et de la rationalité), ou encore mineure entre deux concepts dont l’un inclut implicitement l’autre, par exemple le lien entre l’être et l’un. dans ce cas, malgré le fondement dans la réalité, on parle d’unité virtuelle…

Se pose maintenant la question de savoir comment reconnaître la distinction logique et la distinction réelle. Ceci est finalement relativement aisé par la séparation réelle et actuelle, par la séparabiilité mutuelle ou non mutuelle, par la variation indépendante des choses inséparables, par l’origine d’un élément par rapport à un autre, enfin par opposition des concepts adéquats.

ⓑ La vérité

La vérité est toujours adequatio rei et mentis. On appelle vrai ce qui est conforme au type idéal par lequel nous nous représentons la nature d’un objet. La réalité peut donc être ontologique (rei ad mentem) ou logique (mentis ad rem).

La grande question qui se pose est celle de savoir d’où vient ce type idéal auquel l’être doit se conformer, de savoir où il réside… Il est déjà possible de répondre contre Platon qu’il ne vient pas d’un monde réel à part ayant une existence éternelle indépendante de la pensée, d’un monde matériel où cet esprit réglerait toute expérience… On peut de même répondre contre les ontologistes qu’il ne vient pas d’une intuition directe de Dieu en tant que vrai et bien. C’est en fait notre esprit qui le forme en lui par abstraction et par réflexion. Cette conformité suppose qu’il y a dans l’être de quoi lui permettre la connaissance et la compréhension par l’intelligence, ce qui permet à l’être d’être intelligible à l’esprit. Et ceci n’est possible que parce que l’être est lui-même le produit de l’Intelligence incréée, donc de Dieu, prédestiné par Dieu à lui-même. Ainsi, tout être est vrai ! Tout être est vrai pour au moins deux raisons, à la fois parce qu’il est conforme à l’Intelligence divine, et parce qu’il est capable de se rendre conforme d’autres intelligences puisqu’il lui suffit, pour être connu d’elles, qu’il soit de l’être. De ce fait, tout homme est ontologiquement vrai !

Se pose donc inévitablement la question de la fausseté de l’être, cette fausseté se définissant inadaequatis mentis et rei difformitas positiva. On commencera par dire qu’il ne peut y avoir de fausseté ontologique dans les êtres puisque tous sont conformes à une idée exemplaire divine dont Dieu a voulu la réalisation et que tous sont aptes à se faire connaître par d’autres intelligences. Mais il peut néanmoins y avoir fausseté ontologique secondaire dans les œuvres, dans les causes intelligentes créées par suite des imperfections et des manques de l’activité efficiente des êtres. Dans tous les cas, une chose ne peut être dite fausse pour nous que par une ressemblance accidentelle de nature à tromper notre intelligence.

Donc, comme le néant est une pseudo-idée, car dépendant de l’être, le faux est lui aussi une pseudo-idée, car dépendant de la vérité ! Néant et faux ne sont pas puisque fondés sur l’être et sur la vérité, et ce même s’ils en sont la négation ou le refus, même non conscients ; ils n’existent pas car ils en dépendent ! Et il sera possible de dire là même chose du mal qui ne peut exister que si le bien lui préexiste !

ⓒ La bonté

La notion de bonté est tirée de l’expérience. Nous appelons bon ce qui plaît à nos sens, ce qui cause à nos sens une impression agréable, une impression de bien-être ? Ainsi, nous appelons bon tout ce qui émeut, sollicite nos appétits, c’est-à-dire nos tendances, que celles-ci soient sensibles ou intellectuelles. Par suite, la bonté est la qualité d’une chose qui est agréable ou désirable, mais aussi ce qui convient aux exigences de l’être.

La question qui se pose est alors celle de savoir pourquoi une chose est désirable. C’est en fait parce qu’elle répond à un besoin de notre être, car elle correspond à une absence en nous. Et c’est pourquoi Dieu est bon, car il connaît nos besoins et ce qui est absent en nous, nous l’offrant dans son infini bonté, même si nos sens ou nos sentiments peuvent nous pousser à le refuser !

La nature commune de tout ce qui est bon tient en ce qui est l’objet de tendance naturelle des êtres, in quod omina appetiunt, quod nondum possemum movet appetitum ad desidandum et quaerendum. Possessum vero quietat appetitum ut id in quo appetitud quievit, quo gaudet vel fruitur. La tendance naturelle des êtres est la bonté, et Dieu cherche à la combler, y compris par sa création, comme nous le dit la Genèse, mais l’homme, par son être, peut refuser ce qui est offert par Dieu…

D’un point de vue objectif, les êtres sont bons non à cause d’un rapport qu’ils ont ou auraient avec un appétit, mais à cause du rapport qu’ils ont avec une fin, avec un but qu’ils doivent réaliser, quand ils sont aptes à le réaliser. On peut donc dire à ce propos que la bonté est adaptatio naturae olicujus ad finem.

Il est cependant possible de ramener ces deux notions à une seule : l’être est bon en tant qu’objet de désir, mais cette appétibilité n’est qu’un effet de la bonté, car elle suppose mais ne constitue pas ; une chose n’est pas bonne parce qu’elle est désirable, mais elle est désirable parce qu’elle est bonne.  Mais pourquoi est-elle bonne ? bref, posons-nous la question de la constitution profonde de la bonté. Une chose est bonne parce qu’elle possède en elle quelque chose qui correspond aux convenances du sujet par rapport auquel la chose est appelée bonne. Mais comment cela est-il possible ? L’observation permet de dire que tous les êtres ont une réalité propre ; mais cette réalité est incomplète. En effet, les êtres manquent sur certains points de quelque chose qui les achèverait, et, conscients ou non, ils poursuivent et recherchent cette perfection par leurs opérations ; l’être n’est donc complet que lorsqu’il a atteint cette perfection, du moins, il est complet sous l’angle de la bonté.

Par conséquent, cet achèvement est réellement la fin pour laquelle et vers laquelle sont ordonnés les êtres par leur nature propre… Il est la fin pour laquelle les principes actifs de l’être entrerons en jeu jusqu’au moment où elle sera réalisée. La fin de l’être est donc son bien, soit parce que sa possession complète sa réalité déficiente, soit parce qu’elle attire, détermine l’être lui-même à poursuivre, à atteindre sa propre perfection. La nature intime du bien consiste donc dans la tendance d’un être à son achèvement, dans l’orientation et l’aptitude de l’être à atteindre sa fin. L’attrait, le désir, la puissance ne sont donc que des effets du bien, à la condition qu’ils soient maîtrisés, auxquels cas ils ne sont que leurs propres pseudo-idées.

Il est dès lors possible de distinguer entre ⑴ le bien objectif en tant qu’il convient à une nature donnée et le bien subjectif en tant que délectable, et ⑵ le bien utile, c’est-à-dire le bien recherché comme moyen, le bien honnête, c’est-à-dire le bien recherché comme fin, et le bien délectable qui est celui recherché comme repos dans la fin. Lorsque l’on parle de bien honnête, il ne s’agit pas ici de l’honnêteté au sens moral, étant ici celui qui convient à la nature douée de raison.

La thèse soutenable serait donc celle selon laquelle tout homme serait métaphysiquement bon, ce qui ne doit pas nous conduire par là à entendre que tous les êtres sont bons sous tous les rapports ; par contre, il est possible de soutenir que tout être dans ce monde a sa propre bonté.  D’autre part, lorsque nous avons dit que la bonté est une propriété transcendantale, nous voulons dire que tout être est bon en soi et pour soi. Mais il s’agit ici de l’être réel et de la bonté réelle, car la notion de bien implique une relation ; il s’ensuit qu’un même être peut être bon ou mauvais selon le point de vue ou le moment.

La première preuve en est que toute substance a une tendance naturelle, qu’elle soit consciente ou non, vers une fin. Or, l’adaptation du sujet à sa fin constitue sa bonté intrinsèque. De ce fait, tout être substantiel est a priori bon par nature et par essence, prédestiné à la bonté, même si l’être conscient peut, de par sa liberté intrinsèque, refuser cette bonté. Pourtant, l’observation permet d’ailleurs de constater que tout être possède des opérations qui lui sont propres et qui ne tendent pas vers un effet déterminé, vers une fin ; mais ceci n’est pas contradictoire, car ces opérations ne sont que la manifestation de la tendance de tel être et de son aptitude à poursuivre telle ou telle fin. On peut objecter qu’il est des cas où il y a inadaptation de l’une ou l’autre puissance active par rapport à la fin du composé complet de l’être ; certes, il est vrai qu’il peut y avoir certains désordres partiels dus à des causes étrangères, mais il n’en reste pas moins vrai que l’être en tant que tel demeure ordonné vers sa fin, étant strictement apte à la réaliser.

Une seconde preuve est que tout être, en tant qu’être, est en acte, et, d’une certaine manière, parfait, d’autant plus qu’il est créature de Dieu. Or, le parfait est objet des facultés d’appétit, et il est donc désirable, et donc, de ce fait, bon. Aussi, tout être est désirable dans la mesure où il est parfait, et Dieu lui-même est désirable par tout être en ce sens qu’il est la perfection même !

Se pose donc la question du mal. C’est un fait que le mal existe ; c’est un fait que nul ne songe à le nier. Mais, si toute nature est bonne, comment le mal peut-il donc exister ? Donc, quel est-il ? quelle en est la cause ? Dans une acception impropre, le mal est défini comme étant ce qui est la négation du bien, ou d’un plus grand bien ; mais le nom exact de ce mal, qui est métaphysique, est celui d’imperfection. En fait, à proprement parler, le mal est ce qui contrarie le bon, ou plus exactement ce qui contrarie la nature d’un sujet, donc va à l’encontre de la volonté-bonté de Dieu, ou plus exactement de la prédestination de l’homme par Dieu. Ce mal ne se constitue pas en une entité absolue, car il n’est pas de toute éternité, ce qui fait qu’il est essentiellement relatif et relié à l’être lui-même, car étant l’absence d’un bien exigé par le développement normal de la nature d’un être. Donc, formellement, le mal est une privation ; or, la privation suppose un sujet, étant la négation d’une fin qui lui est naturelle. Le mal suppose donc pour être : - la réalité positive du sujet dans lequel il se trouve ; - et, de plus, dans ce sujet, la privation d’une perfection qui lui est due doit exister. Donc, le mal ne peut en aucun cas être une substance, ni même une réalité positive. Le mal est toujours relatif, consistant en la privation d’un bien naturel, que ce bien soit l’unité, la vérité ou la bonté.

Se pose donc la question de la cause du mal, et il est ainsi possible de distinguer : ⒜ la cause matérielle, qui est le sujet affecté de cette privation, alors même que le sujet est toujours un être positivement bon en soi ; ⒝ la cause formelle qui n’existe pas en tant que telle puisque toute cause formelle est cause d’être. Or, le mal n’est pas création, tout comme il est privation. Donc… ; ⒞ la cause finale. Pris comme tel, un mal ne peut être pris comme un être objet de désir. On ne désire pas le mal pour le mal, surtout pour soi, mais le plus souvent le mal pour un plus grand bien personnel ; par exemple, celui qui se suicide cherche la mort dans l’espoir de se débarrasser de la vie qu’il juge lui apporter un plus grand mal. Aussi, la volonté ne peut vouloir le mal que si l’intelligence le lui présente comme bon pour elle dans l’instant. La liberté n’est donc pas le pouvoir de choisir entre le bien et le mal, mais bien entre deux objets que l’intelligence montre comme partiellement bons pour le sujet. De ce fait, le pouvoir de pêcher n’est pas essentiel à la liberté de l’homme, même si Dieu à donné à l’homme la liberté, y compris celle de se damner, mais de sa propre volonté par ses choix ; ⒟ la cause efficiente, la vraie question étant de savoir si le mal peut en avoir une. La réponse à cette question est positive, évidente. Pourtant, la cause efficiente doit produire quelque chose de positif, alors même que le mal n’est qu’une privation. Il est donc par nature et par essence impossible que la cause efficiente produise directement le mal ; mais, par contre, elle le produit indirectement. C’est ce qui fit dire à saint Augustin, cité par Leibniz, que le mal n’est pas une cause efficiente mais une cause déficiente. Mais, si la cause efficiente est toujours bonne, comment une cause bonne peut-elle produire le mal ? Il y a trois réponses possibles : - ou bien parce que la cause est imparfaite ; - ou bien parce qu’elle est entravée dans sa progression par des obstacles dus au sujet lui-même, ou encore venus du dehors ; - ou enfin l’effet que tend à produire la cause efficiente est incompatible avec la perfection qui se trouve dans le sujet, et, dès lors, la cause efficiente ne peut produire son effet de mal qu’en éliminant cette perfection antérieure.

Dans tous les cas, le développement de la vie exige le sacrifice de certaines perceptions premières de l’intelligence, leur dépassement, donc celui de ce qui est inférieur à la fin de l’individu.

L’erreur des manichéens aura été de vouloir poser comme deux principes éternels égaux le bien et le mal, alors que le mal est quelque chose de créé, de second à l’être. L’erreur manichéenne est de voir dans le mal quelque chose de positif en ce sens qu’il exige une cause intrinsèquement mauvaise, faisant ainsi admettre qu’il existe un principe éternel et créateur intrinsèquement mauvais ; c’est aussi la dérive de certains satanismes actuels. Or, le mal n’est jamais quelque chose de positif, et n’exige pas une cause directe et mauvaise. De plus, l’idée même d’une cause efficiente intrinsèquement mauvaise implique une contradiction dans le sens de l’être, ce qui fait qu’elle ne peut pas exister. Enfin, le mal étant une privation, étant du non-être, il ne peut être un principe intrinsèque !

Les lois générales de l’être - Il faut, pour finir, grouper en une seule vue d’ensemble les vérités fondamentales que nous avons jusqu’alors dégagées de la réalité. Il nous reste à les formuler en lois générales ou universelles, et à les composer avec les principes premiers de la pensée.

La première de ces lois tient en le caractère primordial de l’être qui est d’avoir un rapport à l’existence : l’être est ! Tout être est ce qu’il est : le non-être n’est pas ! Et un même être ne peut pas en même temps et du même point de vue être et ne pas être. C’est la loi d’identité ou de non-contradiction.

Nous avons vu que les êtres sont, mais ils agissent aussi suivant leur nature. L’examen de ce fait, aussi universel que le précédent, permet de nous manifester deux lois évidentes : ⒜ la loi de causalité selon laquelle tout ce qui n’est pas par soi ceci ou cela l’est nécessairement par un autre ; ⒝ la loi de finalité selon laquelle tout ce qui agit agit d’une façon déterminée en vue d’un terme.

Enfin, comme les sujets changent souvent quant à des formalités secondaires sans cesser pour autant de rester les mêmes dans leur fond intime, il est possible d’énoncer la loi de substance selon laquelle tout changement essentiel suppose la présence d’un être substantiel dans le sujet.

Ces quatre lois sont nécessaires et universelles, car elles nous apparaissent à l’analyse de l’être existant et agissant lui-même. De plus, à l’exception de la loi d’identité, elles ne sont pas applicables à l’acte pur qui n’a pas d’indéterminations, et ce même si elles nous permettent de nous élever à Dieu.

Les principes premiers de la pensée - Par ailleurs, notre pensée obéit à un certain nombre de principes premiers. Quand notre raison analyse ses opérations, elle en dégage des lois qui sont comme les points de départ, les régulateurs, les stimulants de son activité.

Le premier de ces principes est le principe de contradiction, c’est-à-dire celui sans lequel la pensée se détruit elle-même, celui qui règle toutes les opérations logiques. Mais, aux yeux des hommes, le monde est surtout un immense problème, une énigme, énigme qu’il cherche à résoudre. Il existe donc à côté du principe de contradiction, principe statique, un principe dynamique qui pousse l’esprit à chercher la raison d’être des choses et des faits, et ce afin de les comprendre ; il s’agit du principe de raison suffisante, tout être ayant sa raison d’être.

Le principe de contradiction occupe le premier rang dans l’ordre ontologique, dans l’ordre logique et dans l’ordre psychologique, alors qu’il n’est pas loi de l’être, à la différence de son inverse, ce qui démontre bien à la fois la double dimension de l’homme, la différence entre le corps et l’âme, ainsi que leur complémentarité.

De ces deux principes découlent un certain nombre de principes premiers dérivés : ⑴ le principe de causalité selon lequel tout être a une raison d’être de son existence ; ⑵ tout être a une raison d’être de son activité, la nature d’un être se reconnaissant à ses activités ; ⑶ le principe de finalité selon lequel tout être a une raison d’être de sa causalité efficiente actuelle.

Cohérence entre les lois de l’être et les principes de la pensée - Finalité et causalité sont donc à la fois des lois de l’être et des principes dérivés de la pensée de l’être… On notera donc que ces principes premiers, de même qu’ils expriment les lois universelles et nécessaires de tout être, sont aussi universels et nécessaires à la pensée, pour tous les esprits, ce qui n’est finalement pas illogique, surtout si l’on se souvient bien de l’union du corps et de l’âme en l’homme. On peut de même dire que les principes premiers de notre raison ne font qu’exprimer les lois universelles de l’être ; c’est là chose toute naturelle, l’intelligence étant le miroir de l’être, son objet formel, se devant d’en refléter activement d’abord les lignes, puis les lois les plus générales. Ces principes ne sont les lois de l’être pensé que parce qu’ils expriment les lois de l’être en lui-même…

 

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