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15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:55

Deux passages des Synoptiques sont particulièrement forts quant à l'attitude à adopter face à celui qui nous fait du mal : 38Vous avez appris qu'il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent. 39Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre. 40À qui veut te mener devant le juge pour te prendre ta tunique, laisse lui aussi ton manteau. 41Si quelqu'un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. 42À qui te demande, donne ; à qui veut t'emprunter, ne tourne pas le dos (Mt 5, 38-42) ; 29À qui te frappe sur une joue, présente encore l'autre. À qui te prend ton manteau, ne refuse pas non plus ta tunique. 30À quiconque te demande, donne, et à qui te prend ton bien, ne le réclame pas. 31Et comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, agissez de même envers eux (Lc 6, 29-31)

Une première remarque relative à [Mt 5, 39]. Ce que l'on traduit par “ méchant ”, le mot grec “ ponerôs ” (ponhrv×) est-il ici un adjectif neutre ou un substantif masculin ? S'il s'agit d'un adjectif, il se rapporte soit au mal que l'on veut nous faire, soit à l'état de celui qui est dans la peine, celui qui souffre ; s'il s'agit d'un substantif, il se rapporte à l'homme mauvais ; je pense que l’on doit éliminer d’office le sens que donnent parfois Aristote ou Xénophon au mot “ méchants ”, pour désigner le peuple par opposition aux aristocrates. Il apparaît que ce dernier sens est celui retenu par les exégètes  pour traduire [Mt 5, 39]. Pourtant, une autre lecture, bien plus lié aux Béatitudes pourrait être effectuée en retenant le second sens de l'adjectif, car [Mt 5, 39] se traduirait alors : Et moi je vous dis  de ne  pas résister  à celui qui  est dans la peine.

Cette traduction va en apparence à l'encontre des versets qui suivent, mais elle a pourtant l'avantage d'insister sur la souffrance du méchant, et donc sur l'impératif de charité et de compassion du chrétien. Il faudrait peut être en fait traduire ce verset de la manière suivante : Et moi je vous dis de ne pas résister  au méchant  car il est  dans la peine, doublant le mot grec, mais insistant sur les deux dimensions du méchant qui à la fois fait le mal et à la fois souffre, même sans le savoir… Alors, l'économie générale du sermon sur la Montagne (qui se retrouve être un … discours dans la plaine chez Luc !) se trouverait intégralement respectée, car on y trouve une dimension évidente de relation mutuelle !

Ces deux textes considérés comme similaires dans les Synoptiques se veulent avant tout être une critique de la loi du talion ; mais ils sont aussi plus que cela. On remarquera néanmoins d'emblée que le texte mathéen (Mt 5, 38-42) est bien plus dur et difficile à appliquer que le texte de Luc (Lc 6, 29-31) de par l'idée posée de ne pas résister au méchant. Par contre, dans l'Évangile de Luc, il n'est pas fait directement référence à l'idée de résister au méchant, même si certains des exemples que donne Jésus chez Matthieu s'y retrouvent. En fait, les deux textes doivent être lus conjointement car on retrouve chez Luc une phrase qui permet de mieux comprendre la dureté  de [Mt 5, 39] : Et comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, agissez de même envers eux (Lc 6, 31). On retrouve certes cette phrase dans l'Évangile de Matthieu, mais bien après, en conclusion du sermon sur la Montagne : Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux: c'est la Loi et les Prophètes (Mt 7, 12). Il s'agit là, comme l'a écrit Jean Radermakers, de la règle d'or, résumé de la Loi et des prophètes. C'est donc bien là  la clé de lecture de ce qui suit,  car du mal  ne peut naître le mal ! Et tout se fonde sur l'attitude individuelle de chacun.

Nous insisterons particulièrement dans un premier temps sur [Mt 5, 39]. Il s'agit de la cinquième antithèse du Sermon sur la Montagne à la justice radicale, antithèse relative à la légitime défense et à la riposte au conflit ouvert ; elle est  située dans un passage visant avant tout à exposer l'idée de paix qui prédomine dans la pensée de Jésus, à la suite des Béatitudes… Ce n'est ici qu'une loi personnelle à lire à l'aune de la volonté de pratiquer les Béatitudes, et non pas d'une loi d'État. Ce que veut faire comprendre Jésus, c'est que dans la sphère du privé, tout coup, même justement porté, entraîne une réaction de violence, créant une chaîne sans fin de violence. Jésus s'adresse en effet ici aux individus et leur donne des préceptes individuels. Ce n'est pas à l'homme de se venger, même en cas d'injustice ; il est pour cela une justice supérieure, celle de Dieu, comme le dit saint Paul : Ne vous vengez pas vous-mêmes, mes bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu (Rm 12, 19), donc d'une certaine manière aussi celle collective des hommes, puisque, toujours selon saint Paul, tout pouvoir vient de Dieu (Rm 13, 1), alors que les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal (Rm 13, 3).  Ici donc, pour prévenir la vengeance, il y a la justice terrestre, en tant qu'image ou lieutenance de la justice divine, l'autorité et les magistrats disposant du glaive pour punir les méchants : Ce n'est pas en vain qu'elle porte le glaive : en punissant, elle est au service de Dieu pour manifester sa colère envers le malfaiteur (Rm 13, 4).

En parlant des méchants, Jésus évoque avec réalisme la nature de certains hommes - voire de l'homme lui-même -, ainsi que les rapports qui en découlent, tout ceci étant finalement la finalité de son propos sur la justice dans le Royaume des Cieux (Mt 5, 17-7, 12), la Loi ne pouvant s'accomplir que par une justice surabondante, même si elle ne sera véritablement accomplie qu'hors du monde. Jésus parle surtout aux hommes de la justice du Royaume des cieux, plus que de celle de la terre, même si l'accomplissement de cette justice des Cieux dès le monde terrestre est une piste vers le Royaume. Il nous montre surtout qu'Il est venu pour accomplir et humaniser la Loi qui ne doit plus être maîtresse mais servante des hommes, cette Loi ne pouvant de plus s'accomplir que par une justice surabondante, ou plus encore par un Amour surabondant.

Certains hommes ont une intention mauvaise, et la réaction classique est de chercher à se faire justice soi-même. Or, Jésus n'est favorable ni à la loi du talion, qui se veut dans son principe équilibre - ce qu'elle n'est pas dans son application dès lors que les pharisiens et les scribes ne s'attachent qu'à la lettre de la Loi et non pas à son esprit -, ni au fait de se faire justice soi-même. Il fait d'ailleurs à plusieurs reprises référence aux juges et à leur rôle social, tout comme saint Paul, en particulier en [Rm 13, 3]. La loi du talion était pourtant déjà progrès par rapport à la vengeance pure et simple (Ex 21, 24 ; Lv 24, 20 ; Dt 19, 20), même si elle n'était pas spécifique aux seuls Hébreux comme le montre par exemple le Code de Hammurapi qui est dominé par cette double idée d'équilibre et de proportionnalité de la peine, mais non pas du dol ou du mal subi.  Mais la loi du talion est fondée sur les idées de riposte et de représailles, ce qui peut conduire à une spirale sans fin de violence, un peu comme dans les cas de vendetta en Corse ou comme le démontre encore l'actuelle situation au Moyen-orient. Le sang appelle le sang ! Or, ce n'est pas là la vision de Jésus ! Ce que recommande Jésus c'est tout d'abord de ne pas être l'agresseur. Puis de ne pas résister à l'agresseur, renversant ici la logique traditionnelle de la Loi, allant même très loin puisque demandant certes de ne pas répondre à la violence par la violence, mais aussi de ne pas chercher à se défendre par une procédure légale, encore que ce dernier point ne soit pas véritablement avéré, car il évoque plus le cas où l'on est soi-même déféré devant un juge, et demandant dès lors surtout de ne pas attendre le jugement, même en cas d'injustice, en renonçant à son droit. Il ne s'agit pas là d'une hyperbole manifestant une pure intention, mais d'un acte à vivre, comme le feront les Apôtres (Ac 5, 41). Il y a en fait mise en perspective entre sa propre attitude et l'attitude du Père (Mt 5, 42 par rapport à Mt 7, 11). C'est le prolongement de l'Amour du prochain jusqu'à l'Amour de l'ennemi. Tout se retrouve dans le  Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait  (Mt 5, 48).

Selon cette parole, il apparaît ainsi que la violence, privée du support que lui procure la résistance de ses victimes, disparaîtra d'elle-même. Il ne s'agit ni de résignation, ni démission, mais d'un acte de foi, d'un acte de confiance. Il y a avant tout rejet de la loi individuelle du talion (Dt 19, 18-21), loi qui était déjà elle-même atténuation de la vengeance personnelle en imposant une proportionnalité. C'est le courage du dialogue, de la volonté, de la conciliation, de la réconciliation qui est mis ici en avant, bien plus que la simple non-violence, que la passivité, que la non résistance… C'est aussi l'encouragement à la vertu de patience. Il faut savoir tendre la main à celui qui nous fait du mal, et non pas lui rendre le mal, car notre devoir de chrétien est de chercher à le sauver avant tout pour qu'il devienne un juste à son tour. C'est là le véritable honneur du chrétien. Ce n'est pas un appel au renoncement, mais un conseil de vie, Jésus sachant très bien que l'homme ne peut être parfait ; saint Pierre lui-même nous le démontre par ses actes, alors même qu'il est le détenteur des clés du Royaume (Mt 16, 19)… Jésus nous demande surtout de dépasser la justice des pharisiens et des scribes, l'idéal étant que Jésus accomplit toute justice (Mt 3, 15). En fait, l'authentique justice s'accomplit dans le secret, devant le Père (Mt 6, 1-18), et Jésus nous demande surtout d'éviter d'être nous mêmes des sources de querelles, la réponse brutale à la méchanceté étant elle-même méchanceté. Le chrétien se doit donc avant tout de faire œuvre de charité (1Co 13, 13), donc doit faire preuve au maximum de mansuétude, la priorité étant avant tout, outre d'aimer, de ne surtout pas être hypocrite (cf. Mt 6, 2)…

Jésus précise ici toute l'étendue du devoir de charité, car il ne faut pas répondre au mal par le mal, car on n'est plus alors en présence d'un bon et d'un méchant, mais de deux méchants ! C'est ce que dit saint Augustin, même s'il se fonde dans ce cas sur [Rm 12, 21], en proclamant dans son sermon CCCII (10) déjà cité : Tu  le condamnes et  tu fais  comme lui ? Tu veux par le mal triompher du mal ? Triompher de la méchanceté par la méchanceté ? Il y aura alors deux méchancetés qu'il faudra vaincre l'une et l'autre. C'est aussi ce qu'écrivait saint Paul : Ne rendez à personne le mal pour le mal ; ayez à coeur de faire le bien devant tous les hommes (Rm 12, 17), ou encore l'Apôtre Pierre lui-même : Ne rendez pas le mal pour le mal, ou l'insulte pour l'insulte ; au contraire, bénissez,  car c'est à cela que vous avez été appelés, afin d'hériter la bénédiction (1P 3, 9).

Il s'agit donc bien là d'une parabole à finalité morale et individuelle, d'un appel absolu à faire le bien, donc à dépasser sa nature humaine, par delà et à cause de la Grâce divine ! Pourtant, il ne s'agit pas là d'une obligation, mais d'un conseil, Jésus lui-même ne l'ayant pas appliqué en [Jn 18, 22-23] en questionnant le garde l'ayant giflé lors de son arrestation, acceptant cette gifle si Lui a mal parlé ! Il faut surtout que l'individu évite de tomber dans les péchés de colère ou de vengeance, qui sont contraires à la volonté divine, vengeance personnelle qui était déjà condamnée dans l'Ancien Testament (Lv 19, 18). Il faut avant tout chercher à conquérir son agresseur par la force de la mansuétude. On retrouve ici la condition de ne pas être l'agresseur posée par saint Augustin pour qu'une guerre soit juste. Ce n'est donc pas ce passage, qui fonde le renoncement, mais bien plus [Mt 5, 29] qui impose de ne pas faire scandale. En fait, saint Thomas d'Aquin a bien entrevu la question en étudiant dans le même ensemble la guerre, la rixe, la sédition, …, unissant dans une même réflexion les péchés contre la paix que sont la discorde, la dispute, le schisme, la guerre, la rixe, la sédition, le scandale et la sottise, insérant dans cette partie de la IIa-IIae les préceptes de la charité et le don de sagesse, alors même qu'elle traite avant tout du péché !  Face à l'outrage, aux corvées, aux chicanes, il faut avant tout ne pas chercher à répondre, car le méchant va trouver dans cette résistance motif à continuer ; et il y a donc avant tout devoir de chercher à convaincre, avant d'agir.

En aucun cas ce texte ne se rapporte à l'attitude collective de l'État ; il ne relève que de la sphère individuelle, et de la mise en œuvre en chacun du commandement d'Amour du prochain. On peut ici penser au sermon CCCII (11) d’Augustin d’Hippone où il rappelle, s'appuyant d'ailleurs sur saint Paul : Il y a pour les méchants des juges, il y a des pouvoirs établis. “ Ce n'est pas sans raison, dit l'Apôtre, que le pouvoir porte le glaive ; car il est le ministre de Dieu dans sa colère : mais contre celui qui fait le mal. Le ministre de la colère divine contre celui qui fait le mal. Si donc tu fais le mal, poursuit-il, crains. Ce n'est pas sans raison qu'il porte le glaive. ”

Même si l'homme doit tendre individuellement vers la justice, ce n'est pas à lui individu de l'assumer, mais bien plus à Dieu ou à l'État… On doit aussi rapprocher ce passage des paroles de Jésus relatives aux fils du Royaume et aux fils du méchant (Mt 13, 36-50). Nous ne devons pas être des méchants, car Dieu lui-même les jettera dans le feu de l'enfer (Mt 13, 50). Et Jésus nous montre bien que l'évolution de l'homme est lente, le juste et le méchant se révélant peu à peu à eux-mêmes…

Ce texte peut cependant se rapporter indirectement à l'État - en tant que réunion d'une population humaine - en lui faisant pour obligation de chercher, même en cas d'injustice subie, de chercher avant tout la paix, la conciliation, bref de ramener le méchant dans le droit chemin. Et il y a surtout rejet de l'égalité traditionnelle existant entre l'affront subit et la riposte à rendre ; de ce fait, la guerre ne doit pas avoir de conséquences pires que l'affront subit. D'ailleurs, Jésus donne une indication en ce sens un peu plus loin en évoquant les jugements des tribunaux, même s'Il demande à ses disciples de chercher avant tout à les éviter (Mt 5, 40).  Dans tous les cas, il faut échapper à l'engrenage de la violence. On peut ici penser à ce qu'est théoriquement le judo, c'est-à-dire une voie de la souplesse cherchant à utiliser la force de l'autre pour le vaincre lui-même, la force étant ici l'indicible force de l'Amour et de la charité ; on peut aussi penser à la non-violence telle que prêchée par Gandhi ou par le Pasteur Martin Luther King. Par la gratuité de l'acte individuel de non réaction, Jésus donne à l'homme un moyen d'accéder lui-même à la gratuité de la grâce divine. Et l'on rejoint ici à nouveau saint Augustin…

Ces paroles de Jésus, plus qu'un ordre impératif - Il sait que tout cela ne sera possible que dans la Cité de Dieu -, sont avant tout un appel à la conversion personnelle et à s'amender soi-même. Il sait bien que nous ne pouvons les suivre dans tous les cas, mais il nous y encourage, cherche surtout à donner un sens à la Loi qui ne doit plus être conçue comme quelque chose de figé et d'inhumain, mais avant tout comme quelque chose de vivant et à adapter aux circonstances, alors même qu'Il ne la remet pas en cause…

Deux remarques maintenant :

Jésus nous demande, si nous sommes frappés sur la joue gauche, de tendre l'autre (Mt 5, 39). Mais il ne nous dit rien si l'on est à nouveau frappé, car l'homme n'a que deux joues… Sans chercher à discuter pour savoir ce qu'est cette autre joue comme l'a fait par exemple saint Augustin, ce n'est pas un mauvais calembour que de poser la question du que faire après, car Jésus lui-même peut être violent (Mt 21, 12-17) ;

⑵ pour ce qui est des exemples donnés par le Christ, il n'est pas question ici du cas où l'on veut soi-même mener quelqu'un devant le juge, mais du cas où l'on est l'accusé ; et lorsque l'on est forcé à marché et que l'on marche plus, celui qui force à marcher doit marcher avec soi.

En fait, ce passage ne doit pas être isolé du reste du Sermon sur la Montagne, car il est un élément clé de l'économie globale, et il ne doit donc se lire qu'à la seule aune des Béatitudes et des commandements individuels d'Amour (Mt 22, 36-40), la Loi elle-même étant ici dépassée expressément par Jésus qui l'accomplit (Mt 5, 17-20), même s'Il semble la durcir ou la contredire, notamment lorsqu'Il parle de  l'adultère (Mt 5, 27-32) ou encore des  rapports  entre frères (Mt 5, 21-26) : N'allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abroger, mais accomplir. Car, en vérité je vous le déclare, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l'i ne passera de la loi, que tout ne soit arrivé. Dès lors celui qui transgressera un seul de ces plus petits commandements et enseignera aux hommes à faire de même sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux ; au contraire, celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux. Car je vous le dis: si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des Pharisiens, non, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux (Mt 5, 17-20).

Dans le sermon sur la Montagne, et vues les références citées par Jésus, la Loi doit se comprendre comme étant l'ensemble des commandements que Dieu a donné à son peuple ; elle est donc plus que le Décalogue, et, dans l'absolu, on peut estimer, surtout du fait de la référence aux Prophètes,  que Jésus parle de la Loi comme étant à la fois les commandements et les livres du Pentateuque contenant ces commandements, sens que reprendra saint Paul en [2Co 3, 15]. Par contre, et là encore du fait de la référence aux Prophètes, elle ne peut s'entendre comme dans [Jn 10, 34] ou [Rm 3, 19] au sens d'ensemble de l'Ancien Testament. Ceci renforce le caractère moral et non pas politique du sermon sur la Montagne, et l'on peut retrouver dans les antithèses le sens de force poussant l'homme à choisir entre le bien et le mal que donne saint Paul à la Loi en [Rm 7, 22-23] et en [Rm 8, 2].

Le lien est dès lors facile avec le texte des Béatitudes, avec [Mt 5, 4]  et [Mt 5, 9] dont  [Mt 5, 39] est en quelque sorte l'apothéose : Heureux les doux : ils auront la terre en partage ; Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu, un lien devant aussi être établi avec [Mt 5, 21-26] : Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre ; celui qui commettra un meurtre répondra au tribunal. Et moi je vous le dit : quiconque se met en colère contre son frère en répondra au tribunal ; celui qui dira à son frère : "Imbécile" sera justiciable du Sanhédrin ; celui qui dira : "Fou" sera passible de la géhenne du feu. Quand tu vas présenter ton offrande à l'autel, si là tu te souviens que ton frère à quelque chose contre toi, laisse là ton  offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère ;  viens alors présenter ton offrande. Mets-toi vite d'accord avec ton  adversaire, tant que tu es en chemin avec lui, de peur que cet adversaire  ne te livre au juge, le juge au gendarme, et que tu ne sois jeté en   prison. En vérité, je te le déclare : tu n'en sortiras pas tant  que  tu  n'auras pas payé jusqu'au dernier centime, et surtout [Mt 5, 44] : Aimez-vos ennemis ! C'est ce qu'Hilaire de Poitiers synthétisa par ces mots : La foi prescrit d'aimer ses ennemis et par le sentiment universel de la charité elle brise les mouvements de violence dans l'esprit de l'homme, non seulement en empêchant la colère de se venger, mais encore en l'apaisant jusqu'à aimer celui qui a tort (In Mat. 4, 27).

Un dernier point : ne s'agit-il pas aussi et avant tout du prêche d'une attitude à venir, de celle à tenir face aux persécutions qui viendront  dans les premiers siècles  de l'Église ? Car Jésus évoque souvent la persécution à cause de son nom, tant chez Matthieu  (Mt 5, 11-12)  que chez Luc (Lc 6, 22) ! Et surtout, Jésus ne parle t-il pas de sa propre Passion : Vous avez condamné, vous avez assassiné le juste :  il ne vous résiste pas (Jc 5, 6) ?

Conclusion pratique : dans un souci permanent de justice et d'Amour du prochain, il ne faut pas être l'agresseur, et il faut rechercher avant tout la paix, y compris parfois en donnant l'impression de renoncer, tant que ce renoncement ne remet pas en cause la respect des deux grands commandements d'Amour… On retrouve dans ces deux passages des Évangiles deux des grandes conditions de la guerre juste posées par saint Augustin…

 

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