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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 15:36

 

Aristide est un philosophe athénien qui devait adresser une Apologie à l’empereur Hadrien, vers l’année 124/125. Cette date fait de ce texte le plus ancien du genre apologétique à nous être parvenu. Ce texte nous est parvenu sous diverses formes, au principal une version syriaque et une version grecque, des fragments en arménien et en géorgien nous en étant également parvenu. Seules les deux premières versions, très proches en fait, seront rappelées ci-après.

 

Lorsque Aristide dénonce les erreurs des grecs quant à leurs dieux, il insiste à plusieurs reprises sur le fait que certains de ces derniers sont des meurtriers, ce fait étant alors suffisant pour l’auteur pour démontrer le caractère non divin de ces dieux :

 

« Il s’en trouve parmi eux qui sont adultères et meurtriers, jaloux et envieux, se mettent en colère et en furie, tuent leurs parents, volent et pillent. » (Apol. VIII, 1 Sy)

 

De même, Aristide dénonce le caractère belliqueux ou guerrier de ces dieux, là encore comme illustration de leur caractère non divin. Il dit ainsi, à propos d’Arès :

 

« Arès, ils le présentent comme un dieu belliqueux (…). Comment donc était-il un dieu, le cupide,, le guerrier, le captif, l’adultère ? » (Apol.  X, 4 Ba),

 

ou encore :

 

« Puis ils introduisent un autre dieu, que l’on appelle Arès. On dit que c’est un guerrier. (…) alors qu’il n’est pas possible qu’un dieu soit guerrier. » (Apol. X, 4 Sy ).

 

Il dit encore à propos d’Héraclès :

 

« Héraclès dont ils disent qu’il est un dieu (…), un guerrier et un tueur de méchants (…). (…) alors qu’il est impossible que soit dieu un fou, un ivrogne ou le meurtrier de ses propres enfants (…) ? » (Apol.  X, 6 Sy ).

 

Le meurtre, la guerre sont donc pour Aristide des éléments qui excluent de la divinité. Or, l’homme ayant été créé à l’image de Dieu, il est impossible qu’un homme fidèle à Dieu commette de tels crimes. Par contre, rien n’interdit d’écrire que pour Aristide le meurtre et la guerre ne sont pas des éléments de la nature de l’homme, éléments que le Chrétien doit chercher, dans son imitation de Jésus-Christ, à faire disparaître.

 

Un autre passage vient à l’appui du rejet de la guerre par les Chrétiens selon Aristide : 

 

« Les autres peuples se laissent fourvoyer et se fourvoient eux-mêmes : marchant dans les ténèbres, ils se heurtent les uns aux autres comme des hommes ivres. »

 

Celui qui marche dans la lumière de Dieu ne peut donc pas être ami de la guerre, voire même la faire, car elle va à l’encontre des commandements divins.

 

Pourtant, une chose surprend à la lecture d’Aristide…Alors que pour présenter la morale des chrétiens il reprend en les adaptant les commandements du Décalogue, ainsi que certaines des paroles de Jésus, il oublie dans son énoncé le cinquième commandement, c’est-à-dire le tu ne tueras point ! Il écrit ainsi :

 

« Ils reconnaissent en effet le Dieu créateur et artisan de toutes choses en son Fils unique et en l’Esprit Saint, et ils ne vénèrent pas d’autre Dieu que lui. (…) Ils ne commettent pas d’adultère, ils ne se prostituent pas, ils ne portent pas de faux témoignages, ils ne convoitent pas les biens d’autrui, ils honorent leur père et leur mère, ils aiment leur prochain, ils jugent avec droiture, ils ne font pas à autrui ce qu’ils ne veulent pas qu’on leur fasse, ils réconfortent ceux qui leur nuisent et s’en font des amis, ils s’efforcent de rendre service à leurs ennemis, ils sont doux et indulgents, ils s’abstiennent de toute fréquentation illégitime et de toute impureté, ils ne méprisent pas la veuve, n’accablent pas l’orphelin ; celui qui possède donne sans parcimonie à celui qui ne possède pas ; s’ils voient un étranger, ils l’introduisent sous leur toit et ils se réjouissent de sa (présence) comme (de celle) d’un véritable frère. » (Apol.  XV, 3-6 Ba ).

 

Cette omission du cinquième commandement dans le texte grec de l’Apologie (Roman de Barlaam) se retrouve également dans le texte syriaque de l’apologie (Apol. XV, 2-4, Sy ). Il ne semble donc pas qu’il s’agisse d’un oubli ou d’une erreur d’un traducteur ou d’un copiste. Est-ce à dire qu’Aristide ne considère pas le fait de tuer autrui comme contraire à la morale chrétienne ? Non, son discours sur les erreurs des grecs en étant une première démonstration. Une seconde démonstration se trouve dans le fait que les Chrétiens ne font pas à autrui ce qu’ils ne veulent pas qu’on leur fasse ; or, quel homme sensé accepterait d’être tué, d’être assassiné ? Il est néanmoins regrettable qu’Aristide n’ait pas clairement repris le cinquième commandement, car une lecture uniquement littéraliste pourrait laisser croire que tuer est licite pour le Chrétien, alors que c’est à l’opposé même de la pensée d’Aristide.

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