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21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 11:19

On constate qu’il y a aujourd’hui une certaine déterritorialisation du monde ; or, cette déterritorisalisation induit une remise en cause du concept classique de frontière. Il est donc nécessaire de définir ce qu’est une frontière et de voire quelle est l’évolution de ce concept.

Le mot frontière est la forme substantisée de l’ancien français frontier, adjectif signifiant « qui fait face à, voisin », ce mot frontier venant lui-même du provençal frontalie. Une frontière est une entité destinée à découper un espace géographique, et en général, cet espace est celui des États ; dans ce cas, la frontière délimite donc des États. De plus, au voisinage d’une frontière, on constate qu’il se développe beaucoup de phénomènes tant économiques que politiques et sociaux qui affectent les régions et les populations voisines.

Par ailleurs, la notion de frontière, qui est surtout vivace depuis le XIXème siècle, est utilisée dans deux sens différents. Le premier de ces sens, c’est la frontière comme facteur de délimitation, cette délimitation pouvant être politique, administrative, territoriale, militaire, sociale ou économique. Le second, c’est la frontière comme limite, pouvant matérialiser la limite entre un espace intégré à la partie « vivante » et occupée par les continents et les parties non occupées - les déserts -. Dans ce cas, on parlera plutôt de front ou de frange pionnière. Par exemple, ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle que la frange pionnière des Etats-Unis a pris le nom de frontière. On remarquera que ce dernier usage du mot de frontière, au sens de limite, mais aussi de front et de frange est celui qui est le plus actuel dans la nouvelle réflexion née de la mondialisation et de la globalisation, pouvant être de plus seulement psychologique ou sociologique : frontière pauvres/riches, frontières religieuses, etc…. Dans tous les cas, l’un des problèmes majeurs posé par le concept de frontière réside dans le fait de savoir si cette frontière est une ligne ou une zone lieu de phénomènes… Et là encore deux conceptions s’affrontent, l’une germanique, l’autre latine.

La conception germanique de la frontière repose sur l’idée qu’il existe, entre l’Elbe, le Rhin, les Alpes et la mer du Nord, une unité de peuplement, avec un peuple, une « nation » germanique homogène. La notion de frontière est ici fondée sur deux données : une unité de langue et une unité de race. Dès lors, la frontière soit se fonder sur une aire culturelle et linguistique, toute cette langue et cette culture, rien que cette langue et cette culture, cette vision recevant des justifications plutôt pseudo-scientifiques… Cette théorie ne s’est pas vérifiée sur le terrain, et ne se vérifie toujours pas ; ainsi, les zones suisses et belges de langue allemande, ou encore le Liechenstein, ont toujours voulu, malgré l’unité linguistique, rester suisse, belge et liechenstinoise…

Cette théorie a permis des annexions de populations et des extensions de territoires… Elle justifie toujours certaines prétentions économiques… Ainsi, la paix de Francfort imposa en 1871 l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par l’Allemagne. En fait, les motivations étaient bien plus économiques qu’éthiques ou humanistes, cette annexion offrant à l’Allemagne les gisements de fer lorrains, alors même que Metz et sa région n’étaient en rien germaniques… Comme quoi, cette théorie, née de Fichte et reprise par Bismarck puis par les nazis peut être facilement détournée sous le voile de l’humanisme et de la culture, ce détournement ayant eu pour effet secondaire la méfiance envers la géographie politique et … la géopolitique.

S’y oppose la conception latine, née au XVIIème, allait être reprise par les philosophes du XVIIIème et être diffusée par la Révolution française avant de s’étendre désormais à toute l’Europe. Elle s’appuie sur le postulat de base que la souveraineté est nationale et qu’elle se fonde sur un territoire, l’ensemble des citoyens exerçant ladite souveraineté sur ledit territoire. Elle aura été développée par trois grands théoriciens : l’italien Mazzini et les français Michelet et Renan. L’idée de confondre l’État et la nation était née. La nation est désormais réduite, limitée, fermée par vocation, alors qu’elle était jusqu’alors grande et ouverte… Pourtant, Renan lui-même avait dit qu’une nation, ça ne consiste pas à parler une même langue, appartenir à une même race, mais avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé, et vouloir en faire encore dans l’avenir. Aujourd’hui, avec l’État-nation paroxysmique, la grandeur a disparu au profit du repli et de l’étroitesse…

Cette théorie fondant l’État, ou plutôt le confondant avec la nation, s’opposait en fait au roi de droit divin, propriétaire des terres et des habitants du royaume. Ce n’était pas là une mauvaise chose, mais c’est l’usage qui en a été fait qui a eu des conséquences néfastes. Et la politique des nationalités, pour reprendre l’expression du président Wilson dans ses quatorze points, n’a pas inclut le problème des minorités - ce qu’admettait très bien Renan -, d’où des justificatifs donnés à l’Allemagne nazie lors de son agression contre la Tchécoslovaquie. Avec ce principe, les frontières peuvent facilement être remises en cause au nom de grands principes, d’où des modifications ou des revendications permanentes, d’où des conflits incessants et actuels… ou alors, il aurait fallu généraliser les opérations de transferts forcés de populations pour faire coïncider nationalité et frontières, mais, outre le caractère inhumain de ces mesures, n’y aurait-il pas eu et n’y a t-il pas eu déracinement, et d’une certaine manière rupture du véritable concept de nation, contrat et volonté liant un individu par delà lui-même à une idée, à une cause, à une volonté commune le dépassant. Dessine-moi un français s’il te plaît…

Parlons maintenant des frontières politiques. Une frontière politique est une ligne plus ou moins visible et identifiable entre deux États. Elle résulte d’accords politiques - dans beaucoup de cas -, de la force militaire - comme celles du Proche-Orient - ou encore d’ententes entre alliés - la plupart des frontière de l’ex bloc soviétique -. Elle a un contenu juridique, politique et économique. Enfin, elle sépare assez souvent des milieux de vie assez différents, des cultures différentes, et parfois même des niveaux de vie très différents ; dans ce dernier cas, on pensera notamment à la frontière séparant les Etats-Unis du Mexique. Néanmoins, il apparaît parfois que ces séparations sont uniquement artificielles, quasi-conventionnelles, alors qu’il est aussi des cas où le découpage frontalier a ignoré de réelles divergences en isolant d’un même côté des entités fort différentes. Les frontières politiques actuelles sont assez bien acceptées en Europe occidentale, même si il y a eu des contestations entre l’ex-RDA et la Pologne au sujet de la ligne Oder-Neisse en l’absence de réel traité, alors qu’elles sont souvent remises en cause ou enjeux de conflits sur les autres continents, que ce soit en Afrique, en Asie ou en Amérique latine.

 

Dans tous les cas, la frontière linéaire telle que nous la connaissons aujourd’hui est récente, naissant en Europe au XVIIIème siècle, et, malgré cette brièveté temporelle, elle a marqué nos sociétés. On peut même remarquer que les États africains ont pour la plupart conservé les frontières administratives des anciennes colonies après la décolonisation, a lors même que certaines de ces « frontières » n’étaient même pas centenaires ; on en paye aujourd’hui la facture, notamment en Afrique centrale… Dans tous les cas, ces frontières sont devenues une réalité comme le démontrent les politiques d’immigration des États occidentaux ou encore la difficulté de leur remise en cause dans le cadre de la construction européenne.

La frontière linéaire, qui est donc de création récente, a succédé à la frontière récente qui prévalait jusqu’alors. En effet, à l’origine, la frontière était zonale ; on parlait par exemple de « marche », et ces zones étaient souvent des espaces non défrichés séparant deux territoires où s’exerçait un pouvoir non pas républicain mais personnel. Ce fut le cas des frontières moyenâgeuses comme c’est d‘ailleurs toujours le cas de frontières tribales. Ce n’est qu’à compter du XVème siècle que les pouvoirs centraux des États naissants, de par l’émergence de cette idée de centralisation, mais aussi sous la pression des querelles de la Réforme et d’enjeux économiques bourgeois, allaient avoir besoin de frontières délimitées. Ceci allant en parallèle avec les progrès de la cartographie et de la topographie, la notion de frontière linéaire apparaissait, le découpage entre deux États devenant précis à une grande échelle et n’étant plus le résultat de convenances de personnes ou de conflits de tous ordres. Avec la frontière linéaire, le traité international, qui la scelle, émerge, alors que le traité était avant cela surtout interpersonnel… On peut penser ici au traité de Westphalie de 1648 ou encore au traité d’Utrecht de 1713…

La théorie des frontières naturelles allait se développer en parallèle à compter du XVIIIème siècle. Selon cette théorie, la ligne frontière entre deux États se devrait de suivre un obstacle naturel, et ce afin d’empêcher la progression des armées. Cette idée, naissant d‘une volonté de recherche de la paix, n’aura pas atteint son but, d’autant plus qu’elle n’était pas neuve et avait déjà montré ses limites, notamment avec le traité de Verdun de 843 dont on sait ce qu’il advint et dont nous payons encore aujourd’hui les conséquences ; rappelons que ce traité, point de départ de ce qui deviendra la France, a utilisé le premier la théorie de la frontière naturelle, le Rhône, la Saône, la Meuse et l’Escault délimitant le nouveau territoire. Dans tous les cas, ces frontières naturelles sont de moins en moins des obstacles - l’ont-elles été ? - et n’ont jamais eu une rigidité à toute épreuve. Très souvent, ce furent les montagnes qui furent considérées comme les lieux privilégiés pour ces frontières - ce qui est un avantage pour les États montagneux. Ainsi, l’ancienne province du Forez, sise à la sortie de la vallée du Rhône, contrôlait les cols du Massif central sur la route de Paris, et tirait une grande partie de ses revenus des droits de passage. De même, encore très récemment encore, la Suisse gagnait beaucoup d‘argent en faisant payer des droits de passage élevés aux trains transcontinentaux -, tout comme les fleuves furent eux aussi des marques favorites pour ce type de frontière. Mais, outre le fait qu’une ligne reliant des sommets ou qu’un partage des eaux n’est pas toujours parfait, l’histoire a montré combien ces frontières étaient fragiles dans les faits… On peut penser aux enclaves, aux zones franches et à Andorre à la frontière franco-espagnole….

Ce fut surtout la Révolution française, dans sa phase girondine, qui allait contribuer à imposer les théories de la frontière linéaire et des frontières naturelles, cette idée à l’Europe, avec les mots de Danton selon lesquels les limites de la France sont marquées par la nature ! Cette idée permettait de justifier la politique étrangère de l’Assemblée législative, tout comme elle allait ensuite servir à beaucoup d’autres pour justifier les politiques d’expansion nationale, à la suite de Metternicht qui disait que les convenances des grandes puissances sont le droit. Elle allait surtout donner un cadre à l’idée de nation et entraîner en fixant le territoire des États à l’idée d’État-nation. Désormais, avec des frontières linéaires, le concept de nation est transformé, devient renfermé, alors qu’il était ouverture, sentiment, culture, vouloir-vivre… Mais nous y reviendrons, tout comme nous en avons déjà parlé…

Dans tous les cas, il n’y a aucun absolu entre les frontières naturelles et les frontières conventionnelles, les deux étant, selon la perspective choisie, aussi stables ou … aussi instables…On retiendra pour en finir sur ce point que très souvent des traités ont été signés après des guerres en vue de réduire le kilométrage des frontières. Ainsi, avant 1939, il y avait près de 2.000 kilomètres de frontières communes en l’Allemagne et la Pologne, contre seulement 456 aujourd’hui. De même, au moment de l’Anschluss, l’Allemagne et la Tchécoslovaquie avaient environ 1.500 kilomètres de frontières communes contre 800 kilomètres aujourd’hui entre l’Allemagne et la République tchèque.

 

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21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 11:18

Une frange pionnière est une zone en perpétuelle évolution. Cette évolution s’effectue le plus souvent par incorporation d’un espace non occupé à un espace déjà conquis par l’homme. Il y a donc disparition de ce phénomène dès que toutes les terres sont occupées, ce qui est quasiment le cas partout - notamment en Europe occidentale ou aux Etats-Unis depuis 1890 -, exception faite de quelques États où des zones inoccupées semblent rester inhospitalières à l’homme du fait de facteurs climatiques, biologiques ou sociaux ; c’est par exemple le cas au Brésil, au Canada ou en Russie.

Or, il apparaît que d’autres espaces que les terres existent aujourd’hui : l’espace extra-atmosphérique, les télécommunications, l’informatique, le génome humain, etc… De ce fait, les franges pionnières redeviennent vraiment actuelles, et sont les réelles frontières du monde informel et déterritorialisé contemporain. Il faut donc maîtriser la nature des zones pionnières, déjà en revenant à leur fonction première de limite entre terra cognita et terra incognita.

En général, l’évolution d’une zone pionnière est due à des phénomènes de migrations qui entraînent des phénomènes et des processus de mobilité du paysage. Par exemple, la Nouvelle-Zélande et l’Australie sont des États où se pratique l’élevage extensif des ovins pour la laine ; l’évolution de cet élevage est liée à celle des cours de la laine, et, par là-même, les variations des zones pionnières sont liées à des facteurs économiques. En effet, si la demande est forte, il y aura élevage plus important, donc nécessité d’une occupation de nouvelles zones de pâturages, ce qui déplace temporairement la zone pionnière. C’est exactement ce qui se produit dans le cas des zones pionnières des télécommunications où chaque besoin nouveau en la matière - qu’il soit réel ou provoqué - entraîne la conquête de nouveaux espaces indépendants des espaces naturels.

Ces variations de front pionnier peuvent être le fait d’États, comme en Union soviétique en 1950 avec la mise en valeur du Kazakhstan, ou encore d’organismes privés en vue de profits, ce qui est le cas des franges pionnières informelles actuelles, même si la « terre » ne les a pas toujours désintéressés, comme par exemple au XIXème siècle aux Etats-Unis avec la prospection minière favorisée par des banques ou encore la construction des voies de chemin de fer sur capitaux privés.

On retiendra aussi que très souvent la conquête de la frange pionnière amène des conflits physiques entre les nouveaux et les anciens occupants, comme ce fut le cas là encore aux Etats-Unis lors des « guerres indiennes » de la seconde moitié du XIXème siècle. Par ailleurs, l’avancée des franges pionnières est en général discontinue avec une extension jusqu’à intégration totale du territoire ou de l’espace cible. Nous aborderons successivement deux exemples : les Etats-Unis et la Russie…

Turner aura été le théoricien de la frontière aux Etats-Unis. Avant lui, la frontière était toujours politique ; mais, pour lui, les émigrés venant d’Europe avaient cette conception qu’il jugeait contraire aux idées américaines, soutenant le concept de conquête des fronts de l’est vers l’ouest. Ainsi, l’idée de frange pionnière a modifié la conception européenne de la frontière, celle-ci passant d’une vision de limite politique à celle de limite de population et aujourd’hui de limite économico-financière.

Pendant tout le XVIIème siècle, ainsi XVIIIème siècle, l’implantation des populations fut limitée à une bande continentale côtière d’environ 80 kilomètres de large, correspondant aux treize provinces de l’Indépendance. Il y avait donc freinage de l’émigration et du territoire sur ordre des autorités britanniques. Mais l’Indépendance allait changer la donne, et, dès 1830, il y eut dépassement de la frontière constituée par le fleuve Mississipi, et donc début du peuplement du Middle West. En 1880, la frontière n’était toujours pas uniforme du nord au sud, les avancées étant parallèles à l’installation des grandes voies de chemin de fer, donc avec des « îlots » non intégrés ; et ce n’est qu’en 1890 que tout le territoire des Etats-Unis a pu être considéré comme intégré.

Cette progression aura été difficile du fait de problèmes techniques et d’une dépendance certaine vis-à-vis du littoral qui permettait l’arrivée de produits finis ou de substances de base. Un seul exemple : l’approvisionnement en sel pour les vaches fut très difficile et retarda pendant longtemps la progression vers l’ouest par caravanes, jusqu’à la découverte de salines intérieures, le chemin de fer permettant de plus de dépasser le simple déplacement par diligence… Ainsi, les compagnies de chemin de fer ont eu un rôle prépondérant dans l’avancée du front pionnier, étant aidées en cela par le gouvernement. Installé au travers de zones a priori désertiques ou peu peuplées, ou alors seulement par des indiens considérés comme « inférieurs », le chemin de fer allait erun peuplement tout au long de ses trajets, car il facilitait les approvisionnements et les échanges. On notera que ce développement s’effectua donc avec le soutien du gouvernement qui céda aux compagnies les terres avoisinantes à leurs lignes, soit près de 900.000 km2, terres qui furent aussitôt louées à des exploitants agricoles, d’où un développement humain et une agriculture qui devaient favoriser le trafic ferroviaire.

Pour ce qui est de la Russie, l’occupation des terres sibériennes commença à être envisagée dès le XVIIème siècle, mais leur occupation resta très limitée jusqu’au XIXème siècle, période où la construction du transsibérien permit d’amorcer un début d’inversement du processus du fait d’un approvisionnement plus facile. Néanmoins, cette occupation, calquée sur le parcours du transsibérien devait rester très linéaire, et, jusqu’en 1917, hormis des implantations militaires ou pénitentiaires, la prise de position resta essentiellement agricole, la famine ayant poussé de nombreux paysans à l’émigration vers ces terres nouvelles mais ingrates. Ce processus se trouva de plus favorisé par une démographie galopante qui, associée à l’abolition du servage, devait entraîner le départ de plus de trois milliers  de pionniers vers la Sibérie.

Après la Révolution de 1917, le régime soviétique devait poursuivre cette politique d’émigration, mais en la modifiant. Outre le fait que certaines migrations furent forcées et que la colonisation pénitentiaire fut intensifiée, si la colonisation agricole était maintenue, elle s’accompagna de l’élaboration du principe du développement industriel avec la création de bases industrielles de plus en plus éloignées de Moscou, d’abord avec la houille de l’Oural, puis par bonds successifs vers l’est jusqu’à la côte pacifique. L’évolution des étendues de terres cultivées à l’est de l’Oural aura ainsi été la suivante : 13 millions d’hectares en 1911, 26 millions en 1938 et un peu plus de 60 à la fin des années soixante-dix…

On reste cependant même aujourd’hui très loin d’une intégration totale de la Sibérie à l’espace russe, et il restera encore longtemps des franges pionnières dans cette zone - tout comme c’est le cas dans le nord du Canada -, les conditions de vie y étant très difficiles. Un seul exemple, celui des transports maritimes, ceux-ci n’étant possibles en mer Arctique qu’avec le soutien de puissants brise-glace, alors que le transport aérien n’est pas toujours possible de manière permanente du fait de contraintes climatiques. Il ne faut pas non plus négliger les facteurs militaires, cette frange pionnière étant fondamentale du fait de la proximité de la Chine au sud et de celle des routes polaires qui restent les plus courtes dans une vision stratégique mondiale.

Pour finir, une question. Les territoires informels de la communication et du cyber-espace ne seraient-ils pas les franges pionnières d’aujourd’hui ?

 

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21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 11:13

Quelques réalités que l’on a tôt fait d’oublier :

 

-          plus qu'un territoire, la France est une idée et une culture ;

-          les deux plus grandes frontières de la France ne sont pas européennes mais avec l'Australie -Terre Adélie - et avec le Brésil - Guyane -, ce que l'on oublie, alors que ce sont des atouts; de plus, cela permet de mieux comprendre les enjeux des querelles australo-françaises ;

-          la France n'est pas un hexagone seulement  géographique du fait de son territoire métropolitain, mais bien plus un hexagone-idée en relation avec six espaces.


La France est mondiale (1) car américaine, pacifique et atlantique, et la perte des cailloux de l'Empire serait le déséquilibre de sa puissance, et la plus grosse des « conneries » à faire serait par exemple de lâcher la Nouvelle Calédonie, car celle-ci serait reprise soit dans la sphère australienne, soit dans la sphère étasunienne (les Etats-Unis soutenant d’ailleurs plus ou moins ouvertement certains mouvements indépendantistes canaques) en offrant à celle-ci un pion inespéré de puissance. On peut constater l’intérêt de ces cailloux tant par la présence possible dans des enceintes non-européennes qu’à l’occasion d’interventions hors de l’Europe. Des « cailloux porte-avions » permettant l’entrisme et l’influence internationale, mais aussi faisant d’un État de 550.000 km2 une puissance maritime de 10 millions de km2. À méditer...

 

La France est langue et culture (4) par la francophonie, ce qui induit un ordre géopolitique différent de l'ordre géopolitique anglo-saxon (en fait le seul contre balancier existant !

La France est Méditerranée et Afrique (5), le rôle clé de ces zones ayant été démontré par l'histoire des deux guerres mondiales.

La France est enfin décideuse (6) de par son siège au Conseil de sécurité des Nations unies. Le perdre serait priver la France d'un élément majeur de sa puissance, au profit d'un espace non encore stabilisé, et surtout  déchiré entre trois courants pilotes : francophone, anglophone et saxon…, donc sans aucune garantie de transfert de puissance…

 

À titre de comparaison, l'Allemagne n'a que trois un tiers de ces dimensions : européenne (1), économique (2) et géographique par les PECO (4), la fonction internationale (5) n'existant que partiellement de par l'appartenance à l'ONU. Et le Royaume-Uni n'en a que quatre et demi, avec une partialité de dimension  mondiale que ne compense pas le Commonwealth, et l'absence de tout hinterland tant méditerranéen, qu'africain que centre-européen; et encore, sa fonction (5) est limitée en ce sens que cet État n'a pas un contrôle total et réellement indépendant de sa puissance nucléaire du fait de la « double-clé. »

De même, il ne faut pas oublier les points suivants qui sont autant d‘atouts de puissance si ils sont bien exploités :

-          pour ce qui est de la population, la France est le 2ème État de l’Union européenne, le 3ème en Europe et le 19ème dans le monde ;

-          pour ce qui est du revenu national brut, la France est en 3ème position en Europe (derrière l’Allemagne fédérale et le Royaume-Uni) et en 5ème dans le monde (derrière les deux précédents, mais aussi les Etats-Unis et le Japon) ;

-          pour ce qui est de la balance des paiements, la France est en première place pour l’Union européenne, à la 3ème en Europe (après la Suisse et la Norvège) et à la 6ème dans le monde (loin devant des États tels que l’Allemagne ou … les Etats-Unis) ;

-          pour ce qui est des dépenses militaires, la France est première dans l’Union européenne, 2ème en Europe (derrière la Russie) et 5ème dans le monde (derrière les Etats-Unis, la Russie, le … Japon - en théorie sans armée offensive - et la Chine) ;

-          pour ce qui est des effectifs militaires, l’Armée française est la première de l’Union européenne, la 2ème en Europe (derrière la Russie) et seulement la 20ème dans le monde, mais pour ce qui est de cette dernière position, il faut la rapporter aux moyens dont elle dispose, ceux-ci devant donc être une priorité ;

-          enfin, pour ce qui est de la fabrication et des ventes d’armes et de systèmes d’armements, la France est première dans l’Union européenne, 2ème en Europe (derrière la Russie) et 3ème dans le monde (derrière les Etats-Unis et la Russie).

 

En fait, et on tend à l'ignorer en se soumettant aux diktats non pas de l'Europe, car ces diktats sont décidés à l'unanimité ne l'oublions pas, mais à ceux de l'Allemagne, par simple frilosité politique, par manque de courage, la France perd volontairement et sans contraintes extérieures sa position de seule contre-puissance  globale potentielle !

 

N'oublions pas que la France est l'un des 5 pays les plus riches du monde ! N'oublions pas que chacune de ses régions est à elle seule plus riche que plus de la moitié des États du monde ! Elle a les moyens de ses ambitions, mais seulement si elle le veut et ne se crée pas ses propres handicaps !!!

 

Il est ainsi à déplorer que l’on veuille toujours avant d’agir savoir si « ça marche » en théorie ; avec une telle approche, ce n’est qu’après cette étape théorique que l’on voit si l’on passe à la pratique. En digne héritière de la philosophie grecque, la France ne croit et ne veut faire que ce qu’elle sait expliquer et démontrer, excluant certes tout empirisme pratique, mais se privant par là même de toute réactivité face à l’irrationnel ou à l’immédiat, alors que cette réactivité est impérative lorsque l’on se veut puissance. Il faut certes ne pas réagir n’importe comment, mais ceci ne doit pas correspondre en une absence de toute action. Or, en se privant de tout droit à l’erreur, on se prive de beaucoup de moyens d’action tout en donnant une image d’immobilisme. Peut-être vaudrait-il donc mieux substituer à la modélisation théorique des démarches de vérification-validation-action bien plus réactives car permettant de corriger in itinere une démarche plutôt que de ne rien faire, et ce tout en préparant ex ante des simulations à valider selon la démarche du « quoi ? » (le produit, le moyen, le fait, …), du « qui ? » (l’organisation, les acteurs, …) et du « comment ? » (le processus, les modes d’action, etc…). On aurait ainsi une organisation englobante définissant a priori des actions, des processus et des projets englobants, réactifs, combinant l’intuitif et le pratique, donc permettant l’action…

 

 


La France est européenne (2) par sa métropole, avec l'OSCE, l'Union européenne, etc…

La France est internationale (3) par ses économies, par le G8, par l'OCDE…
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20 décembre 2009 7 20 /12 /décembre /2009 19:51

Une globalisation ? Internet !!!

La globalisation n’est pas la mondialisation. Elle est élément de l’image que l’on a de la mondialisation, tout en étant plus vaste que la même mondialisation. En effet, alors que la mondialisation ne fait que supprimer le territoire, la globalisation a un double caractère, à la fois temporel et spatial, puisqu’elle est interdépendance et interconnexion de facteurs a priori éloignés entraînant une suppression de la notion de durée - du fait de la vitesse des communications actuelles -, de la notion d’espace - son lieu étant irréel - et de celle de territoire - celui-ci étant ici nettement un handicap, car par nature limité -. La notion de connexion est ici fondamentale, mais nous y reviendrons.

Dans le cadre d’un phénomène de globalisation, tout devient international, intemporel - car trop « vite » - et surtout interdépendant, ce qui fait que les problèmes posés par un phénomène de globalisation ne peuvent être traités qu’à la seule échelle mondiale. Mais l’inconvénient est qu’en l’absence d’un ordre mondial unanimement accepté ou d’un Imperium unique rien ne permet de contrôler un phénomène de globalisation puisque seule une solution mondiale univoque peut le contrer. C’est ceci qui explique pourquoi les associations de type mafieux – en s’interconnectant – sont devenues des acteurs incontournables de la vie internationale, car s’exemptant du contrôle des États elles ont établies leurs propres règles autorégulatrices ; ceci explique aussi pourquoi l’État dominant sur le plan économique et financier que sont les Etats-Unis ne tient pas particulièrement à ce que soient mis en place des dispositifs universels de régulation des échanges commerciaux, de justice pénale internationale ou de protection de l’environnement, car ce seraient alors autant d’obstacle à sa puissance. La globalisation est donc aussi favorisée par l’absence de règles…

La globalisation serait donc à la fois ange et démon : ange si elle est régulée et organisée selon des règles égales pour tous et admises par tous, démon si elle échappe à toute régulation…

Il faut cependant garder à l’esprit que le problème de l’adéquation des relations entre l’organisation de l’économie et le pouvoir d’un Imperium n’est pas nouveau. Il est possible d’en trouver d’excellentes analyses dans le De Bello Gallico de Jules César ou encore dans le Germania de Tacite. Le travail de Tacite est d’ailleurs particulièrement révélateur en ce sens qu’il montre que l’examen de l’organisation d’un système économique est certes important, mais qu’il n’est pas suffisant. Le réel problème dans l’analyse géopolitique et géoéconomique est surtout de comprendre le cadre où se déploie chaque système, ainsi que de comprendre la dynamique des échanges. Néanmoins, les relations entre l’économie et le pouvoir n’ont commencé à réellement se complexifier qu’au cours de la pré-révolution industrielle du XVII° siècle.

Enfin, l’une des plus importantes conséquences de la globalisation tient en la masse d’informations aisément disponibles ; ainsi, il est essentiel de développer une capacité de manager une telle information, de déterminer ce qui est réellement important et, dans un même temps, une capacité d’adaptation des stratégies.

Dans le cadre d’une globalisation, les schémas classiques sont inversés, et ceci est particulièrement patent pour ce qui est des facteurs clés des économies occidentales, les ressources devenant secondaires.

 Jusqu’alors, un État était puissant parce qu'il avait des ressources, que l'État avait les moyens de s'en saisir et d'entraîner ses citoyens dans de grandes entreprises orientées vers le monde extérieur. Aujourd'hui, il y a inversion de ces facteurs, la clé étant le reste du monde, alors que les citoyens, les entreprises et les ONG se trouvent au cœur du système au détriment de l'État, les ressources n'étant plus fondamentales. Comment ignorer que Hong Kong, sans ressources, est - même aujourd'hui - plus puissant que toute l'Afrique pourtant très riche en ressources !

La clé est aujourd'hui l'international ou d'être international, fondée sur la communication. Mais il doit aussi y avoir éthique, car, en l'absence d'éthique, on arrive soit à la manipulation, soit à la loi de la jungle. La compétence individuelle n'est plus que secondaire, car elle peut s'acheter et n'est pas très chère, alors même qu'une véritable mondialisation, axée sur l'homme, va à l'encontre de cette dérive !

Il est donc nécessaire de mettre en place une nouvelle connexion, une autre forme de communication afin d'assurer l'ouverture vers les valeurs de compétences, d'où un nouveau schéma : international à communication à éthique à compétence à connexion.

On n'est plus aujourd'hui puissant contre les autres, quelle que soit la forme de l'éthique, mais avec les autres, soit en les utilisant, soit en s'appuyant contre eux, soit en travaillant avec eux. C'est l'exemple des coalitions et de la politique américaine. Mais, dans tous les cas, l'État n'a plus le rôle central pour ce qui est de l'économie; ce sont les citoyens, les entreprises… Mais l'État ne doit pas abandonner sa fonction de régulateur, de contrôleur, de … gendarme.

Pour en venir à une autre forme de globalisation économique, il est ridicule de vouloir - comme le font malheureusement trop d'économistes - systématiser, quantifier et « mathématiser » l'économie, celle-ci n'étant que la somme jamais parfaite d'une multitude d'attitudes et de perceptions tant individuelles que collectives que croisées; c'est d'ailleurs pour cela que les économistes ont toujours recours à des « théories générales », basées sur des « hypothèses », les mathématiques poussant à un formalisme très général - donc inhumain -, ce qui démontre bien que malgré les efforts de certains l'économie n'est et ne sera jamais seulement mathématique; il faut cependant se poser la question de savoir si cette dernière faute est finalement à rejeter sur les économistes qui ne se veulent, du moins pour les plus sérieux d'entre eux, que des théoriciens ou bien alors sur les « administrateurs des sociétés humaines » qui prennent ces théories pour des réalités directement transposables... Il est donc faux d'affirmer comme trop d'économistes que le débat sur la relativité de la notion de besoin économique est inutile; certes certains besoins économiques parmi les plus élémentaires sont communs à l'ensemble de l'humanité, comme l'alimentation ou l'habillement, mais il est tout aussi évident que les modes d'alimentation et d'habillement sont variables selon les cultures et les époques et donc en aucun cas véritablement objectifs.

De même, si à un moment déterminé et pour une société déterminée divers facteurs dit usages, modes, coutumes, mimétismes sociaux, styles de vie, tendent à uniformiser certains besoins au point de les transformer en éléments jugés collectivement indispensables à la vie sociale, il n'en reste pas moins vrai qu'il ne s'agit jamais là d'attitudes véritablement uniformément collectives, donc d'attitudes objectives. C'est là toute l'erreur de l'École néoclassique qui, tout en voulant ramener à l'individu, développe une pensée et une culture globalisatrices et mathématisées; certes, la mathématisation de l'économie à l'échelon de l'individu est indispensable pour comprendre la globalité, mais elle doit alors être plus chimique et physique - donc un peu mathématique, les mathématiques n'étant alors qu'un outil, qu'un médium - que mathématique, s'inspirer non pas de la simple statistique, mais de la théorie du mouvement brownien, des trois grands principes de la thermodynamique et de la loi des grands nombres, ce qui permet d'intégrer - certes de manière très difficilement accessible au plus grand nombre - des notions aussi importantes que les attitudes individuelles, le hasard et le chaos, qui sont fondamentales tant en psychologie qu'en économie, même si elles sont le plus souvent sous-valorisées. Les néo-classiques ont une bonne volonté évidente, mais, si ils partent d'une hypothèse juste qui est le retour à l'individu et aux choix individuels, trop globalisateurs et obnubilés par la théorie du marché parfait et de l'équilibre concurrentiel, ils en arrivent, même si ils prennent en compte l’« intertemporalité », à oublier leur postulat de base : l'homme, la somme des préférences de chaque agent n'étant pas suffisante à définir le volume des préférences humaines car ignorant les préférences sociales; ainsi, si la fonction d'utilité de chaque chose est « utile » pour concevoir ce qu'est le circuit économique, elle est insuffisante pour conceptualiser tant l'ensemble des attitudes humaines que l'environnement dans son ensemble -donc l'homme y compris-, et ce car supposée monotone et convexe au sens que si un « panier » de biens contient au moins autant de chaque bien qu'un autre « panier » et au sens que la moyenne de deux « paniers » équivalents -c'est-à-dire un « panier » composé de l'addition de deux « demi-paniers » de même utilité- est toujours préférée à chacun de ces « paniers », donc excluant la notion de seuil qui est toujours présente dans la nature.

À titre de démonstration, le modèle d'Arrow-Debreu qui repose sur l'existence de marchés parfaits pour tous les biens et services, présents et futurs, est irréaliste car supposant que chaque bien a un prix unique et connu de tous, et surtout que les biens et les services futurs sont déjà connus aujourd'hui, ce qui est une aberration; la simple existence en matière de marchés boursiers des ordres sans limite de prix pour lesquels le prix n'est par définition pas connu alors qu'il concerne une valeur par définition marchande - l'action - suffit à détruire le modèle d'Arrow-Debreu, donc à démontrer l'inutilité pratique -mais non pas théorique- de la pensée néoclassique... De même, le théorème d'Arrow (K. J. Arrow, Social choice and individual values, Wiley, New-York, 1951) relatif à l'agrégation des préférences individuelles en une préférence collective, théorème dominant dans la pensée économique européenne, n'est pas totalement juste, notamment lorsqu'il doit être appliqué dans le cadre des politiques environnementales, puisque si les principes de rationalité de transitivité, d'unanimité et d'absence d'un « dictateur » peuvent être considérés comme réels, la règle de l'indépendance des alternatives représentatives affirmant que, quel que soit un agent, l'ordre de ses préférences sur deux objets quelconques est indépendants de ses préférences sur les autres objets, est contraire aux réalités des choix des citoyens; par contre, Arrow a raison d'affirmer que l'asymétrie de l'information entre les agents économiques conduit à une incertitude des choix et à des déviances du marché quant aux règles de l'équilibre général (K. J. Arrow, « Uncertainty and the welfare of medical care, in : The American Economic Review, vol. III, n° 5, décembre 1963), ce qui contredit d'ailleurs le principe des alternatives non pertinentes....

Même l'existence d'un équilibre concurrentiel est fictive ne serait-ce que du fait des inévitables interventions de l'État, comme l'est d'ailleurs par définition le « commissaire-priseur » de  Walras censé regrouper et organiser les offres et les demandes, et même si la notion d'optimum de Pareto qui s'y trouve liée est importante, elle ne peut donner qu'une tendance car négligeant les réactions individuelles et collectives, même si elle met en évidence la notion d'efficience dans l'affectation des ressources de l'économie, donc le fait que dans un état de l'économie il n'est pas possible pour un agent de faire mieux sans détériorer la situation d'un autre agent économique; l'optimum de Pareto est donc une notion « juste », mais il ne peut en aucun cas être calculé sans une certaine marge d'erreur, les valeurs individuelles n'étant jamais identiques.... L'optimum de Pareto ne doit cependant en aucun cas être rejeté car il est peut-être l'apport le plus important de l'École néoclassique à l'économie de l'environnement, mais il ne peut cependant que traduire une tendance, certains des facteurs permettant de le calculer n'étant pas chiffrables.... D'ailleurs, pourquoi les néo-classiques ont-ils été obligés d'imaginer le théorème du second best  si l'intervention de l'État n'existait pas, même sous forme minime, ce théorème remettant en cause lui-même les « sacro-saintes » conditions de Pareto ?

L'erreur fondamentale des néo-classiques, comme d'ailleurs de la plupart des économistes - y compris marxistes - n'est-elle pas de faire du marché et de la consommation le centre de leur vision du monde alors qu'ils n'en sont que des éléments parmi d'autres. Le Pape Jean-Paul II, qui est souvent mal compris ou mal lu, n'a t-il d'ailleurs pas bien mis en garde les chrétiens, et par delà toute l'humanité, contre les dangers du phénomène de la consommation mal compris, rappelant dans son Encyclique Centesimus Annus que lorsque l'on définit de nouveaux besoins et de nouvelles méthodes pour les satisfaire, il est nécessaire qu'on s'inspire d'une image intégrale de l'homme qui respecte toutes les dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles... Il n'est pas mauvais de vouloir vivre mieux, mais ce qui est mauvais, c'est le style de vie qui prétend être meilleur quand il est orienté vers l'avoir et non vers l'être, et quand on veut avoir plus, non pour être plus mais pour consommer l'existence avec une jouissance qui est elle-même sa fin (Jean-Paul II, Centesimus Annus, Cerf, Paris, 1991, pp. 74-75)...

 

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16 décembre 2009 3 16 /12 /décembre /2009 07:57

L'article 39 (ONU) ouvre le chapitre VII de la Charte des Nations unies, ce chapitre étant consacré aux actions possibles des Nations unies en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression : Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales

Il s'agit peut-être de l'élément le plus original du système de sécurité mis en place en 1945. Il confie en effet au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix en lui octroyant de très larges moyens d'action. En effet, le Conseil de sécurité, au sein duquel les Alliés de la seconde Guerre mondiale continuent à jouer un rôle privilégié au travers des cinq membres permanents bénéficiant d'un droit de veto (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie), en vertu de l'article 39 (ONU), a : ⑴ d'une part la possibilité de constater, et ce d'une manière discrétionnaire, l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression. L'opération de qualification effectuée par le Conseil de sécurité doit être considérée comme un préalable à l'action. Ce jugement correspondant aux trois seuls types de situation désignés à l'article 39 ; ⑵ d'autre part, et comme conséquence de ce constat, la possibilité de faire des recommandations ou de décider de certaines mesures.

Ces dernières mesures sont tout d'abord des mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée, invitant les États membres des Nations unies à entreprendre par exemple l'interruption complète ou partielle des relations économiques (par exemple, la résolution 661 du Conseil de sécurité imposait des sanctions économiques obligatoires à l'encontre de l'Irak), des moyens de communication ou des relations diplomatiques avec l'État fautif [art. 41]. Néanmoins, si le Conseil estime que ces dernières mesures sont inadéquates ou se sont révélées comme telles, il a la possibilité d'entreprendre une action coercitive aux moyen des forces terrestres, aériennes et/ou navales mises à sa disposition, cette action pouvant comprendre des démonstrations de force ou des mesures de blocus, telle la résolution 665 du 25 août 1990 ayant instauré un blocus naval de l’Irak [art. 42]. La Guerre du Golfe (1990-1991) aura ainsi été une guerre autorisée par les Nations Unies (résolution 678 du 29 novembre 1990), mais en aucun cas une guerre faite par les Nations Unies. Il a de même la possibilité, avant de déclencher de telles sanctions, d'indiquer ou d'ordonner des mesures conservatoires visant à empêcher une aggravation de la situation [art. 40].

Article 40 (ONU) : "Afin d'empêcher la situation de s'aggraver, le Conseil de sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l'article 39, peut inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou la position des parties intéressées. En cas de non-exécution de ces mesures provisoires, le Conseil de sécurité tient dûment compte de cette défaillance".

Article 41 (ONU) : "Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radio-électriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques".

Article 42 (ONU) : "Si le Conseil estime que les mesures prévues à l'article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen des forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de membres des Nations Unies".

Dès l'origine, la difficulté majeure que présentait un tel système de sécurité collective a résidé dans le mode de votation au sein du Conseil de sécurité puisque les membres permanents ayant un droit de veto ont toujours eu la possibilité de bloquer toute action entreprise dans le cadre du chapitre VII de la Charte. Néanmoins, un certain nombre de correctifs ont pu être dégagés :

⒜ d'une part, le droit de veto n'empêche pas les discussions publiques d'une menace contre la paix ou d'un différend devant le Conseil de sécurité, ce qui est de nature à mettre en position difficile devant l'opinion internationale tout État censé abuser de son droit de veto. À défaut du vote d'une résolution, il subsistera toujours, selon les circonstances, une pression morale et/ou politique ;

⒝ d'autre part, et le correctif s'est révélé ici très important, il a été admis dès 1945 que l'Assemblée générale pouvait se saisir de questions dont le Conseil se serait dessaisi par suite du veto de l'un de ses membres. Ainsi, si l'Assemblée s'est vue confier un rôle subsidiaire et réduit, ses compétences ont largement dépassé ce cadre dans certains cas. Par exemple, lors de la crise de Corée (25 juin 1950-27 juillet 1953), l'Assemblée générale devait voter le 3 novembre 1950 la résolution 377 prônant l'union pour le maintien de la paix et transférant la responsabilité de ce maintien et de l'emploi de la force armée à l'Assemblée générale en cas de blocage au Conseil de sécurité ;

⒞ l'article 39 (ONU) donne au Conseil de sécurité la compétence et, en principe, le monopole de la qualification des situations de menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression. Cependant, l'extension du champ des compétences de l'Assemblée générale dans le domaine du maintien de la paix s'est marquée notamment par le pouvoir qu'elle s'est attribuée de qualifier des situations dans les termes de l'article 39, soit en vue d'engager le Conseil à adopter des mesures en vertu du chapitre VII, soit afin de fonder ses propres résolutions. Quoi qu'il en soit, le Conseil de sécurité ne saurait être considéré comme le bras séculier ou l'exécutif d'un gouvernement d'Assemblée. Il reste totalement libre de qualifier la question qui lui est soumise et d'en tirer les conséquences de manière discrétionnaire.

Reste que l'article 39 (ONU) ne donne aucune définition des trois types de situation qu'il concerne, et que, malgré certains éclaircissements, des imprécisions demeurent :

⒜ la menace contre la paix peut couvrir des hypothèses très diverses, allant d'un conflit armé entre États à une situation interne très grave menaçant la paix parce que l'on peut s'attendre à ce qu'elle ait des répercussions internationales. Le Conseil de sécurité a donc exigé pour qu'une situation soit qualifiée de menace contre la paix dans les termes de l'article 39 qu'elle constitue une menace non seulement grave mais encore actuelle pour la paix internationale ;

la rupture de la paix est une formule très souple qui n'oblige pas à désigner l'État responsable de cet acte ou de la situation qui en résulté. Elle n'a donc été que très peu utilisée tant par le Conseil de sécurité que par l'Assemblée générale ;

⒞ enfin, en adoptant la résolution 3314 du 14 décembre 1974, l'Assemblée générale est parvenue à donner une définition de l'agression. Elle estime en effet que l’un des actes ci-après, qu’il y ait ou non déclaration de guerre, réunit les conditions d’un acte d’agression : a) L’invasion ou l’attaque du territoire d’un État par les forces armées d’un autre État, ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou toute annexion par l’emploi de la force du territoire ou d’une partie du territoire d’un État. b) Le bombardement, par les forces armées d’un État, du territoire d’un autre État, ou l’emploi de toute arme par un État contre le territoire d’un autre État. c) Le blocus des ports ou des côtes d’un État par les forces armées d’un autre État... (…)  L’énumération des actes ci-dessus n’est pas limitative et le Conseil de sécurité peut qualifier d’autres actes d’actes d’agression conformément aux dispositions de la charte. Cependant, cette définition ne lie en rien le Conseil de sécurité qui dispose toujours d'un pouvoir discrétionnaire pour désigner l'auteur d'une agression. Ce même pouvoir discrétionnaire se retrouve pour ce qui est des mesures adoptées comme conséquences de constatations faites, explicitement ou implicitement. Ainsi, le Conseil peut librement choisir le procédé de la recommandation ou s'engager dans la voie des décisions; la voie de la décision est normalement celle que le Conseil utilise dans le cadre du chapitre VII, par exemple lorsqu'il décide de déclencher des sanctions du type de celles qui sont prévues à l'article 41 (interruption des relations économiques, rupture des relations économiques, ...). Le Conseil de sécurité peut enfin décider librement de l'opportunité et du moment de prendre des mesures coercitives; il est de même le seul juge du type de mesures à adopter au titre des dispositions du chapitre VII de la Charte.

 

 

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15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:38

L’un des défis majeurs de la société actuelle est de répondre aux quatre grandes questions de la gouvernance, de l'existence d'un marché, certes unique, mais organisé, de l'intercommunication, mais surtout de l'éthique internationale. Les axes majeurs deviennent donc les communications, les transports, la fabrication, mais aussi la modélisation et la philosophie !

La gouvernance, c’est tout simplement l’art de gouverner, bref, le mot remplaçant cybernétique puisque celle-ci est devenue autre chose. Cette idée n’est pas nouvelle, puisqu’on la retrouve chez Rabelais en 1534 dans la bouche de l’envoyé de Pichrochole : Par bien gouvernée l'eut augmentée, par me piller sera détruite

La gouvernance est en fait l’érection en principes fondateurs de l’organisation politique de la responsabilité et de la lisibilité, faisant ainsi coïncider l’efficacité et une vision humaniste de la société.

La gouvernance est aussi une réponse aux erreurs des grandes théories politiques et économiques du XXème siècle, notamment à celles ayant négligé les principes de solidarité, de subsidiarité et de développement soutenable. Le but de cette réponse est de permettre de rétablir l’équilibre du monde et des relations humaines, permettant d’apporter des solutions aux grands problèmes du monde. On pourrait presque dire par boutade que la gouvernance est le monde d’emploi de la société. Mais n’oublions pas non plus que rien ne peut se faire sans l’homme, contre l’homme, et là l’éducation a un rôle fondamental à jouer… C’est d’ailleurs pour accompagner ses grands principes de gouvernance que l’Union européenne développera à partir de 2007 une politique de l’éducation encore plus prioritaire…

C’est dans cet esprit que la Commission européenne a publié le 25 juillet 2001 un Livre Blanc sur la gouvernance européenne [COM(2001) 428]. Cinq principes sont à la base d'une bonne gouvernance et des changements proposés dans le Livre blanc. Chacun de ces principes est essentiel pour l’instauration d’une gouvernance plus démocratique. Ils sont à la base de la démocratie et de l'état de droit dans les États membres, mais s'appliquent à tous les niveaux de gouvernement, qu'il soit mondial, européen, national, régional ou local. Ils sont particulièrement importants pour l'Union si elle veut être en mesure de relever les défis qui lui sont posés :

⒜ Ouverture : les institutions devraient fonctionner de façon plus transparente. Avec les États membres, elles devraient pratiquer une communication active au sujet de ce que fait l'Union et des décisions qu'elle prend. Elles devraient employer un langage accessible et compréhensible par le grand public. Cela revêt une importance particulière pour améliorer la confiance dans des institutions complexes ;

⒝ Participation : la qualité, la pertinence et l'efficacité des politiques de l'Union dépendent d'une large participation des citoyens à tous les stades, de la conception à la mise en œuvre des politiques. L'amélioration de la participation devrait accroître la confiance dans le résultat final et dans les institutions qui produisent les politiques. La participation dépend de manière déterminante de l'adoption par les administrations centrales, pour la conception et la mise en œuvre des politiques de l'Union européenne, d'une approche faisant précisément appel à la participation de tous ;

⒞ Responsabilité : il convient de clarifier le rôle de chacun dans les processus législatif et exécutif. Chaque institution de l'Union européenne doit expliquer son action au sein de l'Europe et en assumer la responsabilité. Mais il faut aussi plus de clarté et une prise de responsabilité accrue de la part des États membres et de tous ceux qui participent à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l'Union européenne, à quelque niveau que ce soit ;

⒟ Efficacité : les mesures doivent être efficaces et intervenir au bon moment; elles doivent produire les résultats requis, à partir d'objectifs clairs et d'une évaluation de leur impact futur et de l'expérience antérieure, là où elle existe. L'efficacité demande également que les politiques de l'Union européenne soient appliquées de façon proportionnée, et que les décisions soient prises au niveau le plus approprié ;

⒠ Cohérence : les politiques menées et les actions entreprises doivent être cohérentes et parfaitement compréhensibles. L'Union a d'autant plus besoin de cohérence que l'éventail de ses tâches s'est étendu; l'élargissement ira dans le sens d'une plus grande diversité; les défis à relever, tels que le changement climatique ou l'évolution démographique, transcendent les limites des politiques sectorielles sur lesquelles l'Union a été bâtie; les collectivités régionales et locales sont de plus en plus associées aux politiques de l'Union. La cohérence passe par la capacité d'imprimer une direction politique et par une prise de responsabilité affirmée de la part des institutions, afin de garantir une approche intégrée dans un système complexe.

Les actions à mener dans le cadre des principes de la gouvernance sont en fait au principal les suivantes : ⑴ mieux légiférer ; ⑵ participation de la société civile ; ⑶ analyse d’impact, obtention et usage de l’expertise scientifique ; ⑷ mise à jour et simplification de l’acquis réglementaire et législatif ; ⑸ agences de régulation ; amélioration de l’application et du contrôle de l’application du droit communautaire ; ⑹ dimension régionale et locale avec dialogue permanent entre l’autorité centrale et les associations d’autorités régionales et locales, ainsi que la définition de conventions et de contrats tripartites d’objectifs ;  ⑺ recentrage des politiques et des institutions ; ⑻ espace public cohérent.

 

 

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15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:37

Comprendre l’interaction entre l’homme et l’environnement. (…) L’homme est avant tout le produit de son environnement géographique. (…) Nous cherchons une formule qui permette certains aspects de la causalité géographique de l’histoire universelle. Tout le rôle de la géopolitique se résume en ces mots de Mac Kinder…

Si la géopolitique a si souvent eu - et a encore parfois - mauvaise presse, cela tient en la personnalité de certains de ses pères fondateurs, ainsi qu’en l’usage qu’en firent les théoriciens du nazisme. En effet, les trois pères initiateurs - et non pas fondateurs - de la géopolitique auront été Charles Darwin (1809-1882), Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882) et Ernst Heinrich Haeckel (1834-1920. Rappelons qu’inventeur du mot écologie, Haeckel a aussi été un théoricien de la race, mais aussi de l’espace vital, selon une approche biologique ; on sait les conséquences qu’une telle vision transposée à l’humanité a pu avoir de négatif, voire même de diabolique…) qui, chacun à sa manière, définirent une théorie de la race et de la lutte évolutive, de la sélection des espèces, et même si leurs voies ont pu conduire à l’écologie et à une meilleure compréhension des origines physiques de l’homme, il est aussi indéniable que la référence à la race et à la sélection ont des connotations pour le moins négatives.

On remarquera que la géopolitique est dès son origine marquée par les théoriciens de l’évolutionnisme, et en particulier de ses caractères apparus au XIXème siècle. En effet, le premier évolutionnisme, celui de Voltaire et de Rousseau, n’était pas racisme - bien au contraire -, alors que celui du XIXème siècle est indéniablement marqué par, au minimum, un pseudo-racisme. Pour ces évolutionnistes, l’homme évoluerait du moins bien au mieux, mais les peuples colonisateurs sont représentés comme étant les seuls à la pointe de l’évolution et du progrès. À la différence du XVIIIème, on parle ici non plus de progrès mais de sens du progrès, le mieux étant pour le sauvage, qui n’est plus considéré comme un homme égal, de se civiliser selon le modèle de l’homme blanc.

Cet évolutionnisme culturel, qui induit un racisme certain, était né de l’évolutionnisme scientifique de Darwin et de sa théorie de la sélection naturelle, Darwin précisant même que c’était cette sélection naturelle qui faisait que c’est l’homme qui a le mieux développé les sociétés, car faible physiquement.

Le lien entre l’anthropologie - qui est la science du comportement en général, et plus particulièrement des sociétés - et la géopolitique est en fait évident, la géopolitique étant d’un niveau macro-, alors que l’anthropologie est plus micro- en son essence. Toujours est il que l’évolutionnisme anthropologique a été repris très tôt par certains géopoliticiens, en particulier allemands, et notamment la classification des sociétés entre sauvagerie, barbarie et civilisation, celle-ci étant la période des grande découvertes, de l’écriture, de la poudre, de l’électricité, de la vapeur, celle de l’État, de la propriété, celle de l’État, de la propriété privée et de la famille monogamique… Mais nous reviendrons plus tard sur l’anthropologie, afin de faire comprendre les liens pouvant exister avec la géopolitique.

Les deux lois de la géopolitique

⑴ Pour se développer, un État doit conquérir une zone d'influence qui lui garantisse des matières premières ou des marchés commerciaux.

⑵ Cet État doit avoir les moyens de sauvegarder cet acquis face à la convoitise des autres puissances, d'où la nécessité d'une politique de défense cohérente.

Les sept lois de l'expansion

⑴ La croissance spatiale d'un État va de pair avec le développement de sa culture.

⑵ L'étendue des États s'accroît parallèlement au renforcement de diverses autres manifestations de leur développement comme la puissance économique et commerciale ou l'idéologie.

⑶ Les États s'étendent en incorporant ou en assimilant les entités politiques de plus petite importance.

⑷ La frontière est un organisme vivant dont l'emplacement matérialise le dynamisme, la force et les changements territoriaux de l'État.

⑸ Une logique géographique prévaut dans tout processus d'expansion spatiale puisque l'État s'efforce d'absorber les régions importantes pour conforter la viabilité de son territoire - littoral, fleuves, plaines, richesses -.

⑹ L'État se trouve naturellement porté à s'étendre par la présence à sa périphérie d'une civilisation inférieure à la sienne.

⑺ La tendance générale à l'assimilation ou à l'absorption des nations les plus faibles invite à multiplier les appropriations de territoires dans un mouvement autoalimenté.

Les sept lois de la société humaine 

⑴ Aucun élément de la société humaine ne présente de stabilité temporelle définitive. Au contraire, chaque société ou chaque État apparaît comme transitoire, voué en lui-même à une disparition plus ou moins précoce : il y a donc précarité et labilité fondamentales de situation et cette labilité entretient par son existence même le renouvellement constant de l’ensemble de la société humaine (loi de labilité et de renouvellement).

⑵ Hors catastrophe globale mettant en cause son existence collective même, la société humaine dans sa globalité se révèle capable de poursuivre sa croissance au long des temps. Voué à la disparition, chacun de ses éléments porte cependant en lui-même de quoi se survivre au-delà de cette disparition, même si ses déterminants propres ont disparu voire même on été anéantis ou oubliés, et de ce fait la société humaine s’étend progressivement (loi de l’extension).

⑶ La société humaine est progressivement envahissant aux dépens de son environnement non humain et elle s’étend progressivement dans l’espace (loi de l’expansion).

⑷ Les éléments de la société humaine se complexifient indéfiniment. Si des régressions ou des dédifférenciations surviennent, elles aboutissent à des états quiescents de surévolution régressive sans possibilité de reprise du chemin précédemment suivi (loi de la complexification).

⑸ Aucune société ne peut rester ne peut rester obstinément semblable à elle-même. Elle évolue, c’est-à-dire que les actions extrinsèques, les acquisitions intrinsèques au cours de son développement de caractères modifiant sa structure mais non sa nature et, plus encore, les mutations l’enrichissent progressivement et elle a la capacité de transmettre cette information au long des temps (loi de l’évolution).

⑹ Chacun des éléments de la société participe, bien qu’unique en lui-même, à des constructions variées (loi des statuts multiples).

⑺ Les unités structurales de la société ne sont pas simplement juxtaposées, mais entrent constamment en rapport les unes avec les autres, l’une quelconque d’entre elles étant, de toute manière, nécessaire à l’ensemble (loi de l’intercorrélation).

Les trois lieux actuels de la géopolitique

⑴ L'anthroposphère

⑵ L'économie-monde

⑶ Le cyber-espace.

Les acteurs émergents

⑴ Les ONG

⑵ La société civile

⑶ Les extrémismes

Les instruments émergents

⑴ L’environnement

⑵ La manipulation

⑶ La désinformation

⑷ La nature

⑸ Les communications

⑹ L’intelligence économique

 

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15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 14:36

Comme le disait Aristote, la philosophie commence lorsque les hommes s’étonnent de ce que les choses sont ce qu’elles sont (Aristote, Métaphysique, 983a13)… Jusqu’au XVIIIème siècle, on entendait par philosophie le savoir désintéressé, englobant toutes les sciences, et cherchant à proposer des solutions aux défis se posant à l’esprit de l’homme. Depuis, et sous l’influence de la Renaissance et du progrès technique, son objet s’est restreint pour réduire à la philosophie à la seule science de l’esprit de l’homme, et de ce que cet esprit peut connaître (P. Foulquié, Mémento de philosophie, Éd. de l’École, Paris, 1949, page 5) ; on peut ainsi lire dans l’Encyclopédie que le philosophe n’admet rien sans preuve ; il n’acquiesce point à des notions trompeuses ; il pose exactement les limites du certain, du probable et du douteux, ce qui n’est pas faux et serait même utile, s’il n’y avait exclusion de toute vraie métaphysique par enfermement de la pensée dans un matérialisme organique et une croyance en un déterminisme universel mettant en cause la liberté psychologique en faisant, à la suite de Condillac, dériver de la seule sensation les activités de l’esprit.

Or, si le postulat de Condillac n’est pas totalement faux dans sa forme première, si la philosophie est éternelle, elle est aussi fille de son temps, car créatrice de concepts. Le développement actuel de l’épistémologie marque ainsi un grand retour des sciences dans la philosophie contemporaine et modifie sensiblement notre vision du monde. La philosophie est en fait perçue aujourd’hui, comme le pensait Socrate, comme étant seulement la science du doute  - même si ce doute ne doit pas conduire au pessimisme - et de la connaissance de soi, donc de son environnement ; mais elle est aussi comme le voulait Thalès la science de la recherche des causes premières et des solutions permettant d’assurer une adéquation idéale entre l’homme et la société où il vit, cette dernière dimension ayant malheureusement trop souvent été oubliée jusqu’aux dernières décennies. Il nous faut donc éviter de tomber dans le travers pessimiste d’Aristote qui voyait le début de la sagesse dans le fait de douter de tout et de tout le monde ; une telle approche de la philosophie, donc de la vision conceptuelle du monde, fondée finalement sur une absence permanente de confiance, ne peut conduire qu’à des relations sociales de tension, si ce n’est de crise ! La philosophie est une science humaine, et le retour contemporain à la philosophie morale - souvent influencée par la phénoménologie des temps passés - est le signe de la volonté de l’homme de chercher des réponses à sa réalité et à son environnement, non pas seulement technicistes, mais aussi intellectuelles, donc dépassement de Socrate et d’Aristote.

N’oublions pas ces mots terribles de Malraux qui caractérisent si bien la philosophie européenne de Socrate jusqu’à ces derniers temps : Pour détruire Dieu, et après l’avoir détruit, l’esprit européen a anéanti tout ce qui pouvait s’opposer à l’homme… (La tentation de l’Occident, Grasset, 1926, page 215 de l’édition de 1951) », car une civilisation de l’homme seul  ne dure pas très longtemps (Psychologie de l’Art,  La monnaie de l’absolu, II) ! Quelle dure vérité, de Socrate à Spencer… Et dire qu’il aura peut-être fallu attendre le très affabulateur Malraux et le très matérialiste – du moins en apparence – Sartre pour voir resurgir la véritable métaphysique et la véritable recherche des causes premières dans la pensée philosophique ! Un comble !

En ce sens, la philosophie n’est pas séparable de la réflexion de défense. En ce sens, la géopolitique, par sa fonction descriptive, doit être un outil moderne d’aide à la pensée politique. La géopolitique doit donc se concevoir autrement, même s’il ne faut pas oublier le facteur humain qui la ramène à l’ancienne géopolitique, donc à la nation en ce sens que celle-ci sublime le territoire.

Donc, tout comme l’émergence d’une nouvelle pensée stratégique est difficile, celle d’une nouvelle pensée géopolitique l’est tout autant du fait de l’exclusion dans la pensée contemporaine de l’idée de territoire. Ainsi, la défense de la France ne se fait plus sur son sol mais sur d’autres territoires, que ceux-ci soient réels ou virtuels, cette perte du lien charnel au sol, à la patrie, n’étant pas sans conséquences et sans liens avec les difficultés actuelles de la redéfinition de la stratégie.

Enfin, le dernier intérêt de la philosophie, par delà la connaissance des idées, des concepts ou des valeurs qui font ou défont les civilisations, tient en ce qu'elle permet d'apprendre à raisonner avec calme et à exprimer les idées, certes avec éloquence, mais surtout avec mesure et sobriété. On peut ici penser à l'exemple du plus grand des stratèges athéniens, Périclès, qui, fils de la philosophie, aura été un chef dans toute l'acceptation du terme.

J’ai évoqué la géopolitique… Apportons tout de suite une précision : même si elle en est proche, la géopolitique n’est pas la géographie politique ! La géopolitique est la mise en perspective des espaces et des territoires avec les enjeux et les volontés politiques ! Elle n’est donc pas forcément la réalité, et elle n’est surtout pas descriptive, car avant tout intuitive, subjective ! Mais sa difficulté tient en son incapacité à définir ses propres principes, ce qui fait qu’il y a aujourd’hui une véritable dérive du mot géopolitique qui est mis aujourd’hui un peu à toute les sauces, du fait même des géographes qui veulent l’accaparer, alors qu’elle relève plus de la science politique selon moi.

On rappellera ici que la géographie est tout à la fois une science de l’homme et une science de l’espace, étudiant la place et le rôle de l’homme dans l’espace qui l’environne. Les facteurs géographiques sont donc de deux ordres : des facteurs naturels et des facteurs humains, les deux par rapport au milieu. La géographie doit donc étudier les rapports homme-nature, tout en posant les problèmes d’utilisation de l’espace, problèmes opposant eux-mêmes deux facteurs différents : la prise en compte des facteurs physiques par rapport aux humains et les conflits d’intérêts. Cette dernière dimension est peut-être la plus proche de la géopolitique, mais elle n’est pas la géopolitique car elle est aussi aménagement du territoire, organisation administrative de l’espace, etc…, ce que n’est pas la géopolitique.

La géopolitique sert aujourd’hui d’abord à faire la paix, et si ses deux grandes lois sont toujours partiellement d’actualité, elles ne sont plus tout. La formule selon laquelle pour se développer, une structure doit conquérir une zone d'influence lui garantissant des matières premières ou des marchés commerciaux, tout comme elle doit avoir les moyens de sauvegarder ces acquis face à la convoitise des autres structures, d'où la nécessité d'une politique de défense cohérente reste valable, mais elle n’est plus seule, car la géopolitique est aussi au service de la paix ! Faire la paix… Donc dialoguer… Mais pour dialoguer, il faut connaître l’autre tout en se connaissant soi-même ; il faut connaître, sans concessions, sans se voiler la face… Mettre sur la table toutes les réalités, même ce qui déplaît, et ce de la part de toutes les parties.

La géopolitique n’est pas une fin. Elle est un outil. Par sa fonction descriptive, elle doit être un outil moderne d’aide à la décision, mais plus encore à la pensée – y compris philosophique, la philosophie étant la science des concepts – et à l’action. La géopolitique n’est donc pas immobile, pas figée, mais au contraire dynamique. Elle doit donc se concevoir autrement, même si il ne faut pas oublier que le facteur humain ramène imperturbablement à l’ancienne géopolitique, donc à la Nation en ce sens que celle-ci sublime le territoire. Donc, tout comme l’émergence d’une nouvelle pensée stratégique est difficile, celle d’une nouvelle géopolitique l’est tout autant du fait de l’exclusion dans la pensée contemporaine de l’idée de territoire, celle-ci n’étant pas le fait du seul Islam, très loin de là ; l’économie est le champ même de la déterritorialisation : mondialisation, globalisation, flux informels, …

Le nouveau rôle de la géopolitique est de prévoir les conflits potentiels, mais pas en regardant une boule de cristal : en regardant des faits, des cartes, des hommes… Elle est en fait anthropologie, car fondée sur l’analyse de faits quasiment ethnologiques pour étudier et prévoir le comportement humain en général, son objet étant tant de connaître l’autre que de se connaître… La géopolitique connaît en ce sens les mêmes difficultés que l’anthropologie, et notamment, de par son approche par le nous, elle se heurte à l’ethnocentrisme, et le géopoliticien, comme l’anthropologue, influencera les phénomènes qu’il observe, ne serait-ce que par les jugements et choix de valeur qu’il porte sur des faits concrets. Analyse et prévision sont donc les deux mamelles de la géopolitique. Et, du fait de ce que j’ai écrit précédemment, il faut rester humble en géopolitique ; il est nécessaire d’avoir une approche globale, la plus neutre possible, une approche non plus sectorielle… La géopolitique doit conduire à faire des choix, et non plus à adopter des demi-mesures, mais des choix basés sur du concret intégrant toutes les dimensions du monde, même les plus immatérielles, toutes les réalités du monde. Il faut voir le global et le local, car le jeu géopolitique dépasse la logique des blocs, des pouvoirs, tout en analysant les conséquences de ces logiques non sur des objets mais sur l’homme lui-même.

Finalement la vision du géopoliticien doit être optimiste et nouvelle, axée sur la vision de la paix qu’il peut aider à protéger et non plus sur les seuls aspects négatifs du monde… Mais pour cela, le géopoliticien se doit de se dépouiller de toute idéologie, d’être neutre… mais le parti même de l’optimisme n’est-il pas un choix a priori ?

Comme l’a écrit le général italien Carlo Jean en 1995, notre monde traverse depuis le début des années quatre-vingt un double processus : un processus d’intégration par l’économie et un processus de désintégration politique, et ce de manière tant mondiale que concomitante (cf. C. Jean, Geopolitica, Laterza, Rome/Bari, 1995). Cette simultanéité intégration/désagrégation est une nouveauté de notre temps, car jusqu’alors soit le politique et l’économique étaient liés, soit lorsqu’il y avait divergence entre ces deux processus, cela se faisait dans un sens particulier, un élément extérieur apportant la cause de la différenciation. Or, aujourd’hui, il n’est pas possible d’identifier un élément extérieur justificatif de cette divergence. Ni l’environnement, ni la religion, ni la géographie, ni la finance ne permettent de justifier par eux- et en eux-mêmes cet état de fait.

Il y a donc véritablement crise civilisationnelle, d’une dimension bien supérieure aux crises de la Renaissance et de la Réforme, car il y a divergence d’éléments jusqu’alors naviguant de pair. On est face à une catastrophe civilisationnelle et de la pensée !

Cela pose problème, car il s’agit désormais de trouver une nouvelle philosophie, les pensées et les concepts actuels n’étant plus suffisants pour expliquer un monde qui ne se conçoit plus en quatre mais en dix ou onze dimensions. Ce n’est cependant ni la mort de l’histoire, ni la mort de la philosophie. On est dans quelque chose d’autre : un véritable changement d’ère de pensée d’où l’homme ne sortira pas intact, soit en bien, soit en mal. Cela ne signifie pas que les concepts anciens soient dépassés, très loin de là, mais qu’ils doivent être repensés ou réactualisés, notamment en ce sens que certaines conceptions philosophiques trop vite rejetées sont peut-être bien plus modernes que l’on ne le croyait. Le retour à l’ésotérisme et au religieux est une traduction de ce fait, en ce sens que l’homme se cherche, mais aussi que ces sciences peuvent lui permettre de mieux comprendre sa place dans le monde.

En fait, la seule explication des disfonctionnements actuels viendrait peut-être du fait que l’homme s’est découvert comme n’étant plus le centre le monde. En accusant l’homme de pouvoir détruire la création, les écologistes – du moins certains écologistes politiques – ne relancent-ils pas le mythe de Prométhée, tout en replaçant eux-mêmes – sans le vouloir, mais de facto­ – l’homme au centre du monde puisque l’homme deviendrait le catalyseur de l’évolution ? Bref, n’y a-t-il pas contradiction essentielle au sein même de leur pensée ? Nous découvrons avec émotion que si l’Homme n’est plus (comme on pouvait le penser jadis) le centre immobile d’un Monde déjà tout fait – en revanche, il tend désormais à représenter, pour notre expérience, de la flèche d’un même Univers en voie, simultanément, de « complexification » matérielle et d’intériorisation psychique toujours accélérée. Ces mots posthumes de Pierre Teilhard de Chardin dans La Place de l’Homme dans la nature sont ici prophétiques (P. Teilhard de Chardin, La place de l’homme dans la nature. Le groupe zoologique humain, Albin Michel, 1956) …

Toute l’ancienne philosophie est d’une certaine manière morte avec la seconde guerre mondiale, ce qui n’est pas forcément un mal, et une nouvelle doit naître, est dans les douleurs de l’enfantement, devant répondre aux interrogations d’un monde non plus anthropocentré, non plus à quatre dimension mais tout autre. Le monde d’Hésiode, de Démocrite, d’Héraclite, de Socrate, de Platon, d’Aristote, de Thomas d’Aquin est mort ! Celui de Descartes, de Pascal, de Leibniz, de Kant, de Nietzsche est mort ! Leurs idées ne sont donc plus totalement vraies car fondées sur du faux ! C’est surtout le doute permanent insinué dans les esprits qui doit disparaître, non pas qu’il faille supprimer le questionnement – bien au contraire –, mais il faut aussi croire en ce que l’on dit et surtout ne plus chercher, par un quelconque jeu dialectique, seulement à détruire l’autre en se détruisant soi-même ! Mais cela ne veut pas dire non plus qu’il faille les jeter à la poubelle, très loin de là… Notons par contre, qu’à l’imitation des grands philosophes et à contrario de ces derniers années, la philosophie - et la géopolitique - se doit désormais d’être à nouveau universelle, tant mathématique et physique que littéraire.

Nous avons parlé de place de l’homme dans le monde. Cela est décisif. Car désormais l’homme cherche non seulement à se connaître, mais aussi à comprendre sa place dans le monde qui l’entoure, sa place dans l’univers, et là encore le religieux ne peut que revenir en force, car donnant à l’homme face à Dieu dans la Création, elle lui apporte des solutions, des réponses, que celles-ci soient vraies ou fausses. L’homme dans le monde qui l’entoure… La finalité de l’homme… On nage ici en pleine philosophie, mais on est aussi proche de la géographie, de la psychologie, mais aussi proche de l’écologie, de cette science des êtres vivants dans le milieu qui les entoure. On est aussi proche de l’anthropologie, cette science qui permet à l’homme, par la connaissance de son comportement, d’en apprendre tant sur l’autre que sur lui-même…Et c’est là que la géopolitique est une science d’actualité, en ce sens qu’elle cherche à comprendre en quoi les attitudes politiques globales sont influencées par le milieu physique…

La géopolitique est donc une science actuelle, mais qui ne doit pas être prise comme ce fut trop souvent le cas comme isolée, mais en union avec l’anthropologie et l’écologie qui en sont à la fois partie et extérieur. Pourquoi ces trois sciences ? Tout simplement peut-être parce que ce sont les trois sciences majeures de l’interrelation entre les êtres vivants, permettant également d’introduire et de comprendre d’autres sciences telles que la biologie, la botanique, l’astronomie, …

Donc, plus qu’une voie de puissance, pour reprendre les mots du général Pierre Gallois, la géopolitique est une voie de connaissance, et par là même de compréhension, donc de décision… La géopolitique doit donc être dépouillée de ses oripeaux passés, de sa seule perspective militaire ou guerrière pour être aujourd’hui universelle ! Et c’est pourquoi la géopolitique sera ici conçue comme la science de l’homme dans la biosphère, prise au niveau politique et institutionnel, mais aussi des relations sociales et avec le milieu environnant.

La géopolitique est la fille du XIXème siècle. Elle est d'abord une pratique : celle de la réalité des peuples et des États. Elle est ensuite une méthode. Elle intègre des éléments venant de l'histoire, de la géographie, de la sociologie, de l'économie, de la philosophie, etc… Enfin, plus qu’une science, la géopolitique est une spéculation fondée sur des faits, mais aussi sur des choix… Elle est donc plurielle.

Voici plus de vingt ans, Yves Lacoste affirmait que la géopolitique servait avant tout à faire la guerre (cf. Y. Lacoste, La géographie ça sert à faire la guerre, Maspero, Paris, 1976) ! Si ce constat a été une réalité pendant longtemps, il n'est plus totalement exact, d'autant plus que la géopolitique est aujourd'hui tant externe qu'interne. De plus, les réponses militaires classiques ne sont plus applicables à toutes les situations, à toutes les menaces, à tous les risques. L’épisode du 11 septembre 2001 est là pour le démontrer, et rien ne tend à prouver l’efficacité de la réponse militaire en Afghanistan, même ponctuellement dans la lutte contre le terrorisme…

Le rôle nouveau de la géopolitique est plus de proposer des solutions, d'aider à faire la paix, que celle ci soit internationale ou sociale. Ceci impose d'avoir une approche globale et non plus sectorielle, temporelle et non plus limitée. Il faut faire des choix et non plus adopter des demi-mesures, mais des choix basés sur du concret, intégrant toutes les dimensions du monde et de la société, donc sur une vision nouvelle.

On notera enfin que les phénomènes et les analyses géopolitiques sont applicables et transférables non seulement aux États ou aux blocs, mais aussi à toutes les structures humaines. On peut ainsi dire que d’une certaine manière les mêmes « règles du jeu » régissent les relations humaines, que ce soit à l’échelle de la planète à celle de la cité de banlieue ; et une telle approche permettra de mieux comprendre les phénomènes contemporains de fracture sociale…

Selon Bruno Latour, la société contemporaine n’aurait jamais été moderne, et il n’est pas impossible de l’interpréter au regard des schémas classiques... ; il développe en particulier cette idée in : Politiques de la nature, La Découverte, Paris, 1999, et surtout in : Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique, La Découverte, Paris, 1997, 2ème éd. Certes, le global efface l’international et le national, tout comme la mondialisation efface le territoire ; il y a une crise sémantique et remise en cause des concepts philosophiques, géopolitiques et géostratégiques traditionnels.

De ce fait, notre société que l’on pourrait qualifier d’évolutive serait un modèle inédit regroupant aussi bien des caractères de société archaïque que de société médiévale, baroque, moderne ou post-moderne. Ainsi, l’émergence de caractères médiévaux ou baroques est un élément majeur à retenir. Avec le retour au médiéval par la dialectique du fini et de l’infini, de l’interne et de l’externe, l’évolution des modes de communication, avec le retour au baroque avec la dialectique de l’homogène et de l’hétérogène, une relation au temps à la fois prospective et historique, on peut constater un retour de l’influence des modèles néo-stoïciens latins, et en particulier de la vision du monde qu’avaient Épictète ou Cicéron, notamment dans la perception du droit et de la nature. Il n’y a donc pas de modèle de crise, mais d’une certaine façon crise des modèles…

Notre société se trouve aujourd’hui à un point de conjonction de son évolution que l’on pourrait, comme cela a déjà été dit, comparer à la phase de transition entre le bas Moyen Âge et la Renaissance, à la recherche d’un équilibre - d’où la crise de croissance plus que de confiance de la société actuelle - qui la conduira vers un équilibre des relations et des activités humaines dans un respect mutuel.

Il ne s’agit pas là d’une utopie, même si ces équilibres sont à rapprocher des modèles idéalisés par ceux que l’on appelle les Utopistes, mais le fruit d’une longue évolution lancée voici plusieurs siècles, avant la rupture de la Réforme et de la Renaissance.

Lorsque André Malraux proclamait que le XXIème siècle serait spirituel ou ne serait pas, il pensait bien au spirituel et non pas au religieux comme beaucoup l’on dit à sa place, la difficulté étant d’intégrer cette dimension spirituelle dans un monde pluriel, donc de modifier des habitudes de travail et de relations sociales à un modèle de société qu’il faut adapter et non pas briser. Il est d’une certaine manière rassurant de constater que notre civilisation actuelle ne donne pas naissance à une nouvelle approche philosophique mais ne fasse que reprendre des concepts anciens, puisque l’histoire démontre que l’émergence de chaque concept philosophique nouveau aura été concomitante avec une phase de décadence.

La vertu de nos sociétés contemporaines est donc, tout en progressant, de continuer à faire du neuf avec du vieux, assurant ainsi une continuité qui lui a peut-être manqué dans les siècles passés… Deviendrait-on sages et raisonnables, malgré les apparences ? A-t-on finalement réussi à réconcilier la foi au sens large et la raison au sens large ? Atteint-on enfin un point d’équilibre entre la nature et l’homme ? Va t-on enfin non plus détruire mais continuer ?

Et cette idée d’équilibre n’est pas nouvelle ; elle n’est même pas moderne et se retrouve chez de nombreux auteurs anciens, et en particulier dans la théorie du juste milieu défendue par Alphonse de Liguori, entre laxisme et rigorisme, et défendant la nécessaire harmonie entre les principes de vérité, de conscience et de liberté. De même, la pensée scientifique de Paracelse se fondait sur la subtilité de l’équilibre entre les substances, alors que Leibniz développa une théorie de balance de la paix fondée sur le rapport puissance/sagesse. Tout comme, la vision thomiste des vertus de la conscience et de la vérité, l’homme étant conçu comme un être destiné par nature à vivre en cité - comme le pensait d’ailleurs Aristote avant lui - fonda une loi naturelle de la morale basée sur la raison et sur l’équilibre des inclinations…

Reste que les hommes ont souvent tendance à oublier le passé, celui-ci n’étant pas là pour nous dire ce qui doit être fait mais bien plus pour nous signaler ou nous alerter sur ce qui ne doit pas ou plus être fait… Et là, on peut relire saint Thomas d’Aquin : bien commun, solidarité, subsidiarité… L’histoire de philosophie reste donc bien d’actualité…

 

 

 

 

 

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