L’histoire des collectivités territoriales française de l’An mil à la Restauration n’est finalement que celle d’une alternance de phases de centralisation et de décentralisation ; et rien n’a véritablement changé aujourd’hui. Pour la période que nous considérons ici, il est possible de distinguer trois grandes époques :
⒜ alors qu’en l’An mil toute vie était locale, la période courant du XI° au XVI° siècle verra l’intégration des collectivités locales dans l’Etat monarchique ;
⒝ le Siècle des Lumières allait être celui de la multiplicité des statuts et des usages, alors même que l’esprit du siècle, répondant aux exigences de la raison, tendait à l’uniformisation des collectivités locales – ce qui sera une réussite – et à la décentralisation de la gestion – ce qui sera un échec - ;
⒞ Napoléon Bonaparte allait pour sa part pousser la centralisation à l’extrême, réduisant la collectivité locale à une simple circonscription administrative, alors que la Restauration, tout en maintenant les cadres généraux, allait dénoncer cette centralisation excessive, montrant ainsi une réelle et surprenante volonté d’émanciper les collectivités locales, la raison de cette volonté étant surtout le désir de revenir sur ce qui était jugé comme un acquis de la Révolution française.
L’An mil – On rappellera en premier lieu que la féodalité fut une forme d’organisation politique et sociale médiévale née de l’effondrement des empires romain et carolingien, et caractérisée par l’existence de fiefs et de seigneuries. Ainsi, vers l’An mil, le pays était morcela, et, s’il y avait prééminence du roi dans les missions de roi justicier et de roi protecteur, on avait une très grande diversité à l’intérieur du royaume : diversité de langue, de mœurs, de droit privé, … De plus, le morcellement était favorisé par l’insécurité née des invasions et des luttes internes, provoquant ainsi le détournement, la rupture puis l’appropriation de l’administration carolingienne, induisant l’émancipation des ducs et des comtes qui n’étaient finalement que des hauts fonctionnaires non propriétaires de leurs zones d’activité ! C’est la disparition de l’administration impériale carolingienne qui aura conduit à la fondation des rapports féodo-vassaliques et à l’instauration du système seigneurial. Le territoire n’est enfin pas structuré ; il est découpé au gré des circonstances, avec des entités d’étendues fort diverses, même si ceci n’était pas le fruit du hasard mais bien plus le reflet des diversités géographiques et populaires, traduisant ainsi des réalités de fait.
L’idée d’une opposition entre le local et le national n’existait pas à l’époque ; elle n’est finalement que récente ! Par contre, il est possible de mettre d’ores et déjà en évidence quatre grandes tendances : ⑴ le développement parallèle du mouvement urbain et de la remise en cause de l’unité de la seigneurie ; ⑵ l’étrange opposition entre le phénomène du développement local et la féodalité ; ⑶ le retour progressif au droit romain pour définir juridiquement les collectivités ; ⑷ la main mise progressive de l’Etat royal sur les collectivités locales.
Dans tous les cas, la formation des collectivités locales a été progressive, en fait en trois étapes : ⑴ au XI° siècle, avec l’émancipation des villes par rapport aux seigneurs ; ⑵ au XIV° siècle, avec l’émancipation des pays et des provinces, notamment du fait de leur entrée dans le domaine royal, ainsi que l’apparition d’organes représentatifs, ces derniers commençant à se mettre en place ; ⑶ au XVI° siècle, avec l’extension de cette dynamique aux collectivités villageoises.
Le phénomène déclencheur aura donc été l’émancipation des villes. En effet, à partir de l’An mil, avec la reprise des échanges commerciaux du fait de la baisse de l’insécurité et du développement redevenu possible vue la pacification de l’agriculture, on allait assister à un vaste renouveau urbain. Il y eut installation de marchands et d’artisans dans les anciennes cités abandonnées ou auprès des châteaux, créant ainsi de nouveaux pôles d’activités et de population. Les villes renaissaient ! Et ces villes allaient exercer une double fonction d’échange et de production. Et de nouvelles agglomérations allaient peu à peu se créer, en particulier en des lieux stratégiques de communication et d’échange, au départ sans puis avec l’accord des seigneurs.
Ces villes regroupaient des populations souvent dynamiques et volontaires, mais surtout des populations conscientes de leurs intérêts. Elles allaient donc souffrir de l’arbitraire seigneurial, qui ne pouvait qu’être une entrave au progrès et aux échanges, et devaient donc rechercher l’unité afin de défendre les dits intérêts. C’est la naissance du fait urbain… Par ailleurs, la mentalité de l’époque favorisant l’unité, l’individu allait très vitre chercher à s’intégrer à un groupe, ce qui fera naître une nouvelle communauté, celle des bourgeois, ainsi que les corporations de métiers qui s’y intègre…
L’apparition des communes – La communauté nouvelle des bourgeois allait vite s’organiser en conjuratio ou commune, commune fondée sur un serment mutuel d’entraide et de défense, d’où la volonté d’être reconnue officiellement. Mais cette reconnaissance, l’attribution de droits ne se fera le plus souvent que par la violence, avec notamment les émeutes du nord et du nord-est aux XI° et XII° siècles, même s’il devait ensuite, surtout dans l’ouest, y avoir accord entre les bourgeois et le seigneur contre des avantages pour le trésor de ce dernier.
Alors que les capétiens eurent une attitude variable face à ce phénomène, y étant opposés dans leur domaine mais très favorables chez leurs vassaux, Philippe Auguste aura été le premier souverain à avoir une position cohérente, et ce dès la fin du XII° siècle. Constatant que les communes affaiblissaient ses vassaux, il allait ainsi systématiquement confirmer les chartes communales, scellant de plus des alliances avec la bourgeoisie urbaine, y compris dans son domaine. Et on allait aboutir à la fin du XIII° siècle au fait que seul le roi pourra désormais autoriser la création de communes…
Les communes du sud, dont je n’avais pas encore parlé, allaient s’émanciper vers la fin du premier tiers du XII° siècle, donc avec un léger décalage avec le renouveau urbain. C’était là le fruit d’une évolution longue et pacifique, née aussi du souvenir des institutions romaines qui restaient même parfois partiellement en place. On y trouvait en effet encore très souvent une administration par des conseils de prud’hommes choisis par les personnalités des villes ou des domaines, conseils permettant une acquisition progressive d’une autorité propre avec désignation de cette autorité par les concitoyens ; c’était le système dit des consulats qui dura parfois jusqu’à la Révolution. Tout ceci aura aussi été favorisé par peu de tensions du fait que le sud n’était pas français à l’époque, que toutes les villes n’avaient pas disparu, que le consulat fut inspiré par les chevaliers, que la féodalité y était assez faible, et que le droit romain continuait à influencer et à régler les rapports humains et sociaux…
Villes de commune et villes de consulat – L’une et l’autre de ces villes ont la personnalité juridique. Ceci se traduisait par des attributions et des organes : ⒜ une autonomie et une administration propre ; ⒝ des organes représentatives issus d’élections ; ⒞ le tout étant fixé par des documents municipaux.
On trouve à leur tête soit un maire, dans les cas des communes, soit des consuls élus dans le cas du consulat, cette tête étant dotée du pouvoir exécutif. Cette diversité dans le nombre tient au fait que le nord avait l’habitude d’un seul chef, alors que le sud, influencé par le droit romain, connaissait une féodalité moins affirmée et une tradition de conseils. Ces responsables étaient entourés de conseillers pour ce qui était des affaires de la ville : ⒜ les échevins, pairs, jurats, … dans le cas des communes ; ⒝ le conseil restreint, le commun conseil dans le cas des consulats.
Il y avait de plus parfois réunion d’assemblées générales pour la prise de décisions essentielles, mais là encore avec des différences frappantes entre le nord et le sud : ⒜ réunion des seuls bourgeois ayant prêté le serment mutuel pour les communes, les plus riches familles dominant ainsi les dites communes ; ⒝ réunion de tous les hommes libres dans le cas des consulats, cette assemblée devant approuver les décisions des membres des conseils permanents ; ici, e sont les chevaliers, les marchands et les corporations qui dirigent de fait.
Il est donc évident que les prérogatives des villes étaient elles aussi variables, même si elles pouvaient être considérables, le plus souvent tirées des droits seigneuriaux : ⑴ droits de justice ; ⑵ droit de ban, c’est-à-dire d’édiction des règlements devant être respectés par les habitants ; ⑶ police économique, police des marches, police des approvisionnements, … ; ⑷ détermination et levée des impôts en vue de couvrir les dépenses ; ⑸ gestion des biens publics, de la voirie et des travaux publics ; ⑹ malice pour assurer l’ordre intérieur et la défense extérieure. Divers symboles traduisaient ces pouvoirs, tels le sceau, la bannière, la maison commune, …, et aussi le gibet…
Ces villes sont en fait des seigneuries intégrées dans la hiérarchie féodale, étant des vassales du seigneur, ce qui fait que leur situation, contrairement à ce que l’on pourrait penser, sont bien plus favorables que celle des communes franches, le mot étant aujourd’hui d’un autre sens. En effet, de nombreuses villes n’avaient pas le droit de s’administrer, bénéficiant certes de franchises, mais restant soumises au seigneur, ce cas se retrouvant surtout dans le centre, dans le domaine royal, dans les riches régions agricoles, ou encore dans les territoires où se trouvaient de puissants seigneurs. Les franchises étaient cependant, lorsqu’elles existaient, réelles : franchise du servage, franchises judiciaires, franchises financières, franchises fiscales, franchises militaires, etc…, ce qui faisait que le sort des habitants de ces villes était bien meilleur que celui des paysans, sans même parler de celui des serfs… Ces villes franches étaient administrées par un agent du seigneur, le prévôt, parfois entouré de conseillers élus à attributions précises. Néanmoins, même là, il y allait avoir une certaine évolution vers le partage des tâches ; ainsi, à Paris, on trouvait à la fois un prévôt royal et un prévôt des marchands assisté de ses échevins.
Ce n’est qu’à partir du XIV° siècle qu’allait apparaître la notion de bonne ville, c’est-à-dire de ville franche formant corps avec des organes représentatifs, envoyant des députés aux Etats généraux.
La représentation des provinces – Hérités de l’époque carolingienne, on trouve aussi des échelons intermédiaires entre le roi et les seigneuries. Ce sont les pays et les provinces. Ce sont des territoires parfois plus étendus et plus riches que le domaine royal lui-même… Ils constituent de facto de vraies collectivités territoriales. Souvent repliés sur eux-mêmes, ils ont cependant une âme commune et se trouvent sous l’autorité d’un seul suzerain.
L’autorité des provinces allait s’accentuer entre le XII° et le XIV° siècle, ce qui fait que, pendant cette période, les rois rassemblèrent plus la France qu’ils ne l’unifièrent, le cadre de la province restant toujours un cadre fort. Ceci est d’autant plus patent que lorsqu’ils intégrèrent de nouvelles provinces les rois respectèrent le plus souvent les privilèges et les libertés acquis par les habitants des dites provinces.
Mais le roi voulait aussi un Etat unitaire, ce qui fit qu’il ne conclut aucun nouveau traité entre lui-même et les représentants des provinces, préférant le système des lettres patentes du roi à ses vassaux. Intégrés dans le système féodalo-vassalique, les pays devenaient des collectivités locales pourvues d’organes représentatifs propres. C’est dans cet esprit que les provinces du domaine royal se virent dotées d’Etats particuliers. A l’origine de ce mouvement, on trouve des initiatives d’agents royaux, baillis ou sénéchaux, qui tenaient à consulter les principales personnalités locales sur les affaires de la province, essentiellement pour les nouveaux règlements ou pour les questions fiscales. C’est ainsi que, dès la fin du XIV° siècle, une bonne vingtaine d’Etats se réunissaient régulièrement. De même, les Etats préexistants aux annexions au domaine royal allaient continuer à exister afin d’assurer la représentation théorique des populations face au roi. Néanmoins, ces Etats avaient des organisations très variées : présence unique des seigneurs et des Prêtres, représentation des villes ou des communes, la représentation des paysans restant assurée par les seuls seigneurs. Dans les faits, ces Etats eurent surtout des attributions fiscales, ainsi que le droit de rédaction de cahiers de doléances. Le pays d’Etat était donc avant tout, sous l’Ancien régime, un pays ayant la faculté de répartir l’impôt entre ses habitants ; c’était par exemple le cas de la Bourgogne, de la Bretagne, du Languedoc et du Béarn.
Dans les pays sans Etats, on ne retrouve que l’existence de syndics permanents. On rappelera que le pays d’élection, par opposition au pays d’Etat, voyait l’impôt, principalement la taille, réparti entre les assujettis par les fonctionnaires royaux, les élus, qui exerçaient à la fois des fonctions administratives, fiscales et judiciaires.
Les communautés villageoises – Les villages, dont les limites sont souvent identiques à celles des seigneuries, formaient la collectivité de base des campagnes. Ne disposant pas de députés aux Etats provinciaux, ils restaient soumis à la seule autorité du seigneur, étant administrés par ses officiers. En fait, le village n’a aucune autonomie, étant considéré comme mineur… Pourtant, le village est une entité juridique au plan religieux, avec la paroisse ; cette dernière réunit les chefs de famille autour de leur curé, et ce afin de décider des tâches matérielles liées au culte et à l’entretien des nécessités religieuses.
Même s’il n’a pas de personnalité juridique, il y est souvent toléré un syndic ou un procureur, désigné à titre temporaire, dont la fonction est de traiter au nom du village avec le seigneur. Asse vite, du fait de la multiplication des tâches administratives, cette fonction allait être rendue permanente. C’est ainsi qu’au XVI° siècle le syndic était devenu le représentant officiel du village, ce dernier constituant dès lors une véritable communauté jouissant de la personnalité morale. Ce syndic administre le village, devant prendre l’avis de quelques notables ; c’est aussi lui qui convoque l’assemblée générale des habitants. Le rôle de l’officier seigneurial est donc réduit, même s’il reste réel, ne serait-ce que par ce que c’est lui qui reste en charge de la police des délibérations.
L’évolution de la situation juridique des collectivités locales – Les XII° et XIII° siècles furent ceux de la renaissance du droit romain. C’est l’époque de la renaissance du concept d’universitates… Ce concept, très riche, permettait de désigner l’ensemble face aux parties, ainsi que les collectivités humaines diverses et variées ; il permettait surtout de définir une personnalité juridique propre, le municipe tenant ici lieu de personne, faisant que les cités sont désormais considérées comme des personnes privées.
C’est le triomphe de la théorie de la personnalité morale défendue par Urbain IV. Cette personnalité, qui s’adapte si bien aux collectivités locales et à des groupes appartenant à l’Eglise, permet l’existence de groupes juridiquement constitués, possédant l’autorisation expresse ou tacite d’une autorité supérieure compétente d’agir par elle-même. On notera qu’Urbain IV soumettait les communautés religieuses ou d’habitants aux mêmes règles.
Dès le XIII° siècle, les villes allaient bénéficier dans ce cadre d’une technique juridique élaborée, fondée sur les règles suivantes : ⒜ la nécessité de délibérer et de convoquer aux dites délibérations tous ceux qui y ont droit ; ⒝ la primauté de la majorité ; ⒞ la capacité d’ester en justice afin de faire valoir ses droits ; ⒟ l’existence d’obligations collectives exercées par l’entremise de représentants propres.
Les administrateurs désignés sont dès lors assimilés à des tuteurs, ce qui donne aux communes, par leur intermédiaire, la capacité d’acquérir un patrimoine propre, ce patrimoine se distinguant dès lors entre deux sortes de biens : les prairies et moulins, les biens liés aux besoins communaux. On signalera aussi que les communes deviennent responsable en cas d’émeutes, d’où la nécessité d’une sorte de service d’ordre, d’autres règles existant, d’origine centrale, permettant d’imposer le pouvoir royal.
L’établissement de la tutelle sous la monarchie féodale – C’est sous Louis XI, vers le milieu du XIII° siècle, qu’allaient apparaître les premières manifestations de la tutelle royale sur les villes autonomes, cette tutelle étant nécessitée par les tensions internes aux communes : oligarchies bourgeoises, mauvaises finances, inégalités sociales, … C’est ainsi que l’Ordonnance de 1256 allait limiter l’indépendance des administrateurs communaux en matière de finances communales. Il est dès lors interdit aux administrateurs de prêter de l’argent, alors qu’est imposée la présentation annuelle de registres aux comptes à la curia regis. On notera que cette intervention royale s’effectua parfois à l’appel des citoyens eux-mêmes, ce qui permit à celui-ci de développer l’idée que le chef de la ville devait être confirmé par le roi, ce qui devait aboutir très vite à l’assimilation des communes à des personnes mineures devant être protégées des actes jugés frauduleux a priori de leurs maires.
En fait, c’est le concept même de commune qui se trouvait transformé, en s’appuyant sur des dérives locales bien loin d’être générales mais permettant de justifier la mise sous tutelle royale globale. C’est l’effacement du serment mutuel entre les citadins et le seigneur au profit de la seule charte du seigneur, les villes franches devenant de moins en moins nombreuses. Bien naturellement, les agents royaux allaient dans ce cadre accroître leur surveillance sur les administrateurs communaux qui allaient se trouver déchargés de leurs responsabilités au profit du roi, certains étant, signalons le au passage, bien heureux de ce transfert… Ce sont par exemple les Ordonnances de 1419 et de 1463 relatives à la tutelle royale sur les finances des villes, cet accroissement de la tutelle se traduisant aussi par la perte des droits judiciaires, ainsi que par le développement de l’administration des villes non plus par des organes issus desdites villes mais par des baillis et par des sénéchaux. Enfin, certains Etats provinciaux se défiant de ce pouvoir royal, de ce que je qualifierai de fonctionnarisation, ces derniers allaient se trouver supprimés dès le XIV° siècle, seuls subsistant ceux admettant sans discuter la tutelle royale…
Les progrès de la centralisation sous la monarchie absolue – C’est sous la monarchie absolue que la centralisation a connu ses premiers progrès, le développement de la centralisation administrative résultant de la volonté des rois. Par volonté de puissance politique, contrastant avec les premiers siècles de la monarchie, les Valois et les Bourbon n’ont eu de cesse de chercher à accroître leur autorité à l’intérieur d’un royaume qui s’agrandissait, se distinguant de plus en plus du domaine royal. Ce phénomène s’est trouvé favorisé par l’état souvent désastreux des villes et des campagnes, ainsi que par l’incapacité des administrateurs locaux à dépasser leurs intérêts particuliers. Et, là, il faut être gré aux rois du fait qu’ils se sentirent responsables de la bonne administration des collectivités locales. Pourtant, le succès de cette extension de la tutelle royale n’allait être que limité au XVI° siècle, et ce du fait de la, double conjonction des divisions religieuses et de la dénonciation de la « tyrannie du roi » ; en fait, les provinces et les villes allaient avoir comme réaction un repli sur elles-mêmes, d’autant plus que les agents du roi, nommés à vie, s’alliant aux oligarchies urbaines allaient faire échouer la tutelle royale en la détournant à leur profit. Néanmoins, toute une série de textes fondamentaux allaient commencer à être adoptés, notamment des textes relatifs à l’intervention sur les finances des villes souvent mal gérées : ⒜ l’Edit d’octobre 1547 qui interdisait le cumul des charges municipales avec les offices de justice ou des finances ; ⒝ l’Edit de 1514 portant création des contrôleurs des deniers communs, même s’ils furent très vite supprimés, l’échec de la création de ces offices étant constaté dès 1555 ; ⒞ l’Edit de 1536 sur l’examen et la clôture des deniers municipaux par les baillis et les sénéchaux.
Cette réforme s’accompagnait d’une réforme en matière de justice, avec la suppression des compétences civiles par l’Edit de juin 1566, ainsi que la restriction des compétences criminelles suite à l’Edit de 1580. Enfin, des agents royaux allaient être autorisés à intervenir pour garantir les élections locales (qui existaient, même si la forme en était bien différente de la forme actuelle), mais, là encore, il y eut des abus et des collusions.
Le XVI° siècle, malgré les efforts, allait être le temps de l’échec partiel de la prise de contrôle des villes par le roi ; pourtant, cette tentative allait aussi traduire une certaine affirmation du pouvoir royal, le roi étant réellement devenu souverain, y compris dans les esprits. Et ces réformes, certes plus ou moins ratées, allaient inspirer tous les successeurs sur le trône de France. On notera juste en passant l’Edit de 1553 qui allait généraliser l’envoi de maîtres des requêtes en Conseil du roi dans les provinces, et ce afin de renforcer les contrôles et de ramener un peu d’ordre dans la gestion locales.
(suite sur Histoire des collectivités territoriales françaises (2) )