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29 mars 2010 1 29 /03 /mars /2010 11:11

Les sectes nées au XIIème siècle dans le Midi de la France (ou qui y proliférèrent) furent appelées au XIIIème siècle sectes albigeoises. Il est généralement admis que ce nom vient de la ville d’Albi autour de laquelle ces sectes se développèrent, même si certains rares auteurs "néo-cathares" lui trouvent d’autres racines, dont l’adjectif latin albus, blanc, ou encore la déformation du nom de la secte italienne des albanences… Toujours est-il que ce mot se retrouve la première fois dans une chronique de 1181, désignant à la fois les manichéens purs et durs, les cathares, ainsi que les disciples et sectateurs de Pierre de Bruys et de Henri (dit Henri de Lausanne), ces derniers étant surtout présents en Provence ; ces deux derniers rejetaient le baptême des enfants (mais pas des adultes) et la présence réelle, ce qui les distinguait des autres, développant surtout une sorte de moralisme rationaliste… De même, Henri s’élevait contre le luxe des Evêques et les dérives de certains Prêtres oubliant leur sacerdoce, rejoignant finalement ici dans sa réflexion le Pape Innocent III. En fait, dans cette période où tout pouvoir était devenu local, où les rois n’avaient plus de véritable autorité, où chaque seigneur faisait un peu ce qu’il voulait, rien n’était clair, la situation était pour le moins trouble… Même la mission de saint Bernard avait eu peu de succès après de certains Clercs… Il y avait aussi, mêlés à ces hérétiques, des Vaudois, épris de pauvreté évangélique, prêchant contre les excès et les abus de certains membres du clergé… Pour les Vaudois, condamnés comme hérétiques au concile de Vérone de 1184, la seule autorité était l'Évangile, l'Ancien Testament et les Épîtres n'ayant aucune autorité ; la seule voie pour être sauvé était la pénitence absolue et permanente, et les Évêques étaient inutiles. Les Albigeois ne furent donc pas, comme trop souvent réduits aujourd’hui, les seuls Cathares, ce qui peut expliquer certaines conversions, évolutions ou attitudes locales différentes au cours de la croisade.

Notons en passant que les troubadours, peut-être encore plus que les seigneurs languedociens, jouèrent un rôle fondamental dans la diffusion des idées albigeoises, posées comme du Sud face à un Christianisme posé comme du Nord, ce qui explique leur diffusion dans tout le Midi, certes à Toulouse, Béziers, Narbonne, Carcassonne, mais aussi à Marseille ou en Avignon… La rivalité Nord/Sud était déjà bien plus réelle qu’aujourd’hui, entre une société jugée cultivée, pétrie de latin et de droit romain au Sud, et une société jugée comme barbare au Nord !

Ces différentes sectes se caractérisaient, hormis le Valdisme, par le fait qu’elles ajoutaient aux erreurs communes des erreurs qui leur étaient propres, l’erreur fondamentale commune étant celle du manichéisme. Rappelons que, selon les manichéens, il existe deux principes absolus et égaux : l'un bon, l'autre mauvais, en opposition permanente, cette opposition étant irréductible. Fortement influencée par le bouddhisme, cette hérésie avait donc une vision dualiste de la Divinité. Par ailleurs, à l'heure du jugement dernier, il y aurait triomphe final du mal, le monde et les hommes étant prédestinés au mal. Le manichéisme est en fait une transition entre le gnosticisme et le christianisme, ainsi qu’une passerelle vers le bouddhisme. Cette hérésie a été condamnée par les Pères de l'Église, et en particulier par saint Augustin.

Le manichéisme a surtout connu une résurgence avec l’hérésie cathare. La doctrine cathare originelle, de l’époque, n’est connue que par ses adversaires, ce qui est dommage, le catharisme actuel n’étant fondé que sur des élaborations du XIXème siècle elles-mêmes uniquement fondées sur ces documents… Pour les tenants du catharisme, en fait syncrétisme organisé autour du manichéisme, il existe deux principes égaux : le Bien - d'où procèdent la lumière et l'esprit - et le mal - d'où proviennent le monde, la matière et les ténèbres -. Ces deux principes, l’un comme l’autre éternel, s'affrontant en permanence, il faut donc, pour échapper au mal, se libérer du monde et en particulier du corps. Seule en principe l'élite des parfaits peut être sauvée, les simples croyants n’en étant pas certains (avec la croyance en la réincarnation pour ces derniers, une femme ne pouvant d’ailleurs être sauvée qu’après avoir été réincarnée une dernière fois en … homme, mâle). Il y a en fait deux principes, deux mondes, l’un bon, l’autre mauvais, l’homme étant composé des deux ! L’effort doit donc porter sur la libération du corps, jugé mal, d’où, chez les vrais Cathares, un ascétisme très rigoureux, mais aussi le rejet de toute procréation et de toute société, les deux pérennisant le mal. Cette doctrine allait s’épaissir dans les milieux intellectuels languedociens, pétris de pensée latine. Cette nouvelle forme de l’hérésie entraîna l'excommunication de Raymond VI de Toulouse en 1208 et fut condamné au concile du Latran de 1215. Les Cathares ont formé le gros des révoltés contre l’Eglise.

Souvenons-nous ici que le Pape Innocent III avait déjà eu affaire avec les manichéens à Viterbe. De même, souvenons-nous que le manichéisme ne fleurissait pas que dans le Languedoc, mais aussi en Provence et en Gascogne, ou encore en Italie du nord, alors que la croisade ne concerna finalement qu’une partie du Languedoc, celle qui refusait de discuter !

Mais, même dans leur manichéisme, il y avait des divergences entre ces siècles, ce qui fait qu’il est erroné de vouloir absolument toutes les regrouper sous la dénomination de catharisme, ou toute autre appellation globale. Ainsi, pour certaines, le manichéisme était absolu, avec ses deux êtres éternels, alors que pour d’autres le manichéisme n’était que relatif ; ainsi, selon elles, il y aurait à côté de Dieu un autre esprit qui se serait séparé de Dieu, esprit qui serait devenu l’auteur du mal. Par contre, elles avaient en commun le rejet des sacrements de baptême et de mariage, ainsi que celui de toute idée de sacerdoce ; s’ils connaissaient une hiérarchie, leurs évêques n’avaient par exemple aucun pouvoir sacerdotal. En fait, ce système aboutissait, sans parfois le vouloir, à un matérialisme négateur de toute idée de libre-arbitre, ce qui fait que la morale pouvait être plus que souple, exception faite néanmoins pour la plupart des parfaits. En fait, l’idée de morale, telle que conçue classiquement, était quasiment étrangère à leur doctrine, mais, là encore, il y avait de grandes divergences entre les sectes albigeoises, certaines étant rigoristes, d’autres au contraire très débridées.

Face à ce fatras doctrinal, face à cette mise en avant de l’hérésie manichéenne renaissante, Innocent III allait décider d’envoyer des missionnaires pour les convertir, en premier lieu Arnaud Amaury, Abbé de Cîteaux, puis, en 1203, deux cisterciens : Pierre de Castelnau (de Castronovo) et Rudolph. Allaient assez vite se joindre à ces légats découragés l’Evêque Didacus (Diego d’Osma) et son chanoine, Dominique de Guzman, le futur saint Dominique, et ce en 1206. Forts de l’appui de Raymond VI de Toulouse et de Raimond-Roger Trencavel, vicomte de Béziers, les Albigeois allaient résister à toutes les tentatives de mission et de conciliation du Pape et de ses envoyés, le sommet de la résistance étant l’assassinat du légat Pierre de Castelnau en 1208 par l’un des hommes de Raymond VI. Didacus mourant la même année, Dominique se retrouvait quasiment seul, mais la force de son apostolat et sa Foi allaient faire qu’il put ramener à l’Eglise de nombreux hérétiques. Encouragé par cette réussite, Dominique allait fonder en 1215 l’Ordre des Frères prêcheurs, et ce pour la conversion des hérétiques par l’exemplarité et par la parole…

La condamnation des Albigeois ne fut pas un point dans le temps comme trop souvent affirmé. Il faut se souvenir que les Albigeois furent condamnés dès le troisième concile du Latran en 1179 (au canon 27, qui prévoyait déjà le possible usage des armes), cette condamnation étant confirmée à l’occasion du quatrième concile du Latran en 1215, la Foi catholique étant rappelée clairement par ce concile, en particulier dans le célèbre chapitre Firmiter (canon 1) C’est donc seulement une trentaine d’années après la première condamnation, et suite à l’assassinat du légat pontifical, qu’il fut décidé d’employer la force contre les Albigeois, et ce d’un commun accord entre le roi de France Philippe II Auguste et le Pape Innocent III. Et là, ce fut une véritable croisade, les croisades, contrairement là encore à une idée reçue, n’ayant pas concerné que Jérusalem ou la lutte contre l’expansionnisme politico-militaire de l’Islam. Ainsi, en 1209, des indulgences et protections étaient octroyées par le Pape aux croisés, le commandement suprême étant confié à Simon de Montfort. Ce dernier était un homme du Nord, peu sensible à la culture latine, voulant imposer les lois et la langue du Nord aux villes du Midi ; le moins que l’on puisse dire c’est que, s’il était un excellent chef militaire, il était peu sensible à la culture et encore moins à la souplesse d’esprit… C’est d’ailleurs lui qui donna véritablement une dimension politique plus que religieuse à la croisade.

Rappelons ici qu’Innocent III (Lothaire de Segni) fut élu Pape en 1198. Il allait mourir à Rome en 1216. Né dans la campagne romaine au sein d’une famille noble qui aurait donné neuf Papes à l’Eglise, il allait étudier les lettres, la philosophie et la théologie à Paris, puis la jurisprudence à Bologne. Son parent, Clément III, allait alors l’élever au cardinalat. Le règne d’Innocent III aura été long, et il aura principalement été marqué par l’affermissement de la puissance pontificale, puissance poussée à son apogée politique. C’est notamment lui qui réussit le mieux, avant Sixte Quint, à rétablir l’ordre au sein de l’administration ecclésiastique de Rome, tout comme il réussit à faire reconnaître son autorité sur toute l’Italie centrale, obligeant même la reine de Sicile, Constance, à reconnaître la suzeraineté du Saint Siège. C’est aussi lui qui allait convoquer le quatrième concile du Latran en 1215 qui devait adopter des décisions disciplinaires majeures relatives aux ordres religieux (dont la première confirmation de l’Ordre des Frères prêcheurs) ou aux Clercs en général (tenue, punition de l’incontinence ou de l’ivresse, etc…), rappeler le dogme de la présence réelle approuver le terme de transsubstantiation, et condamner à nouveau l’hérésie albigeoise (canon 3). Rappelons aussi que les relations entre Innocent III et Philippe II n’avaient pas toujours été un long fleuve tranquille… Philippe Auguste avait répudié la reine Ingeburg pour épouser Agnès de Méranie. Innocent III, après avoir multiplié les avertissements, puis les menaces, allait faire jeter l’interdit sur toute la France, et ce lors du concile de Vienne de 1200. Mais, faisant preuve d’humanité, il allait, après la soumission du roi, certes facilitée par la mort d’Agnès, consentir à légitimer les enfants nés de cette union, dont le comte de Clermont. La réconciliation entre les deux était donc récente…

L’assassinat de Pierre de Castelnau par l’un de ses proches allait dans un premier temps faire peur à Raymond VI, d’autant plus qu’il entraina son excommunication la même année, donc en 1208. Le comte de Toulouse allait donc essayer de se réconcilier avec l’Eglise, à la condition qu’on lui envoie un nouveau légat, ce qui fut fait. La réconciliation eut lieu dans l’église de Saint-Gilles, Raymond demandant même le même jour à participer à la croisade, ce qui fit qu’il ne fut pas inquiété à ce moment. Il allait négocier avec le Pape jusqu’en 1212, promettant de réduire l’hérésie, mais sans rien faire de véritablement concret… Toujours est-il qu’Innocent III, convaincu malgré tout que cette réconciliation, même partielle, était suffisante et garantissait le retour à la paix, conscient aussi des craintes du roi d’Aragon (qui allait d’ailleurs être tué par les croisés au siège de Muret le 12 septembre 1213) face aux conquêtes de Simon de Montfort, allait proclamer en 1212 la fin de la croisade ; il avait aussi conscience qu’il fallait enrayer une croisade qui n’avait plus rien de chrétienne, vue la tournure prise. Malheureusement un tel mouvement ne s’arrête pas comme cela, et les masses nordistes, beaucoup de leurs barons en tête, ainsi que les bandes de ribauds les accompagnant et ne rêvant que de pillages faciles, entrainées par le mouvement ne comprirent pas cet abandon de la croisade qu’ils ne voyaient plus que comme une victoire militaire source d’enrichissements. Dès lors, le seul rôle joué par le Pape fut de chercher à limiter les dégâts, la reconnaissance de l’action de saint Dominique, ainsi que la création du tribunal de l’Inquisition, s’inscrivant clairement dans cette volonté d’enrayer la croisade, d’en limiter les effets. Innocent III déplorait même la disparition d’une riche culture et d’une terre de droit romain... Bref, il fallait chercher à sauver ce qui pouvait encore l’être, y compris sur le plan religieux, la fracture étant difficile à soigner, comme le démontra quelques siècles plus tard le succès du Protestantisme dans une région plus sensible au souvenir des exactions du Nord qu’à la parole de Luther ou de Calvin…

Les armées croisées allaient peu à peu s’emparer des places fortes des Albigeois, le sommet étant la prise de Toulouse en 1213, les régions conquises étant, comme le voulait la tradition de l’époque, remises au chef de la croisade, Simon de Montfort ; il est vrai aussi que Philippe Auguste ne voulait pas s’encombrer de la suzeraineté directe d’une région agitée. Ce dernier allait mourir à l’occasion du siège de Toulouse en 1218, et son fils Amalric (Amauri) allait lui succéder, les rois Louis VIII et Louis IX continuant eaux aussi la croisade contre les Albigeois. En quoi Béziers était-il important ? Tout simplement parce que  Raymond VI choisissant la réconciliation, seul restait comme chef politique des Albigeois le comte Roger de Béziers, le légat menant religieusement la croisade, Simon de Montfort militairement… Ce fut le dramatique, scandaleux massacre de Béziers de 1209, avec son apocryphe prêté au légat Arnaud Amaury Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens, mais sa très réelle extermination de toute la population de la ville, mais nous y reviendrons… D’ailleurs, à la vue de ce massacre, les légats veillèrent à imposer de nouvelles règles aux soldats et à leurs suites, cherchant par exemple à apaiser les accès de cruauté à Carcassonne ou encore à Narbonne.

Toulouse fut reprise par les Albigeois, ou plus exactement à cette époque les Languedociens, tant la question religieuse était devenue secondaire chez beaucoup de croisés, mais devait tomber à nouveau en 1228, Raymond demandant alors la paix, l’obtenant contre l’engagement de purger sa région de tous les hérétiques. Et là, il y eut, c’est vrai, une répression réelle, mais menée finalement par celui qui soutenait au départ les Albigeois, l’institution du tribunal de l’Inquisition accompagnant ce mouvement, mais finalement après l’achèvement de la croisade puisqu’il ne fut établi qu’en 1229 par le canon I du concile de Toulouse, ainsi que par le traité de Meaux-Paris d’avril 1229 négocié et ratifié entre la régente Blanche de Castille et Raymond VII de Toulouse. Reste que la croisade contre les Albigeois aura été l’étape décisive dans la création de l’Inquisition, Inquisition dont les principes avaient d’ailleurs déjà été posés par Lucius III en 1184 ; …sauf qu’elle était ici conçue comme limitatrice de la violence, comme régulatrice permettant de contrôler voire d’annihiler la violence, ce qu’elle oubliera parfois…

La première question que l’on doit se poser est celle de savoir si la croisade contre les Albigeois fut juste dans sa cause et dans la façon dont elle fut menée. Les adversaires de cette croisade, y compris certains auteurs catholiques, estiment que l’Eglise n’a pas été juste, notamment du fait que celle-ci, n’avait pas le droit d’employer des moyens et des peines corporelles. De même, ils affirment que cette guerre fut illégitime et excessive.

Mais, souvenons-nous de la doctrine de l’époque. Il y avait distinction entre deux formes de guerre : celle contre une société indépendance, et celle contre des sujets révoltés. Dans ce dernier cas, la répression n’était perçue que comme la répression violente d’une répression elle-même violente, le but de la riposte étant le bien public et la punition des coupables, selon les méthodes et les principes de l’époque. De plus, pour être légitime, cette guerre devait être entreprise par une autorité légitime, contre des sujets véritablement révoltés, et devait être menée dans les limites de la répression nécessaire et du juste châtiment. Or, selon les critères de l’époque, la croisade contre les Albigeois revêtait ces trois caractères.

En premier lieu, l’autorité légitime était à l’origine de la croisade puisqu’elle fut déclarée à la fois par l’autorité du Pape Innocent III, en tant qu’autorité spirituelle, et par celle du roi Philippe II, en tant que suzerain. A la fois le Pape et le roi, tous deux nantis de l’autorité sur les sujets Albigeois. Ce critère était donc rempli au sens de l’époque.

En deuxième lieu, cette guerre était juste selon la doctrine du XIIIème siècle. Il s’agissait en effet de réduire l’obstination de sujets qui s’étaient révolté contre les pouvoirs légitimes tant de l’Eglise que du roi. De plus, il était nécessaire, selon les critères d’alors, de venger l’injure faite au roi et à l’Eglise, tant par l’hérésie jugée tant antisociale qu’anarchique, que par le meurtre du légat pontifical Pierre de Castelnau. Certes, la doctrine voulait que la guerre ne soit un remède à n’apporter qu’en cas d’extrême nécessité, mais ce critère fut jugé présent du fait que tous les autres moyens, y compris les plus pacifiques, étaient resté inopérants, et ce d’autant plus, et cela est trop souvent occulté, que les Albigeois, de connivence et avec la protection de Raymond de Toulouse, persécutaient les Catholiques, pillaient les églises, tuaient les Prêtres, … même s’il ne faut pas non plus exagérer ces exactions, ce que fit Philippe Auguste... Toujours est-il que, selon les critères du temps, tout cela demander répression, la cause étant jugée juste.

Se pose maintenant la question de l’intention. Il est évident que celle d’Innocent III était droite, visant au châtiment des auteurs de crimes contre l’Eglise, la conversion des hérétiques et la sauvegarde de la Foi catholique, cette intention apparaissant dans toutes les circonstances de la lutte, le Pape la rappelant en permanence dans ses écrits. Ce fut par exemple le cas dans la Bulle Gloriantes par laquelle le Pape instituait Simon de Montfort comme chef de l’armée et octroyait des indulgences particulières aux croisés eux-mêmes, posant même des limites aux méthodes à utiliser. On peut aussi citer sa lettre à Arnaud, Evêque de Narbonne… Ce qui faisait aussi peur au Pape, c’était la doctrine contre le mariage, contre la présence réelle, contre le sacerdoce…

Pour ce qui est de Philippe Auguste, on peut par contre légitimement s’interroger. Mais, avant d’aller plus loin, souvenons-nous déjà qu’à la faveur de l’anarchie suivant l’effondrement de l’empire carolingien, les ducs et les comtes allaient même devenir inamovibles, puis rendre leurs fonctions, qu’ils posaient désormais en dignités, héréditaires, le capitulaire de Kierzy-sur-Oise de 877 confirmant et régularisant ce qui n’était finalement que des usurpations. C’était la naissance du régime féodal, et, du Xème au XIIème siècle, ce dernier allait se développer dans toute sa splendeur, l’autorité royale n’ayant in fine même plus de représentant dans les provinces. En fait, chaque seigneur féodal exerçait désormais dans et sur ses domaines une autorité quasi-absolue, la suzeraineté royale n’étant guère respectée. La volonté de Philippe Auguste était de changer la structure politique de la France, une monarchie féodale devant se substituer à ce qui n’était plus finalement qu’une fédération de princes. Il est vrai que le roi et ses proches ont voulu s’emparer des terres contrôlées par les Albigeois… Mais il est aussi vrai que le roi pouvait aussi faire la guerre à Raymond, celui-ci étant son vassal. Par contre, il est tout aussi possible de dire qu’il n’y avait pas forcément perversité des intentions au départ, aucun document ne le démontrant ! Toujours est-il que la préoccupation première de Philippe Auguste était l’ordre social, l’unification du royaume, le respect du principe de suzeraineté… Et puis, encore une chose occultée dans la geste albigeoise : Philippe Auguste avait, dans un premier temps, refusé de participer à la croisade, ce qui montre bien que son intention première n’était pas la conquête…

La dernière critique portée contre l’Eglise fut que les Catholiques auraient mené une guerre de ruse. Interrogé par les légats, le Pape aurait répondu qu’il fallait user de ruse et que les croisés devaient feindre de négliger le comte de Toulouse. Les porteurs de cette critique ajoutent que le Pape se serait fondé sur un verset de saint Paul (2Co 12, 16). Outre le fait qu’il y a peu de documents sur ce point, il y a surtout mauvaise interprétation ; outre le fait qu’Innocent III ne s’est pas fondé sur ce seul texte, reste qu’il agissait dans l’esprit de toute l’Epître de saint Paul. De plus, Innocent III a montré tout au long de son pontificat qu’il aimait la prudence et déplorait la lâcheté.

Reste enfin le problème de la violence de la guerre, et notamment la question du massacre de Béziers de . Souvenons-nous d’abord, et ceci est attesté par des documents d’époque, que le Pape et les Evêques ont toujours donné des conseils de modération. Par contre, il est évident qu’ils ne menaient pas les troupes. Par ailleurs, le massacre de Béziers ne fut pas le fait de l’armée croisée, même si certains croisés, ne le nions pas, y participèrent, mais celui des ribauds qui, à l’époque, suivaient toutes les armées ! N’oublions pas que saint Dominique avait demandé la modération et prié pendant le massacre auquel il ne put s’opposer, tout comme il pria pendant le bucher de Montségur auquel il ne put non plus s’opposer. Le massacre n’était pas dans les vues du Saint ! L’Eglise ne peut donc être ici incriminée… Tout comme Philippe Auguste allait en tirer la leçon qu’il fallait véritablement chercher à réorganiser le royaume, à renforcer l’autorité du roi, … et à concevoir autrement l’armée, les pouvoirs de police, la justice, … C’est de la leçon tirée de cette croisade que Philippe Auguste allait tirer l’idée de se faire représenter dans les provinces par des magistrats sous sa dépendance : les baillis dans le nord de la France ; les sénéchaux dans le sud, des magistrats étant mis en place en-dessous : les vicomtes et les prévôts. Il lançait un mouvement qui trouva son premier achèvement avec Louis XI… Il aura en fait été le premier souverain depuis Charlemagne à avoir eu une vision cohérente du gouvernement… Ce font son intense politique de rattachement des grandes principautés territoriales au royaume, politique désormais fondée non sur l’usage de la force mais sur l’utilisation de moyens et d’arguments juridiques. Seule conséquence heureuse de la croisade…

En fait, tant Innocent III que Philippe Auguste ont été débordés ! Après, ils ont fait ce qu’ils ont pu, favorisant aussi la fin des querelles entre les Papes et les princes… Innocent III et Philippe Auguste ont sagement su tirer les leçons d’un désastre, malgré la victoire, le Pape restructurant l’Eglise, le roi son royaume ; leurs successeurs ont-ils toujours été aussi sages ?

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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 14:38

Quelques réalités que l’on a tôt fait d’oublier :

 

-          plus qu'un territoire, la France est une idée et une culture ;

-          les deux plus grandes frontières de la France ne sont pas européennes mais avec l'Australie -Terre Adélie - et avec le Brésil - Guyane -, ce que l'on oublie, alors que ce sont des atouts; de plus, cela permet de mieux comprendre les enjeux des querelles australo-françaises ;

-          la France n'est pas un hexagone seulement  géographique du fait de son territoire métropolitain, mais bien plus un hexagone-idée en relation avec six espaces.

-          Europe(s) : UE, OSCE, Conseil de l’Europe, etc… ;

-          Intégration économique, G20, OCDE, G8, etc… ;

-          Ordre géopolitique spécifique : ici, la francophonie que l’on méconnait ;

-          Espaces régionaux transcontinentaux : Méditerranée, Afrique dans le cas de la France ;

-          Conseil de Sécurité + puissance nucléaire ;

-          Mondial : Amérique, Pacifique, Atlantique

 

La France est mondiale (1) car américaine, pacifique et atlantique, et la perte des cailloux de l'Empire serait le déséquilibre de sa puissance, et la plus grosse des « conneries » à faire serait par exemple de lâcher la Nouvelle Calédonie, car celle-ci serait reprise soit dans la sphère australienne, soit dans la sphère étasunienne (les Etats-Unis soutenant d’ailleurs plus ou moins ouvertement certains mouvements indépendantistes canaques) en offrant à celle-ci un pion inespéré de puissance. On peut constater l’intérêt de ces cailloux tant par la présence possible dans des enceintes non-européennes qu’à l’occasion d’interventions hors de l’Europe. Des « cailloux porte-avions » permettant l’entrisme et l’influence internationale, mais aussi faisant d’un État de 550.000 km2 une puissance maritime de 10 millions de km2. À méditer…

 

La France est européenne (2) par sa métropole, avec l'OSCE, l'Union européenne, etc…

 

La France est internationale (3) par ses économies, par le G8, par l'OCDE…

 

La France est langue et culture (4) par la francophonie, ce qui induit un ordre géopolitique différent de l'ordre géopolitique anglo-saxon (en fait le seul contre balancier existant !

 

La France est Méditerranée et Afrique (5), le rôle clé de ces zones ayant été démontré par l'histoire des deux guerres mondiales.

 

La France est enfin décideuse (6) de par son siège au Conseil de sécurité des Nations unies. Le perdre serait priver la France d'un élément majeur de sa puissance, au profit d'un espace non encore stabilisé, et surtout  déchiré entre trois courants pilotes : francophone, anglophone et saxon…, donc sans aucune garantie de transfert de puissance…

 

À titre de comparaison, l'Allemagne n'a que trois un tiers de ces dimensions : européenne (1), économique (2) et géographique par les PECO (4), la fonction internationale (5) n'existant que partiellement de par l'appartenance à l'ONU. Et le Royaume-Uni n'en a que quatre et demi, avec une partialité de dimension  mondiale que ne compense pas le Commonwealth, et l'absence de tout hinterland tant méditerranéen, qu'africain que centre-européen; et encore, sa fonction (5) est limitée en ce sens que cet État n'a pas un contrôle total et réellement indépendant de sa puissance nucléaire du fait de la « double-clé. »

 

En fait, et on tend à l'ignorer en se soumettant aux diktats non pas forcément de l'Europe, car ces diktats – lorsqu’ils sont importants – sont décidés à l'unanimité ne l'oublions pas, mais à ceux de l'Allemagne, par simple frilosité politique, par manque de courage, la France perd volontairement et sans contraintes extérieures sa position de seule contre-puissance  globale potentielle !

 

N'oublions pas que la France reste l'un des pays les plus riches du monde ! N'oublions pas que chacune de ses régions est à elle seule plus riche que plus de la moitié des États du monde ! Elle a les moyens de ses ambitions, mais seulement si elle le veut et ne se crée pas ses propres handicaps !!!

 

Il est ainsi à déplorer que l’on veuille toujours avant d’agir savoir si « ça marche » en théorie ; avec une telle approche, ce n’est qu’après cette étape théorique que l’on voit si l’on passe à la pratique. En digne héritière de la philosophie grecque, la France ne croit et ne veut faire que ce qu’elle sait expliquer et démontrer, excluant certes tout empirisme pratique, mais se privant par là même de toute réactivité face à l’irrationnel ou à l’immédiat, alors que cette réactivité est impérative lorsque l’on se veut puissance. Il faut certes ne pas réagir n’importe comment, mais ceci ne doit pas correspondre en une absence de toute action. Or, en se privant de tout droit à l’erreur, on se prive de beaucoup de moyens d’action tout en donnant une image d’immobilisme. Peut-être vaudrait-il donc mieux substituer à la modélisation théorique des démarches de vérification-validation-action bien plus réactives car permettant de corriger in itinere une démarche plutôt que de ne rien faire, et ce tout en préparant ex ante des simulations à valider selon la démarche du « quoi ? » (le produit, le moyen, le fait, …), du « qui ? » (l’organisation, les acteurs, …) et du « comment ? » (le processus, les modes d’action, etc…). On aurait ainsi une organisation englobante définissant a priori des actions, des processus et des projets englobants, réactifs, combinant l’intuitif et le pratique, donc permettant l’action…


Quelques autres handicaps ? la perte de certains moyens industriels stratégiques, la mauvaise répartition des charges, la non-maîtrise du chômage, la tradition des divisions internes, la perte de maîtrise sur la monnaie..., et surtout le fait que la France n'ait pas confiance en elle-même !

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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 13:48
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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 13:36

Il est possible de distinguer six grandes époques dans la littérature chrétienne : ⑴ l’époque néo-testamentaire, qui ne constitue pas une époque au sens temporel, mais regroupe l’ensemble des écrits néo-testamentaires ; ⑵ l’époque dite patristique, qui va de la Pentecôte à saint Augustin, les écrits néo-testamentaires exclus ; ⑶ l’époque médiévale, jusqu’à saint Thomas d’Aquin ; ⑷ l’époque des crises, jusqu’au Concile de Trente ; ⑸ l’époque moderne, jusqu’à Vatican II ; ⑹ l’époque contemporaine, depuis Vatican II.

On remarquera que, l’époque néo-testamentaire étant jugée intemporelle et fondement des cinq autres, chaque époque s’achève par un auteur ou par un Concile qui est en même temps le “lancement” de l’époque suivante. On pourrait dire que saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, le Concile de Trente, celui de Vatican II, sont chacun le couronnement d’une époque, tout en étant le fondement de l’époque suivante ; on ne peut donc pas étudier une époque quelconque sans se référer à l’époque précédente et surtout à son “symbole” l’achevant.

Cela démontre bien le caractère ininterrompue de la tradition, et surtout l’unité et la continuité de la foi, ce qui, sans donner l’infaillibilité à tel ou tel, permet d’affirmer l’infaillibilité globale de l’Église catholique à chaque instant de son histoire, et ce même si certains éléments du dogme ou de la doctrine ont pu évoluer, l’Église étant un corps vivant.

On peut donc, dans la perspective globale de l’histoire du Salut et de l’Église corps du Christ, se référer avec confiance à chaque auteur s’inscrivant dans ce dessein, sans qu’aucun puisse cependant globalement représenter la doctrine de l’Église, doctrine qui, a contrario du dogme fondamental du Kérygme, évolue et s’adapte au temps. En ce sens, l’Église est toujours contemporaine !

Classiquement, l’époque patristique s’achève plus tardivement, y compris pour la chrétienté occidentale (on aurait pu choisir 536, c'est-à-dire l'entrée des troupes byzantines dans Rome). Néanmoins, il semble plus opportun de la limiter à saint Augustin, en particulier dans le cadre de la présente étude, et ce pour diverses raisons. La première est que Rome a été prise par Alaric en 410, et que l’empire est définitivement divisé, brisant du même coup l’unité culturelle de la chrétienté. Ensuite, l’empire est désormais christianisé. Par ailleurs, le Concile de Nicée (325), qui a fixé les bases fondamentales du dogme chrétien, et qui cherche à régler les querelles de l’arianisme s’est imposé et n’a pas été remis en cause par les Conciles suivants. Il reste de plus le dernier Concile à être quasiment œcuméniquement reconnu par les diverses Églises et communautés ecclésiales chrétiennes. De même, le Concile d’Éphèse (431) marque le sommet de la querelle du nestorianisme commencée en 428. Enfin, La Cité de Dieu est le dernier ouvrage majeur de la littérature chrétienne ancienne à s’adresser à des païens, s’adressant à ceux accusant le christianisme d’être à l’origine de la chute de l’empire romain. Cet ouvrage sera immédiatement suivi par un ouvrage équivalent, bien que moins connu et de moindre qualité dogmatique, le De gubernatione Dei (Sur le gouvernement de Dieu) de Salvien de Marseille, qui, partant de la même idée que saint Augustin, présentait, quelques années après, la Cité divine aux chrétiens, qui, pour la première fois, doutent eux-mêmes de leur foi. Et comment oublier que les auteurs chrétiens s’occupent plus de dogmatique, de pastorale, de spiritualité, et bien moins d’apologétique ?

Rien ne serait plus erroné que de vouloir interpréter les Pères de manière uniforme, et de chercher à leur trouver une doctrine ou une position elles-mêmes uniformes ; même sur des sujets tels que la résurrection, ils auront eu des positions divergentes ! Pour ne prendre que l’exemple d’Origène, ce dernier, non content de subordonner le Fils au Père et de faire du Saint-Esprit une créature du Verbe (ce qui était permis avant les conciles œcuméniques du IVe siècle) admet l’éternité de la création, la préexistence des âmes et les mondes successifs du stoïcisme, et rejette la résurrection de la " chair " et les peines éternelles (A. Weber, Histoire de la philosophie européenne, Paris, Fischbacher, 1905, page 187, note 3).

 

Nom

Dates

Lieu de naissance

"Profession"

Études

Évolution

Origine sociale

Religion des parents

Justin

v. 100

v. 165

Sichem (Naplouse)

Philosophe, professeur de philosophie

Philosophie

Stoïcien puis péripatéticien puis pythagoricien puis platonicien puis chrétien

Inconnue

païens

Tertullien

v. 155

ap. 220

Carthage

Jurisconsulte et avocat (?), puis prêtre (?)

Philosophie, droit et médecine

Conversion en 193 - montaniste en 207

Père Centurion de la cohorte proconsulaire

païens

Origène

v. 185

Alexandrie

Professeur de grammaire, puis Prêtre et professeur de théologie et d’exégèse

Grammaire et philosophie

Né dans une famille chrétienne, il chercha même très jeune le martyre

Aisée jusqu’à la mort du père en 201

Chrétiens, son père mourrant même martyr

Cyprien de Carthage

v. 210 258

Carthage (?)

Professeur de rhétorique, puis Évêque

Rhétorique

Conversion en 246

Haute bourgeoisie locale riche

païens

Jérôme

347

419

Strido (Dalmatie)

Fonctionnaire impérial, puis clerc

Études de grammaire à Rome

Recherche de l'ascétisme

Famille aisée

chrétiens

Ambroise de Milan

340

397

Trèves

Gouverneur provincial, puis Évêque

Études littéraires et juridiques

Acclamé Évêque alors que simple catéchumène

Père Préfet du prétoire pour les Gaules

chrétiens

Augustin d'Hippone

354

430

Thagaste (Souk-Ahras)

Professeur de grammaire puis d'éloquence, puis prêtre et Évêque

Études de grammaire et de rhétorique

Manichéen converti en 386

Père ancien soldat devenu responsable local et peut-être percepteur

père  païen et mère chrétienne

 

Les écrits des Pères ne peuvent en fait s'interpréter qu'en tenant compte du contexte historico-culturel, voire familial ou professionnel, où ils vécurent. Certains Pères sont africains (Tertullien, Cyprien, Augustin, …), d'autres moyen-orientaux (Justin, Irénée, …) et d'autres “européens” (Ambroise de Milan, Clément d'Alexandrie, …), ayant de plus souvent beaucoup voyagé. De même, les parents de Justin et de Tertullien étaient païens, alors que ceux de Jérôme et de Césaire d'Arles étaient chrétiens, ceux d'Augustin d'Hippone formant ce que l'on appellerait aujourd'hui un couple mixte. Par ailleurs, les pères de Tertullien et d'Augustin furent des militaires, ce qui peut à la fois expliquer leur prolixité sur le sujet de la guerre et du métier des armes, ainsi que … leurs divergences en la matière. Enfin, il y a une très grande diversité dans les origines “professionnelles” des Pères ; par exemple, parmi les Pères latins, Justin fut philosophe, Jérôme “haut fonctionnaire”, Augustin professeur de grammaire et d'éloquence, Léon le Grand … Préfet de Rome avant de devenir … Pape, alors que Césaire d'Arles ou encore Irénée semblent s'être consacré très tôt au sacerdoce…

Il ne faut donc en aucun cas vouloir leur faire dire ce qui est hors de leur pensée en transposant sans précaution leurs données en termes d'aujourd'hui (J. Laporte, Les Pères de l'Église. 1. Les Pères latins, Paris, Cerf, 2001, page 9).

Il faut ainsi tenir compte du contexte du christianisme ancien, certains Pères étant persuadés que la fin était proche, d'autres étant marqués par le millénarisme, les deux pouvant se confondre. De même, certains Pères sont issus du paganisme ou de l'hérésie, alors que d'autres sombrèrent eux-mêmes dans l'hérésie ; il faudra là encore en tenir compte, tant pour interpréter leur œuvre orthodoxe que le reste de leur œuvre, Tertullien étant ici l'auteur le plus remarquable avec sa conversion en 193, son passage au semi-montanisme en 207, au montanisme intégral vers 213, créant lui-même ensuite une secte interne à cette hérésie (sur le montanisme, lire : J. Fantino, " Le montanisme ", dans : Connaissance des Pères de l'Église, Paris, n° 71, septembre 1998, pp. 51-55).

Il n'est donc pas possible de définir ce que l'on pourrait appeler “la” doctrine des Pères de l'Église. Seules des lignes directrices peuvent être entrevues, et encore uniquement après présentation de la vision spécifique à chacun des Pères.

On peut définir un Père comme étant un philosophe ou un théologien chrétien ayant permis de définir, d'approfondir et de préciser la doctrine de l'Église. Remarqués et retenus pour la justesse de leur foi et de leur doctrine - même si certains, tel Tertullien, s'égarèrent en chemin, et même s'ils n'ont pas eu toujours la même position doctrinale -, ils sont à la source de la Tradition de l'Église catholique, la doctrine catholique se fondant à la fois sur des sources bibliques et sur sa Tradition. Ce sont les jalons qui ont permis de faire du Catholicisme ce qu'il est aujourd'hui, et, par cela, ils sont toujours vivants et incontournables.

Mais avant d’aller plus loin, une remarque. Dès lors que l’on veut définir ce qu’est un Père de l’Église, une difficulté prédomine. En effet, pathr, Père, a plusieurs sens : ⑴ géniteur, comme chez Platon (Des lois 772b) ; ⑵ père de toute chose, comme chez Sophocle (Philoctète 1442) ; ⑶ ancêtre, comme chez Homère (Iliade 6, 209) ; ⑷ fondateur d’une souche, d’une idée, … , comme chez Hérodote (L’enquête 7, 51) ; ⑸ titre de respect et d’affection donné aux vieillards, aux anciens, aux sages, comme chez Aristophane (Acharnenses 225) ; ⑹ auteur, inventeur d’une chose ou d’une idée, encore chez Platon (Timée 28c) ; ⑺ ce qui est la source, toujours chez Platon (La République 555e).

Il est bien évident qu’ici le mot père n’est pas utilisé dans les trois premiers sens ; par contre, les quatre derniers sens peuvent se retrouver, principalement sous l’angle de docteur, savant, sage, avec une dimension respectueuse. Dans ce cadre, il n’y a donc pas de contradiction avec le N’appelez personne sur la terre votre père, car vous n’en avez qu’un seul le Père céleste de [Mt 23, 9], car le sens de pathr est dans ce cadre celui qu’en donne Sophocle, celui de père de toute chose, donc de créateur, de démiurge, ce que ne sont pas les Pères de l’Église. De même, il n’y a pas de contradiction avec [Mt 23, 12]…

Quatre critères sont retenus couramment par les théologiens pour caractériser un Père de l'Église. Ces critères sont l'orthodoxie de la doctrine, la sainteté de la vie, l'approbation de l'Église, enfin l'ancienneté (É. Amman, " Pères de l'Église ", in : Dictionnaire de théologie catholique, Paris, 1933, t. 12, fasc. CIII-CIV, c. 1196). Tous les auteurs chrétiens anciens ne sont donc pas des Pères de l’Église. Dans son ouvrage Les Pères de l’Église, Hubertus R. Drobner développe ces quatre critères (Desclée, 1999, notamment pages 10 à 12) : ⑴ Doctrina orthodoxa, ce qui signifie un accord doctrinal dans l’ensemble de leur théologie, mais pas infaillibilité absolue dans tous les détails ; ⑵ Sanctitas vitae, c’est-à-dire la reconnaissance et la vénération d’une vie exemplaire par une part significative du peuple des croyants ; ⑶ Approbatio ecclesiae, soit l’approbation, non forcément explicite, de la personne et de la doctrine par l’Église ; ⑷ Antiquitas, ce qui fait que l’on limite traditionnellement la liste des “Pères” à Isidore de Séville en Occident et à Jean Damascène en Orient.

Il est en fait assez difficile de dresser une liste exhaustive des auteurs pouvant être qualifiés de Père, la Lettre décrétale Decretum Gelasium attribuée au pape Gélase Ier sur les livres à recevoir et à ne pas recevoir (cf. Denzinger, 353, p. 126 - après 495) manquant de précision. Ce document cite certes clairement Cyprien de Carthage, Grégoire de Nazianze, Athanase d'Alexandrie, Jean Chrysostome, Théophile d'Alexandrie, Cyrille d'Alexandrie, Hilaire de Poitiers, Ambroise, Augustin, Jérôme, Prosper d'Aquitaine et la lettre du pape Léon à Flavien de Constantinople ; mais il se continue ainsi : De même, nous décidons que doivent être lus les ouvrages et traités tous les pères orthodoxes … qui n'ont dévié en rien de la communion de l'Église romaine , ce qui prête à diverses interprétations

Tous les auteurs chrétiens des premiers siècles ne sont donc pas considérés comme des Pères, l’un des quatre critères traditionnels pouvant manquer, en particulier la Sanctitas vitae ou l’Approbatio ecclesiae, et l’on parle alors d’écrivains ecclésiastiques. Et lorsque plusieurs critères manquent, on parle alors d’écrivains chrétiens primitifs ou anciens, ceux-ci regroupant de facto tous les autres textes chrétiens anciens non ecclésiastiques, y compris les apocryphes et les hérétiques ; c’est par exemple le cas de Tatien.

Couramment, sont actuellement considérés par à peu près tous les auteurs comme des Pères les auteurs suivants :

⒜ Pères apostoliques : Clément de Rome, Ignace d’Antioche, Polycarpe de Smyrne, Papias d’Hiérapolis, Hermas, les auteurs de la Didachè, de l’Homélie du II° siècle, de l’Épître de Barnabé et du À Diognète ;

⒝ Pères grecs : Justin, Irénée de Lyon, Clément d’Alexandrie, Origène, Eusèbe de Césarée, Athanase, Basile le grand, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Synésius de Cyrène, Jean Chrysostome, Cyrille d’Alexandrie ;

⒞ Pères latins : Tertullien, Cyprien de Carthage, Lactance, Ambroise de Milan, Augustin d’Hippone, Boèce.

Néanmoins, Drobner définissant la patrologie comme étant la science qui s’intéresse à toute la littérature chrétienne ancienne sous tous ses aspects et qui met en œuvre les méthodes appropriées (Les Pères de l’Église, op. cit., page 12), l’expression Père peut être utilisée au sens large et inclure des auteurs plus souvent considérés comme des écrivains ecclésiastiques ; par contre, elle ne concernera en aucun cas les auteurs de textes non ecclésiastiques, tels que Tatien ou encore Hermias.

Les Pères se sont axés sur la parénèse – qui est une forme de la prédication consistant en une exhortation à caractère moral ou social, et visant au suivi d’une attitude de vie chrétienne -, la liturgie, la catéchèse, la mission, l’apologétique et la lutte contre les hérésies, fondant ainsi la dogmatique. Priorité est donnée dans le présent cours aux seuls aspects parénèse et catéchèse, même s’ils ne peuvent être totalement séparés des trois autres axes. Ce sont en effet ces deux axes qui sont les plus “parlants” pour le chrétien de base et qui, surtout, permettent de répondre aux grandes questions morales et sociales du temps. Tout reste dominé par les écrits néo-testamentaires, et, selon moi, à un titre moindre par les écrits vétéro-testamentaires, la raison en étant non pas un rejet de l’Ancien Testament, mais une vision du Christ achèvement de la période vétéro-testamentaire. C’est cependant la priorité donnée à la parénèse et à la catéchèse qui fait que la partie néo-testamentaire est aussi peu développée, servant uniquement d’exemplum et de fondation à ce qui suit. De plus, parénèse et catéchèse regroupent et incluent inévitablement des aspects dogmatiques, apologétiques, liturgiques et anti-hérétiques, même s’ils apparaissent de facto souvent au second plan.

Dans tous les cas, il est plus qu’enrichissant de se faire au moins un ami parmi les Pères de l’Église et en assimiler l’esprit afin d’en faire le pivot de son analyse de la littérature chrétienne…, ainsi que de sa propre vie au regard de la Bible, de la Tradition, du Magistère et de la vie actuelle de l’Église.


 

Confusion entre les termes « patristique » et « patrologie », alors qu’il s’agit de deux disciplines, certes proches, mais différentes

å                                      æ

Patristique

â

pathr, « Père » + ismum, « système », sous une forme adjectivisée devenue substantif

â

XVII° : theologia patristica au sens de dogmatique des Pères ¹ theologia biblica, theologia scholastica

â

Étude de la pensée théologique des Pères

â

Doctrine

Dogmatique

Théologie morale, spirituelle, Écritures saintes et liturgie

Patrologie

â

pathr, « Père » + logoV, « doctrine, enseignement »

â

Un théologien protestant (Johannes Gerhard, mort en 1637, dans le sens d’études historiques et littéraires des Père

â

Étude de la vie et des écrits des Pères

â

Histoire

Information biographique et littéraire

æ                                                                     å

Toujours un caractère théologique

â

Différence d’avec la littérature chrétienne antique

å                                      æ

Nécessité d’une description, en lien avec la dogmatique, du cadre, de la théologie et de la vie chrétienne de l’époque dans sa réalité historique

Nécessité d’obtenir une vue panoramique des Pères et de leurs œuvres, en situant dans le contexte historique et social l’activité littéraire et pastorale

â

Nécessité d’étudier les hérésies

Nécessité d’une étude de l’histoire ancienne, en particulier sous l’aspect politique

â

Différent de l’histoire de l’Église

Différent de l’histoire du dogme

Différent de la littérature antique

æ                                                                       å

Approcher la vie, les écrits et la doctrine des Pères et des

écrivains ecclésiastiques de l’antiquité chrétienne

â

Établir un profil biographique des Pères

Exposé littéraire, historique et doctrinal des Pères

â

Lien à mettre en évidence avec la tradition postérieure,`

vivante et non pas décadente, en tenant compte du

progrès et des temps, y compris et surtout avec

la tradition de la scolastique

å                                      æ

Discipline théologique dont le cœur est constitué par l’analyse des Pères de l’Église et par leurs écrit, au sens ecclésial du terme, et tout particulièrement sous l’angle dogmatique et spirituelle

â

Exclusion de l’apologétique

Approche de certains textes chrétiens anciens non ecclésiastiques, notamment les apocryphes et les hérétiques, mais sous les seuls angles de l’ecclésiologie et de la dogmatique

Science qui s’intéresse à toute la littérature chrétienne ancienne, sous tous ses aspects et qui met en œuvre les méthodes appropriées (H. Drobner)

â

Inclus l’apologétique et certains écrivains ecclésiastiques des premiers siècles

Autorise d’aborder, de manière subsidiaire, certaines œuvres de la littérature chrétienne primitive ou ancienne

 

 

 

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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 13:29

Ce n'est pas dès 1938 que le Vatican a condamné le nazisme, mais bien avant ! J'en veux pour preuves les décrets de condamnation et d'inscription à l'Index des livres prohibés du 7 février 1934 pour Der Mythus des 20 Jahrhunderts de Rosenberg, du même jour pour le Die deutsche Nationalkirche d'Ernest Bergmann et du 17 juillet 1935 pour le An die Dunkelmaenner unserer Zeit à nouveau de Rosenberg, et ce alors que peu d'ouvrages ont été inscrits à l'Index sous Pie XI, comme en témoignent les Actae !

Par ailleurs, si le Pape Pie XI, d'autorité supérieure à la Sacrée Congrégation du Saint-Office, allait en personne condamner toutes les idées de Hitler dans son Encyclique Mit brennender Sorge du 14 mars 1937, on oublie trop souvent le Syllabus aux Universités et aux Facultés catholiques du 13 avril 1938 condamnant huit propositions racistes, fondements de la pensée nazie, ou les interventions des 15, 21 et 28 juillet de la même année de Pie XI contre l'esprit raciste. Le Syllabus de 1938 condamnait clairement les propositions fondamentales du Mein Kampf d'Hitler, du Le mythe du XX° siècle de Rosenberg, et du La science des races du peuple allemand de Hans Günther... Je ne parle même pas des conférences de 1935 de Monseigneur Faulhaber !

Par ailleurs, et à relire les articles de notamment L'Ami du Clergé, la Nouvelle Revue Théologique, Chronique sociale de France, La vie intellectuelle ou encore la Nouvelle Revue Apologétique (au moins quatre à cinq articles par an condamnant le nazisme dès 1932), on se rend contre que dès 1928 au moins l'Église et le Vatican (relire les actes des Papes de cette époque, y compris Pie XII, dans la collection publiée par la Bonne Presse annuellement par exemple à l'époque) condamnaient le nazisme, et dans des termes très durs ! Je peux préparer si besoin une sorte de digeste d'articles importants à ce sujet, dès avant la prise de pouvoir par Hitler en Allemagne, y compris avec des références tirées de la presse allemande catholique !

Souvenons nous aussi que la persécution en Pologne, dès après l'entrée de Hitler dans ce pays, a concerné les Juifs ET le clergé catholique (plus de 5.000 prêtres déportés ou fusillés à la fin du premier mois de présence nazie !)... J'ai là encore des références vaticanes ou encore diplomatiques datées de 1939 !

Une précision… Bien avant le Vicaire de Hocchhuth, on peut relever les accusations portées contre Pie XII par Camus et … Paul Claudel ! Mais passons…

Pour bien mettre en évidence les condamnations antérieures à 1938 du nazisme par l’Église, je reprendrai – par delà l’encyclique Mit brenneder Sorge, par delà les condamnations déjà rappelées par le Saint-Office, par delà le Syllabus du 13 avril 1938 déjà cité -, les extraits suivants d’interventions épiscopales :

⒜ à diverses questions relatives aux liens possibles entre le Catholicisme et le nazisme, l’Évêque de Mayence devait répondre le 27 septembre 1930 : Un catholique peut-il s’inscrire dans le parti Hitler ? Un prêtre catholique peut-il permettre que les membres de ce parti assistent comme tels à un enterrement ou à toute autre cérémonie religieuse ? Peut-on admettre aux sacrements un catholique qui se réclame de principe de ce parti ? Nous devons répondre négativement (cf. Badischer Beoachter, 5 octobre 1930) ;

L’épiscopat doit aujourd’hui, en plein accord avec le Pasteur Suprême et suivant ses instructions, s’opposer avec fermeté et avec évidence au faux nationalisme et à ses erreurs, qui depuis quelques temps sont répandus par la parole et par l’écrit dans toutes les régions de notre patrie (Déclaration du Cardinal Bertran, Archevêque de Breslau, du 31 décembre 1930) ;

Il est rigoureusement interdit au clergé catholique de collaborer sous une forme quelconque au mouvement national-socialiste (Instructions des Évêques de Bavière sur le national-socialisme, Bayerischer Kurier, 13 février 1931) ;

Il est un fait qui mérite à ce sujet toute notre attention, c’est que la plus haute autorité de l’Église, Notre Saint Père le Pape Pie XI, a condamné le mouvement d’Action Française qui, sur certains points essentiels, s’apparente évidemment aux erreurs des chefs du national-socialisme (Déclaration des Évêques de la Province de Cologne sur le mouvement national-socialiste, 5 mars 1931).

Et je pourrai multiplier les exemples… Et par exemple les cinq sermons du Cardinal Michel von Faulhaber des 3, 10, 17, 24 et 31 décembre 1933 (Juifs et Chrétiens devant le racisme, Sorlot, Paris, 1936), ou encore les propos de Pie XI lors de la canonisation de Konrad von Altütting en 1934, ou déjà, et encore plus avant dans le temps, le décret du Saint Office du … 21 mars 1928 ! Je passe sur le discours de Pie XI du 29 juillet 1938 devant les élèves de la Propagande pour revenir à son allocution de Noël 1937 : Pour appeler les choses par leur nom : en Allemagne, c’est la persécution religieuse (…). C’est une persécution à laquelle ne manque ni la force et la violence, ni les pressions et les menaces, ni les ruses de l’astuce et du mensonge.

Je rappellerai aussi le refus de Pie XI à toute rencontre avec Hitler (comme Pie XII qui ne le rencontra que comme Nonce à Berlin, comme c’était son devoir, jamais comme Pape), par exemple lors de sa venue à Rome le 5 mai 1938, jour où il décida de partir à Castel-Gandolfo, de fermer les musées du Vatican, d’interdire au Nonce et au clergé toute réception officielle, d’interdire tout pavoisement d’Église, tout en faisant une déclaration condamnant à nouveau le racisme allemand… Je glisse aussi sur les discours de Pie XII des 15, 21 et 28 juillet 1938 où il insistait sur l’opposition radicale entre l’esprit chrétien et l’esprit raciste, condamnait l’eugénisme et l’euthanasie des nazis, tout comme je glisse aussi sur son discours du 6 septembre 1938 sur les mêmes sujets. Je rappellera juste que c’est dès l’été 1933 que Pie XI et le Vatican ont commencé à condamner incessamment le racisme, l’eugénisme et l’euthanasie prônés par les nazis, de manière encore plus vive après la loi du 15 septembre 1935 !

On se souviendra aussi de l’encyclique Casti Connubii de Pie XI, du 31 décembre 1930, sur le mariage catholique où le Pape condamnait déjà des erreurs du nazisme sur la famille, sur le racisme, sur l’eugénisme, sur l’euthanasie ; et la lecture des textes préparatoire est encore plus parlante !

Je passe aussi les conférences des 6 et 9 mars 1939 entre le Pape Pie XII et des Évêques allemands, notamment avec le Cardinal Faulhaber…Je glisse de même, puisqu’il semble qu’on l’ait oubliée, sur la lettre de Pie XII à l’assemblée des Évêques allemands de Fulda du 6 avril 1940…On semble aussi avoir oublié le compte-rendu officiel de sa rencontre du 13 mai 1940 avec l’ambassadeur d’Italie, Dino Alferi, ou encore sa lettre du 20 février 1941 à Monseigneur Ehrenfield, ou encore celle du 30 avril 1943 à Monseigneur von Preysing… Toutes condamnaient précisément la doctrine nazie ! Et elles étaient publiques, pas cachées dans des archives ! Mais ce que Pie XII remarque aussi dans ces deux dernières lettres, c’est le peu de chance de faire changer les nazis, surtout avec l’exemple des persécutions anti-catholiques et anti-juives lancées systématiquement par les nazis après chaque protestation ! Car les nazis cherchèrent en permanence à faire tomber Pie XII dans le piège de la provocation. Or, le Pape devait gérer la guerre et chercher la paix avant tout ! C’était son devoir de Pasteur !

Le sens de l’approche qu’avait Pie XII se retrouve dans cette lettre de 1943 à je ne sais plus quel Évêque allemand (je pourrai retrouver la date exacte) : Nous laissons aux pasteurs qui travaillent sur place et sur les lieux le soin de penser dans quelle mesure le danger de représailles et les moyens de pression possibles en cas de déclarations épiscopales comme aussi peut-être d’autres circonstances dues à la durée et à la mentalité de la guerre, semble conseiller d’user de réserves, ad maiora mala vitanda.… « Ad maiora mala vitanda… »

Sa vision était une diplomatie préventive, pas de faire la guerre ! Il voulait préserver les vies ! Comment oublier les effets de la condamnation des déportations aux Pays-Bas en 1941 ou 1942 (j’ai oublié) : accélération des déportations de Juifs, de Juifs convertis au Christianisme, massacres accélérés, … ! C’est ça que voulait éviter Pie XII ! Mais cette approche était déjà antérieure… Par exemple, alors que Radio Vatican dénonçait les crimes nazis en Pologne, les Évêques de Pologne allaient dès octobre 1939 demander au Vatican de cesser ces émissions, car les émissions sont suivies de représailles terribles sur la population. D’ailleurs, et pour en rester à Radio Vatican pourquoi les sanctions à son écoute furent-elles équivalentes à celles prévues pour l’écoute de la BBC en France occupée si le Vatican était pro-nazi ?

Comment, enfin, peut-on oublier ces mots de Pie XII, prononcés le 25 juin 1941, les plus significatifs, où il parle des indicibles souffrances et persécutions que la sollicitude même pour ceux qui souffrent ne permet pas de révéler dans toutes leurs douloureux et horribles détails (ABP III, 125), et ce afin d’éviter de nouvelles persécutions ?

On oublie aussi les violations des frontières vaticanes… Par exemple le 22 décembre 1943 ou encore dans la nuit des 3 au 4 février 1944 où les nazis violèrent le Monastère Saint-Paul-hors-les-Murs, y arrêtant 64 personnes réfugiées, dont neuf juifs ! Car Pie XII a toujours apporté son appui, par la prière, par la parole discrète, par l’argent à ceux, religieux ou laïcs qui aidaient les personne recherchées par la Gestapo, qui aidaient les Juifs persécutés !

Comment expliquer, si le Vatican était pro-nazi, cette instruction de la Gestapo du 19 avril 1940 réclamant la fouille de la valise diplomatique du Vatican, la déportation des Prélats suivant les instructions pontificales contenues dans cette valise ? Des Évêques ont été déportés pour cela, par exemple Monseigneur Neuhäuser à Dachau ! D’ailleurs, Hitler avait même envisagé de déporter le Pape en Allemagne en janvier 1944, y renonçant par peur de voir définitivement basculer l’Italie ! On l’oublie ! Comment oublier les milliers d’interventions en faveur des déportés, que l’on retrouve dans les archives du Reich, du Nonce Monseigneur Orsenigo – bien moins faible et insignifiant qu’on ne le prétend aujourd’hui - ou encore de Monseigneur Wienken, et ce dès fin 1941, et ce y compris en faveur des Juifs déportés ! Dès le 10 juin 1942 Hitler en personne devait refuser toute protestation ou intervention ne concernant pas le territoire du Reich et dès fin 1943 toutes les autres !

On nous dit enfin que Pie XII n’a pas condamné le nazisme avec force, comme Pie XI. Mais pourquoi en aurait-il fait plus, beaucoup des condamnations portées par son prédécesseur relevant de l’infaillibilité pontificale, donc l’engageant de facto, Pie XI s’étant exprimé parfois contre le nazisme à la fois comme docteur et pasteur suprême de L’Église, sur une doctrine relevant de la Foi et de la morale, et avec proclamation d’irréfutabilité ! Pie XII n’a rien remis en cause !

Et tout ce qui précède était d’accès public immédiatement, est fondé sur des documents publics d’époques. Il n’était pas besoin d’attendre des scoops de l’ouverture des archives, archives d’ailleurs déjà ouvertes à Monseigneur Roche au début des années soixante-dix pour son livre sur Pie XII…

À consulter notamment, outre les journaux de l’époque, dont L’Osservatore Romano (et non pas cette agence de presse indépendante prétendant parler au nom de Pie XII, et huit fois condamnées par le Vatican à l’époque !) : ⒜ Blet (P.), Pie XII et la seconde guerre mondiale d’après les archives du Vatican, Perrin, 1997 (le Père Blet fut l’un des quatre archivistes des actes de Pie XII) ; ⒝ Chelini (J.), L’Église sous Pie XII. Tome 1 : la tourmente 1939/1945, Fayard, 1983 ; ⒞ Les documents de la vie intellectuelle, tome VI, n° 3, 20 mars 1931, pp. 414-450 ; ⒟ Duclos (P.), Le Vatican et la seconde guerre mondiale. Action doctrinale et diplomatique en faveur de la paix, Pédone, 1955 ; ⒠ François (A.), " Racisme et Christianisme ", in : Nouvelle revue apologétique, oct./nov. 1939, pp. 217-231 ; ⒡ Roche (Mgr G.), Pie XII devant l’histoire, Robert Laffont, 1972 (Monseigneur Georges Roche eut à cette occasion droit d’accès aux archives secrètes du Vatican) ; ⒢ Valdor (L.), Le chrétien devant le racisme, Alsatia, Paris, 1938 (avec une splendide croix gammée sur la couverture au cas où certains n’auraient pas compris ce qui était condamné)

 

 

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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 13:28

Puisqu’il semble que Baronius soit parfois invoqué par les sédévacantistes pour appuyer leurs thèses, voici quelques mots sur la manière dont celui-ci écrivit l’histoire de l’Eglise, et je prends ici pour seul exemple sa vision du dixième siècle dont il a fait le siècle noir de l’Eglise pour appuyer ses thèses, et rien d’autre !

Rappelons que Baronius (1558/1607) s’était donné comme seule et unique tache la démonstration de la fixité invariable du catholicisme, ce qui était louable, mais en usant de tous les moyens, y compris le dénigrement systématique de certains Papes, noircis volontairement, de qui l’est moins. Il voulait répondre aux Centuries protestantes de Magdebourg, mais comment oublier ses erreurs chronologiques, sur les personnes, sur l’histoire même ? Il a voulu en fait faire entrer de force l’histoire dans sa démonstration, quitte à la violer quasiment en permanence. Et en croyant servir l’Eglise, il ne fit que donner des armes aux ennemis de la même Eglise, car à trop vouloir démontrer la continuité de l’Eglise par delà les hommes, il n’a fait que la salir, et ce volontairement ! De plus, n’oublions pas qu’il voulut aussi deux fois se faire élire Pape, outrant volontairement certains traits négatifs pour mieux montrer combien, lui, était bien… Est-ce une position catholique que de faire sa "campagne pontificale" en éreintant ses prédécesseurs ? J’en doute… L’honnêteté impose à l’histoire rien de parler de tout, pas uniquement du négatif, et, plus encore, de ne pas se servir de seulement quelques aspects de l’histoire pour servir ses desseins !

Dans ses Prolegomena ainsi que dans le texte même de ses Annales ecclesiastici (1588/1607, 12 volumes), le Cardinal Baronius nous montre le dixième siècle sous des aspects les plus noirs, sous ses seuls aspects négatifs. Voici à peu près ce qu’il nous en dit, en traduisant rapidement l’un de ses propos : Voici que commence la neuf centième année de la rédemption, ce dixième siècle qui, par sa rudesse et la stérilité de son bien est appelé un siècle de fer, par la laideur de son mal débordant est appelé un siècle de plomb et un siècle obscure par sa pénurie d’écrivains… Il est difficile d’être plus dur pour une période de l’histoire…

Cette opinion a été depuis adoptée par la plupart des auteurs, y compris et surtout anticatholiques, devenant quasiment un dogme historique. Pourtant, dès lors que l’on se débarrasse de certains préjugés et que l’on adopte une démarche historique, surtout en recadrant dans les réalités du temps, on entrevoit un rayon de lumière sans cesse plus dense, rayon venant peu à peu dissiper les ténèbres enveloppant ce siècle, montrant de plus en plus que l’opinion de Baronius fut, sinon fausse, du moins plus que trop sévère, devant dès lors être non seulement atténuée, mais encore corrigée. L’opinion de Baronius est fausse lorsqu’il parle de siècle de fer par la stérilité de son bien ; elle est fausse lorsqu’elle parle de siècle obscure. Mais de plus, et c’est là où il fut vraiment injuste, ce siècle ne fut pas un siècle de plomb !

Cette appréciation de Baronius, reprise donc par de nombreux auteurs dont Natalis, était en fait fondée sur deux données :

- Les mœurs des chrétiens qui avaient effectivement connu au X° siècle un réel fléchissement moral, les chrétiens s’éloignant tant de la morale religieuse que de la morale divine ;

- La corruption du clergé catholique et du Pontificat, cette corruption étant la cause directe de la donnée précédente.

Les adversaires de l’Eglise utilisent souvent cette réalité pour attaquer l’Eglise, qu’ils se retrouvent chez certains Protestants ou musulmans, ou encore chez les indifférentistes ou libéraux. Mais il est d’ores et déjà possible de poser une proposition contre ces attaques : par défaut d’autorité des auteurs du X° siècle, il fut très difficile de porter un jugement exact sur la sincérité des choses qui, relativement aux conditions de l’Eglise et du temps, furent rapportées par Baronius. En fait, la principale source, voire même la seule pour le dit X° siècle, à laquelle avait puisé Baronius fut Liutprand. Ceci nous oblige à chercher à savoir qui et ce que fut Liutprand…

Liutprand est un historien et prélat italien, né en Lombardie vers 920 et mort en 972. Nommé diacre à Pavie, il fut chargé en 949 par le roi Bérenger d’une mission diplomatique à Constantinople. Il allait rester deux années dans cette ville avant de tomber en disgrâce, se retirant alors auprès du roi de Germanie Othon, au service duquel il se mit ; ceci permet déjà de comprendre partiellement son attitude contre l’Eglise. C’est auprès d’Othon que l’Evêque Becomond allait lui conseiller de rédiger un ouvrage sur l’histoire de son temps, ouvrage dont il allait poursuivre la rédaction jusqu’en 962, année où Othon allait le prendre totalement sous sa protection, allant même, à la faveur d’intrigues, jusqu’à le faire nommer Evêque. Il devait retourner en 968 à Constantinople, chargé par son roi de demander à l’empereur Phocas Nicéphore la main de sa fille Theophora. Mais il fut assez mal reçu, même s’il revint de Constantinople avec la fiancée.

Liutprand a principalement rédigé trois ouvrages :

- Autapadosis, ou Livre des choses qui sont arrivées en Europe jusqu’en 950 ;

- Historia Othonis, ouvrage couvrant la période allant de 960  964 ;

- Relatio de legatione Constantinopola ad Phocam Nicephoram, couvrant la période 968/969.

A la lecture de ces livres, il est facile de constater que cet auteur s’est souvent complu à raconter des histoires, voire même des bouffonneries. Et ceci a été relevé par de nombreux auteurs… Ainsi, Muratori allait écrire de lui : S’il est permis de juger de ses mœurs d’après ses écrits, on peut douter de son honnêteté. En fait, lorsqu’il écrit, Liutprand cherche moins à relater l’histoire qu’à se venger des affronts qu’il aurait ou qu’il aurait cru avoir reçus. Il en résulte que Liutprand s’est souvent laissé entraîner par son goût de revanche et par un certain esprit de parti, notamment lorsqu’il écrit sur ceux qu’il juge comme étant ses ennemis. De plus, on peut noter que même en ce qui concerne l’histoire de son pays, qu’il s’agisse de la Lombardie puis de la Germanie, il reste d’une très grande ignorance. Il est donc impossible de lui accorder le crédit absolu que lui donnent les ennemis de l’Eglise. Comme disait à son sujet Watterick, il n’est personne qui ne voit que Liutprand flatte son souverain et que sa bonne foi doit être mise en doute, surtout lorsqu’il raconte des faits scandaleux et obscènes. Je passe sur d’autres commentaires tous aussi "flatteurs"… Bref, comme l’écrivait Bertolini, ce fut un grand fabricant de contes et de légendes ; mais, comme il était contre les catholiques, on lui donna beaucoup trop de crédit, et l’erreur de Baronius aura été de lui donner aussi ce crédit sans jamais confronter les propos de Liutprand avec ceux des autres témoins de son temps, car il y en eut !

On citera ainsi :

- Flodoard qui, né à Epernay en 894, devint chroniqueur et hagiographe, avant de mourir à Reims en 966. Archiviste puis chanoine de la Cathédrale de cette dernière ville avant de devenir abbé de son monastère, il avait visité Rome, rapportant de son voyage une grande œuvre à la gloire du Christ et des premiers chrétiens, ainsi qu’à celle de la Rome primitive. Il est surtout pour nous l’auteur d’une histoire de l’Eglise de Reims, basée sur les chartes de cette ville, ce document étant ainsi, de par ses références à des actes écrits, très utile pour l’étude des IX° et X° siècles. Il est de plus l’auteur d’annales s’échelonnant de 919 à 950, autre œuvre fondamentale pour l’étude du X° siècle… Célèbre pour son érudition et sa droiture intellectuelle, il allait rapporter de son séjour de quelques mois à Rome tant des faits que les ragots répandus par la rumeur publique, même s’il ne fait pas toujours bien le distinguo entre les uns et les autres, d’où une certaine limite à son autorité. Toujours est-il qu’il contredit très souvent Liutprand, y compris dans sa critique de l’Eglise, ce qui est important à retenir ;

- Jean de Naples, ou encore Benoît de Saint-André, ce dernier dans ses Chroniques, ont eux aussi été ignorés par Baronius, alors qu’eux aussi contredisent à plusieurs reprises Liutprand ;

- Auxilius, fidèle à la cause de Formose, et Vulgarius, flatteur de Theophylacte, sont eux aussi à noter, alors qu’ils sont absents de Baronius. En effet, bien qu’emportés par l’esprit de parti, bien qu’ennemis des Papes et de la Papauté tout court, ils sont presque toujours en désaccord avec Liutprand, ce qui réduit encore le sérieux de celui-ci. Néanmoins, on ne peut que manipuler avec prudence ces auteurs, car il reste surprenant qu’ils attaquent moins certains Papes que d’autres ;

- On notera aussi l’auteur anonyme des Invectivae in Roma, vers 915. Partisan de Formose, opposé à toute idée de pontificat, il ne reprend pourtant pas les critiques de Liutprand, ce qui ne peut que surprendre ;

- Enfin, on notera Rathier de Vérone qui, né à Liège en 905, s’était rendu en Italie où le roi Hugues allait lui accorder sa faveur, le faisant même Evêque de Vérone en 931, avant de tomber en disgrâce et d’être emprisonné sur l’ordre de Hugues à Pavie, puis à Côme. La défaite d’Hugues de Provence devant Bérenger allait lui permettre de remonter sur son trône épiscopal, mais il allait très vite en être à nouveau chassé par son clergé. Il allait dès lors retourner à l’Abbaye de Laubes, en Belgique, dont il était originaire ; il allait néanmoins très vite la quitter à nouveau pour se présenter à la Cour d’Othon, recevant de ses mains la mission de gérer l’Evêché de Liège, tout en conservant de ce dernier le droit de diriger le diocèse de Vérone ! Mais là encore, il se trouva chassé par son clergé. En effet, tant le clergé de Vérone que celui de Liège l’avaient considéré comme dur et sévère, ce qui ne laisse pas de surprendre à cette époque rude, même si cette dureté et cette rudesse semblent plus avoir découlé d’un sur-pessimisme que d’une réelle méchanceté… Toujours est-il qu’il nous a laissé plusieurs ouvrages : - un traité de morale intitulé Agnisticon ; - un De mes démêlés avec le clergé, titre au combien significatif ; - une Apologie contre Martin de Vérone. Son talent est certes inconstant, son pessimisme est certes hyper-développé, reste que son témoignage peut parfois être retenu, alors qu’il contredit lui aussi la plupart de temps Liutprand…

Bref, il nous reste finalement peu de témoignages du X° siècle, alors même que ces témoignages se contredisent. De plus, ils émanent le plus souvent d’ennemis de la Papauté, et non de plusieurs courants de pensée, ce qui réduit leur autorité. Pourtant, ce sont ces textes seuls qui serviront de sources pour accuser l’Eglise et le clergé de tous les maux, ceux des conciles et des synodes étant systématiquement ignorés, tout comme la plupart des chroniques monastiques… Or, tout ce que l’on peut conclure de ces textes tient en trois propositions :

- Les documents qui nous restent de cette époque sont fort peu nombreux ;

- Leurs auteurs ont une autorité contestable, et surtout systématiquement contre la Papauté ;

- On ne peut savoir que très vaguement ce qu’il s’est réellement passé dans l’Eglise de cette époque.

Il faut donc être plus que prudent et surtout très modeste lorsque l’on parle de ce X° siècle !

Reste que certains faits souvent attribués aux Pontifes romains du X° siècle, doivent être aujourd’hui, sinon tenus pour faux, du moins regardés avec suspicion, les exagérations étant souvent manifestes, alors que le doute doit subsister, dans un sens comme dans l’autre ! Et nous aborderons donc avec cette prudence la vie des deux Papes les plus critiqués de ce siècle par Baronius : Serge III et Jean X, pour en rester à ces exemples.

Couronné en 905, mort en 911, le Pape Serge III est présenté par Liutprand sous les couleurs les plus sombres. L aurait tout d’abord usurpé le siège de Pierre, puis, après l’élection de Boniface VIII, il aurait envahi le palais pontifical, aidé en cela par les armées d’Alberic, avant d’être enfin élu Pape. Bref, il semble qu’il aurait été deux fois antipape avant de devenir Pape ! Devenu Pape, il aurait sévi de manière ignoble contre le cadavre de Formose – Liutprand étant le seul à relever ce fait –, tout comme Liutprand lui attribue des relations sacrilèges avec une certaine Marozia, princesse de Toscane. Baronius allait accorder foi à tout cela, écrivant en parlant de Serge : C’était un homme de sac et de corde, un usurpateur, le plus grand brigand de quatre chemins et qui fit une mort horrible. Cantu, auteur faisant autorité, allait d’ailleurs lui aussi écrire au sujet de Serge III : Avec Serge s’assirent sur le siège de Rome l’adultère et tous les vices !  L’unanimité semble donc faite contre Serge III. Néanmoins, si on laisse de côté les petits détails pour se concentrer sur les seuls gros faits, on peut rétablir certaines réalités :

- Serge III ne fut pas le compétiteur de Formose, ce dernier étant en effet Jean IX ! Par contre, il est indéniable que Serge III fut compétiteur de Jean IX. Il y a donc déjà erreur sur les personnes !

- D’après Liutprand, Serge III aurait envahi le palais pontifical et s’y serait conduit en homme infâme. Or, selon Flodoart, qui nous livre une inscription sur Serge et se fondant sur elle, celui-ci aurait été appelé sur le trône pontifical par le peuple de Rome, ayant dès lors une vie exemplaire et d’une grande intégrité ;

- Pour ce qui fut de ses relations avec Marozia, celle-ci est présentée comme une princesse toscane – probablement la fille de la fameuse Théodora sur laquelle nous reviendrons – qui aurait tenu le Saint Siège sous sa domination pendant un temps certain. Serge III, Anasthase III et Landon auraient ainsi été élus sous son autorité ou plus exactement grâce à son influence. De même, elle aurait fait déposer puis mettre à mort Jean X en 928 pour installer son fils Jean XI sur le trône de Pierre. Elle eut plusieurs maris : - Albéric, marquis de Spolète, qui fut assassiné ; - Guy, marquis de Toscane, dont elle se sépara ; - Hugues de Provence, avec lequel elle devait se brouiller en 934, se liguant alors contre lui avec Albéric, fils de son premier mari. Mais, revanche du destin, Alberic devenu le maître de Rome allait faire emprisonner sa mère, la date et le lieu de la mort de cette dernière étant inconnu. C’est donc cette terrible Marozia qui aurait eu des relations coupables avec Serge III. Or, Liutprand est le seul à parler de cette relation, de ces prétendues débauches ; tous les autres auteurs, pourtant tous ennemis de Serge III n’en font jamais état, accusant certes le Pape d’ambitions personnelles, mais jamais de luxure, ce dont ils ne se seraient pourtant pas privé si cela s’était avéré ;

- De même, Liutprand accuse Serge III d’avoir eu de Marozia un fils qui allait devenir Pape sous le nom de Jean XI. Or, en 906, année de naissance de Jean XI, Marozia était l’épouse légitime d’Albéric, étant de plus dans une période de pleine entente avec lui ! Donc, jusqu’à preuve du contraire, il faut donc considérer Jean XI comme le fils d’Albéric et non pas de Serge III. Certes, le Liber Pontificalis reprend ce fait, mais reste aussi – ce qui est souvent sinon oublié du moins ignoré - qu’il fut écrit par des partisans des empereurs germaniques ayant intérêt à salir les Papes, ce qui fait que rien n’est prouvé et qu’affirmer sans preuve que Jean XI fut le fils de Serge III est pour le moins osé !

On peut d’ores et déjà écrire que Liutprand a attribué avec malignité à Serge III l’usurpation par les armes du siège de Pierre, une mauvaise vie, des relations coupables avec Marozia, et le concile cadavérique, bref la profanation du corps de Formose !

Venons en maintenant à Jean X. Né à Rome en 860, il allait être sacré Pape en 914, mourant en 928. D’abord Evêque de Bologne, il fut Archevêque de Ravenne avant de devenir Pape. Il est indéniable qu’il dut son élection à l’influence de Theodora, veuve du consul romain Theophylacte, laquelle s’était emparée de tous les biens du Saint Siège. Ce Pape Jean aurait personnellement remporté une victoire sur les Sarrazins en 915… La fille de Théodora, Marozia, alors mariée à Guy de Toscane, aurait suscité l’émeute à l’occasion de laquelle le Pape aurait té fait emprisonné puis mis à mort… Voici ce qu’en dit Liutprand : Pierre, Archevêque de Ravenne, envoyait souvent pour les besoins de son Eglise à Rome un certain clerc nommé Jean. Or il advint que Theodora s’éprit de Jean et entretint longuement avec lui une liaison coupable. Le siège de Bologne étant devenu vacant, Jean en prit possession ; puis la vacance du siège de Ravenne étant venue, à l’instigation de Theodora, Jean usurpa le siège et se fit sacrer archevêque par le Pape Lanndon. Un court espace s’écoula (modica temporis inter capedo) et le Pape mourut. Theodora afin de jouir davantage de son amant, puisqu’il était à Ravenne et elle à Rome, força Jean à prendre de force le Siège Apostolique ; ce qu’il fit l’épée à la main… Portrait éloquent, portrait que Baronius allait reprendre en qualifiant Jean X de pseudo-Pape, voleur, brigand, néfaste usurpateur…

Or, un bon nombre de ces accusations peuvent sembler pour le moins biaisées, si ce n’est erronées :

- Liutprand semble se tromper en parlant d’un Pierre Archevêque de Ravenne. En effet, on ne trouve aucune trace d’un Pierre à Ravenne à cette époque ! Par contre, il y avait bien un Archevêque Pierre, mais à Bologne, celui de Ravenne étant à cette époque un certain Kaïlo ;

- D’autre part, l’histoire des amours entre le Pape et Théodora est des plus suspectes, Jean séjournant à Ravennee et Théodora à Rome. On ne voit pas comment une débauchée comme Théodora aurait eu pour amant un homme vivant loin d’elle ;

- Baronius se trompe aussi en écrivant qu’un très court laps de temps s’écoula entre la prise de possession de Rome et celle de Ravenne, alors qu’un délai de neuf ans sépare les deux événements ;

- Baronius se trompe encore en affirmant que Jean X usurpa le Siège de Pierre, aucune trace de trouble n’apparaissant à Rome à cette époque. D’autre part, et contre Liutprand, Flodoard  dit qu’il fut appelé et élu par les Romains. En témoignent d’ailleurs diverses épitaphes. De plus, une Chronique du monastère de saint Benoît établit aussi cet appel de Rome, même si elle attaque la légitimité de l’élection, mais uniquement pour des raisons de forme, ne remettant pas en cause le pontificat de Jean, ni sa légitimité. D’ailleurs, l’Eglise elle-même n’a jamais remis en cause cette légitimité, tout comme toutes les églises de l’époque allaient lui envoyer des ambassadeurs, le consulter comme Pape.

On peut déjà en conclure a minima la fausseté des amours contées par le seul Liutprand ; les autres ennemis de la Papauté de l’époque ne se seraient d’ailleurs pas privé d’en parler. Il est le seul à reprendre cette histoire scandaleuse dans laquelle Baronius s’est complu. Les deux seuls autres accusateurs de Jean furent Arnulfe en 991, ainsi que Rathier de Vérone. Mais rappelons ici qu’Arnulfe était en situation schismatique, puisque contestant l’idée de Siège Apostolique, alors que Rathier ne fait, et il le dit, que rappeler des bruits de couloir circulant à la cour d’Othon, l’empereur ennemi de Jean X.

Malgré tout, nous ne devons pas lire cette période comme idyllique, et il est vrai que l’état de l’Eglise était assez critique à cette époque, mais la racine de ces maux ne doit pas être recherchée, comme le fit Baronius, dans l’Eglise, mais bien en dehors du sein de l’Eglise. Il y a d’abord la somme des accusations qui, même si elles ont pour source ces ennemis de l’Eglise, ne sont pas forcément toutes à écarter. Ce qui me fait écrire cela, c’est que Grégoire VII et les conciles de son temps marquèrent une certaine réaction face à l’Eglise du X° siècle. Il apparaît ainsi évident que l’Eglise du X° siècle fut dans un état assez malheureux, puisque, effectivement, quelques Papes furent portés sur le trône pontifical par des factions. Beaucoup de Papes se sont succédés pendant de courtes périodes, victimes des diverses factions. Mais la brièveté de leurs règnes suffit elle-même à démontrer qu’ils n’eurent aucun le temps d ‘agir, et, de plus, la plupart des chroniques du temps ou du siècle ultérieur montrent qu’ils déplorèrent quasiment tous de n’avoir pu remédier à ce mal, aux maux dont souffraient l’Eglise.

Quels furent donc ces maux ? Au principal la luxure de certains clercs, ainsi que la confiscation des investitures par les seigneurs… Déjà, ce dernier fait ne peut être reproché à l’Eglise qui le combattait en permanence à l’époque, comme le démontrent tous les textes de tous les conciles et synodes de ce temps…

Rathier de Vérone, parlant de sa ville, nous dit que l’amour des femmes, l’avarice et l’ignorance était universelle dans (son) clergé. Atton, évêque de Verceil, qui écrit en 968, déplorent les mêmes maux, mais les localisant uniquement dans la zone de l’Italie supérieure. Mais les conciles, en particulier de Ravenne, de cette époque nous montre aussi l’action intensive de l’Eglise pour remédier à cet état de fait, même s’ils ne furent pas écoutés, et ce sous la pression des princes, plus soucieux de mettre en place leurs familiers que de foi. On peut aussi citer Gerbert d’Aurillac, le futur Sylvestre II écrivant en 983 : J’ai vu Rome et toute l’Italie, et le monde est horrifié par les mœurs de Rome. Mais ceci n’était pas spécifique à Rome.

Ainsi, en France, le concile de Troyes de 909 avait déjà pris des sanctions contre les mauvaises vies et mœurs des clercs, ou du moins de certains d’entre eux, renouvelant d’ailleurs des condamnations remontant pour certains au concile d’Arles de … 314… Et tous les conciles ultérieures firent de même. Notons que l’auteur de la Vie d’Adalbéron (984/1005) vante ce dernier pour avoir admis aux ordres sacrés des fils de Prêtres séculiers, comparant cet acte à celui d’autres le refusant par orgueil et par bêtise (sic !). On voit à quel point le vice était de coutume, mais depuis le IV° siècle en fait ! En Germanie, idem… Gérard de Norique écrit en 936 à Léon VII pour déplorer que les prêtres séculiers se marient publiquement. Et de même en Angleterre, Odon de Cantorbéry prenant des mesures contre les choses dissolues, le roi Edmond en faisant autant en 946, sans même parler de l’œuvre de saint Dunstan… Bref, la luxure et la simonie étaient des réalités, mais on voit aussi que l’Eglise agissait en permanence contre, se heurtant en tout aussi grande permanence à ces anciens fonctionnaires s’étant autoproclamés nobles héréditaires, à ces princes uniquement intéressés par le pouvoir et par les revenus de l’Eglise… L’Eglise en elle-même, sa constitution n’y est donc pour rien, n’en déplaise à Baronius.

Baronius l’admet cependant, mais du bout des lèvres au milieu de bien des accusations qu’il répand contre l’Eglise des origines à 1198, en écrivant qu'il faut attribuer la cause de tous les maux à la tyrannie des pouvoirs publics qui retenaient la Chaire de Saint Pierre et les autres églises dans leurs actions. Bref, il est obligé de reconnaître que tous ces maux ont une source extérieure à l’Eglise, une source qui lui est indépendante… Pour sa part, Muratori rappelait que la cause des maux venait, pour le Pape, non des Papes eux-mêmes, mais du peuple de Rome poussés par les princes ! Comme l’écrivit Döllinger, l’Eglise était un captif chargé de chaines et qui, aussi longtemps qu’il n’est pas libre, n’est pas responsable des hontes qu’il doit subir

Bref, Baronius, malgré son indéniable succès d’édition, est l’une des sources les plus sujettes à caution de l’histoire de l’Eglise ! Pourtant, même lui ne remit pas en cause, malgré ces éreintements, la réalité de l’occupation du Siège de Pierre !

 

 

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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 13:25

Ce texte est inspiré d'une conférence entendue voici une dizaine d'années au Couvent des Dominicains de Marseille. Il est issu des notes prises à cette occasion, auxquelles sont jointes des réflexions personnelles.

Tant l'anamnèse que la doxologie sont des éléments permettant de faire mémoire, de rendre grâce au Père par le Fils et en l'Esprit. Ces mots ne sont pas étranges, ils nous sont même assez familiers, tout comme l'épiclèse nous est familière, car ils font partie du vocabulaire courant de la prière liturgique. Ce sont cependant des mots à redécouvrir car ils sont méconnus alors qu'ils sont utiles et riches de sens, car ils sont l'illustration des aspects essentiels de la liturgie.

Il existe un véritable dynamisme intérieur de la vie chrétienne, ce dynamisme se retrouvant dans la liturgie.  L'anamnèse, l'épiclèse et la doxologie nous suggèrent et soulignent dès lors le mouvement intérieur de la liturgie vers le Père....

La présente présentation se voudra généraliste et non dogmatique. C'est pourquoi elle partira de la question : de quoi s'agit-il ? Il s'agit en fait ici de comprendre ce qu'il en est du culte en Esprit et en vérité que le Père attend de ses enfants -cf. l'épisode de la samaritaine-, car l'homme est adorateur du Père en Esprit et en vérité. Pour saisir la nature de ce culte en Esprit et en vérité, on partira donc d'un mot : anamnèse, pour aller vers un autre : doxologie. Le mot anamnèse signifie mémoire, se souvenir de ; doxologie signifie rendre gloire.... Il nous faut donc nous souvenir des merveilles que Dieu  le Père accomplit et de la parole qui accompagne toujours ses oeuvres.

À qui s'adresse ce culte ? À ce même Père qui nous donne la vie. Nous lui devons donc gratitude et révérence, en langue certes, mais aussi et surtout par toute notre vie, cette vie qui rend gloire à Dieu. On peut ici penser à [Rm 12] ou Saint Paul évoque le culte spirituel et la vie nouvelle; dès le premier verset, il y a appel à ce culte spirituel : Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu… Par la miséricorde de Dieu, nous sommes appelés à offrir nos personnes en hosties vivantes.

Le dynamisme du culte chrétien et de la prière de l'Église est bien celui de la Révélation, et tout son enjeu est logique. IL faut écouter la parole, garder la parole, faire la parole : le chrétien doit, à longueur de vie, sans cesse, garder contact avec Dieu qui est la source de la vie, qui est Père. Le chrétien doit s'accomplir en Dieu dans une parfaite communion d'Amour avec lui.

 

Anamnèse - Littéralement, le mot anamnèse signifie mémoire, souvenir. Concrètement, cela renvoie à un moment précis de la célébration de la Messe, lorsque après la Consécration, l'Assemblée répond au Prêtre qui dit : Il est grand le mystère de la foi, par l'acclamation : Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire. Avec l'anamnèse, on sollicite la mémoire du peuple de Dieu à un moment capital de l'eucharistie. Par cette acclamation, l'assemblée formule l'essentiel, c'est-à-dire le mystère pascal de Jésus.

Il s'agit là d'un pivot de l'histoire du Salut, de la clé de tout, et l'on pense ici au Tout est accompli de la Passion, cette parole de Jésus comme Fils bien-aimé et obéissant  au Père qui conclut le Salut du monde par le don de sa vie. Par cet accomplissement, Jésus a réparé les dommages du péché originel, la Croix rouvrant le chemin des hommes vers le Père qui est le terme de notre culte comme le rappelle le Pater qui est la prière de Jésus.

L'anamnèse se situe à un moment clé de la liturgie, et cela pour permettre de contempler Jésus comme Fils, donc par rapport à son Père, Jésus-Christ étant l'unique chemin de la vérité et de la vie, l'unique médiateur entre Dieu et les hommes. Par sa mort sur la Croix, Jésus a rétabli le cours de la charité qui avait été interrompu par le péché; mais cette mort est aussi accomplissement de la foi. l'anamnèse organise donc la mémoire de la communauté chrétienne et permet de déchiffrer les richesses de la Révélation, car, comme le montrent toutes les Écritures, Dieu a beaucoup à nous dire....

On se souviendra que dans un premier temps la Messe est liturgie de la Parole. Elle permet ainsi , avant le mémorial de l'anamnèse, de cultiver la mémoire de la Révélation et des grandes oeuvres du Père pour son peuple : sans l'accomplissement de la Pâque, tous les signes de l'histoire sainte resteraient suspendus et sans sens; de même, si ces signes et ces Écritures sont ignorés, comment comprendre la mort du sauveur, ce signe du Père. Comme l'a écrit saint Jérôme, ignorer les Écritures, c'est ignorer le Christ. L'anamnèse est ainsi la mémoire du chrétien en travail....

Se pose donc la question de savoir comment faire véritablement mémoire de et dans l'Église. Il ne s'agit pas d'une oeuvre d'érudition inaccessible, mais au contraire d'une oeuvre d'application de la mémoire à des points simplificateurs de l'histoire divine, points qui sont tous reconnus par et dans la liturgie. On peut ici penser au premier verset de la Genèse, donc de l'Écriture et de toutes les Écritures, et dont Dieu est le sujet : Dieu est celui de qui tout vient, de qui tout procède; il est le Père de la création, la source de toute choses, comme nous le proclamons dans la première phrase du Credo. De même, en [Gn 22], le sacrifice d'Isaac fixe le regard sur le mystère de la paternité déjà crucifiée : Abraham est attristé, mais aussi épargné en ne devant plus sacrifier son fils, le bélier étant offert pour le salut d'Abraham, tout comme le Fils est immolé pour le Salut du  monde. Autres exemples : dans l'Exode Dieu s'acquière un peuple, peuple qu'il n'oublie pas, qui est son enfant chéri, qu'il aime plus qu'une femme aime son enfant; tout le Livre d'Isaïe est consacré à l'Amour de Dieu, amour d'époux, amour saint....

On pensera enfin à la Vigile pascale qui est le haut lieu de la mémoire spirituelle. Toute la Semaine sainte offre aux hommes le contenu de la mémoire commune de l'Église, même s'il y a bien d'autres textes que ceux s'y rapportant.  Toute la Semaine sainte tourne autour de la place que tient Dieu créateur du monde, du peuple, source de tout et de la Rédemption. Comme l'a dit Saint Léon, Dieu a merveilleusement tout créé et encore plus merveilleusement tout recréé par la mort du Christ sur la Croix.

L'anamnèse est donc au premier chef la mémoire de l'origine, de l'Amour source du Père qui se manifeste tout au long de l'histoire humaine, comme le démontre par exemple dans l'Ancien Testament l'envoi toujours renouvelé vers le peuple élu d'hommes exceptionnels : patriarches, prophètes, juges, ....  Il faut bien insister sur le caractère concret de cette mémoire des fondements de l'histoire du Salut, car c'est cette histoire qui permet de comprendre ce que Dieu a fait pour nous, même si l'homme lui reproche souvent dans cette même histoire de ne rien faire pour lui. L'anamnèse fait mémoire, mais montre aussi que cette histoire est toujours en cours par la providence absolue et gratuite de Dieu.  Faisant immédiatement suite à la proclamation du Mystère pascal dont elle fait elle-même partie, l'anamnèse est toujours mémoire de l'origine, mais de l'origine retrouvée : elle réintroduit le chrétien dans la familiarité de Dieu par la Lumière du Christ et le pardon des péchés.

 

Epiclèse - L'épiclèse est complètement indissociable de ce qui précède, de l'anamnèse. Il s'agit là encore d'un moment clé de la liturgie, notamment de l'eucharistie lorsqu'il y a invocation de l'Esprit Saint sur les offrandes pour qu'elles soient consacrées au corps et au sang du Seigneur. Il y a invocation de l'Esprit dans l'épiclèse, tout comme il y a mémoire du Fils dans l'anamnèse : l'épiclèse équilibre tout et permet d'éviter une erreur de perspective, ce qui fait que l'on devrait en fait parler du couple indissociable anamnèse/épiclèse.

L'anamnèse est mémoire; cependant, isolée,  cette notion pourrait fausser toute la perspective générale de la liturgie en la renvoyant en amont, vers le passé. Or, il y a dynamique interne de la liturgie, dynamique ouverte vers le futur, vers l'accomplissement; il y a projection de l'homme vers la perfection. Il y a en fait tripolarité de la dynamique de la liturgie : le passé, le présent, l'avenir vers lequel tout tend, mais le pivot de tout est le présent, l'instant où l'on est. Ainsi, la liturgie n'est pas quelque chose d'abstrait mais bien au contraire quelque chose de très vivant car elle est tout à la fois célébration, rassemblement, prière, gestes et paroles ensemble à un moment donné; elle est sanctification du moment vécu hinc et nunc, odie, c'est-à-dire ici, maintenant et aujourd'hui !

L'épiclèse est invocation, invocation indissociable de l'anamnèse. Les deux permettent de rester attentif à ce qui fut, même si leur objet est tendu vers le futur, car il y a besoin au présent de signes de la fidélité de Dieu, d'où la référence au passé. L'anamnèse n'est donc pas une mémoire morte mais bien au contraire  une mémoire vive, vivante renvoyant l'attention sur la providence divine, et ce pour toujours, car il faut croire ce qui fut pour croire ce qui est !

Le mystère pascal change le rapport au temps de la providence divine. Or, la providence a eu un temps comme jamais dans la vie et l'oeuvre de Jésus, qui a été lui-même manifestation personnelle de la providence faite homme, traduisant de manière absolue le souci divin de pourvoir aux besoins de l'homme, notamment à son besoin de vie en plénitude. Cette providence se retrouve dans toute la vie et dans toute l'oeuvre de Jésus, vie offerte à la mort et se relevant dans la Résurrection, et ce pour toujours.

Pour toujours ! Quelle nouveauté ! Il y a permanence du ressuscité et non pas des signes, ce qui démontre la sollicitude du Père : Dieu se trouve dans la personne du Verbe ressuscité, pleinement et pour toujours. On pense ici à Saint Paul qui proclame que la mort n'a pas eu d'effets sur Jésus-Christ, la Lettre aux Hébreux rappelant par ailleurs qu'Il demeure éternellement dans son être de Fils obéissant et de prêtre intercédant. Jésus demeure; Il demeure; Il est le point de contact de notre présent ici bas avec l'éternité : il n'y aura plus de jour, plus de nuit dit l'Apocalypse, tout comme le temps et la matière ont semblé suspendus au moment de la mort de Jésus sur la Croix ! Ce contact entre notre humanité et l'éternité dès notre temps est essentiel, car il exprime la plénitude du présent divin par le Fils : toute la liturgie est habitée de cette présence du Fils, de cette éternité présente, de la vérité de la transsubstantiation. Toute la liturgie est expression de la vérité de l'intercession du prêtre éternel de la Nouvelle Alliance. La liturgie est donc participation au Mystère célébré, à l'histoire sainte célébrée.

Évoquer le Sauveur avec l'anamnèse, invoquer la plénitude de l'Esprit Saint avec l'épiclèse, participer au don de Dieu par la liturgie, c'est là toute la dynamique du culte chrétien. De la création à la re-création, Dieu veut ainsi faire de nous quelqu'un face au créateur, au re-créateur que l'on cherche à rejoindre comme source même de la vie, Yahvé qui révèle sa plénitude dans sa générosité même, comme celui qui est et qui veut que tous les êtres soient pour partager la plénitude, grâce pour grâce. Dieu est donc désir d'Amour. Présence à la source, la liturgie est le haut lieu de l'effusion de la bonté de Dieu où l'homme se reconstitue pour être capable de sa vocation : rendre gloire à Dieu, dans un échange véridique,  non à sens unique !

 

Doxologie - La liturgie est parfaite glorification de Dieu, et ce à deux points de vue. Dans la célébration elle-même qui est manifestation symbolique mais aussi rencontre de l'éternité, mais aussi, au-delà de cet espace-temps qu'est la Messe, dans la perspective générale du culte, culte qui n'est pas seulement dans l'Église, mais aussi dans la prière et dans le témoignage !

Si nous nous laissons là encore guider par la structure organique de la liturgie, on constate que la doxologie correspond à plusieurs moments, et en particulier à la conclusion de la Prière eucharistique avec la proclamation : “Par lui, avec lui et en lui....” à laquelle l'assemblée répond “Amen”. La doxologie fait donc partie intégrante de la Prière eucharistique, au même titre que l'anamnèse et l'épiclèse.

Au Père, par le Fils, dans le Saint-Esprit : la liturgie est icône du Fils, car en contemplant le Fils on voit le Père que nul n'a jamais vu : le Fils est le révélateur du Père.

La doxologie vise à rendre gloire à Dieu. Elle permet de rejoindre l'intention du Père sur la création en général et sur chacun des participants à la liturgie. La doxologie, priée à la lumière du Credo, à l'idée de sommet de l'univers, permet de rejoindre la source, c'est-à-dire Dieu. La médiation du Fils, Verbe fait chair, est nécessaire car elle nous apprend à devenir (redevenir) des enfants de Dieu, à découvrir notre être profond et notre perfection possible du fait de la Rédemption et du don de Dieu.  Jésus nous entraîne avec lui vers le Père comme le démontre sa prière “ Glorifie ton Fils pour qu'il te glorifie ” ; Jésus nous permet de rejoindre l'intention du Père qui est de donner la vie éternelle et ce d'avant même que ne fut le monde. Il y a un mouvement tout entier de l'être Christ, vrai Dieu et vrai Homme, qui tend vers son Père : il en vient, il y va, il agit avec son Père, il est en communion avec lui, tout cela pour notre Salut et pour celui du monde. C'est là tout le mouvement de la liturgie, le vrai sens du en mémoire de moi.... Le péché c'est donc de refuser la source, de refuser l'Amour pour l'Amour, de refuser le mouvement de la liturgie qui est le mouvement même du Christ.

Un parallèle peut être fait entre la liturgie au sens strict et le chant des Psaumes ou encore le Rosaire : ils sont tous Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit, confessions de l'indivisible et indicible Trinité .  Gloire au Père dans le Fils et par l'Esprit Saint, c'est là toute l'économie du Salut, la manifestation de la volonté de Dieu dans l'histoire.  La Trinité est présente dans toute la liturgie en lui imprimant un mouvement qui va de la source à l'accomplissement, du Père au Fils, de l'Amour à l'Amour, par le Mystère pascal, par la médiation du Fils....

On retrouve hors du temple la providence et la sollicitude divine qui a un but : la réalisation de notre bonheur, la maturité de l'Amour, la présence du Fils, la participation de l'homme à la bonté de Dieu en qui l'on doit tout.

La liturgie se veut efficace, aucune de ses paroles n'étant inefficace, car elle est guidée par une logique que l'on retrouve en [Is 55] où Dieu invite les siens à se nourrir de sa Parole, de sa Parole qui vient de Lui, qui passe par nous et qui retourne à Lui. Il y a donc des degrés divers d'efficacité de la Parole de Dieu, de la transsubstantiation à la moindre des paroles de pardon, toutes ayant un sens : la parole sacramentelle n'a de sens qu'avec un total engagement en vue de ce pour quoi la Parole  nous est donnée : la conversion, c'est-à-dire l'offrande de ses actes et de sa personne en hostie vivante agréable à Dieu. Dans la prière comme dans la Parole, le coeur doit être près de Dieu, car l'encens sans le coeur ne vaut rien ! Il faut glorifier Dieu en vivant la Parole et en témoignant, ce que Jésus nous a demandé en nous désignant comme sel de la terre et comme lumière du monde en [Mt 5, 13-16], le verset 16 étant particulièrement significatif : De même, que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu'en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux.

La liturgie se déploie donc dans toutes les dimensions du Mystère, comme source qui déifie tout humain, y compris l'âme de la communauté des sauvés qui s'en trouve sanctifiée. L'Église est ainsi le fleuve de vie qui devient synergie par la célébration où nous devons agir avec les autres, mais aussi avec le Père.

L'introduction au Pater est en ce sens - et en prolongement de la doxologie- importante : Comme nous l'avons appris du Sauveur et selon son commandement, nous osons dire...., car elle montre que l'on est dans la maison de Dieu comme chez soi, ce qui n'est pas toujours évident, car elle rappelle que dans l'Église nous sommes tous fils dans le Fils. Il y a là encore dynamisme transformant la liturgie et révélant notre vie.

 

Conclusion - Anamnèse, épiclèse et doxologie doivent se vivre et s'éclairer du dedans. Ils sont finalement simples car se rapportant à un moment fort de la prière : faire confiance ! Anamnèse, épiclèse et doxologie sont indissociables, livrant leurs richesses ensemble : pour se gagner à Dieu, il ne faut pas perdre sa mémoire spirituelle; il faut se souvenir d'où l'on vient pour se rappeler où l'on va, c'est-à-dire de Dieu à Dieu en passant par le Fils avec la défense de l'Esprit. Comme l'a écrit sainte Thérèse de Lisieux, il faut partager le Mystère du Fils, du feu divin incarnation du Père....

 

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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 13:22

Au départ, une hérésie est souvent la défense véhémente et exclusive d'un point partiel - quoique parfois authentique - de la Révélation chrétienne, développant ce point au détriment de l'équilibre de la foi. Elle se distingue de l’hétérodoxie en ce sens qu’elle menace gravement l’équilibre de l’enseignement de la foi catholique, donc dépassant le simple éloignement douteux de cet enseignement (ces deux phrases ne sont pas de moi. Excusez-moi, mais je n’en ai pas encore retrouvé la source).

L'Église ne condamne pas pour le plaisir de condamner ! L'Église ne condamne jamais avec joie, car toute  condamnation est souffrance pour celui qui condamne ! L'Église, comme gardienne de la Foi, comme témoin, comme servante de la fidélité au Christ, se doit cependant de mettre en garde les fidèles contre certaines embûches qui risquent de le faire trébucher sur la route vers Dieu, qui risquent de faire que les chrétiens ne soient plus un [cf. Jn 17, 11]. La dénonciation d'une hérésie, plus qu'une condamnation, est surtout le signal d'un danger pour l'homme. C'est pourquoi il est nécessaire de connaître quelques unes des principales hérésies, afin d'éviter de trébucher dans la longue marche qui conduit vers la Splendeur et la Gloire du Père.

Ne sera pas abordé le gnosticisme, et ce du fait de sa spécificité.

 

L’adoptianisme - Hérésie condamnée par le Synode d'Antioche en 268, ses partisans proclamaient que Jésus-Christ ne fut qu'un homme adopté par Dieu. Jésus n’est donc pas Dieu par nature mais par adoption. Il n’est donc qu’un homme sur lequel la puissance divine est descendue lors de son baptême, ce qui lui a permis d’accomplir des miracles. Jésus ne connaît sa pleine divinité qu’après sa résurrection. Il s’agit d’une dérive judéo-chrétienne fondée sur une transposition ontologique et littérale du baptême de Jésus. On rappellera que la notion de judéo-christianisme est vaste et difficile à définir. Elle doit en fait s’entendre, d’une manière générale, dans un sens limité, s’appliquant aux chrétiens d’origine juive qui, dans les débuts du christianisme et pendant plusieurs siècles, ont constitué un groupe à part à l’intérieur de l’Église, conservant une identité spécifique et observant des rites juifs (P. Poupard dir., Dictionnaire des religions, PUF, Paris, 1984, page 874).

 

Les anoméens - Pour les anoméens, le Fils et le Saint-Esprit ne sont que des créatures du Père. Cette hérésie fut condamnée par le Concile de Rome en 382.

 

L’appolinarisme - Selon cette hérésie, le Verbe aurait tenu lieu d'âme à Jésus-Christ homme. Cette hérésie fut condamnée par les Conciles de Constantinople en 381 et de Rome en 382.

 

L’arianisme - Arius partait a priori d’une question de logique : comment Dieu pourrait-il être à la fois un et trine ? Et ce prêtre d’Alexandrie devait répondre que le Verbe, c’est-à-dire le Christ, n’était qu’une créature, n’ayant reçu le privilège d’être Fils de Dieu que par adoption. Donc, pour les disciples d'Arius, Jésus-Christ n'est pas vrai Dieu, mais seulement la plus haute des créatures ; de ce fait, le Fils n'est ni semblable, ni consubstantiel au Père ; il en est totalement différent. Comme la foi trinitaire n'avait pas encore reçu de formulation définitive à cette époque, la crise allait se propager dans tout l'Orient au point que l'empereur Constantin, qui était arien, devait décider d'intervenir en convoquant le concile de Nicée. Arius sera exilé et excommunié mais l'arianisme continuera de se répandre, même parmi les barbares évangélisés par l'évêque Goth et arien Wulfila (311-383). Cette conception radicalement différente des rapports entre le Père et le Fils se prêtant à une soumission du spirituel au pouvoir temporel, elle ne pouvait que séduire l’empereur, et d’ailleurs l’un des deux fils de Constantin, qui règnera sur l'Orient, sera lui aussi arien, bien que son père se soit fait baptiser dans la foi trinitaire à sa mort. Cette hérésie fut condamnée par les Conciles de Nicée en 325 et de Rome en 382. Lors de la dissolution de l'empire romain, l'arianisme manquera de peu de l'emporter sur le christianisme, le dernier roi arien, Récarède Ier, roi Wisigoth d'Espagne, étant le dernier à se convertir en 589.

 

Diodore de Tarse -  Selon Diodore, il y avait en fait deux Fils, l'un existant avant les siècles, et l'autre après l'assomption de la Vierge Marie. Cette hérésie fut condamnée par le Concile de Rome en 382.

 

Le docétisme - Le docétisme est à classer parmi les hérésies trinitaires, au même titre par exemple que l’arianisme ou encore que le monophysisme. Selon ses tenants, particulièrement virulents aux II° et III° siècles, Jésus-Christ avait seulement fait semblant d'être un homme. Le Fils ne s’était donc pas incarné puisqu’il n’avait qu’une apparence humaine. Cette hérésie fut condamnée dès l'origine, en particulier dans la première Épître de Jean.

 

Le donatisme anabaptiste - Pour cette secte, une priorité absolue devait être donnée aux principes, aucune sensibilité aux aspects pastoraux et humains ne devant être admise. Cette hérésie fut condamnée par les Conciles d'Arles en 314 et de Carthage en 411.

 

Le hussitisme - Selon Jan Hus, l'Église universelle était composée de l'ensemble des seuls prédestinés vivant dans le passé, le présent et le futur. De plus, il affirmait qu'il existait hors de Dieu des êtres éternels et incréés. Cette hérésie fut condamnée à l'occasion du Concile de Constance en 1414-1418.

 

Le manichéisme - Selon les manichéens, il existe deux principes absolus et égaux : l'un bon, l'autre mauvais, en opposition permanente, cette opposition étant irréductible. Fortement influencée par le bouddhisme, cette hérésie avait donc une vision dualiste de la Divinité. Par ailleurs, à l'heure du jugement dernier, il y aurait triomphe final du mal, le monde et les hommes étant prédestinés au mal. Le manichéisme est en fait une transition entre le gnosticisme et le christianisme, ainsi qu’une passerelle vers le bouddhisme. Cette hérésie a été condamnée par les Pères de l'Église, et en particulier par saint Augustin. Elle connaîtra une résurgence avec l’hérésie cathare ; en effet, pour les tenants du catharisme, il existe deux puissances égales : le Bien - d'où procèdent la lumière et l'esprit - et le mal - d'où proviennent le monde, la matière et les ténèbres -. Ces deux puissances s'affrontant en permanence, il faut donc, pour échapper au mal, se libérer du monde et en particulier du corps. Seule en principe l'élite des parfaits peut être sauvée. Cette nouvelle forme de l’hérésie entraîna l'excommunication de Raymond VI en 1208.

 

Marcel d’Ancyre - Selon cet hérétique, condamnée au Concile de Rome en 382, le Fils n'est qu'une extension ou une contraction séparée du Père. De ce fait le Fils n'a pas de substance et aura donc une fin.

 

Le marcionisme - Membre de la communauté chrétienne de Rome, Marcion en fut exclu en 144. Il devait fonder une église séparée, dôtée de sa propre hiérarchie, avec ses fidèles et ses martyrs. En effet, sa doctrine était fondée sur une conception dualiste inspirée du gnosticisme, ce qui fait qu’il opposait l’esprit à la matière et le Dieu du Nouveau Testament à celui de l’Ancien Testament. Ainsi, le Dieu du Nouveau Testament, bon, ne peut pas être créateur, puisque le monde est mauvais, et ce d’autant plus que c’est ce Dieu bon qui aurait pris l’apparence d’humanité de Jésus. De plus, selon Marcion, seul saint Paul aurait compris Jésus en opposant la Foi à la Loi,c e qui est faux ! De ce fait, Marcion proclamait l'homme devait se détacher de l'emprise de la chair, foncièrement mauvaise, et de ce fait refuser de perpétuer le monde du Créateur ; dans ce cadre, le mariage est à condamner, car il serait à la base même du mal.

Apparaît Marcion, né dans le Pont, fils d’un évêque et retranché de la communion de l’Église pour avoir déshonoré une vierge. Celui-ci prenant occasion de cette parole : « Tout arbre bon produit de bons fruits ; tout arbre mauvais produit de mauvais fruits, » travailla de toutes ses forces à propager l’hérésie de Cerdon et à accréditer la doctrine qu’avait imaginée son devancier (Pseudo-Tertullien, Contre tous les hérétiques, VI).

 

Le modalisme - Courant cherchant à fonder de manière absolue l’unicité de Dieu, le modalisme conçoit que Dieu se manifeste de trois manières différentes. Dieu est donc un et unique, et la Trinité n’est que l’expression de ses trois modes d’action, chacun étant lié à une fonction. Dieu comme Père est la source de toute chose, comme Fils sauveur et comme Esprit auteur de la sainteté, sainteté répandue sur les croyants par les sacrements. Il n’y a donc qu’une seule personne divine qui joue trois rôles. Son fondateur a été Noetos de Smyrne, donc le successeur fut Sabellius.

Le monarchianisme - Courant archaïque de la théologie trinitaire s’enracinant dans la conviction que Dieu est le seul principe de l’être, principe dont est issu tout ce qui existe, y compris le Fils et l’Esprit.

 

Le monoénergisme - Pour ses sectateurs, le Christ a eu deux vies et deux activités absolument distinctes : l'une divine et l'autre humaine. Cette hérésie a été condamnée aux Conciles de Constantinople en 381 et du Latran en 649.

 

Le monophysisme - Les tenants de cette hérésie, condamnée lors du Concile de Chalcédoine en 451, proclamait qu'il n'y a qu'une seule nature en Jésus-Christ, son humanité ayant été absorbée par sa divinité.

 

Le monothélisme - Selon cette hérésie, le Christ n'a eu ni vie ni activité humaine. Cette hérésie a été condamnée lors des Conciles de Constantinople en 381 et du Latran en 649.

 

Le montanisme - À la fois erreur et hérésie, le montanisme professait que les visions et les révélations eschatologiques, en particulier des femmes, sont les seuls moteurs de la vie chrétienne. Les temps du Paraclet auraient commencé avec la venue de Montan, et la Jérusalem nouvelle est déjà inaugurée pour un règne de mille ans. Il faut donc vivre dans la continence absolue pour préserver le prophétisme et préserver ce règne. Enfin, le martyre doit être recherché, étant la manifestation absolue de la soif de Dieu. Le montanisme, considéré à son départ comme une erreur, a été considéré par la suite comme hérétique, notamment par le Synode d'Iconium  vers 220, par le Pape Innocent Ier en 404 (lettre Etsi tibi, c. 8, § 11), ou encore par le Pape Grégoire 1er vers 601 (lettre Quia caritati nihil).

 

Le nestorianisme - Pour les nestoriens, il y a deux personnes distinctes dans le Christ, l'une divine, l'autre humaine. Cette hérésie, qui persiste au Moyen-Orient, a été condamnée aux Conciles d'Éphèse en 431 et de Chalcédoine en 451. Ce n’est plus qu’une erreur depuis une déclaration de Jean-Paul II en 1994.

 

Le patripassianisme - Ce n’est pas Jésus mais le Père qui a été crucifié.

 

Le pélagianisme - Pour les pélagiens, toute trace du péché originel a été effacée par le Christ, et de ce fait la grâce divine et la Rédemption ne sont pas indispensable. De même, le baptême des petits enfants est inutile de ce fait. Cette hérésie a été dénoncée lors du Concile de Carthage en 412 et a abouti à la condamnation de Pélage et de Célestius en 417.

 

Photin et Hébion - Selon ces hérétiques, Jésus est né seulement de Marie, sans intervention ni de Dieu, ni d'un homme. Cette hérésie a été condamnée à l'occasion du Concile de Rome en 382.

 

Le sabellianisme - Forme développée du modalisme, le sabellianisme conçoit que le Père est le même que le Fils. En fait, Dieu exerce divers métiers et change de nom à chaque fois qu’il en change. Lorsqu’il est créateur, il est Père ; lorsqu’il est sauveur, il est Fils ; lorsqu’il est sanctificateur, il est Esprit. Fondée par Sabellius, cette hérésie a été continuée par Marcel d’Ancyre. Cette hérésie a été condamnée au Concile de Rome en 382.

 

Le valdisme - Pour les vaudois, la seule autorité est l'Évangile, l'Ancien Testament et les Épître n'ayant aucune autorité. La seule voie pour être sauvé est la pénitence absolue et permanente. Enfin, les Évêques sont inutiles. Cette hérésie a été condamnée lors du Concile de Vérone en 1184.

 

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23 janvier 2010 6 23 /01 /janvier /2010 10:46
(suite de A propos de la crise viti-vinicole de 1907 (8) )

Chapitre 3. La baisse des prix vinicoles

 

Toutes les crises qui s’échelonnèrent de 1850 à 1907 se déroulèrent dans un climat de baisse de prix ; ce sera d’ailleurs le cas pour l’agriculture française en général, ais seulement à partir de 1870. Ce climat de crise des prix agricoles, qui n’est pas sans rappeler le climat actuel, était principalement lié à la découverte de nouveaux marchés, mais aussi à la mise en exploitation de nouvelles zones de production, par exemple l’Algérie pour la vigne. La concurrence était aussi due à l’amélioration des moyens de transports : chemin de fer, marine à vapeur, ce qui réduisait tant les coûts que les délais.

 

Cette situation nouvelle allait entraîner une modification importante du commerce et de ses applications, ainsi qu’une remise en cause des régimes fiscaux, et notamment du régime des tarifs douaniers qui n’était plus adapté à la situation nouvelle des échanges agricoles internationaux.

 

Enfin, les diverses crises induites par des maladies de la grappe ou de la vigne allaient elles-aussi avoir une influence considérable sur les tarifs agricoles, et ce d’autant plus que les intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs tendaient déjà à devenir de plus en plus nombreux, et pour certains de moins en moins scrupuleux :

 

Moi, je refusais de travailler pour 2,50 francs. Je n’acceptais que 4 francs, mais je travaillais le double des autres.

Mon père était commerçant, mais les viticulteurs ne pouvaient plus nous payer. Nous mangions de la viande une fois par semaine. A Argeliers, le vin était bon (10 degrés en moyenne. A la Sellette, il fallut pourtant le jeter. Et les négociants trafiquaient. Un exemple : deux frères négociants de Narbonne qui habitaient sur les bords du canal envoyaient deux tous petits échantillons ; si on en goûtait un, il n’en restait plus. Du bon vin et du vin trafiqué. Ils disaient : « Goûtez mon vin et s’il vous plait, commandez-en. Gardez le second flacon comme témoin. » Si le client goûtait le mauvais, il n’achetait pas : c’était coup nul. S’il goûtait le bon, il commandait. Les négociants lui envoyaient du vin trafiqué, et, en cas de protestation, ils disaient : « Vérifiez donc avec l’échantillon que vous avez. »

(extrait du témoignage de Clovis Pujol, dernier survivant des 87 d’Argeliers, le 14 août 1975)

 

Nous analyserons ici successivement :

-       Le régime fiscal entre 1850 et 1907 ;

-       La transformation du commerce et des structures d’échanges agricoles et l’’évolution des prix du vin à la production et à la vente.

On pourra ainsi disposer d’une vue d’ensemble sur la dépression des prix, sans pour autant en présenter toutes les causes.

 

Section 1. Le régime fiscal

 

La question du régime fiscal est importante car le vin est une source importante et facile de revenus pour l’Etat, soit par le biais d’un l’impôt sur la production, soit au travers de diverses taxes à la consommation. On étudiera ainsi successivement, mais sans les approfondir, les principaux textes relatifs aux taxes sur les vins et sur les boissons alcoolisées. Bien naturellement, beaucoup de ces textes furent justifiés au nom de la santé publique et de la lutte contre l’alcoolisme…

 

Paragraphe 1. Le décret du 17 mars 1852

 

Ce décret fut principalement promulgué afin d’ouvrir le marché des citadins aux producteurs, et de permettre aux citadins de boire du vin naturel. Il réduisait de moitié les droits d’entrée des vins, abaissait le minimum de la vente en gros et accordait un régime favorable aux récoltants jouissant de l’entrepôt dans les villes. Par contre, il augmentait le droit de détail et restreignait les possibilités de vinage (cf. P. Degrully, op. cit., page 220).

 

Paragraphe 2. La loi du 8 juin 1864

 

Cette loi portant fixant du budget général des recettes et des dépenses de l’exercice 1865 étendait à l’ensemble des départements français les droits à payer pour le vinage (art. 1-3).

 

Paragraphe 3. La loi du 1er septembre 1871

 

Cette loi, adoptée afin de faire face aux dettes de l’Empire, augmentait les taxes de circulation et de licence.

 

Paragraphe 4. La loi du 31 décembre 1873

 

Cette loi augmentait les droits d’entrée.

 

Paragraphe 5. La loi du 19 juillet 1880

 

Cette loi fixait les tarifs des droits d’octroi des villes, en fixant le minimum au double des droits d’entrée perçus par l’Etat. Mal conçue, elle allait en fait encourager la fraude par mouillage, ces droits considérables à l’octroi n’engageant pas à faire rentrer dans les villes de grosses quantités de vins naturels.

 

Paragraphe 6. La loi du 29 décembre 1897

 

Adoptée à la suite de protestations des producteurs, cette loi réduisait les droits d’octroi, sans pour autant les supprimer.

 

Paragraphe 7. La loi du 29 décembre 1900

 

Cette loi diminuait fortement les droits fiscaux sur les vins, tout en instaurant une surtaxe sur les alcools. 

 

Comme on peut le constater, le régime fiscal du vin en France tait très compliqué avec, en plus, l’obligation imposée de devoir demander à la régie des vins des papiers officiels pour transporter les vins, … papiers remis contre versement d’une redevance…

 

Section 2. La transformation du commerce et la baisse des prix

 

A la suite des crises s’étant succédées à partir de la crise phylloxérique, après les perturbations du marché de 1901 et de 1904, le rôle et la forme du grand commerce des vins ont été profondément modifiés.

 

Autrefois détenteurs de la quasi-totalité de la marchandise, le grand commerce avait intérêt à maintenir des cours au-dessus de ceux pratiqués à la propriété. Il était organisé pour équilibrer les variations d’une année sur l’autre et jouait donc sur le marché un rôle de régulateur.

 

Mais, à partir de 1900, il y eut installation d’un nouveau type de négoce empêchant à la fois le commerçant honnête de faire à l’avance des approvisionnements de vins de bonne qualité, et le producteur de conserver la récolte pour attendre des circonstances favorables. Il y eut dès lors multiplication des intermédiaires, ce qui allait avoir une influence néfaste sur les prix à la production. Cette transformation du marché, avec la suppression du privilège des bouilleurs de cru en décembre 1900, aura été l’une des causes les plus directes de l’effondrement des cours.

 

Au mois d’août 1899, le commerce manquait de vin, les stocks étant très réduits ; les prix avoisinaient les 20 à 22 francs l’hectolitre. Ces prix n’allaient pas se maintenir, car, suite à une récolte 1899 levée, les négociants allaient très vite s’approvisionner, d’où une réduction des ventes et des prix. Après une reprise des prix vers les 18 francs l’hectolitre, ceux-ci allaient tomber à 16, puis 14, puis 12 francs l’hectolitre. 1900 et 1901 allaient donc voir le désastre du commerce viticole.

 

Les gelées de 1903 allaient faire remonter les cours au dessus de 25 francs l’hectolitre, et, sans la fabrication massive de vins mouillés ou de vins de sucre par des négociants peu scrupuleux, cela aurait pu permettre aux producteurs endettés de souffler, voire même de calmer la crise. Mais, profitant de la détaxe sur les sucres, beaucoup de négociants allaient au contraire accentuer la crise, tout en bénéficiant des prix, au lieu de la réguler comme l’aurait fait le commerce d’avant 1900… En fait, cette multiplication des vins frelatés allait tuer ce que l’on appelait le grand commerce, au profit de négociants plus financiers que proches des viticulteurs.

 

En 1905, les prix s’échelonnaient de 3,50 à 6 francs à l’hectolitre, soit à des niveaux catastrophiques pour les producteurs. Et les nouveaux négociants en profitaient pour faire jouer la concurrence, pour mettre le couteau sous la gorge des producteurs surendettés afin d’obtenir toujours de meilleurs prix, tout en continuant à tricher sur la qualité… Il faudra attendre la loi du 29 juin 1907 sur la déclaration des récoltes pour voir le commerce recommencer à jouer son rôle de régulateur.

 

Chapitre 4. Oïdium et phylloxéra

 

L’essentiel de la production vinicole française se trouvait donc concentrée à cette époque sur quatre départements, ces derniers produisant à eux seuls plus de la moitié du vin français. Le vin était donc la production dominante du Languedoc méditerranéen. Mais, plus une production est dominante, plus la crise sera aiguë en cas de problème. Et c’est ainsi que le Languedoc méditerranéen aura connu, avant 1900, deux crises ouvertes et une autre larvée : l’oïdium (1848/1856), la stagnation (1867/1874) et le phylloxéra (1879/1893). Ce sont ces trois crises qui vont être ici abordes car elles auront joué un rôle prépondérant dans la mise en place de la crise d’anarchie des marchés de 1900/1907.

 

Section 1. La crise de l’oïdium

 

L’oïdium allait apparaître pour la première fois dans les serres à vigne de la ville de Margate (Angleterre). Il s’agit d’un champignon parasite s’attaquant à la vigne en la couvrant d’une poussière grise rendant les raisins impropres à toute consommation. C’est du fait de cette « non-consommabilité » que la crise de 1848/1856 allait être grave pour les viticulteurs languedociens. Elle touchait directement leur pouvoir d’achat.

 

Ce parasite fit son apparition pour la première fois en France en 1848, même si ce fut surtout à partir de 1850 qu’il commença à aire des ravages, avec des pics en 1853 et 1854. C’est ainsi que 1854 aura été l’année de la plus faible production vinicole de toute le XIX° siècle, avec seulement 2.304.922 hectolitres produits.

 

Face à cette épidémie, la solution fut pour beaucoup d’arracher la vigne, mais cela allait entraîner, outre des surcoûts à terme, une hausse rapide des prix. C’est ainsi que l’hectolitre de vin allait atteindre en 1854 le prix phénoménal pour l’époque de 40 francs l’hectolitre, ce qui signifie que les bénéfices étaient doubles ou triples que lors des très bonnes années, mais avec une production trois fois moindre !

 

Si le remède contre l’oïdium fut trouvé en 1856, les cours élevés du vin allaient entraîner une hausse du prix des terres. Or, l’augmentation du revenu et du coût des biens agricoles n’est concevable que si la valeur croit en de mêmes proportions, ce qui était loin d’être le cas. L’euphorie des cours était donc artificielle, et allait produire une nouvelle crise bien plus grave à moyen terme.

 

Ces gains faciles, protégés par l’existence du remède, allaient faire que beaucoup de nouveaux propriétaires viticoles s’installèrent dans le Languedoc méditerranéen, en particulier de nombreux anciens ouvriers agricoles, alors que certains propriétaires locaux ruinés devaient aux quitter la région.

 

L’augmentation des cours de vente des vins avait inévitablement entraîné une hausse des prix de la terre. Mais, pour qu’une telle hausse des biens agricoles soit viable, il aurait fallu que celle des prix agricoles soit du même ordre de grandeur, ce qui ne fut que très rarement le cas. Néanmoins, cette relance des productions viticoles allait provoquer un nouvel engouement pour la vigne, tant et si bien qu’il y eut entre 1856 et 1875 multiplication des nouveaux propriétaires … et des nouveaux négociants voyant dans le vigne seulement un profit facile… Pour ce qui est des propriétaires, il ne s’agissait que de petits propriétaires, beaucoup d’anciens ouvriers agricoles pauvres croyant trouver un espoir et une certaine liberté dans l’auto-exploitation. Le plus souvent fort peu riches, ces nouveaux propriétaires allaient souvent bénéficier de facilités de paiement, en général sous la forme d’hypothèque, ce qui pouvait être facilement recouvert en quelques bonnes récoltes, mais aussi devenir dramatique en cas de nouvelle crise.

 

Autre conséquence grave de cet engouement pour la vigne : le morcellement du sol ! Or, le découpage du paysage viticole du Languedoc méditerranéen n’offrait pas de possibilités réelles de résistance à de nouvelles crises.

 (à suivre)

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23 janvier 2010 6 23 /01 /janvier /2010 10:44

(suite de A propos de la crise viti-vinicole de 1907 (7) )


Section 3. L’évolution des rendements 

 

Le rendement procède de la culture, de la récolte et de tous les aléas possibles. Son étude va permettre de mettre en évidence ces accidents par le biais de leur influence sur le dit rendement. En effet, un rendement faible traduit l’existence d’une maladie, d’une influence néfaste du climat, d’un mauvais entretien, alors qu’un rendement fort traduira encore mieux les surproductions ou encore les bienfaits du progrès, le soin apporté à la vigne, etc…

 

On distingue cinq phases consécutives :

-       Une phase de baisse entre 1853 et 1857 ;

-       Une phase de stagnation entre 1867 et 1874 ;

-       Une nouvelle phase de baisse jusqu’en 1879 ;

-       Une nouvelle stagnation jusqu’en 1884 ;

-       L’anarchie jusqu’en 1907.

 

1850

19.79

1865

40.60

1880

36.15

1895

22.11

1851

20.71

1866

35.32

1881

34.83

1896

36.72

1852

20.74

1867

40.44

1882

31.94

1897

44.41

1853

13.93

1868

40.54

1883

31.21

1898

27.77

1854

  8.85

1869

45.77

1884

32.08

1899

54.33

1855

11.58

1870

42.64

1885

19.44

1900

52.95

1856

  6.95

1871

40.10

1886

26.52

1901

43.39

1857

12.37

1872

44.19

1887

28.65

1902

32.79

1858

21.30

1873

41.81

1888

33.58

1903

28.88

1859

19.00

1874

41.97

1889

27.37

1904

55.35

1860

26.21

1875

35.40

1890

36.27

1905

50.97

1861

30.44

1876

25.85

1891

29.92

1906

35.79

1862

29.70

1877

32.65

1892

36.16

1907

70.83

1863

32.02

1878

22.42

1893

37.89

1908

64.09

1864

32.39

1879

30.65

1894

43.69

1909

64.08

 

Pour les départements étudiés, le minimum se situe en 1856 avec un rendement de 6,95 hectolitres par hectare, et le maximum en 1907 avec un rendement de 70,83 hectolitres par hectare. On se doute qu’avec un rendement de 6,95 hectolitres par hectare le viticulteur ait eu des difficultés à survivre, et que des vagues d’immigration vers l’Algérie se soient engagées à cette époque afin de ne pas crever de faim… On notera aussi que la crise de 1907 n’a pas poussé les viticulteurs à délaisser les soins apportés à la vigne…

 

Pour l’ensemble de la France métropolitaine, le minimum s’observe en 1854 avec 4,97 hectolitres par hectare, et le maximum en 1900 avec 42,57 hectolitres par hectare. Ces derniers chiffres mettent encore plus en évidence la prépondérance du vignoble languedocien dans la viticulture française.

 

Synthèse

 

Les données précédentes permettent de mettre en évidence quatre crises et non pas trois comme généralement admis :

-       Une crise de sous-production de 1853 à 1857  qui correspond aux séquelles de l’oïdium ;

-       Une crise de stagnation de 1865 à 1874, qui n’est pas signalée par les auteurs ayant étudié la question viticole mais qui met en évidence les difficultés rencontrées par les viticulteurs. On y reviendra par la suite ;

-       Une crise de sous-production de 1875 à 1887 correspondant au phylloxéra ;

-       Une crise d’anarchie du marché, plus que de surproduction, qui démarre dès 1894 (et non pas 1900 comme l’estiment beaucoup d’auteurs), crise qui s’achèvera avec les suites de la révolte de 1907. On y reviendra aussi par la suite.

 

Ce constat permet de mettre en avant deux divergences avec la plupart des autres auteurs :

-       Il y a eu une crise viti-vinicole larvée entre 1865 et 1874 ;

-       Plus qu’une crise de surproduction, la crise de 1894/1907 aura été une crise d’anarchie des structures, des marchés et des récoltes !

 (à suivre A propos de la crise viti-vinicole de 1907 (9) )

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